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Dossier : 2012-3591(GST)G

ENTRE :

LES VENTES ET FAÇONNAGE DU PAPIER REISS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 17 septembre 2015, les 2 et 3 novembre 2015 et les 14 et 15 mars 2016 à Montréal (Québec). Observations écrites déposées le 29 avril 2016, le 10 juin 2016 et le 29 juin 2016.

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Stéphane Rivard

Avocat de l’intimée :

Me Maurice Régnier

 

JUGEMENT

L’appel interjeté de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 2 décembre 2011 et porte sur les 28 périodes de déclarations mensuelles suivantes, lesquelles ne sont pas toutes consécutives, soit avril 2005, juillet 2005, août 2005, septembre 2005, octobre 2005, novembre 2005, décembre 2005, janvier 2006, février 2006, mars 2006, juin 2006, juillet 2006, août 2006, septembre 2006, octobre 2006, novembre 2006, janvier 2007, avril 2007, juillet 2007, janvier 2008, juillet 2008, août 2008, septembre 2008, octobre 2008, décembre 2008, janvier 2009, février 2009 et avril 2009, est rejeté, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 16e jour de décembre 2016.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


Référence : 2016 CCI 289

Date : 20161216

Dossier : 2012-3591(GST)G

ENTRE :

LES VENTES ET FAÇONNAGE DU PAPIER REISS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

[1]             L’appelante fait appel d’une cotisation dont l’avis est daté du 2 décembre 2011, établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E‑15 (la « LTA »), par l’Agence du revenu du Québec (« ARQ ») intervenant au nom du ministre du Revenu national (le « ministre ») (pièce I–22), pour les 28 périodes mensuelles suivantes, lesquelles ne sont pas toutes consécutives, soit avril 2005, juillet 2005, août 2005, septembre 2005, octobre 2005, novembre 2005, décembre 2005, janvier 2006, février 2006, mars 2006, juin 2006, juillet 2006, août 2006, septembre 2006, octobre 2006, novembre 2006, janvier 2007, avril 2007, juillet 2007, janvier 2008, juillet 2008, août 2008, septembre 2008, octobre 2008, décembre 2008, janvier 2009, février 2009 et avril 2009 (les « 28 périodes visées »). Aux termes de l’avis de cotisation, des rajustements sont apportés au calcul de la taxe nette déclarée (47 926,78 $) et une pénalité selon l’article 285 de la LTA est ajoutée (13 853,86 $), de même que des intérêts et pénalité pour versement tardif. Les rajustements du calcul de la taxe nette tiennent compte, entre autres, des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») réclamés et obtenus par l’appelante d’un montant de 53 203,27 $ (duquel un montant de 1 568,58 $ a été accordé par conciliation). Ce sont les montants réclamés à titre de CTI qui sont en cause dans la présente affaire.

[2]             En l’espèce, sont en cause six fournisseurs de l’appelante (collectivement les « Fournisseurs »), tous inscrits aux registres de la taxe sur les produits et services (« TPS ») au moment de l’émission des factures, à savoir :

1.            PFG Management (Pierre-François Gervais) (« PFG ») : CTI réclamés d’un montant total de 19 389,96 $;

2.            J.S. Récupération 2004 (Jean Sirois) (« J.S. Récupération ») : CTI réclamés d’un montant total de 1 336,46 $;

3.            Recyclage GHG inc. (« GHG »): CTI réclamés d’un montant total de 1 835,71 $;

4.            9172-3726 Québec inc. ou Recyclage Méga Terra (« Méga Terra ») : CTI réclamés d’un montant total de 17 267,76 $;

5.            Gestion.personel.2008 inc. (« Gestion ») : CTI réclamés d’un montant total de 2 961,03 $;

6.            Les transitaires Koudlai inc. (« Koudlai ») : CTI réclamés d’un montant total de 10 412,35 $.

[3]             Le ministre soutient que l’appelante n’a pas droit aux CTI réclamés puisque les pièces justificatives qu’elle a produites ne répondent pas aux exigences documentaires prescrites par la LTA et son règlement d’application. Plus particulièrement, le ministre soutient que les factures présentées sont des factures de complaisance puisque les Fournisseurs ne sont pas les véritables fournisseurs des produits acquis par l’appelante.

[4]             Tel qu’indiqué au paragraphe 21 de la Réponse à l’avis d’appel, en établissant la cotisation en cause, le ministre s’est fondé, entre autres, sur les hypothèses suivantes :

[…]

b)    l’appelante exploite une entreprise d’achat et de revente de papier recyclé ou non conforme;

[…]

h)    l’appelante n’a pas fourni à Revenu Québec, lorsque requis de le faire, les renseignements suffisants, y compris les renseignements visés par règlement, pour établir le montant de 53 203,27 $ de CTI mentionné précédemment qu’elle a demandé, et obtenu, dans le calcul de sa taxe nette pour les 28 périodes visées;

i)     plus précisément, l’appelante a fourni des pièces justificatives et documents pour établir ledit montant de CTI qui ne rencontraient pas les exigences de la L.T.A. et de la réglementation y relative;

j)     essentiellement, les pièces justificatives (factures) remises à Revenu Québec, au soutien des CTI demandés, relatives à des fournitures de biens ou de services que l’appelante aurait acquises pendant les 28 périodes visées, sont fausses en ce que l’appelante n’a pas acquis lesdites fournitures de biens ou de services qu’elle prétend avoir acquises ou a acquis lesdites fournitures de biens ou de services de tout autre fournisseur que ceux indiqués sur les pièces justificatives et que lesdites pièces justificatives constituent des factures « de complaisance »;

k)    le stratagème a pour but pour l’appelante, par le biais de l’utilisation de factures dites « de complaisance », de pouvoir effectuer des demandes indues de CTI, en fonction des exigences de la L.T.A., dans le calcul de sa taxe nette pour les 28 périodes visées;

l)     en l’espèce, l’appelante, la personne « accommodée » a fait appel aux services de tierces personnes exploitant ou non de véritables entreprises, peu importe, les personnes « accommodatrice », soit les six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, ces tierces personnes émettant des factures à l’appelante pour des fournitures de produits ou de services qu’elles n’ont pas effectuées à l’appelante et que cette dernière n’a pas acquises de l’une ou l’autre d’entre elles;

m)   de plus, en ce qui concerne une facture d’acquisition fournie par l’appelante et émise par PFG Management enr. (Pierre-François Gervais) [#214211], le numéro d’inscription du fournisseur n’y apparaît pas;

n)    relativement aux six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, règle générale, ils se succèdent comme fournisseurs / sous-traitants auprès de l’appelante et la relation d’affaires ne dure que quelques mois avec chacun d’eux, rarement plus de 12 mois;

o)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, lorsque ce ne sont pas les six (6), ils sont introuvables;

p)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, lorsque ce ne sont pas les six (6), l’adresse de leur entreprise indiquée sur les pièces justificatives en cause est inexacte;

q)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, lorsque ce ne sont pas les six (6), aucune entreprise n’a été exploitée par ces derniers ou ils ont exploité une entreprise dans un tout autre domaine que le recyclage du papier;

r)     relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, lorsque ce ne sont pas les six (6), ils sont délinquants envers Revenu Québec relativement à plusieurs lois fiscales québécoises;

s)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, lorsque ce ne sont pas les six (6), ils n’ont pas le personnel et les équipements pour effectuer les fournitures de services (sous-traitance) ou de biens qu’ils se seraient engagés à effectuer envers l’appelante;

t)     les chèques tirés par l’appelante pour payer les fournitures qu’elle aurait acquises desdits prétendus six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause ont été présentés à une entreprise d’encaissement de chèques par lesdits fournisseurs / sous-traitants afin d’y être encaissés;

u)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs/sous-traitants en cause, selon les registres de la Société de l’assurance automobile du Québec, ils n’ont pas possédé ou loué à long terme de tiers des véhicules routiers pendant les périodes de déclaration pertinentes;

v)    certaines des pièces justificatives fournies au soutien des CTI demandés pour l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause ont une suite numérique incohérente;

w)   le contrôle interne de l’appelante relativement auxdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause est distinct de celui effectué pour les autres fournisseurs de biens et services de l’appelante, ce contrôle étant plus faible (les pièces justificatives en cause n’étant pas accompagnées de bons de commande émis par l’appelante ou de la facture de vente corollaire, etc., contrairement à celles des autres fournisseurs);

x)    relativement à l’un ou l’autre desdits six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause, le délai de paiement des pièces justificatives en cause (factures) desdits fournisseurs/sous-traitants en cause est plus court que pour les autres fournisseurs de l’appelante, soit quelques jours contrairement à des délais de quelques semaines pour les autres fournisseurs;

y)    l’appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire en demandant, dans le calcul de sa taxe nette qu’elle a déclarée dans ses déclarations de taxe nette des dix-neuf (19) premières périodes mensuelles de déclaration des 28 périodes visées (soit celles d’avril 2005 à juillet 2007 inclusivement), un montant de 39 829,89 $ à titre de CTI relatif aux factures de complaisance en cause;

z)    l’appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l’exercice d’une obligation prévue par la Partie IX de la L.T.A., fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de taxe nette en demandant, à titre de CTI, dans le calcul de sa taxe nette qu’elle a déclarée pendant les 28 périodes visées un montant de 53 203,27 $ relativement aux prétendues fournitures acquises des six (6) fournisseurs / sous-traitants en cause;

aa)  l’appelante est donc redevable au Ministre des rajustements apportés au calcul de sa taxe nette déclarée pour les 28 périodes visées au montant de 47 926,78 $, dont le montant en litige de 53 203,27 $ (47 926,78 $ - (‑3 707,91 $ +-1 568,58 $)), plus les intérêts nets et les pénalités.

A.     LES questions en litige.

[5]             En l’espèce, il faut rechercher si l’appelante a droit aux CTI réclamés relativement aux factures émises par les Fournisseurs. De même, il faut rechercher si la pénalité imposée par le ministre aux termes de l’article 285 de la LTA est justifiée et si le ministre pouvait cotiser l’appelante à l’égard de certains fournisseurs aux termes du paragraphe 298(4) de la LTA.

B.     la législation pertinente.

[6]             Les dispositions pertinentes de la LTA sont les suivantes :

169(4) Documents L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

[…]

280.1 Non-production d’une déclaration — Quiconque omet de produire une déclaration pour une période de déclaration selon les modalités et dans le délai prévus par la présente partie est passible d’une pénalité égale à la somme des montants suivants :

a) le montant correspondant à 1 % du total des montants représentant chacun un montant qui est à verser ou à payer pour la période de déclaration, mais qui ne l’a pas été au plus tard à la date limite où la déclaration devait être produite;

b) le produit du quart du montant déterminé selon l’alinéa a) par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de douze, compris dans la période commençant à la date limite où la déclaration devait être produite et se terminant le jour où elle est effectivement produite.

[…]

285. Faux énoncés ou omissions — Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, une demande, un formulaire, un certificat, un état, une facture ou une réponse — appelés « déclaration » au présent article — établi pour une période de déclaration ou une opération, ou y participe, y consent ou y acquiesce, est passible d’une pénalité de 250 $ ou, s’il est plus élevé, d’un montant égal à 25 % de la somme des montants suivants :

a) si le faux énoncé ou l’omission a trait au calcul de la taxe nette de la personne pour une période de déclaration, le montant obtenu par la formule suivante :

A - B

où :

A

représente la taxe nette de la personne pour la période,

B

le montant qui correspondrait à la taxe nette de la personne pour la période si elle était déterminée d’après les renseignements indiqués dans la déclaration;

b) si le faux énoncé ou l’omission a trait au calcul de la taxe payable par la personne, l’excédent éventuel de cette taxe sur le montant qui correspondrait à cette taxe si elle était déterminée d’après les renseignements indiqués dans la déclaration;

c) si le faux énoncé ou l’omission a trait au calcul d’un remboursement prévu par la présente partie, l’excédent éventuel du remboursement qui serait payable à la personne s’il était déterminé d’après les renseignements indiqués dans la déclaration sur le remboursement payable à la personne.

[…]

298(4) Exception en cas de négligence, fraude ou renonciation Une cotisation peut être établie à tout moment si la personne visée a :

a) fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire;

b) commis quelque fraude en faisant ou en produisant une déclaration selon la présente partie ou une demande de remboursement selon la section VI ou en donnant, ou en ne donnant pas, quelque renseignement selon la présente partie;

c) produit une renonciation en application du paragraphe (7) qui est en vigueur au moment de l’établissement de la cotisation.

169(4) Required documentation A registrant may not claim an input tax credit for a reporting period unless, before filing the return in which the credit is claimed,

(a) the registrant has obtained sufficient evidence in such form containing such information as will enable the amount of the input tax credit to be determined, including any such information as may be prescribed; and

. . . 

280.1 Failure to file a return — Every person who fails to file a return for a reporting period as and when required under this Part is liable to pay a penalty equal to the sum of

(a) an amount equal to 1% of the total of all amounts each of which is an amount that is required to be remitted or paid for the reporting period and was not remitted or paid, as the case may be, on or before the day on or before which the return was required to be filed, and

(b) the amount obtained when one quarter of the amount determined under paragraph (a) is multiplied by the number of complete months, not exceeding 12, from the day on or before which the return was required to be filed to the day on which the return is filed.

. . . 

285False statements or omissions — Every person who knowingly, or under circumstances amounting to gross negligence, makes or participates in, assents to or acquiesces in the making of a false statement or omission in a return, application, form, certificate, statement, invoice or answer (each of which is in this section referred to as a “return”) made in respect of a reporting period or transaction is liable to a penalty of the greater of $250 and 25% of the total of

(a) if the false statement or omission is relevant to the determination of the net tax of the person for a reporting period, the amount determined by the formula

A – B

where

A

is the net tax of the person for the period, and

B

is the amount that would be the net tax of the person for the period if the net tax were determined on the basis of the information provided in the return,

(b) if the false statement or omission is relevant to the determination of an amount of tax payable by the person, the amount, if any, by which

(i) that tax payable

exceeds

(ii) the amount that would be the tax payable by the person if the tax were determined on the basis of the information provided in the return, and

(c) if the false statement or omission is relevant to the determination of a rebate under this Part, the amount, if any, by which

(i) the amount that would be the rebate payable to the person if the rebate were determined on the basis of the information provided in the return

exceeds

(ii) the amount of the rebate payable to the person.

. . . 

298(4) Idem — An assessment in respect of any matter may be made at any time where the person to be assessed has, in respect of that matter,

(a) made a misrepresentation that is attributable to the person’s neglect, carelessness or wilful default;

(b) committed fraud

(i) in making or filing a return under this Part,

(ii) in making or filing an application for a rebate under Division VI, or

(iii) in supplying, or failing to supply, any information under this Part; or

(c) filed a waiver under subsection (7) that is in effect at that time.

