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Dossier : 2015-4762(GST)I

ENTRE :

RESTAURANT LOUPY’S INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 29 août 2016 à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Marc-Antoine Deschamps

Avocate de l'intimée :

Me Edith-Geneviève Giasson

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 27 août 2013 et ne porte aucun numéro, pour la période du 1er janvier 2011 au 31 mars 2011 est accueilli. La cotisation est déférée au ministre du Revenu du Québec pour une nouvelle détermination et une nouvelle cotisation sur la base de la concession faite par l’appelante à l’effet que la taxe sur les produits et services est payable à l’égard du prix de vente de 57 500 $ des actifs vendus au Boston Pizza de Lévis, représentant une somme de 2 875,00 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2016 CCI 260

Date : 20161125

Dossier : 2015-4762(GST)I

ENTRE :

RESTAURANT LOUPY’S INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]       Il s’agit ici d’un appel à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c.E-15, telle que modifiée (la « LTA ») par le ministre du Revenu du Québec, en tant que mandataire du ministre du Revenu national, ci-après (le « ministre »), dont l’avis est daté du 27 août 2013 et ne porte aucun numéro, pour la période de déclaration du 1er janvier 2011 au 31 mars 2011 (la « période visée »).

[2]       La nouvelle cotisation du 27 août 2013 a été établie sur la base de deux lots d’équipements distincts lors de la vente survenue à l’automne 2011 :

     les immobilisations « prises » par l’acheteur et pour lesquelles il a payé 57 500 $ ; et

     les immobilisations « non prises » par l’acheteur ayant une juste valeur marchande (la « JVM ») de 222 934,06 $.

[3]       Par conséquent, le ministre a calculé les montants de taxes sur les produits et services (la « TPS ») de la façon suivante :

     fourniture taxable sur le prix de vente des immobilisations « prises » = 2 875,00 $

     fourniture taxable réputée sur la JVM des immobilisations « non prises » = 11 134,26 $

Montant total de taxes impayées = 14 009,26 $ (plus les intérêts et la pénalité pour production tardive).

[4]       Pour établir la nouvelle cotisation en litige, le ministre s’est notamment fondé sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes, énoncées au paragraphe 23 de la Réponse à l’avis d’appel :

b)    En tout temps pertinent, l’appelante œuvre dans le domaine de la restauration;

c)    En tout temps pertinent, l’appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la LTA;

d)    Le ou vers le 1er avril 2011, l’appelante a annulé ses numéros de taxe;

e)    À cette date, le bilan de l’appelante fait état d’actifs pour une somme de 533 166,00 $;

f)    L’appelante est réputée avoir disposé de ses actifs à la date d’annulation de ses numéros de taxe;

g)    L’appelante a vendu une partie de ses actifs à « Boston Pizza » de Lévis (ci-après l’« acheteur ») pour une somme de 57 500,00 $;

h)    À cet égard, l’appelante a fourni une liste de fournisseurs ne comportant aucun détail concernant les équipements;

i)     L’appelante a également fourni une liste de fournisseurs annotée par l’acheteur;

j)     La liste annotée fait état des équipements pris (vendus) et non pris (non vendus);

k)    À partir de la liste de l’appelante et de la liste annotée par l’acheteur, le Ministre a ainsi constitué deux (2) groupes d’équipements, l’équipement acquis par l’acheteur et l’équipement non acquis;

l)     Pour l’équipement acquis par l’acheteur, le Ministre a retenu le prix de vente de 57 500,00 $ comme étant la juste valeur marchande (ci-après « JVM ») de ces biens;

m)   La taxe a ainsi été cotisée sur la somme de 57 500,00 $;

n)    Quant à l’équipement non acquis par l’acheteur, le Ministre a retenu 50% de la valeur d’acquisition à titre de JVM afin de considérer l’amortissement de ces biens;

o)    La JVM retenue quant à l’équipement non acquis par l’acheteur est ainsi de 222 685,22 $ et la taxe a été cotisée sur cette somme;

p)    L’appelante est donc redevable du montant des ajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour la période visée, soit la somme de 14 009,26 $, plus les intérêts et pénalités;

[5]       À l’ouverture de l’audience, l’appelante a reconnu que la vente des immobilisations au franchisé de Boston Pizza à Lévis était une fourniture taxable et que le montant de TPS sur le prix de vente de 57 500 $ n’avait pas été perçu ni remis au ministre par l’appelante. L’appelante a également reconnu que la seule pénalité qui a été imposée par le ministre était une pénalité pour production tardive d’une déclaration de taxe dont le montant n’est pas contesté.

Témoignage de monsieur Gilles Lupien

[6]       Monsieur Gilles Lupien, un ancien joueur de hockey professionnel, a témoigné à l’audience pour expliquer les circonstances entourant la fermeture, le 27 février 2011, de son restaurant opérant sous la bannière Boston Pizza.

[7]       La société Restaurant Loupy’s inc. a été constituée le 9 mars 2007 en vertu de la Loi sur les compagnies du Québec partie IA et continuée par la suite en vertu en la Loi sur les sociétés par actions du Québec.

