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Dossier : 2016-2217(EI)

ENTRE :

AMADEEP K. JOHAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 18 novembre 2016, à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocate de l’intimé :

Me Chantelle Coulson

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision datée du 9 mars 2016 et rendue par le ministre du Revenu national au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de décembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller


Référence : 2016 CCI 284

Date : 20161206

Dossier : 2016-2217(EI)

ENTRE :

AMADEEP K. JOHAL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]  En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur la question de savoir si l’appelante exerçait un emploi assurable pendant la période allant du 1er juin 2012 au 31 octobre 2012 (la « période ») lorsqu’elle fournissait des services à Boyal Drywall Services Ltd. (le « payeur »).

[2]  Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’emploi de l’appelante n’était pas assurable, car il existait un lien de dépendance entre elle et le payeur selon les alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[3]  Le beau‑frère de l’appelante, Manpreet Boyal, possède la totalité des actions du payeur.

[4]  L’appelante a été la seule personne à témoigner à l’audience. Elle a affirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas de liens de sang avec le payeur. Celui‑ci l’avait embauchée à titre de commis comptable/administratrice de bureau et le payeur et l’appelante avaient tous les deux l’intention qu’elle soit une employée.

[5]  Pour décider que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable auprès du payeur, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

[traduction]

Le payeur

  • a) le payeur fournissait des services d’installation de cloisons sèches à Surrey (Colombie‑Britannique);

  • b) l’unique actionnaire avec droit de vote du payeur était Manpreet Boyal (« Manpreet »);

L’appelante

  • c) le 1er juin 2012, l’appelante a été embauchée par le payeur;

  • d) Manpreet était marié à la sœur de l’appelante, Tejinder Boyal (« Tejinder »);

Modalités

  • e) L’intention de l’appelante et du payeur quant à leur relation était celle d’employeur‑employé, et ils ont convenu que l’appelante était une employée du payeur;

  • f) les fonctions de l’appelante consistaient à consigner les heures de travail des employés du payeur et à vérifier les courriels de celui-ci;

  • g) tous les jours, le payeur informait l’appelante par téléphone du nombre d’heures de travail que ses employés avaient effectuées;

  • h) l’appelante consignait les heures de travail dans une feuille de calcul;

  • i) toutes les deux semaines ou une fois par mois, l’appelante informait Manpreet de vive voix du nombre total d’heures de travail que les employés avaient effectuées;

  • j) Manpreet consignait le nombre total d’heures de travail que les employés avaient effectuées et il transmettait ces renseignements au comptable du payeur;

  • k) l’appelante ne transmettait à Manpreet que les courriels importants;

  • l) l’appelante ne répondait à aucun courriel au nom du payeur;

  • m) l’appelante n’exécutait aucune autre fonction pour le payeur;

  • n) le comptable du payeur effectuait les tâches concrètes relatives à la paie et à la tenue des comptes pour le payeur;

  • o) en 2012 :

    1. le payeur avait six employés à son service, dont l’appelante;

    2. le payeur avait un sous‑traitant;

  • p) l’appelante n’avait pas de jours ni d’heures de travail fixes;

  • q) l’appelante fixait son propre horaire;

  • r) l’appelante travaillait habituellement le soir;

  • s) personne ne consignait les heures de travail de l’appelante;

  • t) l’appelante était rémunérée pour 70 heures par mois, sans égard au temps réel qu’il fallait pour exécuter ses fonctions;

  • u) l’appelante était rémunérée au taux horaire de 16 $;

  • v) le payeur fixait le taux de rémunération de l’appelante;

  • w) selon la base de données de Guichet-Emplois du gouvernement du Canada, les commis à la saisie de données dans la région de l’appelante étaient habituellement rémunérés entre 12 $ et 22,60 $ l’heure;

  • x) le payeur rémunérait mensuellement l’appelante par chèque;

  • y) les autres employés du payeur étaient rémunérés toutes les deux semaines;

  • z) le payeur rémunérait les sous‑traitants sur une base mensuelle;

  • aa) la rémunération de l’appelante comprenait l’indemnité de congé annuel;

  • bb) l’appelante versait la majorité de ses paies à sa sœur, Tejinder, en vue de rembourser un prêt;

  • cc) l’appelante travaillait à son domicile;

  • dd) le 31 octobre 2012, l’appelante a mis fin à l’emploi qu’elle exerçait auprès du payeur;

  • ee) l’appelante a mis fin à l’emploi pour cause de maladie ou de blessure;

  • ff) dans le mois où le payeur a embauché l’appelante, le revenu brut du payeur avait diminué par rapport au trimestre précédent;

  • gg) dans le mois où l’appelante a mis fin à l’emploi qu’elle exerçait auprès du payeur, le revenu brut de ce dernier avait augmenté par rapport au trimestre précédent;

  • hh) l’appelante a travaillé auparavant comme commis comptable à temps partiel auprès d’une entreprise de taxi;

  • ii) au cours de la période, l’appelante a travaillé aussi pour un autre employeur, RWM, quatre jours par semaine, six heures par jour;

  • jj) un mois après que l’emploi de l’appelante a pris fin, le payeur a embauché Tejinder pour exécuter des tâches administratives.

[6]  L’appelante a approuvé toutes ces hypothèses, sauf deux. Elle n’avait aucune connaissance des hypothèses formulées aux alinéas 10ff) et gg), car elles se rapportaient aux revenus bruts du payeur. J’analyserai les hypothèses et les éléments de preuve de l’appelante dans le contexte de la loi.

[7]  Les circonstances de l’emploi que le ministre a examinées et qui ont été confirmées par la preuve de l’appelante sont les suivantes.