[7]             Les dispositions pertinentes du Règlement sur les Renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH), DORS/91-45 (le « Règlement ») se lisent ainsi :

2. Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[…]

« intermédiaire » Inscrit qui, agissant à titre de mandataire d’une personne ou aux termes d’une convention conclue avec la personne, permet à cette dernière d’effectuer une fourniture ou en facilite la réalisation. (intermediary)

« Loi » La Loi sur la taxe d’accise. (Act)

« pièce justificative » Document qui contient les renseignements exigés à l’article 3, notamment :

a) une facture;

b) un reçu;

c) un bordereau de carte de crédit;

d) une note de débit;

e) un livre ou registre de comptabilité;

f) une convention ou un contrat écrits;

g) tout registre faisant partie d’un système de recherche documentaire informatisé ou électronique ou d’une banque de données;

h) tout autre document signé ou délivré en bonne et due forme par un inscrit pour une fourniture qu’il a effectuée et à l’égard de laquelle il y a une taxe payée ou payable. (supporting documentation)

[…]

3. Renseignements — Les renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

a) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de moins de 30 $ :

(i) le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire,

(ii) si une facture a été remise pour la ou les fournitures, la date de cette facture,

(iii) si aucune facture n’a été remise pour la ou les fournitures, la date à laquelle il y a un montant de taxe payée ou payable sur celles-ci,

(iv) le montant total payé ou payable pour la ou les fournitures;

b) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $ :

(i) le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément à l’article 241 de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

(ii) les renseignements visés aux sous-alinéas a)(ii) à (iv),

[…]

c) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

(i) les renseignements visés aux alinéas a) et b),

(ii) soit le nom de l’acquéreur ou son nom commercial, soit le nom de son mandataire ou de son représentant autorisé,

(iii) les modalités de paiement,

(iv) une description suffisante pour identifier chaque fourniture.

2. Interpretation — In these Regulations,

“Act” means the Excise Tax Act; (Loi)

“intermediary” of a person, means, in respect of a supply, a registrant who, acting as agent of the person or under an agreement with the person, causes or facilitates the making of the supply by the person; (intermédiaire)

. . . 

“supporting documentation” means the form in which information prescribed by section 3 is contained, and includes

(a) an invoice,

(b) a receipt,

(c) a credit-card receipt,

(d) a debit note,

(e) a book or ledger of account,

(f) a written contract or agreement,

(g) any record contained in a computerized or electronic retrieval or data storage system, and

(h) any other document validly issued or signed by a registrant in respect of a supply made by the registrant in respect of which there is tax paid or payable; (pièce justificative)

. . . 

3. Prescribed Information — For the purposes of paragraph 169(4)(a) of the Act, the following information is prescribed information:

(a) where the total amount paid or payable shown on the supporting documentation in respect of the supply or, if the supporting documentation is in respect of more than one supply, the supplies, is less than $30,

(i) the name of the supplier or the intermediary in respect of the supply, or the name under which the supplier or the intermediary does business,

(ii) where an invoice is issued in respect of the supply or the supplies, the date of the invoice,

(iii) where an invoice is not issued in respect of the supply or the supplies, the date on which there is tax paid or payable in respect thereof, and

(iv) the total amount paid or payable for all of the supplies;

(b) where the total amount paid or payable shown on the supporting documentation in respect of the supply or, if the supporting documentation is in respect of more than one supply, the supplies, is $30 or more and less than $150,

(i) the name of the supplier or the intermediary in respect of the supply, or the name under which the supplier or the intermediary does business, and the registration number assigned under section 241 of the Act to the supplier or the intermediary, as the case may be,

(ii) the information set out in subparagraphs (a)(ii) to (iv),

. . . 

(c) where the total amount paid or payable shown on the supporting documentation in respect of the supply or, if the supporting documentation is in respect of more than one supply, the supplies, is $150 or more,

(i) the information set out in paragraphs (a) and (b),

(ii) the recipient’s name, the name under which the recipient does business or the name of the recipient’s duly authorized agent or representative,

(iii) the terms of payment, and

(iv) a description of each supply sufficient to identify it.

[8]             Enfin, les dispositions pertinentes du Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ‑1991 (« CcQ ») se lisent ainsi :

2831. L’écrit non signé, habituellement utilisé dans le cours des activités d’une entreprise pour constater un acte juridique, fait preuve de son contenu.

[…]

2835. Celui qui invoque un écrit non signé doit prouver que cet écrit émane de celui qu’il prétend en être l’auteur.

2836. Les écrits visés par la présente section peuvent être contredits par tous moyens.

2831. An unsigned writing regularly used in the ordinary course of business of an enterprise to evidence a juridical act makes proof of its content.

. . . 

2835. A person who invokes an unsigned writing shall prove that it originates from the person whom he claims to be its author.

2836. Writings contemplated by this section may be contradicted by any means.

C.     la thèse de l’appelante.

[9]             Selon l’appelante, les factures émises par les Fournisseurs répondent aux exigences prescrites par la LTA et son règlement d’application.

[10]        De plus, en ce qui concerne certains Fournisseurs, à savoir Méga Terra, PFG, J.S. Récupération et GHG (les « 4 fournisseurs »), l’intimée ayant admis que les fournitures indiquées aux factures ont été acquises par l’appelante, celle‑ci soutient que cette admission, à elle seule, confirme l’admissibilité aux CTI réclamés, nonobstant la question de savoir si les fournitures ont été acquises, ou non, auprès des fournisseurs qui ont émis les factures.

[11]        L’appelante a pour position que les preuves réfutent les hypothèses factuelles du ministre énoncées aux alinéas 21 b), h), i), j), w) et x) de la Réponse à l’avis d’appel et reproduits ci‑dessus.

[12]        L’appelante soutient que les hypothèses énoncées aux alinéas 21 k), l), o), p), q), r), s) et u) doivent être établies selon la prépondérance de la preuve par l’intimée puisqu’il s’agit de tiers et qu’à tous égards, ces hypothèses ne sont pas pertinentes advenant même qu’elles soient avérées. Également, l’intimée doit prouver les faits justifiant l’imposition d’une pénalité en vertu de l’article 285 de la LTA et l’établissement d’une cotisation après l’expiration de la période normale de cotisation en vertu du paragraphe 298(4) de la LTA relativement aux 4 fournisseurs.

[13]        L’appelante cite également les articles 2831 et 2835 du CcQ, et soutient que l’appelante doit bénéficier de la présomption qui est consacrée par l’art. 2831.

[14]        Selon l’appelante, vu qu’un mécanisme de contrôle interne était en vigueur permettant, notamment, de valider les numéros de taxes des Fournisseurs et que l’appelante n’était pas tenue de faire d’autre vérification, que l’appelante conservait les copies des factures et chèques pertinents et que l’intimée n’a pas réussi à rapporter la preuve que l’appelante était impliquée dans un stratagème de fausses factures ou de factures de complaisance, les CTI doivent être accordés.

[15]        De plus, en ce qui concerne les 4 fournisseurs, l’appelante soutient que Jacques Jarry les représentait et donc, vu que l’appelante avait confiance en lui et comptait une longue relation d’affaires (plus de 25 ans) avec lui, il n’était pas nécessaire de faire une vérification supplémentaire.

[16]        L’appelante ajoute que la délinquance des Fournisseurs n’a aucune incidence sur l’admissibilité des CTI réclamés par l’appelante. Le fait que l’existence des différents Fournisseurs se suive dans le temps est sans conséquence selon l’appelante.

[17]        Finalement, l’appelante soutient que l’intimée n’a pas réussi à prouver les faits justifiant l’imposition de pénalités selon la prépondérance de la preuve puisqu’aucun élément de preuve n’a été produit par l’intimée dont il ressort que l’appelante savait que les factures étaient fausses, le cas échéant.

D.     la thèse de l’intimée.

[18]        Les exigences prescrites par la LTA et le Règlement sont d’application stricte et obligatoire.

[19]        La facture doit comporter tous les renseignements obligatoires, lesquels doivent être valides, réels et exacts, et ce, peu importe le degré de bonne foi de celui qui demande le CTI.

[20]        Selon l’enseignement professé par la Cour d’appel du Québec à l’occasion de l’affaire Agence du Revenu du Québec c. Système intérieur GPBR inc., 2015 QCCA 1402 (CanLII) (demande d’autorisation d’appel à la Cour Suprême du Canada rejetée le 9 juin 2016) (« l’affaire GPBR »), « […] la facture doit émaner d’un Inscrit qui détient un intérêt à effectuer la facturation, ce qui exclut d’emblée la facturation de complaisance […] Ces exigences sont strictes et obligatoires. Elles doivent être rigoureusement satisfaites par tout inscrit qui demande un CTI, à défaut de quoi le CTI ne peut lui être accordé. » (par. 38 et 40).

[21]        Selon l’intimée, l’appelante n’a pas réussi à renverser la présomption de validité de la cotisation puisque le seul élément de preuve produit par celle-ci a été sa déclaration portant qu’elle faisait affaire avec Jacques Jarry, un certain Tony et aussi un certain Larry. Cela n’est pas suffisant pour renverser le fardeau de la preuve.

[22]        Toutefois, si notre Cour devait conclure que l’appelante a produit une telle preuve, l’intimée soutient qu’elle a démontré selon la prépondérance de la preuve que les factures des Fournisseurs étaient factices et qu’ils n’étaient pas les véritables fournisseurs de la marchandise.

[23]        Selon l’intimée, il ne suffit pas que la marchandise soit reçue pour que l’inscrit ait droit au CTI. L’appelante devait établir, selon la prépondérance de la preuve, que les Fournisseurs étaient de véritables fournisseurs, ce qu’elle n’a pas fait.

[24]        En ce qui concerne les 4 fournisseurs, l’intimée admet que les fournitures ont été acquises par l’appelante mais ajoute que les fournitures ainsi acquises ne provenaient pas des fournisseurs dont les noms figurent sur les factures; il ressort des éléments de preuve que le véritable fournisseur était un dénommé Jacques Jarry. Les changements fréquents des sociétés utilisées par Jacques Jarry pour facturer l’appelante auraient dû alerter celle‑ci.

[25]        En ce qui concerne Gestion et Koudlai, l’intimée soutient que nulle fourniture n’a été acquise par l’appelante et que les factures ainsi émises sont tout simplement fausses; et que, à supposer qu’il y a eu fourniture dans ces deux cas, le véritable fournisseur demeure inconnu. En ce qui concerne Gestion, vu que de faux documents ont été remis à l’intimée à l’appui des factures émises par ce fournisseur, il est clair qu’il n’y a pas eu fournitures dans ce cas. De plus, l’intimée est d’avis que notre Cour doit tirer une inférence négative du fait que ni la personne dénommée Tony ni celle dénommée Larry ne sont venues témoigner.

[26]        Selon l’intimée, il ressort des éléments de preuve que l’appelante n’a pas tenté de contacter les administrateurs des Fournisseurs et n’a pas vérifié auprès du Registraire des entreprises du Québec (« REQ ») l’identité des administrateurs et dirigeants. De plus, je devrais tirer une inférence négative du fait que tous les chèques émis aux Fournisseurs en paiement des marchandises ont été encaissés dans des centres d’encaissement. En outre, il y a eu un véritable défilé de Fournisseurs.

[27]        En ce qui concerne la pénalité imposée aux termes de l’article 285 de la LTA, l’intimée soutient que l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire dans les circonstances puisqu’elle a fermé les yeux sur plusieurs indices selon lesquels les Fournisseurs figurant sur les factures n’étaient pas les véritables fournisseurs.

E.      les faits.

[28]        L’appelante a fait l’objet d’une vérification par l’ARQ puisque certains de ses fournisseurs encaissaient des chèques par l’intermédiaire de centres d’encaissement.

[29]        Une seule personne a témoigné pour l’appelante, à savoir monsieur Chaim (Kevin) Faivushevitz; celui‑ci est le président actuel et seul administrateur unique de l’appelante; il fait partie de l’entreprise de l’appelante depuis 16 ans. Monsieur Michel (Moshe) Reiss, ayant démissionné de son poste de président et d’administrateur de l’appelante en 2011, n’a pas témoigné à l’audience.

[30]        L’appelante n’a pas fait témoigner son employé chargé de la vérification des numéros de taxes (monsieur Scott Mitchell), ni Larry, ni Tony.

[31]        Quatorze personnes ont été appelées par l’intimée à témoigner : les divers vérificateurs de l’ARQ ayant procédé à la vérification des Fournisseurs, Michel Boulet (vérificateur à l’ARQ depuis 8 ans et responsable de la vérification de l’appelante), les administrateurs de certains Fournisseurs (soit Maxime Grondin de Méga Terra, Pierre-François Gervais de PFG, Jean Sirois de J.S. Récupération et Kularanjithamalar Markandu de Gestion), Jacques Jarry, Carole Leroux (comptable de Jacques Jarry), Daniel Héroux (vérificateur de l’ARQ ayant procédé à la vérification de 9072-6886 Québec inc. (« Distribution Papier J.M. ») ainsi que des représentants de la société Perkan inc. (« Perkan »), soit Pierre Bergeron et Carole Latendresse.

1.     L’entreprise de l’appelante selon le témoignage de monsieur Faivushevitz.

[32]        Selon monsieur Faivushevitz, l’entreprise de l’appelante, dont le chiffre d’affaires annuel se situe dans une fourchette allant de 2.5M$ à 4.5M$, exerce l’activité de courtier ou d’intermédiaire entre, d’une part, les personnes qui vendent du papier (abîmé ou non conforme), et, d’autre part, les clients de l’appelante qui veulent acquérir ce papier. En réalité, l’appelante achète du papier de ses fournisseurs et revend la marchandise par la suite à ses propres clients. Il ne dévoile pas aux clients de l’appelante l’identité des fournisseurs et, en outre, il ne dévoile pas aux fournisseurs de l’appelante l’identité des clients. Autrement, l’appelante n’aurait plus d’entreprise. La provenance du papier lui est inconnue. Un teneur de livres comptables est au service de l’appelante et elle a recours aux services d’un comptable externe.

[33]        Monsieur Faivushevitz témoigne que, avant de faire affaire avec un fournisseur, il vérifie sa crédibilité et sa réputation dans le domaine et examine si l’affaire sera avantageuse. De plus, il tient des discussions régulières avec ses fournisseurs. Certains d’entre eux utilisent parfois l’entrepôt de l’appelante.

[34]        Généralement, les personnes qui veulent vendre du papier se présentent chez l’appelante avec des échantillons de papier ou des cargaisons de papier, et s’il y a entente, le marché est conclu sur le champ et, dans ce cas, la facture est émise immédiatement.

[35]        Monsieur Faivushevitz ne se déplace pas pour inspecter la marchandise qui se trouve dans des entrepôts. Après la conclusion de la transaction et après avoir obtenu l’autorisation de ses fournisseurs, il contacte les personnes chargées de l’entrepôt pour donner des directives quant au lieu de livraison du papier.