[8]       Un numéro d’inscription aux fins de la LTA a été émis à l’appelante le 25 mai 2008 et l’appelante a commencé à exploiter son commerce de restauration le 27 novembre 2008  à la jonction de l’autoroute 40 ouest et du boulevard des Sources. L’appelante détenait une franchise de Boston Pizza d’une durée de 22 ans et avait conclu un bail également d’une durée de 22 ans avec l’entreprise de construction Broccolini pour l’occupation du terrain où était situé le restaurant.

[9]       Sans être en défaut de paiement du loyer, l’appelante a reçu le 28 février 2011, la visite d’un huissier muni d’un document lui ordonnant de fermer le restaurant et de vider les lieux dans un délai de 24 heures en ne laissant que le toit, les quatre murs et le plancher. La raison invoquée pour cette fermeture forcée du restaurant était que le terrain sur lequel était situé le restaurant avait été vendu à un tiers qui ne voulait pas qu’un restaurant soit exploité à cet endroit.

[10]  Monsieur Lupien a entrepris des procédures judiciaires contre Broccolini pour se faire dédommager pour les pertes engendrées par la fermeture du restaurant.

[11]  Forcée d’obtempérer à l’ordonnance, l’appelante a mandaté la firme de déménageurs professionnels AMJ Campbell pour enlever tout le contenu du restaurant, y compris tout ce qui était fixé aux murs, tout l’équipement de cuisine, le mobilier, le bar, le coffre-fort, l’enseigne publicitaire et la chambre froide. L’entreprise de déménagement a fourni le matériel d’emballage, la main d’œuvre (les déménageurs et les ouvriers pour le démantèlement des installations et le débranchement des équipements informatiques), les équipements de manutention et de protection, trois camions semi-remorque avec chauffeurs et l’entreposage des biens. Le coût de l’opération s’est élevé à 9 490,00 $ plus les taxes.

[12]  Selon monsieur Lupien, la firme AMJ Campbell n’a pas fait un inventaire des biens qui ont été mis dans les camions. Par contre, monsieur Lupien a établi la valeur des équipements en se basant sur les factures d’achat auprès des fournisseurs. La valeur des équipements s’élevaient à la somme de 962 285,90 $ (taxes incluses) alors que la valeur aux livres desdits équipements s’établissait à 533 761,39 $ (sans les taxes) à la date de fermeture du restaurant.

[13]  Suite à la fermeture du restaurant, monsieur Lupien a cherché un acheteur pour tous les équipements. Il a d’abord reçu une offre dérisoire de 25 000 $ de la part d’un ami, monsieur Marc Dupré. Un autre acheteur potentiel n’était intéressé que pour la moitié des équipements. Finalement, monsieur Lupien a accepté une offre de 57 500 $ de la part des propriétaires du Boston Pizza de Lévis pour l’ensemble des équipements. La vente a été conclue environ huit mois après la fermeture du restaurant en vertu d’une entente verbale. Le prix d’achat des équipements a été versé dans le compte en fidéicommis du cabinet d’avocats Stikeman Elliott.

[14]  Monsieur Lupien a expliqué que l’existence juridique de l’appelante a été maintenue pour régler les poursuites résultant de la fermeture du restaurant et que la demande d’annulation des numéros de taxes de l’entreprise avait été effectuée par erreur par le comptable de la société. L’annulation des numéros de taxes est entrée en vigueur le 1er avril 2011. Une demande de réinscription aux taxes a été présentée et un nouveau certificat d’inscription a été délivré par l’Agence du Revenu du Québec pour la taxe de vente du Québec le 19 juin 2013 avec une date d’entrée en vigueur le 25 mai 2008, soit la date d’inscription accordée initialement. Pour ce qui est de la TPS/TVH, les résultats des recherches effectuées auprès du registre de la TPS/TVH à différentes dates entre le 25 mai 2008 et le 1er août 2016, ont démontré que l’appelante a toujours gardé son numéro d’inscription original sans aucune référence à la demande d’annulation de son numéro d’inscription et à la réinscription.

Témoignage de monsieur Jonathan Delarosbil

[15]  Monsieur Jonathan Delarosbil a témoigné en tant que représentant de l’acquéreur des équipements de l’appelante. Il a expliqué que les propriétaires du Boston Pizza de Lévis possédaient déjà six commerces dans la région de Québec, soit trois resto-bars et trois Boston Pizza. Monsieur André Savard, un ancien joueur de la Ligue Nationale de Hockey et une connaissance de monsieur Lupien, faisait partie du groupe de propriétaires du Boston Pizza de Lévis. C’est d’ailleurs monsieur Savard qui a négocié avec monsieur Lupien le prix de vente des équipements de l’appelante au montant de 57 500 $.

[16]  Monsieur Delarosbil a expliqué que le Boston Pizza de Lévis avait fait faillite quelques années auparavant et qu’il avait été transformé en un restaurant « Fish Bowl » lequel a également fait faillite un peu plus tard. Le groupe qu’il représente a racheté le commerce du syndic de faillite dans le but de le reconvertir en Boston Pizza d’où l’intérêt pour les équipements de l’appelante.