[8]  Le payeur fournissait des services d’installation de cloisons sèches à Surrey (Colombie‑Britannique). Durant la période en cause, il avait à son service un sous‑traitant et six employés, dont l’appelante.

[9]  L’appelante a précisé qu’elle avait été embauchée par le payeur pour effectuer deux tâches : consigner les heures de travail qu’effectuaient les autres employés du payeur et vérifier les courriels de celui‑ci. Chaque jour, le payeur téléphonait à l’appelante pour lui communiquer le nombre d’heures de travail que chaque employé avait effectuées. Elle consignait les heures de travail dans une feuille de calcul. Ensuite, toutes les deux semaines, l’appelante informait le payeur du nombre total d’heures de travail de chaque employé. Elle remettait la feuille de calcul qu’elle avait établie à son beau‑frère. Le payeur transmettait ensuite les renseignements concernant les heures de travail à son comptable. L’appelante vérifiait aussi les courriels du payeur et l’avisait au sujet de courriels importants. Elle ne répondait à aucun courriel.

[10]  Avant l’embauche de l’appelante, l’actionnaire du payeur, Manpreet Boyal, exécutait les fonctions susmentionnées.

[11]  L’appelante travaillait à son domicile sur son propre ordinateur. Elle a déclaré qu’elle travaillait en moyenne deux à trois heures par jour. Elle a ajouté qu’elle pourrait avoir travaillé moins de [traduction] « deux à trois heures par jour, mais jamais plus ». Elle n’avait pas d’heures de travail fixes; elle établissait son propre horaire et elle ne consignait pas ses heures de travail. Elle et le payeur avaient convenu un taux de rémunération horaire de 16 $ pour 70 heures de travail par mois, peu importe le nombre d’heures de travail qu’elle effectuait.

[12]  L’appelante était rémunérée mensuellement par chèque, alors que les autres employés étaient rémunérés toutes les deux semaines. Le sous‑traitant était rémunéré sur une base mensuelle.

Les dispositions légales

[13]  L’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu permet de déterminer si des personnes sont liées entre elles. En l’espèce, les dispositions pertinentes sont les alinéas 251(1)a), 251(6)a) et b) et 251(2)a) ainsi que le sous‑alinéa 251(2)b)(ii). Elles sont ainsi libellées :

251 (1) Pour l’application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

Définition de personnes liées

251(2) Pour l’application de la présente loi, sont des personnes liées ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption;

b) une société et :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d’un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous‑alinéa (i) ou (ii);

251(6) Pour l’application de la présente loi :

a) des personnes sont unies par les liens du sang si l’une est l’enfant ou un autre descendant de l’autre ou si l’une est le frère ou la sœur de l’autre;

b) des personnes sont unies par les liens du mariage si l’une est mariée à l’autre ou à une personne qui est ainsi unie à l’autre par les liens du sang;

[14]  L’appelante était la belle‑sœur de l’unique actionnaire du payeur. Elle était donc unie à l’unique actionnaire du payeur par les liens du mariage. Conformément au sous‑alinéa 251(2)b)(ii), l’appelante et le payeur étaient des personnes liées entre elles au cours de la période où ils avaient entre eux un lien de dépendance.

[15]  La disposition pertinente de la Loi sur l’assurance‑emploi est libellée de la manière suivante :

5(2) N’est pas un emploi assurable :

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[16]  Dans la décision Birkland c Ministre du Revenu national, 2005 CCI 291, le juge Bowie a passé en revue les divers arrêts dans lesquels la Cour d’appel fédérale a analysé le rôle de la Cour dans un appel portant sur les dispositions susmentionnées. Voici la teneur de ses observations :

Il est suffisant, à cette étape‑ci, de décrire simplement ce qu’est, à mon avis, l’état actuel du droit. Je me fonde principalement à cet égard sur le paragraphe 4 de l’arrêt Légaré (reproduit ci‑dessus) et sur l’extrait suivant du jugement rendu par le juge en chef Richard, auquel ont souscrit les juges Létourneau et Noël, dans l’affaire Denis c. Canada :

5 Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et (3) de la Loi est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable. Toutefois, le juge ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (voir Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), 2000 A.C.F. no 310, 10 mars 2000).

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

Analyse

[17]  La question est de savoir si, à la lumière des éléments de preuve présentés à la Cour, le ministre, en ayant connaissance de l’ensemble de cette preuve, aurait pu raisonnablement conclure que le payeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Je suis d’avis que non.

[18]  La preuve produite à l’audience était exactement la même que les hypothèses formulées par le ministre.

[19]  Il m’est difficile de croire que si l’appelante et le payeur n’avaient pas été des personnes liées, l’appelante aurait été rémunérée au taux horaire de 16 $ pour 70 heures par mois, sans égard au nombre d’heures de travail qu’elle effectuait. L’appelante a déclaré qu’elle avait été embauchée à titre de commis comptable/administratrice de bureau, mais aucune de ses fonctions ne consistait à tenir les livres du payeur. Elle établissait pour ce dernier une feuille de calcul. À l’audience, elle a déclaré qu’elle remettait la feuille de calcul au payeur qui la transmettait à son tour à son comptable. Cependant, selon les hypothèses que le ministre a formulées et que l’appelante a aussi approuvées à l’audience, elle informait de vive voix le payeur du nombre total d’heures de travail que les employés avaient effectuées.

[20]  Si j’examine le témoignage présenté à l’audience relativement à la rémunération versée, aux modalités, à la durée et à la nature du travail exécuté, je conclus que la décision du ministre était raisonnable. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de décembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 284

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2217(EI)

INTITULÉ :

AMADEEP K. JOHAL c M.R.N.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 novembre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 décembre 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Chantelle Coulson

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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