[36]        Monsieur Faivushevitz ne vérifie pas lui-même les informations figurant sur les factures mais l’un de ses employés, monsieur Scott Mitchell, s’en charge. Monsieur Mitchell vérifie les numéros de taxes sur le site Web du gouvernement. Nulle vérification n’est effectuée quant à l’identité des administrateurs ou dirigeants des sociétés émettrices des factures. Monsieur Faivushevitz admet devant notre Cour que connaitre les renseignements concernant les sociétés de ses fournisseurs lui importe peu (soit l’identité des administrateurs et dirigeants), tant qu’il a du papier à vendre.

[37]        À l’audience, la pièce A‑1, contenant des exemples de la façon dont l’entreprise de l’appelante est exploitée, a été déposée. Tout d’abord, la commande est reçue du client (bon de commande ou « purchase order »); ensuite, après avoir été autorisée à traiter avec l’appelante, le détenteur du papier reçoit les instructions de l’appelante quant à l’identité du destinataire de la livraison du papier (soit le client de l’appelante); après avoir reçu confirmation de la livraison au client, l’appelante dresse la facture; par la suite, l’appelante reçoit la facture de son fournisseur et le paie.

[38]        Par ailleurs, a été déposée la pièce A‑2, laquelle donne des exemples illustrant le mode d’opération de l’appelante avec l’un de ses fournisseurs, à savoir Trebano inc. (« Trebano »). On y retrouve (par ordre chronologique) la copie des documents suivants : un bon de commande (« purchase order ») émis par Bengal Converting (un client de l’appelante) à l’appelante; un bon de commande (« purchase order ») émis par l’appelante à Trebano (puisque c’est Trebano qui a le papier); une facture émise par Trebano à l’appelante; une facture émise par l’appelante à son client, Bengal Converting ainsi que des documents des douanes. Tous ces documents permettent à l’appelante de suivre la marchandise, de l’achat du papier de l’un de ses fournisseurs jusqu’à la revente de ce même papier à son client.

[39]        Lorsque le fournisseur se présente directement chez l’appelante avec une cargaison de papier, il n’est pas nécessaire d’avoir tous ces documents puisque la marchandise est déjà sur place. Des bons de commande sont utilisés pour les fournisseurs qui ne se présentent pas à l’entrepôt directement.

[40]        Dans le cas des fournisseurs qui sont de grandes sociétés, les documents que celles-ci vont exiger sont plus nombreux (bons de commande, bons de livraison, etc.). Toutefois, pour les petits fournisseurs, un moins grand nombre de documents est nécessaire.

[41]        Le délai de paiement varie également selon la taille du fournisseur; l’appelante paye en principe dans les 30 jours. Toutefois, l’appelante paie parfois immédiatement. De même, l’appelante paie parfois avant la livraison de la marchandise. En principe, l’appelante ne paie pas tant qu’elle n’a pas examiné la marchandise. Si l’appelante paie d’avance une compagnie d’assurance qui aurait repris possession de la marchandise, il n’y a nul document tant que la marchandise n’a pas quitté les lieux d’entreposage.

2.     La vérification de l’appelante.

[42]        Au cours de la vérification, l’appelante a été très coopérative.

[43]        Selon monsieur Faivushevitz, il n’a pas été mis au courant des problèmes avec les Fournisseurs au cours de la vérification. La rencontre entre monsieur Faivushevitz, monsieur Reiss et Michel Boulet, ayant pour but de présenter le projet de cotisation, a duré moins d’une heure. Selon monsieur Faivushevitz, les sujets de discussion ont été de nature générale. Il a été très surpris par la cotisation.

[44]        Michel Boulet a examiné la manière dont l’appelante fait affaire, par exemple avec les fournisseurs dits réguliers. Les copies des documents retrouvés dans les livres comptables de l’appelante concernant les transactions conclues avec des fournisseurs américains de l’appelante, soit Harmon Associates, SCA Tissue North America LLC et DK Trading Corporation, Inc. et un fournisseur canadien, à savoir Trebano ont été examinées (onglets 6 à 9 de la pièce I‑1). Ces documents incluent des bons de commande de l’appelante à son fournisseur, des factures du fournisseur à l’appelante, des bons de commande du client de l’appelante, des factures de l’appelante à son client et des documents d’expédition de l’appelante à son client. Ainsi, il est possible de suivre la marchandise tout au long du processus, soit de l’achat à la vente. De plus, les marchandises sont décrites de manière précise sur les factures de même que les modalités de paiement. En principe, le paiement se fait dans les 30 jours; toutefois, en ce qui concerne les Fournisseurs, le délai de paiement est toujours très court, parfois le paiement se fait le jour même de l’émission de la facture.

[45]        Monsieur Boulet a expliqué à la Cour qu’en général, la durée de vie des émetteurs de factures de complaisance est plutôt brève, de 6 mois à 1 an et demi (onglet 1, pièce I‑1, p. 66). En l’espèce, après que PFG, J.S. Récupération et Méga Terra eurent fait l’objet d’une vérification fiscale, les factures de complaisance ont cessé temporairement pour reprendre un an plus tard avec Gestion et Koudlai (p. 66 de l’onglet 1 de la pièce I‑1). Ce stratagème s’est terminé suite au premier appel téléphonique de la vérificatrice de l’ARQ à l’appelante.

[46]        En contre-interrogatoire, Michel Boulet reconnait qu’il ne connait pas le nombre de fournisseurs de l’appelante, ni son volume de vente. Il n’a jamais rencontré Jacques Jarry, sauf lors de l’audience devant notre Cour.

[47]        Le pourcentage que représentent les achats faits par l’appelante auprès des Fournisseurs par rapport à tous ses fournisseurs canadiens pour les années 2006, 2007 et 2008 est de 42,5 % (pièce I‑1, onglet 1, page 43).

3.     Les Fournisseurs.

3.1     Méga Terra (9172‑3726 Québec inc.).

(a) Les factures.

[48]        Sept factures sont en cause (onglet 26, pièce I‑1) datées entre le 22 aout 2006 et le 18 juillet 2007 pour un montant total de 327 943,55 $; les CTI refusés sont d’un montant total de 17 267,76 $. Les chèques émis par l’appelante en paiement ont tous été encaissés dans le même centre d’encaissement (pièce I‑1, onglet 25).

(b) Les informations.

[49]        Selon l’état de renseignements d’une personne morale au REQ (pièce I‑2), Maxime Grondin est l’actionnaire majoritaire, le président et unique administrateur; nul changement n’y a été apporté depuis l’immatriculation de Méga Terra en date du 4 aout 2006. Il est précisé que son activité consiste en le recyclage de métaux pour l’exportation.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[50]        Monsieur Faivushevitz a tenu pour acquis que l’administrateur et dirigeant de Méga Terra était monsieur Jacques Jarry, qu’il connait depuis 15 ans; celui-ci fait affaire avec l’appelante depuis 30 ans environ. La seule démarche entreprise par l’un de ses employés à l’égard de ce fournisseur a été de vérifier les numéros de taxes et il ne se souvient pas si d’autres recherches avaient été effectuées.

[51]        Monsieur Faivushevitz ajoute qu’il est possible qu’il ait déjà rencontré monsieur Grondin et que ce dernier ait été présent lors de la rencontre de 2006 au cours de laquelle Jacques Jarry est venu lui offrir le papier provenant du déraillement de train du CN (que je discuterai ci‑dessous), mais sa mémoire n’est pas parfaite compte tenu du nombre d’années qui se sont écoulées.

(d) Maxime Grondin.

[52]        Maxime Grondin explique à la Cour que Méga Terra a été constituée suite à son retour d’un séjour de 6 ans en Nouvelle‑Zélande, son père l’ayant convaincu de fonder une société pour faire la récupération de métaux. La constitution de la société a été confiée au comptable de son père, un certain monsieur Robert Enrico. Il a signé un seul chèque au nom de cette société et n’a jamais vendu de papier. Il n’a jamais ouvert de compte dans un centre d’encaissement de chèques. Il ne reconnait aucune facture émise par Méga Terra à l’appelante en 2006 et 2007; il confirme que ce n’est pas sa signature qui figure à l’endos des copies des chèques émis par l’appelante à Méga Terra en 2006 et 2007.

[53]        De plus, Maxime Grondin soutient qu’il ne connait ni Jacques Jarry ni monsieur Faivushevitz.

[54]        Maxime Grondin a appris qu’il y avait eu des transactions impliquant Méga Terra lorsqu’il a reçu un compte de taxes au montant de 640 000 $. Il a tenté de régler ses affaires avec le fisc mais il a reçu un appel de monsieur Enrico l’enjoignant de cesser ses démarches.

(e) La vérification de Méga Terra.

[55]        Monsieur Luc Jolicœur, vérificateur à l’ARQ, a effectué la vérification de Méga Terra pour la période du 1er aout 2006 au 31 juillet 2008 puisque cette société encaissait des chèques dans un centre d’encaissement et n’avait pas produit de déclarations de taxes (rapport de vérification sous l’onglet 47, pièce I‑11).

[56]        Monsieur Jolicœur explique qu’il a tenté de joindre Maxime Grondin, sans succès. Il a toutefois rejoint une personne dénommée monsieur Robidoux au numéro de téléphone retrouvé sur une note manuscrite figurant sur l’une des factures; ce numéro de téléphone est, en fait, le numéro de téléphone de la société 9073‑3122 Québec inc. (faisant affaire sous le nom Granulation Plastique 2000), société dont l’unique administrateur et président, secrétaire est Jacques Jarry et qui est détenue par 9072‑6886 Québec inc. (une autre société dont l’unique administrateur et président, secrétaire et actionnaire est Jacques Jarry) (pièces I‑5 et I‑18). Selon le vérificateur, monsieur Robidoux a confirmé ne pas connaitre Méga Terra et Maxime Grondin.

[57]        Selon les informations obtenues par monsieur Jolicœur, Méga Terra a encaissé des chèques pour un montant de 1 507 739,65 $. En ce qui concerne la période visée par la vérification, la somme totale de 2 167 277,21 $ a été transigée par la société puisqu’il y a eu d’autres chèques qui n’ont pas été transigés dans un centre d’encaissement. Il y a eu 145 transactions enregistrées au centre d’encaissement.

[58]        Nulle déclaration de taxes n’a été produite par Méga Terra au cours de la période de vérification; nulle déclaration de revenus n’a été produite de 2006 à 2008; de plus, Maxime Grondin n’a pas produit de déclaration de revenus pour les années 2001 à 2006 et nul relevé d’emploi n’a été retracé à son nom. Nulle collaboration n’a été offerte lors de la vérification. Méga Terra ne possède nul véhicule; Maxime Grondin détient une petite voiture.

[59]        Selon monsieur Jolicœur, Méga Terra et Maxime Grondin n’ont pas les ressources matérielles et financières nécessaires pour générer des revenus tels que reconstitués à partir des informations obtenues du centre d’encaissement.

[60]        En contre‑interrogatoire, monsieur Jolicœur a confirmé ne pas avoir eu accès aux livres comptables; toutefois, l’ensemble des facteurs (soit l’absence de collaboration de Maxime Grondin, l’utilisation d’un centre d’encaissement et l’absence de livres comptables, de bons de réception et de bons de livraison) l’ont amené à conclure que Méga Terra n’exerçait pas d’activités commerciales et agissait à titre d’émettrice de fausses factures. Méga Terra a été cotisée pour la TPS perçue et non remise pour un montant de 109 709,62 $.

[61]        Un extrait du dossier de vérification de la société 9073‑3122 Québec inc. effectué par Luc Jolicœur a été produit sous la cote I‑17. À l’audience, j’ai pris ce document sous réserve suite à l’objection formulée par Me Rivard et j’ai demandé aux avocats des parties de me faire parvenir leurs observations à cet égard. En l’absence de telles observations, j’ai accepté de verser ce document au dossier à titre d’élément de preuve. À la page 11 de ce rapport, monsieur Jolicœur déclare que monsieur Jarry n’a jamais exploité ou été associé de quelque manière que ce soit à d’autres sociétés (autres que 9072‑6886 Québec inc., 9200‑0298 Québec inc. et 9073‑3122 Québec inc.) et qu’il ne fait plus confiance à personne.

(f) Le vérificateur Michel Boulet.

[62]        Monsieur Boulet a pris connaissance du rapport du vérificateur Jolicœur relativement à Méga Terra.

[63]        Selon monsieur Boulet, l’écriture sur les factures de Méga Terra est similaire à celle retrouvée sur les factures émises par GHG et par 9072‑6886 Québec inc. (Distribution Papier J.M.) qui est la société dont Jacques Jarry est seul administrateur et président. De plus, la suite numérique des factures ne correspond pas à leur chronologie.

[64]        En outre, l’appelante payait très rapidement les factures émises par Méga Terra, soit le jour même de la date à laquelle la facture est émise ou quelques jours plus tard (onglet 31, pièce I‑1).

[65]        Compte tenu de tous ces éléments, ainsi que ceux relevés ci-dessous sous le titre déraillement de train du CN, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans les factures émises par Méga Terra à l’appelante n’ont pas été effectuées par Méga Terra à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre Méga Terra et l’appelante, et donc que les factures émises par Méga Terra à l’appelante étaient des factures de complaisance.

(g) Le déraillement de train du CN.

Les explications de monsieur Faivushevitz :

[66]        Monsieur Faivushevitz a expliqué à la Cour que nul bon de commande (ou « purchase order ») n’a été émis dans le cadre de la transaction relative au déraillement de train du CN. Jacques Jarry s’est présenté aux bureaux de l’appelante pour l’informer que du papier contenu dans les wagons d’un train du CN ayant déraillé était disponible; voilà un contrat qui était très important pour l’appelante.

[67]        Compte tenu des montants en cause, monsieur Faivushevitz explique qu’il a dû faire un paiement pour sécuriser la marchandise. Un chèque (p. 19, pièce A‑1 et copie aussi p. 1134 de l’onglet 25, pièce I‑1) a été émis en date du 16 novembre 2006 par l’appelante à l’ordre de Méga Terra en paiement de la facture également émise par Méga Terra cette même journée et comportant comme seule mention « Account on News Print Inventory CN » pour une contrepartie totale de 159 530 $ (pièce A‑1, p. 18 et copies également p. 1123 de l’onglet 26, pièce I‑1 et p. 1123 de la pièce I‑13) (« la Facture Méga »); ce chèque a été encaissé dans un centre d’encaissement la même journée et le nom figurant sur l’endos du chèque est d’un certain Maxime Grondin.

[68]        Selon monsieur Faivushevitz, Jacques Jarry et lui-même sont allés cette même journée (le 16 novembre 2006) à l’entrepôt du CN situé dans l’est de Montréal pour examiner le papier.