[17]  Monsieur Delarosbil a contacté la firme de déménageurs AMJ Campbell pour le transport des équipements de l’appelante à Lévis. Le transport a coûté 12 900 $ plus les taxes. AMJ Campbell a effectué la livraison à Lévis à l’automne de 2011 au moyen de trois camions semi-remorque sécurisés de 53 pieds chacune, soit les mêmes camions semi-remorque qui avaient été utilisés pour le démantèlement du restaurant. Ces camions semi-remorque contenaient un restaurant au complet en pièces détachées. Un inventaire a été dressé sur place à Lévis lors du déchargement. Les équipements avaient été bien emballés et n’étaient pas endommagés.

[18]  Monsieur Delarosbil a expliqué que tous les équipements de l’appelante n’ont pu être intégrés au Boston Pizza de Lévis parce que les dimensions de ce restaurant étaient différentes de celles du restaurant de l’appelante. Par conséquent, certains équipements ont été intégrés au Boston Pizza de Lévis tandis que certains autres équipements ont été gardés parce qu’ils pouvaient éventuellement être utilisés dans les autres Boston Pizza de la région du Québec. Les équipements non utilisés ont tout simplement été jetés. Monsieur Delarosbil a confirmé avoir indiqué à l’appelante les équipements qui n’avaient pas été utilisés par les propriétaires du Boston Pizza de Lévis et que c’est l’appelante qui a dû transmettre l’information à l’Agence du revenu du Québec.

[19]  Monsieur Delarosbil a finalement précisé que le coût des rénovations effectuées au Boston Pizza de Lévis s’est élevé à environ 300 000 $ et que le feu a détruit le restaurant après une année d’opérations.

Témoignage de monsieur Noël Ki

[20]  Monsieur Noël Ki est le vérificateur de l’Agence du Revenu du Québec qui a effectué la vérification des affaires de l’appelante. La vérification s’est terminée le 7 août 2013 et elle a été menée de concert avec sa gestionnaire dont il n’a pas mentionné le nom. Personnellement, il n’a jamais parlé à monsieur Delarosbil mais sa gestionnaire aurait eu des échanges téléphoniques avec ce dernier.

[21]  Lors de son témoignage, monsieur Ki a confirmé qu’il savait que les numéros de taxes de l’appelante avaient été annulés le 1er avril 2011 mais qu’il ne savait pas qu’il y avait eu une réinscription des numéros de taxes. De plus, il ne savait pas que tous les équipements du restaurant de l’appelante avaient été livrés à l’acheteur à Lévis.

[22]  Monsieur Ki a expliqué qu’il a établi la cotisation en litige en se basant sur la liste annotée des équipements transmise par l’appelante. À partir de cette liste, il a constitué deux groupes d’équipements, soit ceux qui ont été pris par l’acheteur (les équipements vendus) et ceux qui n’ont pas été pris par l’acheteur (les équipements non vendus).

[23]  Le vérificateur a conclu que la valeur des biens vendus au Boston Pizza de Lévis s’élevait à 57 500 $ et que la valeur des biens non vendus au Boston Pizza de Lévis s’élevait à 222 934,06 $, soit 50% du coût d’acquisition de ces biens par l’appelante. Même si la franchise Boston Pizza de l’appelante a été exploitée pendant une période de seulement 27 mois, soit du 28 novembre 2008 au 27 février 2011, le vérificateur a considéré que 50% du coût d’acquisition des biens avait été amorti par l’appelante, ce qui était clairement à l’avantage de l’appelante. Le calcul des taxes a été effectué sur la base des valeurs de chaque catégorie de biens.

Positions des parties

A. Position de l’intimée

[24]  La position de l’intimée s’articule essentiellement autour du paragraphe 171(3) de la LTA, lequel stipule que, suite à l’annulation de son numéro de TPS, un inscrit est réputé avoir disposé de ses équipements immédiatement avant la date d’entrée en vigueur de cette annulation, soit en l’occurrence le 31 mars 2011.

[25]  Par conséquent, l’intimée soutient qu’en date du 31 mars 2011, l’appelante est réputée avoir disposé de ses équipements pour un montant équivalent à leur juste valeur marchande.

[26]        L’intimée soutient que l’appelante avait, à cette date, des actifs totalisant 533,166$ à ses livres comptables et que la juste valeur marchande des biens vendus était de 57 500 $ et que la juste valeur marchande des biens non vendus était de 222,934.06$.

[27]        Selon la méthode utilisée par le ministre pour calculer la TPS, l’appelante a omis de payer un montant de TPS s’élevant à 14,009,26 $, en plus des intérêts et des pénalités applicables.

[28]        L’intimée soutient qu’en date du 27 février 2011, soit la date où l’appelante a cessé d’exploiter son restaurant, elle n’exerçait plus d’activités commerciales et que son inscription n’était plus nécessaire aux fins de la LTA. L’intimée soutient que la présomption de disposition du paragraphe 171(3) devait être appliquée, d’où l’avis de nouvelle cotisation. 

[29]        De plus, l’intimée soutient que la réinscription n’a pas eu pour effet d’annuler les effets juridiques des opérations effectuées en 2011 après l’annulation de son numéro de taxe et que l’appelante était tout de même tenue de remettre les montants de TPS au Receveur général du Canada.

B. Position de l’appelante

[30]        L’appelante suggère qu’en tout temps pendant la période visée, elle était un inscrit en vertu de la LTA et que de ce fait, il n’y a jamais eu de disposition réputée des biens de l’appelante, telle qu’alléguée par l’intimée.

[31]        La position de l’appelante est que le ministre n’a jamais eu le pouvoir d’annuler son numéro de TPS puisqu’elle n’a jamais dans les faits cessé d’exercer ses activités commerciales. Ce principe juridique s’applique même dans le cas où le contribuable lui-même a fait la demande d’annulation par erreur ou prématurément.

[32]        L’appelante soutient également que la réinscription aux fins de la LTA, annule toute fourniture réputée des équipements en cause, éliminant par le fait même, la raison d’être de la nouvelle cotisation établie par le ministre. 

[33]        Subsidiairement, l’appelante soutient que si la Cour venait à la conclusion qu’une disposition réputée était réellement survenue, la juste valeur marchande utilisée par le ministre dans le cas du lot de biens « non-pris » est grossièrement surévaluée et devrait être revue à la baisse pour prendre en considération le véritable marché dans lequel l’appelante tentait de revendre les équipements dont la très grande majorité portait le logo BP de Boston Pizza.

Questions en litige

[34]        Les trois questions en litige sont les suivantes :

(i)           Est-ce que l’annulation du numéro d’inscription de l’appelante entraîne l’application de l’article 171 de la LTA, et donc, la disposition réputée des immobilisations détenues par elle immédiatement avant la date d’annulation de l’inscription? 

(ii)        Dans l’affirmative, est-ce que la réinscription de l’appelante a eu pour effet d’annuler toute fourniture réputée des équipements de cette dernière?

(iii)      Si la Cour devait appliquer la règle relative à la disposition réputée, quelle devrait être la juste valeur marchande des équipements aux fins du calcul de la TPS?

Analyse

A.     Effets de l’annulation du numéro d’inscription à la TPS

[35]        La règle à la base du litige se trouve au paragraphe 171(3) de la LTA qui se lit comme suit :

[…]

(3)     Cessation de l’inscription − Pour l’application de la présente partie, les présomptions suivantes s’appliquent à la personne qui cesse d’être un inscrit à un moment donné :

          a)    la personne est réputée :

                 (i)    avoir fourni, immédiatement avant le moment donné, chacun de ses biens, sauf les immobilisations, qu’elle détenait alors pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales et avoir perçu, immédiatement avant ce moment, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande du bien à ce moment;

                 (ii)   avoir reçu, au moment donné, une fourniture du bien par vente et avoir payé, à ce moment et relativement à la fourniture, la taxe visée au sous-alinéa (i);

          b)    la personne est réputée, immédiatement avant le moment donné, avoir cessé d’utiliser dans le cadre de ses activités commerciales les immobilisations qu’elle utilisait alors dans ce cadre.

[36]        L’annulation de l’inscription comporte deux conséquences importantes. Premièrement, les biens, autres que les immobilisations, que l’inscrit détenait alors pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales sont considérés avoir fait l’objet d’une fourniture immédiatement avant l’annulation de l’inscription et la personne est réputée avoir perçu immédiatement avant ce moment, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de chacun de ses biens à ce moment. La personne doit alors remettre la TPS qu’elle est réputée avoir perçu. De plus, la personne est réputée avoir reçu, au moment donné, une fourniture de chacun de ses biens par vente et avoir payé, à ce moment et relativement à la fourniture la TPS visée au sous-alinéa 171(3)(a)(i). Comme à ce moment, la personne n’est plus un inscrit, cette dernière n’a pas droit au crédit de taxe sur intrant à l’égard de la TPS réputée avoir été payée à l’égard de cette fourniture réputée.

[37]        L’alinéa 171(3)a) ne s’applique pas aux immobilisations détenues par l’inscrit immédiatement avant l’annulation de l’inscription. Le paragraphe 171(3)(b) prévoit plutôt que la personne est réputée avoir cessé d’utiliser dans le cadre de ses activités commerciales les immobilisations qu’elle utilisait alors dans ce cadre. Cette présomption entraîne l’application des règles concernant les changements d’usage prévues aux articles  195 à 211 de la LTA. En vertu de ces règles, la personne est considérée avoir vendu ses immobilisations immédiatement avant l’annulation de l’inscription et avoir perçu un montant de TPS égal au montant de taxe payé pour faire l’acquisition des immobilisations. Généralement, les montants de crédit de taxe sur intrant réclamés à l’égard de ces biens doivent être remboursés.

[38]        L’article 171 de la LTA énonce les présomptions applicables dans les termes suivants : « Pour l’application de la présente partie, les présomptions suivantes s’appliquent à la personne qui cesse d’être un inscrit à un moment donné ».