[69]        Une autre facture (p. 20 de la pièce A‑1, et copie également à l’onglet 29 de la pièce I‑1 et à la p. 1203 de la pièce I‑13), soit une facture en date du 9 janvier 2007 émise par Récupération Papier J.M., 9072-6886 Québec inc. à l’appelante (« la Facture J.M. ») se rapporte également à la marchandise provenant du déraillement de train du CN. Monsieur Faivushevitz ne se rappelle pas des raisons pour lesquelles deux factures de deux différents fournisseurs ont été émises mais opine que ce peut être dû au fait que les limites de crédit de ces fournisseurs avaient été dépassées.

[70]        Monsieur Faivushevitz n’a pas produit devant la Cour au cours de son témoignage les documents supplémentaires expliquant les raisons pour lesquelles les montants figurant à la Facture Méga et à la Facture J.M. ont été payés alors qu’il s’était engagé à le faire. Toutefois il dira ce qui suit :

[traduction]

M. FAIVUSHEVITZ : Donc, la première facture provient de Méga Terra et la deuxième facture provient de –- ce n’est pas clair ici. Le papier est froissé. Donc, à la base, de nombreuses fois, nous devrons –- surtout quand il s’agit d’une grosse transaction –- il y a des sociétés qui ne disposent que d’un montant de crédit limité relativement à tel ou tel compte. Donc, quand – disons – ils épuisent leur limite de crédit et ils veulent acheter plus de papier ou ils veulent, vous savez, obtenir une limite de crédit plus élevée, ils ont recours à une autre société pour se joindre à eux pour une transaction, et ils ont recours à une autre société qui a du crédit aussi. Et ils font des achats, sous ce nom de société, afin de pouvoir obtenir plus de crédit du fournisseur. Donc, vous aurez la même transaction avec deux noms de société différents, mais c’est pour le même matériel.

Me RIVARD : Et vous dites le même matériel. Cela signifie-t-il deux factures pour le même matériel ou pour le lot au complet ou sinon pour quoi?

M. FAIVUSHEVITZ : Eh bien, la première facture sera pour la transaction. C’est de l’argent porté au compte pour la transaction. Sans qu’il soit précisé exactement la quantité de papier concernée. Et la deuxième facture sera une véritable facture officielle où nous saurons exactement la quantité en cause et le prix et nous saurons de quoi il s’agit et c’est ainsi que nous distribuions les fonds et que nous confirmions de quoi il s’agissait.

(Transcription du 15 mars 2016, aux lignes 14 à 28 de la p. 14 et aux lignes 1 à 9 de la p. 15.)

[71]        Lors de la reprise de son interrogatoire en mars 2016, monsieur Faivushevitz précise l’implication de Jacques Jarry dans l’industrie en signalant que ce dernier avait beaucoup de contacts dans l’industrie, et qu’il prenait des dispositions avec diverses sociétés afin d’obtenir des commissions. Il opine qu’il intervenait à titre de courtier; il ajoute qu’il ne connait pas la nature exacte de ces dispositions mais il sait que Jacques Jarry représentait diverses sociétés.

Les explications de Michel Boulet :

[72]        Étaient joints à la facture émise par l’appelante à l’un de ses clients pour la revente d’une partie du papier provenant du déraillement du train du CN (pièce I‑1, onglet 27, p. 1283) des documents indiquant le nom de Jacques Jarry et non pas celui de Maxime Grondin (copie d’un fax envoyé à Jacques Jarry par l’appelante (pièce I‑1, onglet 27, p. 1293)) et le numéro de fax de 9072‑6886 Québec inc., une société dont Jacques Jarry est l’actionnaire majoritaire, l’unique administrateur, président et secrétaire (pièce I‑18).

[73]        De plus, on retrouve annexée à la Facture Méga (i) une feuille de travail de l’appelante indiquant la quantité de papier et les prix (pièce I‑1, onglet 30) et (ii) la Facture J.M.

[74]        Selon le vérificateur Boulet, le papier provenant du déraillement de train du CN a été facturé par Méga Terra (en acompte) et le solde de la transaction a été facturé par Récupération Papier J.M. L’appelante a réglé cette facture du 9 janvier 2007 en émettant deux chèques tirés à l’ordre de Récupération Papier J.M—9072‑6886 Québec inc. (p. 21 de la pièce A‑1).

Perkan inc. (Perkan) et 9072‑6886 Québec inc. :

[75]        Selon les témoignages rendues à l’audience, c’est Perkan qui a obtenu le contrat de récupération du papier avec le CN, mais c’est la société 9072‑6886 Québec inc. qui a payé le CN directement pour la totalité de la marchandise provenant du déraillement de train (pièce I‑8, p. 11.52 et pages 156, 157 et 158 de l’onglet 9 et à la page 217 de l’onglet 11 de la pièce I‑12). Le CN n’aurait jamais émis de facture à la société 9072‑6886 Québec inc. pour cette transaction.

[76]        De plus, selon la comptabilité de 9072‑6886 Québec inc., nulle vente n’est répertoriée à Méga Terra (onglet 6, pièce I‑12).

[77]        Il ressort également des éléments de preuve que la totalité du papier provenant du déraillement de train et payée au CN par 9072‑6886 Québec inc. a été achetée par l’appelante—les mêmes quantités de papier sont indiquées sur la feuille de travail de l’appelante (onglet 30, pièce I‑1) et sur le document émanant de Perkan (pièce I‑8, p. 11.52) et une quantité quasiment égale à la quantité achetée par l’appelante a été revendue par l’appelante à ses clients (pièce I‑13, p. 1245).

Pierre Bergeron et Carole Latendresse de Perkan :

[78]        Monsieur Bergeron précise que, pendant les années en cause, soit 2005, 2006 et 2007, de nombreuses transactions relatives au papier avaient été conclues. Il ne connait pas l’appelante et Perkan n’a jamais fait affaire avec elle; il connait toutefois Jacques Jarry, ayant vendu du papier à ce dernier à plusieurs occasions, ainsi qu’à plusieurs sociétés de Jacques Jarry. Selon monsieur Bergeron, Jacques Jarry payait rubis sur l’ongle. Monsieur Bergeron confirme qu’il est exceptionnel que des sommes d’argent soient données à l’avance pour clore une transaction.

[79]        Madame Carole Latendresse, adjointe administrative chez Perkan pendant les années en cause (2005-2006-2007), se souvient d’avoir été sur les lieux d’un important déraillement de train du CN. Bien que cela ne relevait pas en principe de ses fonctions, elle s’est rendue sur le site du déraillement de train et a acheté du papier. Elle connait Jacques Jarry puisque c’est l’une des personnes que Perkan appelait lorsque du papier devait être vendu à l’occasion de déraillements de trains.

Jacques Jarry et 9072‑6886 Québec inc. (Distribution Papier J.M.) :

[80]        Au début de son témoignage, Jacques Jarry signale qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer; il n’a produit aucun certificat médical confirmant son état.

[81]        Il ne sait pas s’il connait la société 9072‑6886 Québec inc. (Distribution Papier J.M.); il ne sait pas s’il est administrateur de cette société. Il confirme également ne pas connaitre Méga Terra et ne pas être en rapport avec celle‑ci.

[82]        Selon Jacques Jarry, pendant les années 2005, 2006 et 2007, il faisait le commerce du plastique. Il n’a jamais fait le commerce du papier, sauf il y a 15 ou 20 ans (donc en 1995‑2000), période au cours de laquelle il aurait vendu du papier provenant de Kruger à monsieur Reiss.

[83]        Il ne se souvient pas d’avoir émis la Facture J.M. et il ne peut imaginer avoir vendu de la marchandise pour une somme si importante, soit 181 000 $.

[84]        Jacques Jarry admet qu’il connait Perkan puisqu’il recueillait les marchandises provenant de déraillements de train. Toutefois, il ne se souvient pas d’avoir acheté pour 299 000 $ en marchandises du CN.

[85]        En contre‑interrogatoire, on apprend la faillite personnelle de Jacques Jarry en 2005‑2006, mais ses souvenirs sont imprécis—il dit avoir fait l’objet d’une vérification de la part du fisc et avoir eu de grosses sommes à payer.

[86]        Il admet également connaitre monsieur Reiss depuis plus de 25 ans. Il le connait dans le domaine du papier puisqu’il lui a vendu du papier de Domtar; il ajoute que monsieur Reiss l’a toujours payé rubis sur l’ongle.

[87]        Au cours de son contre‑interrogatoire, monsieur Jarry semble retrouver la mémoire en expliquant les circonstances entourant le déraillement du train du CN. Il explique que le CN aurait émis les factures au nom de Perkan bien que ce soit lui (ou sa société) qui ait payé les sommes dues. Cela aurait donné lieu à de graves problèmes d’impôt et de taxes, d’où sa faillite et une dépression.

Daniel Héroux :

[88]        Daniel Héroux est chef d’équipe et à l’emploi de l’ARQ depuis 30 ans dans le domaine des taxes. Il a précisé que les CTI réclamés par 9072‑6886 Québec inc. à l’égard de certaines transactions effectuées avec le CN dans les circonstances où 9072‑6886 Québec inc. payait directement le CN alors que nulle facture n’était émise par le CN avaient été refusés (doc. I‑12, onglet 1). Le seul document à l’appui de la demande de CTI était un document émis par Perkan ne portant aucune date et qui ne semblait pas être une facture, ce qui n’était pas suffisant.

3.2     J.S. Récupération (Jean Sirois).

(a) Les factures.

[89]        Deux factures sont en cause (pièce I‑1, onglet 17) datées du 14 juin 2006 et 10 juillet 2006 pour un montant total de marchandises de 20 607,57 $; les CTI refusés sont d’un montant total de 1 336,46 $. Nul document n’a été retrouvé à l’appui de celles‑ci, soit nul bon d’achat ou autre.

[90]        Les factures ont une écriture similaire à celles émises par PFG. Nul document, tels les bons de commandes ou autres, n’est joint aux factures. Les deux chèques émis par l’appelante en date du 15 juin 2006 et 10 juillet 2006 en paiement de ces deux factures ont été encaissés dans un centre d’encaissement (pièce I‑1, onglet 16).

(b) Les informations.

[91]        Selon l’état de renseignements d’une personne physique exploitant une entreprise au REQ (pièce I‑7), Jean Sirois fait affaire sous le nom J.S. Récupération 2004. Ce nom a été radié volontairement le 19 août 2009. Le nom de Jacques Jarry ne figure pas sur ce document.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[92]        Par son témoignage, monsieur Faivushevitz confirme qu’il se souvient de ce fournisseur et que la personne assurant la liaison était monsieur Jarry. De plus, selon le questionnaire déposé sous l’onglet 18 de la pièce I‑1, monsieur Reiss a signalé lors de la vérification que Jacques Jarry était la personne assurant la liaison pour ce fournisseur et qu’il ne sait pas où se situe le lieu d’affaires.

(d) Jacques Jarry.

[93]        Jacques Jarry reconnait qu’il connait Jean Sirois. Il l’a recommandé à plusieurs personnes en ce qui concerne l’achat et la revente du papier. Il ne reconnait pas le nom J.S. Récupération 2004.

(e) Jean Sirois.

[94]        Jean Sirois précise qu’il faisait de la récupération de papier, du plastique et du bois dans les années 2005 et 2006; il n’a exercé cette activité que pendant un an : les choses étaient difficiles pour son entreprise. Il ne se souvient pas de son chiffre d’affaires. Il achetait du papier dans des « cours à scrap » et revendait la marchandise. Il a fait faillite à cette époque.

[95]        Il confirme avoir ouvert un compte pour encaisser des chèques chez Insta Chèques à la fin de l’automne 2005 ou au début de l’hiver suivant. En 2006, son activité a été faible; de plus, monsieur Sirois a confirmé n’avoir pas été actif au printemps 2006 puisqu’il a purgé une peine d’emprisonnement de juillet 2006 jusqu’en février 2007 pour une affaire de stupéfiants.

[96]        Monsieur Sirois confirme catégoriquement que ce n’est pas son écriture qui figure sur les factures en cause.

[97]        Selon monsieur Sirois, la signature figurant à l’endos des chèques ressemble à sa signature. Il ne se souvient pas des transactions pour lesquelles les chèques ont été émis et ne se souvient pas des marchandises vendues.

[98]        En contre‑interrogatoire, il déclare ne pas connaitre monsieur Reiss ni l’appelante, mais connaitre Jacques Jarry depuis plusieurs années.

[99]        Monsieur Sirois confirme qu’il faisait affaire avec les clients recommandés par monsieur Jarry mais qu’il ne faisait pas affaire directement avec Jacques Jarry.

(f) La vérification de Jean Sirois.

[100]   Madame Marie-Josée Lavoie, enquêteur au service de l’ARQ, a effectué la vérification de Jean Sirois qui fait affaire sous le nom J.S. Récupération 2004 pour la période du 8 février 2005 au 31 mars 2007 (pièce I‑11, onglet 44). J.S. Récupération a été retenue aux fins de vérification suite à la vérification de Trebano, puisque les chèques étaient encaissés dans des centres d’encaissement.

[101]   L’adresse figurant sur les factures émises par J.S. Récupération 2004 est celle d’une entreprise de réparation d’ordinateurs (5948 Hochelaga). L’autre adresse donnée par Monsieur Sirois est celle d’un hôtel situé sur la rue St‑André.

[102]   Selon les antécédents fiscaux de monsieur Sirois pour les années 2003 à 2006, ses revenus, modestes, provenaient, en totalité ou en très grande partie, de l’aide sociale.

[103]   Il ressort des informations produites par le centre d’encaissement de chèques que, au total, 1 184 262,17 $ ont été encaissés par J.S. Récupération pour la période débutant en janvier 2005 et se terminant le 30 mars 2007.

[104]   Les numéros de taxes (TPS et TVQ) ont été annulés par l’ARQ en date du 4 juin 2007. Les déclarations produites par Jean Sirois et J.S. Récupération aux fins des taxes pour les périodes débutant le 8 février 2005 et se terminant le 31 décembre 2006 ont été produites en indiquant un montant nul (copies jointes au rapport de la vérificatrice). Ce fournisseur n’a nul employé et nul compte bancaire. Selon madame Lavoie, monsieur Sirois n’exerce pas d’activité commerciale et n’a pas les moyens financiers et matériels d’exploiter une entreprise. J.S. Récupération agissait à titre de fournisseur de factures de complaisance; il a été cotisé en TPS pour des taxes perçues, et non remises, de 70 844,35 $.

(g) Le vérificateur Michel Boulet.

[105]   Compte tenu de tous les éléments soulevés par madame Lavoie, et après avoir analysé les factures en cause, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans les factures émises par J.S. Récupération à l’appelante n’ont pas été effectuées par J.S. Récupération à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre J.S. Récupération et l’appelante et donc que les factures émises par J.S. Récupération à l’appelante étaient de complaisance.

3.3     PFG (Pierre‑François Gervais).

(a) Les factures.

[106]   Sont en cause quinze (15) factures datées entre le 12 avril 2005 et le 21 mars 2006 pour un montant total de 318 618,85 $ (incluant les taxes) (pièce I‑1, onglet 5); les CTI refusés sont d’un montant total de 19 389,96 $.

[107]   À compter de novembre 2005, les factures sont émises par PFG Management Canada au lieu de PFG Management; toutefois, les mêmes numéros de taxes sont indiqués sur les factures. De surcroît, en septembre 2005, une facture est émise au nom de PFG Management International, avec les mêmes numéros de taxes.

[108]   Diverses adresses figurent sur les factures—soit à Lachenaie, Mascouche et Laval. Le format des diverses factures n’est pas constant. Les factures ont une écriture similaire à celles émises par J.S. Récupération. Sur certains des documents produits à l’appui des factures figure le nom de Jacques Jarry (onglet 5 de la pièce I‑1). Sur l’une des factures, est absent le numéro d’inscription de PFG (facture no 214211—CTI de 1 810,89 $).

[109]   Les quinze (15) chèques émis par l’appelante en paiement de ces factures sont tous émis au nom de PFG Management, nonobstant les différents noms que l’on retrouve sur les factures et sont tous encaissés dans un centre d’encaissement (pièce I‑1, onglet 4).

(b) Les informations.

[110]   Selon l’état de renseignements d’une personne physique exploitant une entreprise au REQ (pièce I‑9), Pierre‑François Gervais est en activité depuis octobre 2001 sous le nom de Gestion PFG, depuis le 4 mars 2003, sous le nom de Gestion P.F.G. et depuis le 11 avril 2005, sous le nom de PFG Management. A compter du 7 mars 2007, ces noms ont été radiés. Selon ce document, le premier secteur d’activité est « import export matières première [sic] commodités » et le second est la gestion immobilière.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[111]   Monsieur Faivushevitz convient qu’il connait monsieur Gervais puisqu’il a fait affaire avec lui après 2008; pour les années précédentes, c’est avec monsieur Jarry qu’il faisait affaire lorsque l’appelante achetait des marchandises de PFG; il ajoute que monsieur Gervais assistait aux rencontres avec monsieur Jarry à titre d’interprète puisque monsieur Jarry ne parle pas bien anglais et que lui ne parle pas français.

(d) Jacques Jarry.

[112]   Jacques Jarry admet connaitre Pierre‑François Gervais; il a été à son service dans une société revendant du plastique; ils ont fait affaire ensemble pendant quelque temps mais cela n’a pas duré. Quand il faisait affaire avec Pierre‑François Gervais, il a vendu du papier. Il ajoute ne pas connaitre PFG Management, bien que son nom figure sur certains documents concernant PFG et réunis sous l’onglet 5 de la pièce I‑1.

(e) Pierre‑François Gervais.

[113]   Pierre‑François Gervais explique que les divers noms sous lesquels il faisait affaire ont été radiés en 2007 et il a fait faillite.

[114]   Son activité consistait à recycler les matières obsolètes et à trouver de nouveaux usages pour celles-ci; les entreprises faisaient affaire avec lui pour éviter les coûts des frais d’enfouissement. Les matières principales ainsi récupérées étaient le plastique à plus de 50 %, et le papier. De 2001 à 2007, il a exploité cette entreprise; il s’est fait voler une malle contenant tous les documents prouvant son chiffre d’affaires pour ces années, qu’il ne peut donc confirmer. Tout se passait sur la route; il n’avait pas d’entrepôt—seulement un bureau à la maison.

[115]   Monsieur Gervais confirme avoir ouvert un compte chez Insta Chèques en avril 2005 et y avoir encaissé les chèques. Il n’a toutefois nul souvenir des montants qu’il aurait ainsi encaissés. Nulle déclaration de taxes n’a été produite en 2006.

[116]   Il ne reconnait pas les factures en cause; il soutient que ce n’est pas son écriture sur certaines d’entre elles, alors que, sur d’autres, c’est bien son écriture. Il ignore les raisons pour lesquelles le nom de Jacques Jarry figure sur certains documents produits à l’appui des factures.

[117]   Monsieur Gervais ajoute qu’il a déjà vendu beaucoup de papier à monsieur Reiss dans les années 2005 et 2006 et que ce dernier payait toujours ses fournisseurs rubis sur l’ongle. Toutefois, monsieur Gervais est incapable de nommer un seul fournisseur avec lequel il aurait fait affaire. Il ajoute également qu’il n’a peut-être pas eu d’activités commerciales en 2005 et 2006, et que telle est la raison pour laquelle il n’a pas produit de déclarations de taxes pour cette période.

[118]   Monsieur Gervais soutient que ce n’est pas sa signature qui figure à l’endos des chèques. Il ajoute qu’il était la seule personne autorisée à signer en matière d’encaissement des chèques. Il ajoute que c’est très possible qu’il ait encaissé les chèques bien que ce ne soit pas sa signature. Il n’a jamais déclaré au fisc les sommes gagnées en 2005 et 2006, soit les années figurant sur les factures et les chèques.

[119]   Monsieur Gervais n’a pas d’employés; il connait monsieur Jarry et monsieur Lewis, le bras droit de monsieur Jarry selon lui. Il ajoute que monsieur Jarry n’a jamais été son employé et qu’il n’a jamais été l’employé de monsieur Jarry. Ils ont collaboré dans le domaine du plastique.

[120]   Certains documents provenant du dossier de vérification de 9073‑3122 Québec inc. ont été produits à la pièce I‑10. Le nom de Pierre Gervais y figurait à titre de personne autorisée; il affirme toutefois ne pas avoir été employé—il était en relation d’affaires avec cette société. Tel qu’il ressort de la copie de l’état des informations sur une personne morale du REQ produite comme pièce I‑5, 9073‑3122 Québec inc. est une société dont le président, secrétaire et administrateur est Jacques Jarry et dont l’actionnaire majoritaire est 9072‑6886 Québec inc. et qui utilise le nom Granulation Plastique 2000.

(f) La vérification de PFG.

[121]   Martin Houde, vérificateur à l’ARQ, a fait la vérification concernant Pierre‑François Gervais pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, puisqu’il n’avait produit aucune déclaration de taxes depuis 2 ans et que les chèques tirés au nom de son entreprise étaient encaissés dans des centres d’encaissement (pièce I‑11, onglet 46).

[122]   Martin Houde a tenté de joindre monsieur Gervais en juillet 2006, sans succès. Il a réussi à lui parler quelques semaines plus tard et lui a expliqué ce dont il avait besoin, et monsieur Gervais s’est engagé à lui transmettre toutes les pièces requises. Toutefois, après plusieurs mois d’attente, monsieur Houde a envoyé une lettre datée du 17 janvier 2007 à monsieur Gervais et Gestion P.F.G. par courrier certifié afin de les aviser de la vérification entreprise et de mettre à la disposition du vérificateur tous les livres comptables de l’entreprise (pièce I‑11, l’onglet 46, p. 4.5). Monsieur Gervais a demandé un délai supplémentaire par lettre en date du 23 janvier 2007 (pièce I‑11, l’onglet 46, p. 4.4). Deux semaines plus tard (6 février 2007), monsieur Gervais a avisé le vérificateur qu’il n’était en possession d’aucun document, s’étant fait voler le tout au mois d’aout 2006 (pièce I‑11, onglet 46, p. 4.188), soit peu de temps après le début de la vérification. Suite à cela, monsieur Houde a demandé des informations concernant les comptes suite au vol de documents. Monsieur Gervais a produit des factures concernant son entreprise d’exploitation du plastique.

[123]   Selon les informations obtenues du centre d’encaissement de chèques (joint au rapport de l’onglet 46 de la pièce I‑11), monsieur Gervais a encaissé des chèques pour un montant total de 1 967 511 $ pendant la période d’avril 2005 à septembre 2006.

[124]   Monsieur Gervais n’a produit aucune information quant à l’identité de ses fournisseurs ou de ses achats; il n’a que des ventes, selon monsieur Houde. Il a confirmé que le chiffre d’affaires annuel de son entreprise se situait entre 30 000 $ et 100 000 $.

[125]   De plus, monsieur Gervais a signalé au vérificateur Houde qu’il ne fait pratiquement pas de recyclage de papier puisque son entreprise est plutôt active dans le recyclage de polymères. Il a ajouté qu’il n’a pas produit de déclarations de taxes en 2004 et 2005 puisqu’il a été malade et n’a presque pas travaillé.

[126]   De plus, monsieur Houde a établi devant notre Cour que des bons de commande placés par des clients (par exemple, Forest Fibers) à Récupération Papier J.M. (et non Distribution Papier J.M.) ont été facturés par PFG (pp. 4.59, 4.60 et 4.54 du rapport sous l’onglet 46 de la pièce I‑11); en ce qui concerne la facture émise par PFG (copie à la p. 4.61), monsieur Gervais a ajouté que c’est son écriture qui figure sur l’en‑tête de la facture et la première partie précisant le matériel vendu; toutefois, en ce qui concerne le reste des mentions sur la facture, ce n’était pas son écriture.

[127]   Également, des factures émises par PFG ont été envoyées par monsieur Lewis du numéro de télécopieur de 9072‑6886 Québec inc. (p. 4.28 de l’onglet 46 de la pièce I‑11). Monsieur Gervais n’a pu expliquer à notre Cour les raisons pour lesquelles ce document était joint à la facture émise par PFG.

[128]   Le vérificateur Houde a donc conclu qu’il n’y avait pas d’achats dans cette entreprise, qu’il n’y avait que des ventes qui semblent avoir été effectuées par monsieur Jarry et qui sont facturées par PFG.

[129]   Selon Martin Houde, PFG émet des factures de complaisance dans le domaine du papier mais serait une entreprise régulière dans le domaine du plastique; ainsi, monsieur Gervais a été cotisé en TPS pour des taxes perçues et non remises de 119 735,64 $.

(g) Le vérificateur Michel Boulet.

[130]   Michel Boulet a consulté le rapport de vérification préparé par Martin Houde. L’un de ses constats est qu’aucun bon de commande et aucune facture de vente ne sont notés sur les factures de PFG, ce qui est diffère de ce que l’on peut voir avec d’autres fournisseurs (onglets 6 et 7 de la pièce I‑1). De plus, sur certains documents de PFG, c’est le nom de Jacques Jarry qui y figure; on ne voit jamais le nom de Pierre‑François Gervais.

[131]   Il n’y a aucune modalité de paiement indiqué sur les factures émises par PFG (sauf sur celle dont copie est à la p. 954 de l’onglet 5 de la pièce I‑1).

[132]   En ce qui concerne la facture dont copie se retrouve à la page 939 de l’onglet 5 de la pièce I‑1, elle ne contient nul détail quant à la marchandise achetée; de plus, l’adresse et les numéros de taxes ne sont pas indiqués.

[133]   Me Rivard, avocat de l’appelante lors de l’audience, s’objecte au dépôt de la facture dont copie se retrouve à la page 954 de l’onglet 5 de la pièce I‑1 puisque les notes manuscrites du vérificateur sont indiquées sur celle‑ci et s’engage à produire à notre Cour une copie sans note. Vu que Me Rivard n’a jamais produit une telle facture, son objection est rejetée.

[134]   Monsieur Boulet n’a pu relever aucun indice démontrant que Jacques Jarry était représentant de PFG.

[135]   Compte tenu de tous ces éléments, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans les factures émises par PFG à l’appelante n’ont pas été effectuées par PFG à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre PFG et l’appelante, et donc que les factures émises par PFG à l’appelante étaient de complaisance.

3.4     GHG (monsieur Gaston H. Gilbert).

(a) La facture.

[136]   Une seule facture en date du 12 septembre 2006 est en cause. Cette facture est d’un montant total de 34 863,23 $, taxes comprises (pièce I‑1, onglet 22); des CTI d’un montant de 1 835,71 $ ont été refusés.

[137]   La facture n’est accompagnée de nul bon de commande, bon de réception, bon d’expédition. Il est impossible de faire le suivi du cheminement du papier.

[138]   Le chèque émis par l’appelante à l’ordre de GHG en paiement de cette facture a été encaissé dans un centre d’encaissement (pièce I‑1, onglet 21).

(b) Les informations.

[139]   Selon l’état des informations sur une personne morale au REQ (pièce I‑16), l’unique administrateur de GHG est monsieur Gaston H. Gilbert.

[140]   Monsieur Gilbert est décédé avant l’audience.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[141]   Selon monsieur Faivushevitz, la personne assurant la liaison chez ce fournisseur est monsieur Jarry. Lors de la vérification de l’appelante, monsieur Reiss a convenu que c’était avec Jacques Jarry qu’il faisait affaire en ce qui concerne ce fournisseur.

(d) Jacques Jarry.

[142]   Jacques Jarry ne reconnait pas le nom Recyclage GHG inc.

(e) La vérification de GHG.

[143]   Madame Marie-Josée Lavoie a également fait la vérification de ce fournisseur pour la période de vérification à partir de la date de constitution de cette société, soit le 29 aout 2006, jusqu’au 31 octobre 2006 (pièce I‑11, onglet 45). GHG a été sélectionné aux fins de vérification suite à la vérification de Trebano.

[144]   Madame Lavoie a communiqué avec monsieur Gilbert en mars 2007; selon madame Lavoie, monsieur Gilbert lui a confirmé que, ayant suivi un traitement médical, il n’avait fait aucune vente et ne voulait pas que les numéros d’inscription de GHG aux fins des taxes soient annulés puisqu’il voulait reprendre ses activités. Toutefois, ces numéros ont été annulés par l’ARQ en date du 4 juin 2007.

[145]   Les déclarations produites par GHG aux fins des taxes pour les périodes débutant le 29 aout 2006 et se terminant le 31 octobre 2006 ont été produites et indiquaient un montant nul.

[146]   Il ressort des informations produites par le centre d’encaissement de chèques que, au total, 403 145,67 $ ont été encaissés par GHG ou Gaston Gilbert pour la période débutant en juillet 2006 et se terminant en mars 2006 et, de cette somme, une somme totale pour GHG de 161 742,41 $ (période de septembre 2006 à octobre 2006).

[147]   L’adresse relevée sur les factures correspond à un commerce d’imprimerie et des boites postales.

[148]   L’adresse de monsieur Gilbert, président de la société, est un grand immeuble résidentiel. Les revenus de monsieur Gilbert pour les années 2003 à 2006 sont très modestes et sont tirés de l’aide sociale et de la Régie des rentes du Québec.

[149]   Madame Lavoie n’a pu retracer les fournisseurs de GHG.

[150]   Elle est d’avis que monsieur Gilbert et GHG n’exercent pas d’activité commerciale et n’ont pas les moyens financiers et matériels d’exploiter une entreprise. Elle a conclu que GHG émettait des factures de complaisance. Ainsi, GHG a été cotisé en TPS pour des taxes perçues et non remises de 21 227,50 $.

(f) Le vérificateur Michel Boulet.