[39]        La définition d’ « inscrit » se trouve au paragraphe 123(1)  de la LTA :

«inscrit»  Personne inscrite, ou tenue de l’être, aux termes de la sous-section d de la section V.

[Je souligne]

[40]        Cette définition élargie du terme « inscrit » signifie qu’une personne peut être un inscrit aux fins de la LTA, sans nécessairement avoir été enregistrée auprès des autorités fiscales. C’est d’ailleurs un point que l’appelante soulève dans ses prétentions.

[41]        Dans le présent cas, peut-on conclure que l’appelante était tenue d’être inscrite lors de la vente de ses équipements à l’automne 2011?

[42]        Les conditions d’inscription sont prévues aux articles 240 et suivants de la LTA. Concernant l’inscription obligatoire, les critères d’applications sont les suivants :

240(1) Inscription obligatoire − Toute personne, sauf les personnes suivantes, qui effectue une fourniture taxable au Canada dans le cadre d’une activité commerciale qu’elle y exerce est tenue d’être inscrite pour l’application de la présente partie :

a)      les petits fournisseurs;

b)      les personnes dont la seule activité commerciale consiste à effectuer, par vente, des fournitures d’immeubles en dehors du cadre d’une entreprise ;

c)      les personnes non-résidentes qui n’exploitent pas d’entreprise au Canada.

[Je souligne.]

[43]        La présomption de la disposition des équipements n’est pas contestée mais il faut déterminer, si la vente des équipements effectuée par l’appelante constituait une fourniture taxable dans le cadre d’une activité commerciale qu’elle exerçait au Canada. À cet égard, les prétentions des parties divergent. L’intimée soutient que l’appelante avait cessé d’exercer une activité commerciale en même temps que la cessation des activités du restaurant tandis que, l’appelante soutient, au contraire, que la vente des équipements était une des dernières étapes de la réelle cessation des activités du restaurant.

[44]        Aux fins de la LTA, la définition d’ « activité commerciale » se trouve au paragraphe 123(1), qui se lit comme suit :

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a)         l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées ;

b)        les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c)         la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

[45]        En mars 2011, lorsque l’appelante a fait une demande d’annulation de son numéro de taxe, elle a laissé sous-entendre que ses activités commerciales avaient cessé.

[46]        La demande d’annulation de son numéro de TPS ne peut être interprétée comme un aveu de l’appelante de la fin de ses activités commerciales puisque  la demande d’annulation a été présentée prématurément par un représentant inexpérimenté.

[47]        L’appelante invoque, au soutien de ses prétentions, que la vente des équipements qui a suivi la fermeture du restaurant, était en réalité un acte accompli à l’occasion de la cessation de ses activités commerciales quotidiennes et courantes et est donc réputée avoir été accomplie dans le cadre de ses activités commerciales.

[48]        À cet égard, il est pertinent de référer au paragraphe 141.1(3) de la LTA qui se lit comme suit :

Acquisition d’activités − Pour l’application de la présente partie :

a) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte dans le cadre de ses activités commerciales;

b) dans la mesure où elle accomplit un acte, sauf la réalisation d’une fourniture, à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une de ses activités non commerciales, une personne est réputée avoir accompli l’acte en dehors du cadre d’une activité commerciale.

[Je souligne.]

[49]        Dans Perfection Dairy Group Ltd. c. Canada, [2008] A.C.I. no 252, le juge Webb a appliqué cette présomption de la LTA :

42 […] Par conséquent, dans la mesure où PFL a accompli un acte dans le contexte de la cessation de l'exploitation de son entreprise, elle est réputée l'avoir accompli dans le cadre de ses activités commerciales. Donc, la réclamation de PFL dans le cadre de la poursuite (qu'elle a acquise dans le contexte de la cessation de l'exploitation de son entreprise) sera réputée avoir été acquise par PFL dans le cadre de ses activités commerciales.

43 Ainsi, tous les actifs qui appartenaient à PFL en 1998 seraient des biens qu’elle a acquis, la dernière fois, pour consommation, utilisation ou fourniture par celle-ci exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales. Les conditions prévues par l’alinéa 186(1)b) de la Loi sont ainsi respectées.

44 L’appelante est donc réputée avoir acquis les services professionnels dans le cadre de ses activités commerciales dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu’elle les a ainsi acquis pour consommation ou utilisation relativement à des actions de PFL ou à des créances contre cette dernière. »

[Je souligne]

[50]        Deux ans plus tard, le juge Webb a rendu une seconde décision faisant référence à la présomption de l’article 141.1 de la LTA. Dans 614730 Ontario Inc. c. Canada, [2010] A.C.I. no 55, le juge Webb a formulé les commentaires suivants :

21 Comme les cotisations établies à l'égard de l'appelante étaient fondées sur le motif que les montants payés par cette dernière n'avaient pas servi à "acquérir des biens ou des services pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de l'appelante", pour avoir droit aux CTI qu'elle a demandés, il suffit que l'appelante établisse que les biens et les services en cause ont été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d'une de ses activités commerciales. Si les cotisations avaient été fondées sur l'article 141.01 de la Loi, l'appelante aurait été obligée de démontrer qu'elle avait acquis les biens et les services en question afin d'effectuer une fourniture taxable, et non seulement qu'elle les avait acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d'une de ses activités commerciales. […] Le paragraphe 141.1(3) de la Loi élargit la portée de ce qui est fait dans le cadre d'activités commerciales en y incluant tout ce qui est accompli à l'occasion de l'acquisition, de l'établissement, de l'aliénation ou de la cessation d'une activité commerciale.