[151]   Monsieur Boulet a pris connaissance du rapport de madame Lavoie et a fait l’analyse des antécédents fiscaux de Gaston Gilbert; nul revenu provenant de GHG ne lui a été versé en 2003, 2004, 2005 et 2006. De plus, nul véhicule n’est immatriculé en son nom auprès de la SAAQ.

[152]   De plus, selon le profil de GHG, nulle déclaration de revenus n’a été produite pour 2006, aucune inscription aux registres des retenues à la source (« RAS »), nul véhicule n’est immatriculé auprès de la SAAQ et les déclarations de taxes pour les périodes se terminant le 31 octobre 2006, le 31 janvier 2007 et le 30 avril 2007 ont été produites et indiquaient un montant nul.

[153]   Selon monsieur Boulet, l’écriture retrouvée sur la facture émise par GHG est similaire à celle retrouvée sur les factures émises par Méga Terra (pièce I‑1, onglets 23 et 26) ainsi que celles émises par la société de monsieur Jarry, 9072‑6886 Québec inc. (pièce I‑1, onglet 43).

[154]   Compte tenu de tous ces éléments, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans la facture émise par GHG à l’appelante n’ont pas été effectuées par GHG à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre GHG et l’appelante et donc que la facture émise par GHG à l’appelante était de complaisance.

3.5     Gestion.

(a) Les factures.

[155]   Deux factures sont en cause, la facture no 201 en date du 28 juillet 2008 d’un montant total de 28 035,22 $ et la facture no 305 en date du 18 septembre 2008 d’un montant total de 38 809,98 $ (pièce I‑1, onglet 34). Les CTI refusés sont d’un montant total de 2 961,03 $. Nul document n’a été retrouvé à l’appui des factures, soit nul bon d’achat ou autre. Les factures ont une écriture similaire à celles émises par PFG.

[156]   Il ressort de ces factures que des « Napkin Rolls » sont vendus; toutefois, selon les informations figurant au REQ, l’activité de la société est la location de personnel.

[157]   Les deux chèques émis par l’appelante en paiement des deux factures ont été encaissés dans un centre d’encaissement (pièce I‑1, onglet 33). Le premier chèque est en date du 28 juillet 2008 et le deuxième, en date du 27 octobre 2008. Il faut signaler que le nom du fournisseur n’est pas orthographié correctement sur les chèques ainsi que sur les factures : Gestion Personnel 2008 Inc.—toutefois, monsieur Boulet a confirmé que le numéro de TPS figurant sur les factures est bien le numéro de Gestion.personel.2008 inc.

(b) Les informations.

[158]   Selon l’état de renseignements d’une personne morale au REQ (pièce I‑3), le seul administrateur de Gestion est madame Kularanjithamalar Markandu; celle-ci a témoigné à l’audience. Cette société a été immatriculée le 8 mars 2008 et constituée le 7 mars 2008. Ces renseignements n’ont fait l’objet de nulle actualisation.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[159]   Monsieur Faivushevitz connait ce fournisseur, ayant fait affaire avec celui‑ci il y a longtemps, mais il ne connait pas madame Markandu. En contre‑interrogatoire, monsieur Faivushevitz signale que c’est possible qu’une société impliquée dans le placement de personnel vende du papier; il ne se souvient pas vraiment comment les choses se sont passées avec ce fournisseur. Il se rappelle toutefois avoir fait affaire avec un certain Tony. Monsieur Jarry n’avait rien à voir avec ce fournisseur.

(d) Madame Markandu.

[160]   Madame Markandu ne connait pas Jacques Jarry; elle a signalé qu’elle s’est fait voler son identité. Elle ne reconnait aucune facture émise par la société. De plus, elle ne reconnait pas les chèques émis par l’appelante en paiement des factures et confirme que ce n’est pas sa signature qui figure à l’endos de ceux‑ci.

[161]   Madame Markandu convient que ce n’est pas sa signature qui figure à la page 2 des documents de constitution de la société, mais que ce sont bien les copies de sa carte de la Régie de l’assurance maladie du Québec et de sa carte d’assurance sociale qui figurent en pièce jointe (pièce I‑6). Elle ajoute que ce n’est pas sa signature qui figure sur les statuts de constitution de Gestion et sur l’avis établissant l’adresse du siège social et la liste des administrateurs.

(e) Le vérificateur Michel Boulet.

[162]   Monsieur Boulet a examiné les informations détaillées dans le rapport de vérification de madame Diane De Luca, vérificatrice à l’ARQ, qui a procédé à la vérification de Gestion pour la période du 11 mars 2008 au 31 janvier 2009. Elle n’a pas témoigné à l’audience. Selon les extraits de son rapport, elle n’a pu vérifier les livres comptables de Gestion, elle a conclu que Gestion utilise un stratagème pour éviter, entres autres, le paiement des taxes et a ainsi été cotisée en TPS pour des taxes perçues et non remises de 239 731,50 $.

[163]   Il ressort des informations concernant madame Markandu que ses revenus pour 2008 et 2009 provenaient de l’aide sociale. Elle ne possède nul véhicule enregistré en son nom auprès de la SAAQ.

[164]   Selon les antécédents fiscaux de Gestion, elle a produit sa déclaration en taxes pour la période se terminant le 30 avril 2008 et par la suite, soit à compter du 31 juillet 2008, elle n’a produit nulle déclaration; en ce qui concerne ses revenus, nulle déclaration n’a été produite et elle est inscrite aux RAS—une déclaration a été produite en 2008 mais pas en 2009.

[165]   De plus, en examinant plus amplement les documents joints à la 1re facture (no 201), Michel Boulet s’est rendu compte que le bon de sortie (copie pp. 1444‑1445 de l’onglet 36 de la pièce I‑1) est une copie d’un bon de sortie qui était joint à une facture émise par un autre fournisseur de l’appelante, soit DK Trading Corporation, Inc. (pp. 1448 à 1451 de l’onglet 36 de la pièce I‑1).

[166]   En ce qui concerne la 2e facture (no 305), y étaient joints les connaissements (« bills of lading ») indiquant une vente à un client de l’appelante ainsi que la facture no U‑20027 émise par l’appelante à son client, soit Fantastic Industries Inc. (pp. 1457 à 1459 de l’onglet 35 de la pièce I‑1). Au cours de sa vérification, monsieur Boulet a demandé à l’appelante de lui donner copie de la facture émise par l’appelante à son client en ce qui concerne l’achat de papier relativement à cette deuxième facture. La copie d’une autre facture portant le même numéro U‑20027 lui a été remise, portant la même date, émise au même client (Fantastic Industries Inc.) mais pour une quantité de papier et un prix différents, de même qu’un document intitulé « Order » et un autre intitulé « Outbound » (pp. 1460 à 1462 de l’onglet 35 de la pièce I‑1). Dans la comptabilité de l’appelante, c’est la seconde version de la facture no U‑20027 qui est comptabilisée et non pas la première (p. 1466 de l’onglet 35 de la pièce I‑1).

[167]   Monsieur Boulet en a donc conclu que l’achat réel s’est fait auprès de DK Trading Corporation, Inc. et non pas auprès de Gestion compte tenu que les mêmes pièces sont jointes aux factures émises par ces deux entités.

[168]   Compte tenu de tous ces éléments, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans les factures émises par Gestion à l’appelante n’ont pas été effectuées par Gestion à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre Gestion et l’appelante et donc que les factures émises par Gestion à l’appelante étaient de complaisance.

3.6     Koudlai.

(a) Les factures.

[169]   Neuf (9) factures datées entre le 27 juillet 2008 et le 22 avril 2009 sont en cause, pour une somme totale de 235 058,80 $, incluant les taxes (onglet 39, pièce I‑1). Des CTI d’un montant de 10 412,35 $ ont été refusés.

[170]   Les deux premières factures (no 831 et no 847 de juillet et aout 2008) se rapportent à des services de transport (pp. 1506 et 1509 de l’onglet 39 de la pièce I‑1). En ce qui concerne l’une des 2 factures relatives au transport (p. 1506, onglet 39 de la pièce I‑1), il y a un bon de commande (p. 1507, onglet 39 de la pièce I‑1) émis par l’appelante à l’attention d’un certain Larry qui signale que le vendeur est Koudlai.

[171]   Toutes les autres factures (datées du mois d’aout 2008 à avril 2009) émises par Koudlai se rapportent à la vente de papier (pp. 1512, 1513, 1514, 1515, 1516,1517 et 1520). Sur ces factures, il n’y a pas de précisions quant au poids, au volume ou à la taille du papier et nul document n’est joint en justification des achats. Plusieurs de ces factures indiquent que la marchandise est « appropriated for non‑payment ».

[172]   Joint à une facture (pièce I‑1, onglet 39, page 1517), il y avait un document validant le numéro de TVQ de Koudlai ainsi qu’un bon de commande émis par l’appelante à Réseau Financier DBI Inc. (« DBI ») et non pas à Koudlai.

[173]   Les chèques émis par l’appelante à Koudlai ou à DBI ont été encaissés dans des centres d’encaissement (onglet 38, pièce I‑1). Certains chèques ont été endossés par « A. Koudlai » et déposés sous le nom Centurion Armored Car Services inc. et d’autres chèques ont été endossés par « Soumas ».

[174]   De plus, mis à part les deux chèques émis par l’appelante en paiement des 2 premières factures (pour transport), tous les autres chèques ont été émis au nom de DBI (onglet 38, pièce I‑1, pp. 1540 à 1545).

(b) Les informations.

[175]   Selon l’état de renseignements d’une personne morale au REQ (pièce I‑4), le seul administrateur de Koudlai est monsieur Andrej Koudlai. Les activités déclarées sont le commerce transitaire—transport outre‑mer et trans‑Canada.

(c) Monsieur Faivushevitz.

[176]   Selon monsieur Faivushevitz, la personne assurant la liaison chez ce fournisseur est une personne dénommée Larry. Il ne connait pas son nom de famille. Il ne connait pas monsieur Koudlai. Par son témoignage, monsieur Faivushevitz confirme que Jacques Jarry ne participe pas aux activités de Koudlai et qu’il n’a pas fait d’enquête au sujet de la provenance de la marchandise.

(d) La vérification de Koudlai.

[177]   Monsieur Sylvain Audette, vérificateur à l’ARQ en TPS et TVQ, a été chargé de la vérification de Koudlai (pièce I‑1, onglet 37). Il a effectué cette vérification puisque l’ARQ s’est rendu compte qu’il y avait encaissement de chèques dans des centres d’encaissement, que Koudlai n’avait pas produit de déclaration de taxes depuis son inscription; le nom de Koudlai est apparu suite à la vérification de l’appelante.

[178]   Monsieur Audette a tenté de joindre l’administrateur (monsieur Koudlai), mais sans succès; il a envoyé des demandes péremptoires pour obtenir des copies des états bancaires ainsi que les informations du centre d’encaissement (p. 1.4 du rapport produit sous l’onglet 37 de la pièce I‑1). Il a ainsi obtenu des copies des chèques et factures. Parmi les factures, il y avait des factures de transport, mais aussi de sociétés de télécommunication et autres.

[179]   Selon monsieur Audette, l’adresse figurant sur les factures n’est pas un lieu d’affaires ou une adresse commerciale. La cotisation émise suite à la vérification a été émise sur une base d’encaissement; il y a eu une somme de 2.4 millions dollars qui a été encaissée, incluant les taxes.

[180]   Selon monsieur Audette, Koudlai n’est pas en mesure de faire du transport. Il semble y avoir deux employés au service de la société, mais le numéro d’assurance sociale de l’un des employés est invalide (p. 5.1.3, onglet 37, pièce I‑1). Il a conclu, en l’absence d’activités commerciales, être en présence d’un émetteur de fausses factures. Ainsi, Koudlai été cotisée en TPS pour des taxes perçues et non remises de 108 101,20 $.

(e) Le vérificateur Michel Boulet.

[181]   Selon l’examen effectué par monsieur Boulet, nul permis n’a été émis par la Commission des transports du Québec à Koudlai; selon les informations retrouvées dans les dossiers de la SAAQ, le président de Koudlai, Andrej Koudlai, possède deux véhicules. Nul véhicule n’est immatriculé au nom de Koudlai. Monsieur Koudlai donne une adresse située en Colombie‑Britannique depuis avril 2008. Monsieur Koudlai a des revenus modestes (8 000 $) si l’on compare à la somme très importante encaissée dans les centres d’encaissement. Ce dernier n’a pas produit de déclaration de revenus au Québec depuis 2008.

[182]   De plus, Koudlai n’est pas inscrit auprès de la Commission des transports du Québec, les déclarations de taxes pour les périodes se terminant les 31 mars 2008, 31 mars 2009 et 31 mars 2010 n’ont pas été produites et les déclarations en impôts ont été produites pour 2007 et 2008, mais pas pour 2009 et 2010.

[183]   Koudlai compte 2 employés, soit un certain monsieur Goddart et un certain monsieur Labros Soumas; Koudlai a produit le sommaire des employeurs pour l’année 2008 et 2009 mais n’a jamais fait de remises salariales. Labros Soumas est également administrateur de DBI.

[184]   En contre‑interrogatoire, Michel Boulet reconnait que Labros Soumas est employé par Koudlai et que, lors de la vérification, monsieur Reiss a donné le numéro de téléphone de Labros Soumas comme personne assurant la liaison pour Koudlai.

[185]   De plus, lors d’une rencontre avec le comptable externe de l’appelante, ce dernier a confirmé à Michel Boulet que les comptes à recevoir de Koudlai avaient été cédés en garantie à DBI, expliquant ainsi le paiement effectué à DBI et non pas à Koudlai. Michel Boulet n’a toutefois pas vérifié cet élément plus longuement dans le cadre de sa vérification.

[186]   Compte tenu de tous ces éléments, monsieur Boulet a conclu que les fournitures recensées dans les factures émises par Koudlai à l’appelante n’ont pas été effectuées par Koudlai à l’appelante, qu’il n’y avait pas eu de transactions commerciales réelles entre Koudlai et l’appelante, et donc que les factures émises par Koudlai à l’appelante étaient de complaisance.

F.      discussion.

1.     Le caractère impératif des dispositions de la LTA et du Règlement.

[187]   Selon la LTA, un CTI ne peut être accordé que si les renseignements visés par le Règlement sont obtenus. Le Règlement dispose, notamment, que le nom du fournisseur ou de l’intermédiaire doit être indiqué sur la pièce justificative (par exemple, une facture).