[…]

36 La réalisation de fournitures (y compris par louage ou par vente) d'immeubles (sauf s'il s'agit d'une fourniture exonérée) constitue une activité commerciale, et ce, peu importe que cette fourniture puisse ou non être qualifiée d'activité d'une entreprise. De plus, les activités faites à l'occasion de la cessation d'une activité commerciale constituent des activités commerciales.

[Je souligne.]

[51]        L’intimée soutient au contraire que l’appelante n’exerçait plus d’activités commerciales au moment de la vente de ses équipements parce que les biens avaient changé d’usage selon ce qui est prévu au paragraphe 200(2) de la LTA :

Utilisation non principale d’immobilisations − Pour l’application de la présente partie, l’inscrit qui a acquis ou importé un bien meuble la dernière fois en vue de l’utiliser comme immobilisation principalement dans le cadre de ses activités commerciales et qui commence, à un moment donné, à l’utiliser principalement à d’autres fins est réputé :

a)      avoir fourni le bien par vente immédiatement avant ce moment et avoir perçu, à ce moment et relativement à la fourniture, une taxe égale à la teneur en taxe du bien à ce moment;

b)      avoir reçu, à ce moment, une fourniture du bien par vente et avoir payé, à ce moment et relativement à la fourniture, une taxe égale à la teneur en taxe du bien à ce moment.

[52]        Malgré le fait que l’utilisation prévue des équipements était pour l’exploitation du restaurant, l’intimée soutient que cette réalité a toutefois changé lorsque cette utilisation n’était plus possible. Par conséquent, il donc doit y avoir application du paragraphe 200(2) de la LTA.

[53]        Selon l’intimée, le fait que l’appelante ait demandé l’annulation de son numéro de TPS confirme la thèse du changement d’usage.

[54]        Au soutien de sa position, l’intimée a référé à la décision Wiley c. Canada, [2005] A.C.I. no 492, dans laquelle la juge Miller a formulé le commentaire suivant, au paragraphe 33 de sa décision :

[…] L’intimée n'a pas soulevé le paragraphe 200(2) et je le soulève simplement pour montrer à M. Wiley qu'il est néanmoins nécessaire de tenir compte de l'utilisation réelle de l'autocaravane, et non simplement de son utilisation prévue. En faisant cela, j'en arrive au même résultat.

[Je souligne.]

[55]        Dans cette décision, la juge Miller a rejeté l’appel de monsieur et madame Wiley relativement à une autocaravane qu’ils avaient achetée et utilisée dans le cadre de leur entreprise. Bien que monsieur Wiley ait soutenu avoir acquis le bien exclusivement pour une utilisation dans son entreprise, la preuve au procès a plutôt démontré une toute autre réalité, soit une importante utilisation personnelle. La juge Miller a donc rejeté les crédits de taxe sur intrants demandés relativement à cette vente, de même que plusieurs dépenses afférentes à ce bien, telles que l’essence et les dépenses d’entretien.

[56]        Même si le principe à l’effet que le ministre ne peut imposer les contribuables selon ce qu’ils avaient prévus, mais qui finalement ne s’est jamais concrétisé, est valable, ce principe ne peut être appliqué dans le présent appel. En effet, rien dans la preuve n’indique que l’appelante, en entreposant et en tentant de vendre ses équipements, a utilisé ces biens à des fins autres que pour celle de l’exploitation de son restaurant. La vente des équipements d’une société n’est certes pas une activité habituelle et quotidienne mais il n’en demeure pas moins que ladite vente a été réalisée dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise.

[57]        La vente d’équipements suivant la cessation des activités habituelles et quotidiennes fait également partie de ce que la LTA appelle une « activité commerciale ».

[58]        L’appelante exerçait donc toujours une activité commerciale au moment où elle a vendu ses équipements au représentant de Boston Pizza de Lévis et il n’y a jamais eu de changement d’usage des biens en litige. 

[59]        De plus, comme l’appelante était une personne qui effectuait une fourniture taxable dans le cadre d’une activité commerciale lors de la vente de ses équipements, elle devait être inscrite en vertu de la LTA, tel que le prévoit l’article 240 de la LTA.

[60]        Comme en vertu de l’article 123 de la LTA, l’appelante était tenue d’être inscrite en vertu de la LTA, elle était toujours, durant la période visée, un inscrit aux fins de la LTA, et elle n’a donc jamais perdu son statut d’inscrit aux fins de la LTA. Le paragraphe 171(3) de la LTA ne peut s’appliquer à l’appelante et aucun changement d’usage des immobilisations de l’appelante ne s’est produit.

Effets de la demande d’annulation faite par l’appelante

[61]        La thèse de l’appelante est à l’effet que le ministre n’avait pas la capacité légale d’annuler l’inscription de l’appelante, et ce, même si cette demande émanait d’elle-même.

[62]        Pour étayer sa thèse, l’appelante se réfère à l’arrêt Harris c. Canada, [2000] A.C.F. no 729 de la Cour d’appel fédérale quant aux pouvoirs discrétionnaires des fonctionnaires de l’État.

[63]        Avec respect, je ne peux pas souscrire à la thèse de l’appelante car il ne s’agit pas d’une décision discrétionnaire du ministre. Le paragraphe 242(1) de la LTA octroie expressément le pouvoir au ministre d’annuler l’inscription d’un inscrit:

Annulation – Après préavis écrit suffisant donné à la personne inscrite aux termes de la présente sous-section, le ministre peut annuler son inscription s’il est convaincu qu’elle n’est pas nécessaire pour l’application de la présente partie. […]

[Je souligne.]

[64]        L’annulation du numéro de l’inscrit par le ministre ne découle pas d’un pouvoir discrétionnaire mais bien d’un pouvoir qui lui est conféré par la loi. À cette fin, le ministre était habilité à émettre un avis d’annulation puisqu’il avait toutes les raisons de croire que l’inscription de l’appelante n’était plus nécessaire compte tenu du fait que le restaurant n’était plus en opération.

[65]        Le ministre a donc, à bon droit, annulé le numéro de TPS de l’appelante en vertu du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 242(1) de la LTA.

[66]        À la date à laquelle l’annulation est entrée en vigueur, l’appelante n’était plus officiellement inscrite aux fins de la LTA mais elle était tout de même tenue d’être inscrite puisqu’elle exerçait toujours une activité commerciale. L’appelante est donc demeurée un inscrit au sens de l’article 123 de la LTA même si elle n’avait plus de numéro de TPS en vertu de l’annulation prévue à l’article 242 de la LTA.

[67]        Les conséquences découlant normalement de l’annulation de cette inscription à la TPS, ne se sont pas produites dans le cas de l’appelante parce qu’elle a continué d’exercer une activité commerciale postérieurement à l’annulation.

Effets de la réinscription

[68]        Bien que les conclusions précédentes soient à l’effet que l’appelante n’ait jamais cessé d’être un inscrit au sens de la LTA, je crois qu’il est tout de même important d’analyser les effets de la réinscription de l’appelante.

[69]        Avant 2013, l’Agence du Revenu du Canada (l« ARC ») refusait systématiquement les inscriptions rétroactives aux fins de la LTA. Cette politique administrative a été changée et l’ARC accepte maintenant d’office une inscription rétroactive pour une période maximale de trente jours, avec preuve que l’entreprise exploitait une activité commerciale, dans le cadre laquelle elle percevait les taxes applicables.

[70]        Les commentaires suivants de l’auteur David Sherman, dans son analyse de l’article 241, illustre bien la position de l’ARC :

48. − GST/HST Retroactive Registration

Facts / Background

We understand that the Canada Revenue Agency (“CRA”) has recently changed its administrative policy around the timelines for GST/HST registrations. Generally, practitioners have relied on a long-standing, informal CRA administrative policy to permit retroactive registrations back 30 days with no questions asked.

We further understand that the new practice makes a voluntary registration effective on the date the CRA receives the application via telephone, fax or letter. We understand that if a prior effective date is requested and is within 30 days, the CRA inquires whether the entity has collected tax, but will not request further documentation to support a positive response. If the response is negative, the retroactive registration is denied. If an effective date is requested beyond 30 days, the CRA will require evidence showing that the entity collected tax as early as the requested date.

. . .

If a person who is registering voluntarily requests that a registration be backdated beyond a 30day period, documentation must be presented to support the date requested. The person must provide evidence that GST/HST had been collected from the date requested on a regular and consistent basis. Copies of the sales journal or the earliest three to five invoices are generally sufficient for this purpose.

[Je souligne.]

[71]        Malgré la politique de l’ARC indiquant qu’une demande rétroactive de plus de 30 jours est acceptée pour des cas spéciaux, il appert que le ministre a, en date du 19 février 2013, accepté de réinscrire l’appelante à partir du 25 mai 2008, aux fins de la Loi sur la taxe de vente du Québec.

[72]        Aux fins de la LTA, les recherches effectuées au registre de la TPS/TVQ à différentes dates comprises entre le 24 mai 2008 et le 1er août 2016 ont confirmé que l’appelante a conservé son numéro de TPS/TVH tout au long de la période visée mais en indiquant une date de modification au 27 novembre 2014 sans fournir d’indication quant à la nature exacte de la modification.

[73]        La question à se poser à ce stade-ci est de savoir si cette réinscription peut remédier aux effets juridiques qui ont résulté de l’annulation de l’inscription de l’appelante?