[188]   Le Règlement définit l’intermédiaire comme l’« Inscrit qui, agissant à titre de mandataire d’une personne ou aux termes d’une convention conclue avec la personne, permet à cette dernière d’effectuer une fourniture ou en facilite la réalisation. »

[189]   La Cour d’appel fédérale a conclu à plusieurs reprises que le nom du vrai fournisseur ou de son intermédiaire (au sens de la LTA) devait figurer sur les factures. Ainsi, à l’occasion de l’affaire Kosma‑Kare Canada inc. c. La Reine, 2014 CAF 225, [2014] GSTC 128 [Kosma‑Kare], la juge Gauthier, s’exprimant pour l’ensemble de la Cour, a observé :

[7]        Donc, contrairement à ses dires, Kosma‑Kare n’avait pas respecté les dispositions strictes de la Loi exigeant, entre autres, qu’elle déclare le nom du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, à ce fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas, (Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) DORS/91-45, alinéa 3b)(i) (le Règlement).

[Non souligné dans l’original]

De plus, à l’occasion de l’affaire La Reine c. Salaison Lévesque Inc., 2014 CAF 296, [2014] GSTC 152 [Salaison Lévesque], la juge Gauthier a observé :

[17]      […] Le Règlement est clair et la seule véritable question devant le juge dans le présent dossier était de déterminer si Salaison avait présenté des factures décrivant le nom du fournisseur du service ou de l’intermédiaire tel que requis par le Règlement. Ceci est une question de fait.

[190]   Est constante la jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale, laquelle enseigne que sont impératives les dispositions de la LTA et du Règlement à l’égard de la réclamation des CTI.

[191]   La Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire Systematix Technology Consultants Inc. c. La Reine, 2007 CAF 226, [2007] ACF no 836 (QL), a conclu :

[4]        Nous sommes d’avis que la Loi exige que les personnes ayant versé des sommes au titre de la TPS à des fournisseurs veillent à fournir des numéros d’inscription des fournisseurs valides lorsqu’elles demandent un crédit de taxe sur les intrants.

[5]        Nous sommes d’accord avec le juge Bowie lorsqu’il affirme ce qui suit dans l’affaire Key Property Management Corp. c. R., [2004] G.S.T.C. 32 (CCI) :

Le but même de l’alinéa 169(4)a) et du Règlement est de protéger le Trésor contre les violations tant frauduleuses qu’innocentes. Ce but ne peut être atteint que si les exigences sont considérées comme étant obligatoires et sont rigoureusement appliquées. Le fait de les envisager simplement comme une indication ne serait pas seulement malencontreux, mais serait une grave violation de l’intégrité du texte législatif. [Non souligné dans l’original.]

[6]        Nous sommes également d’accord avec la juge Campbell lorsqu’elle affirme ce qui suit dans l’affaire Davis c. R., [2004] G.S.T.C. 134 (CCI) :

Je ne pense pas qu’il est possible de contourner ces dispositions, étant donné que leur libellé est très précis. Elles sont manifestement obligatoires, et l’appelant n’a tout simplement pas respecté les exigences techniques que la Loi et le Règlement lui imposent à titre de participant à un régime d’autocotisation. [Non souligné dans l’original.]

[192]   La jurisprudence est bien fixée : la bonne foi de l’inscrit qui réclame les CTI n’a aucune pertinence.

[193]   À l’occasion de l’affaire Comtronic Computer Inc. c. La Reine, 2010 CCI 55, [2010] ACI no 22 (QL) [Comtronic], le juge Boyle a observé :

[29]      En l’espèce, je suis lié par la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Systematix. Je dois toutefois souligner que (comme l’a fait remarquer mon collègue le juge Archambault, qui a statué sur l’affaire Systematix en première instance) cette approche stricte est une source potentielle d’injustice pour l’acheteur qui paye la TPS de bonne foi. Elle a pour conséquence que les entreprises canadiennes doivent supporter le risque lié à la fraude, au vol d’identité et aux actes illicites, et les oblige dans les faits à mettre en place des mesures de gestion du risque dans leurs relations tant avec leurs nouveaux fournisseurs qu’avec leurs fournisseurs existants de manière à déterminer quels renseignements fournis par les fournisseurs peuvent nécessiter qu’elles fassent des recherches plus approfondies. Un tel résultat peut s’avérer sévère et injuste, mais il est loisible au législateur fédéral d’instaurer un tel régime et je suis tenu d’appliquer les dispositions législatives telles qu’elles ont déjà été interprétées par la Cour d’appel fédérale.

[Non souligné dans l’original]

[194]   Examinant des dispositions similaires de la Loi sur la taxe de vente du Québec, la Cour d’appel du Québec, à l’occasion de l’affaire GPBR, a conclu également à leur caractère impératif :

[38]      En vertu des articles 201R1 à 201R5 du Règlement, seules les factures présentées par un fournisseur, son mandataire, c’est-à-dire une personne qui a le pouvoir de le représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers, ou encore, celles présentées par une personne qui, en vertu d’une entente, a permis au fournisseur de rendre le service ou en a facilité la réalisation, peuvent donner lieu à un CTI. Dans tous les cas, la facture doit émaner d’un Inscrit qui détient un intérêt à effectuer la facturation, ce qui exclut d’emblée la facturation de complaisance ou pis encore, la fausse facturation.

[…]

[40]      Au contraire, ces dispositions réglementaires visent précisément à prévenir le recours à la facturation de complaisance, qu’elle soit ou non frauduleuse. Les tribunaux l’ont d’ailleurs maintes fois rappelé. Les exigences réglementaires comme celles prévues aux articles 201R01 à 201R05 du Règlement visent à protéger le Trésor public contre toutes les violations, qu’elles puissent être qualifiées ou non de frauduleuses. Ces exigences sont strictes et obligatoires. Elles doivent être rigoureusement satisfaites par tout inscrit qui demande un CTI, à défaut de quoi le CTI ne peut lui être accordé.

[Non souligné dans l’original]

[195]   Ainsi, le fournisseur dont le nom figure sur la facture doit être le fournisseur qui a effectué la fourniture ou le mandataire ou représentant autorisé du fournisseur. Dans tous les cas, la personne qui a émis la facture doit avoir un intérêt à facturer; autrement, les CTI ne peuvent être accordés.

[196]   De plus, tel que le précise le juge Boyle à l’occasion de l’affaire Comtronic (citée ci‑dessus, par. 29), des mesures de gestion du risque doivent être prises par les personnes qui réclament des CTI compte tenu qu’elles « doivent supporter le risque lié à la fraude, au vol d’identité et autres actes illicites ».

[197]   La Cour d’appel du Québec, à l’occasion de l’affaire GPBR, conclura en obiter que l’inscrit a un devoir de vérification et que de telles mesures de contrôle sont essentielles pour la propre protection de l’inscrit (par. 46 à 49).

[198]   Ainsi, je suis d’avis que le caractère impératif des dispositions de la LTA et du Règlement, duquel découle un devoir de vérification de la part de la personne réclamant des CTI, est déterminant en l’espèce, et ce, peu importe la bonne foi de l’appelante.

2.     Le fardeau de la preuve.

[199]   Pour ce qui est de la 1re partie de la période en cause (soit d’avril 2005 à juillet 2007), l’intimée doit faire la preuve que l’appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, afin de justifier le droit du ministre d’établir une cotisation après l’expiration de la période normale de cotisation (paragraphe 298(4) de la LTA). Je discuterai ce point ci‑dessous.

[200]   Pour ce qui est de la 2e partie de la période en cause (soit de janvier 2008 à avril 2009), je suis d’avis que la thèse de l’appelante est incomplète lorsqu’elle soutient s’être acquittée de son fardeau de la preuve en présentant, entre autres, une preuve prima facie qu’elle a acquis les fournitures. Elle doit de plus présenter une preuve prima facie qu’elle a acquis ces fournitures des fournisseurs dont les noms figurent sur les factures.

[201]   De surcroit, la preuve prima facie de l’appelante doit comporter des éléments démontrant qu’elle n’est pas partie au stratagème de factures de complaisance allégué par l’intimée et a réellement acheté les fournitures des Fournisseurs. Dans un deuxième temps, l’appelante doit démontrer que les factures (et autres documents en support) respectent les dispositions de la LTA et du Règlement (Les Entreprises DRF Inc. c. M.R.N., 2013 CCI 95, [2013] GSTC 82 [DRF], par. 36 et 37).

[202]   À l’occasion de l’affaire Kosma‑Kare Canada Inc. c. La Reine, 2014 CCI 13, [2014] GSTC 2, la juge Lamarre (tel était son titre) a confirmé que le fardeau de la preuve incombe à l’appelante (le juge Paris a d’ailleurs fait référence à ce passage avec approbation dans la décision Pépinière A. Massé Inc. c. La Reine, 2014 CCI 271, [2014] GSTC 122) :

[48]      Pour la deuxième partie de la période en litige, du mois de mars 2007 au 30 juin 2010, l’appelante doit faire la preuve que la cotisation est erronée. Pour ce faire, elle doit présenter une preuve prima facie démontrant l’inexactitude des présomptions retenues par le ministre pour établir la cotisation. Une telle preuve est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé (Stewart c. Canada, [2000] A.C.I. no 53 (QL). Si l’appelante fait une telle preuve prima facie, le ministre doit alors réfuter cette preuve prima facie faite par l’appelante et prouver les hypothèses qu’il a retenues (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336). Toutefois, le fardeau de la preuve initial imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement, puisqu’il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle (Voitures Orly Inc. c. Canada, 2005 CAF 425, [2005] G.S.T.C. 200).

[203]   De plus, l’appelante fait erreur lorsqu’elle soutient que la légitimité des Fournisseurs a été démontrée, vu que l’appelante ne savait pas, notamment, que les Fournisseurs « n’avaient pas d’intérêt dans la fourniture (si, bien entendu, il advenait que ce soit le cas) ». La jurisprudence enseigne sans ambiguïté que la bonne foi de l’acquéreur n’a aucune incidence en matière de CTI.

3.     Observations quant à tous les Fournisseurs.

[204]   Il ressort des éléments de preuve que l’appelante a acquis les marchandises recensées aux factures émises par les 4 fournisseurs (sauf en ce qui concerne la Facture Méga). De plus, ce point a été admis par l’intimée. En ce qui concerne Gestion et Koudlai, je conclus, selon la prépondérance de la preuve, que nulle marchandise n’a été acquise par l’appelante auprès de ceux‑ci.

[205]   Également, l’intimée a établi, selon la prépondérance de la preuve, que les Fournisseurs n’étaient pas les véritables fournisseurs : l’intimée a établi que le véritable fournisseur de papier était Jacques Jarry en ce qui concerne les 4 fournisseurs et que, en ce qui concerne Gestion et Koudlai, il n’y a eu aucune fourniture effectuée au profit de l’appelante.

[206]   De plus, l’appelante ne m’a pas convaincue que les Fournisseurs étaient des intermédiaires (au sens de la LTA) d’une personne ayant réellement effectué une fourniture. Il ressort clairement des éléments de preuve que les Fournisseurs n’agissaient pas eux‑mêmes, ni comme fournisseurs de papier ni comme intermédiaires auprès de fournisseurs dans ce domaine.

[207]   La présomption consacrée par l’article 2831 du CcQ ne peut être utilement invoquée par l’appelante puisqu’elle n’a produit nul élément de preuve démontrant que les factures émanaient des Fournisseurs. En effet, les Fournisseurs (Méga Terra, PFG, J.S. Récupération et Gestion) ne reconnaissent pas les factures en cause; les preuves de l’intimée sont claires à cet égard. En ce qui concerne Koudlai et GHG, nul élément de preuve à cet égard n’a été produit par l’appelante; vu les éléments de preuve produits par l’intimée, je dois aussi conclure dans le même sens en ce qui concerne ces deux fournisseurs.

[208]   Selon l’appelante, les procédures rigoureuses suivies par les centres d’encaissement pour vérifier l’identité des personnes encaissant les chèques est un autre élément à prendre en considération pour conclure que les factures émanaient des Fournisseurs. À l’audience, nul élément de preuve n’a été produit quant à de telles procédures et je ne peux donc me prononcer quant à la qualité de telles vérifications. Au contraire, je relève que les administrateurs de certains Fournisseurs ont affirmé devant notre Cour que ce n’était pas leur signature qui figurait à l’endos des chèques; de plus, je relève que les chèques émis au nom de Récupération Papier J.M./9072‑6886 Québec inc. (pièce I‑13, p. 1204) et encaissés dans un centre d’encaissement ne sont pas émis au bon nom. Vu les éléments de preuve produits à l’audience, 9072‑6886 Québec inc. fait affaire sous le nom de Distribution Papier J.M. et non pas de Récupération Papier J.M. (pièce I‑18). Les chèques ont toutefois été encaissés par le centre d’encaissement—voilà qui ne va pas dans le sens d’un processus d’encaissement rigoureux. À mon avis, cette thèse ne peut être retenue.

[209]   Il ressort clairement des éléments de preuve produits à l’audience que les Fournisseurs n’avaient pas la capacité d’exploiter une entreprise dans le domaine de l’achat et la revente de papier. Nul doute que les Fournisseurs n’exerçaient aucune activité commerciale dans les années en cause. Les témoignages des divers vérificateurs sont clairs à cet égard. Les divers dirigeants et administrateurs des Fournisseurs ayant témoigné à l’audience ont admis n’avoir jamais exploité d’entreprise (Méga Terra et Gestion) et aussi n’avoir jamais vendu de papier à l’appelante (Méga Terra, Gestion, PFG et J.S. Récupération). De plus, les témoignages des administrateurs et dirigeants des Fournisseurs portent qu’ils ne connaissent pas Jacques Jarry ou encore, s’ils le connaissent, ils n’ont jamais fait affaire avec lui.

[210]   De même, au cours de son témoignage, Jacques Jarry dira ne pas connaitre les divers Fournisseurs; toutefois, je n’accorderai nulle valeur à ce témoignage compte tenu des propos très vagues et incohérents qu’il a tenus; il ne reconnait même pas le nom de sa propre société (9072‑6886 Québec inc. et Distribution Papier J.M.).

[211]   Tous les chèques émis par l’appelante en paiement des factures en cause ont été encaissés dans des centres d’encaissement. Notre Cour, à l’occasion de l’affaire Les Pro‑Poseurs Inc. c. La Reine, 2011 CCI 113, 2011 DTC 1103, [2011] GSTC 38, (par. 40), a jugé que le fait que les chèques soient encaissés dans un centre d’encaissement devait faire naitre des soupçons quant à la probité de ce fournisseur. Le témoignage de monsieur Faivushevitz portant qu’il recevait les copies des chèques de sa banque est plutôt vague. Il dira qu’il était possible d’obtenir copie des chèques de la banque sans préciser s’il les demandait. À cet égard, est-ce que le teneur de livres comptables de l’appelante aurait pu témoigner à l’audience sur ce sujet? Compte tenu de son absence, j’en tire donc une inférence négative dans le sens que le témoignage de ce teneur de livres comptables n’aurait pas conforté l’appelante dans sa position. Vu l’enseignement de la décision 2411‑3250 Québec Inc. c. La Reine, 2013 CCI 272, [2013] GSTC 109, je peux tenir compte du fait que les chèques étaient encaissés dans des centres d’encaissement pour apprécier la force probante du témoignage rendu par l’appelante ainsi que sa crédibilité (par. 65).