[74]        La prétention de l’intimée est à l’effet que malgré la réinscription rétroactive, les effets découlant de l’annulation de l’inscription de l’appelante, ne peuvent être corrigés.

[75]        Pour appuyer sa position, l’intimée a soumis quelques décisions ayant refusé certaines conséquences fiscales basées sur la non-rétroactivité d’événements survenus postérieurement.

[76]        Parmi ces décisions, on trouve les suivantes :

        Côté (Succession de) c. Canada, [1995] A.C.I. no 25, [1996] 1 C.T.C. 2862, 96 D.T.C. 20157 (CCI) ;

        Bronfman Trust c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 32 (Cour suprême du Canada), [1987] A.C.S no 1; et

        Beverly Dorcas v. The Minister of National Revenue, 91 D.T.C. 350, [1991] 1 C.T.C. 2312 (Tax Court of Canada).

[77]        Il n’y a pas lieu d’analyser en profondeur ces décisions car aucune d’elles soutient réellement la position de l’intimée. Dans le présent cas, il ne s’agit pas d’écrire à nouveau l’histoire de façon avantageuse mais plutôt de corriger les défauts du dossier de l’appelante pour que l’inscription de celle-ci représente bien la réalité.

[78]        Le fait que l’appelante a demandé d’être réinscrite et que sa demande a été acceptée par le ministre indique bien que l’appelante a fait « ce qui aurait pu être fait » pour remédier au problème relié à son dossier, lequel problème est-il nécessaire de rappeler est de nature purement théorique puisque l’appelante n’a jamais cessé d’être un inscrit aux fins de la LTA.

[79]        L’appelante a utilisé une disposition de la LTA pour que le droit existant lors de la vente des équipements soit appliqué de façon adéquate.

[80]        Pour sa part, l’appelante a soumis la décision Westborough Place Inc. c. Canada, 2007 TCC 155, dans laquelle le juge Paris a donné raison à l’appelante pour sa demande de crédits de taxe sur intrants puisqu’elle répondait, selon lui, aux exigences réglementaires de l’article 169 de la LTA.

[81]        Dans la décision Westborough Place Inc., précité, le principal point en litige était, qu’en date du 23 décembre 2005, le ministre avait fermé le compte de TPS d’un des fournisseurs de l’appelante rétroactivement au 30 juin 2001. Ainsi, les crédits de taxe sur intrants demandés par l’appelante relativement à cette société ont été refusés sous prétexte que le numéro d’inscription du fournisseur n’était pas valide.

[82]        Le juge Paris a conclu que le ministre n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le numéro d’inscription du fournisseur était invalide. Il a mentionné que l’appelante n’avait rien à voir avec l’inscription de ce fournisseur et n’avait pas les connaissances nécessaires pour vérifier l’exactitude du numéro d’inscription du fournisseur au-delà des outils en ligne mis en place par les autorités fiscales.

[83]        Le numéro de TPS du fournisseur ayant été valide durant toute la période visée, le juge Paris a accepté de donner droit aux crédits de taxe sur intrants de l’appelante, et ce, même si le numéro de taxe du fournisseur avait été postérieurement annulé.

[84]        Cette décision confirme en substance qu’il est possible de demeurer un inscrit sans nécessairement être inscrit en bonne et due forme, tel que conclu précédemment. C’est d’ailleurs en appliquant ce principe que le juge Paris fut en mesure de donner raison à l’appelante.

[85]        Dans la décision Westborough, précitée, le juge Paris a mentionné que dans le cas où l’intimée prétend que les numéros de taxe étaient invalides, c’est à elle que revient la charge de le prouver et c’est la même chose dans le cas en l’espèce.

[86]        Suite à l’analyse des décisions déposées par les parties et de la preuve au dossier, je suis d’avis que l’intimée n’a pas pu prouver que la rétroactivité de l’inscription ne couvrait pas les défauts du dossier de TPS de l’appelante. Donc, le numéro d’inscription fut, dans les faits, valide durant toute la période visée.

[87]        Vu que l’appelante a démontré qu’elle n’a jamais cessé d’être un inscrit aux fins de la LTA, les articles 171 et 200 de la LTA ne sont pas applicables en l’espèce. Il n’est donc pas nécessaire d’analyser la juste valeur marchande des équipements vendus (pris et non pris) par l’appelante à Boston Pizza de Lévis.

Conclusion

[88]        Pour ces raisons, l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation datée du 27 août 2013 est accueilli et ladite cotisation est déférée au ministre du Revenu du Québec pour une nouvelle détermination et une nouvelle cotisation sur la base de la concession faite par l’appelante à l’effet que la TPS est payable à l’égard du prix de vente de 57 500 $ des actifs vendus au Boston Pizza de Lévis, représentant une somme de 2 875,00 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

RÉFÉRENCE :

2016 CCI 260

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4762(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Restaurant Loupy’s inc. et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 29 août 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 25 novembre 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Marc-Antoine Deschamps

Avocate de l'intimée :

Me Edith-Geneviève Giasson

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me Marc-Antoine Deschamps

Cabinet :

Morency Société d’avocats

Montréal (Québec)

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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