[212]   Il ressort clairement des éléments de preuve que les seules vérifications effectuées par l’appelante consistaient à vérifier les numéros d’inscription aux taxes, et à savoir si les numéros étaient toujours valides. Aucune autre mesure de vérification n’était prise par l’appelante. Monsieur Faivushevitz a admis que nulle vérification n’était effectuée auprès du REQ. De plus, il a témoigné que peu importait le nom qui figurait sur les factures, la seule chose qui lui importait était d’avoir du papier à revendre. Notre Cour enseigne que cette vérification n’est pas suffisante aux fins de réclamation des CTI (Modes Crystal inc. c. La Reine, 2013 CCI 33, [2013] ACI no 32 (QL)), ce qui a été confirmé, notamment, à l’occasion de l’affaire GPBR.

[213]   L’appelante demande à notre Cour de décider qu’elle n’est pas tenue de vérifier que les Fournisseurs ne sont pas des délinquants fiscaux, qu’ils ont la capacité d’effectuer la fourniture et qu’ils n’agissaient pas à titre de prête‑nom pour un tiers. Ce devoir de vérification incomberait plutôt aux autorités fiscales qui contrôlent les registres de la TPS.

[214]   L’appelante cite la jurisprudence SNF S.E.C. c. La Reine, 2016 CCI 12 [SNF], à l’appui de son interprétation de la LTA et du Règlement. Dans l’affaire SNF, un compte avait été ouvert auprès de SNF pour chaque fournisseur et à l’ouverture du compte, le maximum d’informations possible était obtenu de la part de ces personnes, par exemple, la copie estampillée de la déclaration d’inscription aux taxes émises par l’ARQ, incluant les numéros d’inscription, les adresses, etc. La procédure instaurée par SNF est très différente de celle qu’a suivie l’appelante. En l’espèce, la seule vérification que faisait l’appelante concernait les numéros de taxes. Cette jurisprudence n’est donc pas pertinente en l’espèce.

[215]   Selon la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale (Kosma‑Kare et Salaison Lévesque), le nom du vrai fournisseur ou de son intermédiaire (au sens de la LTA) doit figurer sur les factures et la bonne foi n’est pas un critère pertinent à cet égard.

[216]   L’appelante cite également la décision Stamatopoulos c. Agence du revenu du Québec, 2015 QCCQ 13237 (CanLII) (un appel est pendant devant la Cour d’appel du Québec). Dans cette affaire, monsieur Stamatopoulos rencontrait les sous‑traitants, obtenait copie des statuts constitutifs, de la déclaration déposée au REQ et de l’inscription aux fins de taxes.

[217]   En l’espèce, les faits sont très différents. Là encore, l’appelante ne faisait que vérifier les numéros de taxes et aucune procédure n’avait été instaurée par l’appelante pour vérifier l’identité des Fournisseurs. Aucune vérification n’était faite auprès du REQ.

[218]   Je reconnais que l’appelante n’est pas tenue d’effectuer une vérification de ses fournisseurs afin de s’assurer qu’ils se conforment aux lois fiscales puisque l’appelante n’a nul moyen d’effectuer cette vérification. Toutefois, l’appelante doit effectuer un minimum de vérifications, ce qui inclut, notamment, une recherche sur le site du gouvernement permettant de confirmer l’inscription aux fichiers de la TPS, une recherche auprès du REQ ainsi qu’une vérification quant à l’identité de la personne avec laquelle elle fait affaire. Dans le monde des affaires, le rythme est rapide, souvent effréné. Il est toutefois très facile et très rapide de vérifier l’identité des administrateurs et dirigeants de personnes morales ou d’individus se livrant à des activités commerciales. À cet égard, une simple vérification au REQ aurait permis à l’appelante de constater que Jacques Jarry n’était ni administrateur, ni dirigeant de ces Fournisseurs et ni une personne liée à aucun d’entre eux. Je tire la même conclusion pour Tony et Larry en ce qui concerne Gestion et Koudlai.

[219]   Je suis d’avis que le devoir de vérification et les conditions strictes quant à l’admissibilité aux CTI a pour conséquence que l’inscrit se doit de vérifier l’identité des fournisseurs avec lesquels il fait affaire.

[220]   Je constate l’absence d’un témoin important qui aurait pu soutenir les thèses de l’appelante, soit monsieur Scott Mitchell, qui était l’employé chargé de la vérification des numéros de taxes. J’en tire donc une inférence négative et conclus que le témoignage qu’il aurait rendu n’aurait pas été favorable à l’appelante.

[221]   En outre, la documentation recensant les transactions avec les Fournisseurs ne permet pas de vérifier le cheminement de la marchandise de l’achat à la vente par l’appelante. Toutefois, avec d’autres fournisseurs de l’appelante, il était possible de suivre la trace de la marchandise tout au long du processus puisqu’il y avait des bons de commande, des bons de livraison, des documents d’expédition, etc. Les paiements étaient également effectués très rapidement.

[222]   Finalement, le vérificateur Boulet a établi la succession des Fournisseurs par ordre chronologique (pièce I‑1, onglet 1, pp. 65‑66).

4.     Observations particulières quant aux 4 fournisseurs (Méga Terra, PFG, J.S. Récupération et GHG).

[223]   L’appelante soutient que puisque l’intimée a admis qu’il y a eu fournitures relativement aux factures émises par les 4 fournisseurs, cela suffit à donner droit aux CTI. Cette thèse ne peut être retenue. La jurisprudence enseigne clairement que cela ne suffit pas (9088‑2945 Québec inc. c. La Reine, 2013 CCI 58, [2013] ACI no 48 (QL), par. 14 et DRF, ci‑dessus, par. 57).

[224]   Monsieur Faivushevitz soutient que Jacques Jarry était le représentant des 4 fournisseurs, mais sans en produire de preuve. Il ressort plutôt des éléments de preuve que Jacques Jarry n’était ni administrateur ni dirigeant des 4 fournisseurs et n’était pas lié à ceux‑ci. Nulle preuve documentaire ne vient établir que Jacques Jarry avait un intérêt dans les 4 fournisseurs ou qu’il était lié à l’un ou l’autre de ceux‑ci. Aucun document ne rattache Jacques Jarry aux 4 fournisseurs. Monsieur Faivushevitz aurait dû poser des questions à Jacques Jarry à cet égard. Il semble peu probable qu’une personne se présentant dans un court laps de temps puisse prétendre représenter successivement des fournisseurs différents. Monsieur Faivushevitz n’a fait aucune vérification à cet égard. Monsieur Faivushevitz a simplement tenu pour acquis que Jacques Jarry était le représentant des 4 fournisseurs. Monsieur Faivushevitz n’a pas pris la peine de vérifier les informations publiques disponibles sur le site du REQ. Il aurait ainsi pu voir que le nom de Jacques Jarry ne figure à aucun titre au REQ à l’égard de ces Fournisseurs.

[225]   Il ressort également du témoignage de monsieur Faivushevitz qu’il n’a jamais posé de questions à Jacques Jarry à cet égard.

[226]   De plus, selon le témoignage du vérificateur Jolicœur, il semble que Jacques Jarry aurait des intérêts dans 3 sociétés (9072‑6886 Québec inc., 9073‑3122 Québec inc. et 9200‑0298 Québec inc.) et qu’il n’est associé à aucune autre société (pièce I‑17).

[227]   Monsieur Faivushevitz se contredit lorsqu’il parle de Jacques Jarry—au premier jour de l’audience, monsieur Faivushevitz dit que Jacques Jarry est le représentant autorisé de Méga Terra (il dira également que Jacques Jarry était le représentant de J.S. Récupération, de GHG et de PFG); quelques mois plus tard, à la reprise de l’audience, monsieur Faivushevitz dit ne pas connaitre les dispositions que Jacques Jarry aurait pu avoir avec les 4 fournisseurs. Cette partie du témoignage de monsieur Faivushevitz n’est pas crédible. Il ne peut dire que Jacques Jarry est un représentant et par la suite, affirmer ne pas connaitre les dispositions de monsieur Jarry avec les 4 fournisseurs. Il aurait dû poser des questions à Jacques Jarry et exiger la confirmation de la part des 4 fournisseurs quant aux éventuelles dispositions prises. La raison invoquée par monsieur Faivushevitz selon laquelle l’identité des fournisseurs de ces fournisseurs doit être gardée secrète ne peut trouver application dans cette situation—si Jacques Jarry était le représentant des 4 fournisseurs, alors ces derniers étaient les fournisseurs de l’appelante—il n’était pas question ici de connaitre l’identité des fournisseurs de ces 4 fournisseurs.

[228]   Dans ses observations écrites, l’appelante soutient que Jacques Jarry est le représentant de ces 4 fournisseurs mais elle soutient également que Jacques Jarry est courtier quant à ces 4 fournisseurs. Cela ne concorde pas avec le témoignage de monsieur Faivushevitz puisque ce dernier a signalé que Jacques Jarry ne se présentait jamais seul aux rencontres avec l’appelante; par exemple, monsieur Faivushevitz a signalé que Jacques Jarry était possiblement accompagné de Maxime Grondin en 2006 lors de la rencontre au cours de laquelle la transaction relative à l’achat de papier provenant du déraillement de train du CN a été conclue, ou encore, que Jacques Jarry était accompagné de Pierre‑François Gervais pour conclure les ententes avec PFG. Si Jacques Jarry est le courtier, alors compte tenu du fait que l’identité des fournisseurs doit être gardée secrète, pourquoi Jacques Jarry viendrait rencontrer l’appelante avec monsieur Grondin ou monsieur Gervais et pourquoi Jacques Jarry se présenterait‑il comme représentant des 4 fournisseurs? L’explication fournie par monsieur Faivushevitz est nébuleuse et peu convaincante.

[229]   De plus, le témoignage de monsieur Faivushevitz portant que monsieur Gervais se présentait aux rencontres avec monsieur Jarry pour faire l’interprète me semble invraisemblable. Une personne que l’on décrit comme ayant beaucoup de contacts dans l’industrie du papier, qui aurait fait affaire avec l’appelante pendant plus de 30 ans, qui est impliquée dans le milieu commercial et qui ne serait pas capable de négocier seul le prix de vente du papier dans la langue anglaise? Je ne peux raisonnablement croire cela.

[230]   En outre, monsieur Faivushevitz n’a pu présenter à la Cour des cartes d’affaires de Jacques Jarry indiquant qu’il était le représentant des 4 fournisseurs. À cet égard, je n’accorderai toutefois nulle valeur au témoignage de Jacques Jarry lorsqu’il affirme n’avoir jamais vendu de papier à l’appelante (sauf pour des périodes antérieures aux années en cause).

[231]   Est-ce que les 4 fournisseurs dont les noms figurent sur les factures étaient les intermédiaires d’un fournisseur (Jacques Jarry en l’espèce ou l’une de ses sociétés) au sens de la LTA? Nul élément de preuve ne vient établir que Jacques Jarry aurait déclaré à l’appelante que les 4 fournisseurs agissaient à titre d’intermédiaires pour lui. L’appelante n’a produit nul élément de preuve concernant la relation de Jacques Jarry avec les 4 fournisseurs. Monsieur Faivushevitz n’a fait que présumer que Jacques Jarry était le représentant de ces 4 fournisseurs, sans qu’aucune preuve ne lui en soit donnée.

[232]   Je note l’écriture similaire retrouvée sur les diverses factures émises par ces 4 fournisseurs. Vu qu’aucun élément de preuve n’a été présenté quant au rôle de Jacques Jarry à l’égard des 4 fournisseurs, il est légitime de nourrir des doutes quant à la validité des factures émises par les 4 fournisseurs.

[233]   Je suis d’avis, vu les preuves, que l’appelante s’est pliée aux directives de paiement de Jacques Jarry sans poser de questions, en ce qui concerne les 4 fournisseurs. Tout d’abord, il est clair que les seules vérifications effectuées par l’appelante consistaient à s’assurer que ces 4 fournisseurs étaient inscrits au registre de la TPS. Aucune autre vérification n’a été effectuée. Encore une fois, je tire une inférence négative du fait que l’employé de l’appelante chargé de la vérification des numéros de taxes ne soit pas venu témoigner à l’audience; j’en infère que son témoignage n’aurait pas été favorable à la position de l’appelante.

[234]   L’appelante met en garde notre Cour relativement à la valeur probante à donner aux témoignages de tiers, soit les administrateurs des divers Fournisseurs, qui ne sont pas des tiers désintéressés, ces témoignages ayant possiblement des répercussions dans leur propre dossier fiscal puisque chacun a été l’objet d’une vérification et cotisation. Cette thèse de l’appelante me laisse perplexe, puisqu’elle demande d’accorder une valeur probante aux témoignages de messieurs Jarry et Gervais, qui, eux aussi, ont fait l’objet de vérifications et cotisations.

[235]   Relativement au témoignage de Jacques Jarry, compte tenu de sa propension à ne se rappeler aucun nom ou événement, mais seulement de la transaction à l’égard du déraillement de train du CN, son témoignage a également peu de valeur probante. J’opinerai plutôt que, conformément aux déclarations de monsieur Faivushevitz, Jacques Jarry avait beaucoup de relations dans l’industrie du papier; également, ce témoignage est conforme à celui rendu par les représentants de Perkan qui ont signalé que Jacques Jarry avait acheté de la marchandise de papier dans les années en cause.

[236]   Je suis d’avis que les témoignages de messieurs Grondin et Sirois sont plutôt crédibles. Je n’y ai relevé nulle contradiction.

[237]   De plus, l’appelante demande à notre Cour de donner un poids prépondérant au témoignage de monsieur Gervais qui a signalé avoir vendu du papier à l’appelante. Toutefois, je ne suis pas du même avis. Tout d’abord, monsieur Gervais se contredit à cet égard. Il dit qu’il a vendu du papier en 2005 et 2006 à l’appelante mais par la suite, il dit qu’il n’a peut‑être pas eu d’activités commerciales en 2005 et 2006. De plus, monsieur Faivushevitz dit qu’il a fait affaire avec monsieur Gervais après 2008 seulement et pas avant. Également, monsieur Gervais ne pourra nommer aucun de ses fournisseurs. La crédibilité de monsieur Gervais est également ébranlée par l’histoire du vol des documents de son entreprise en aout 2006. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’avertir le vérificateur Martin Houde qui avait requis une copie de ces documents? Martin Houde avait communiqué avec monsieur Gervais au cours de l’été 2006 et ce n’est qu’en février 2007 que monsieur Gervais l’avise de ce supposé vol, qui aurait eu lieu peu de temps après le début de la vérification, soit en aout 2006. De plus, nulle explication n’est donnée par monsieur Gervais relativement aux bons de commande de Forest Fibers émis à l’attention de la société 9072‑6886 Québec inc. (Distribution Papier J.M.) qui sont joints à certaines factures émises par PFG. Également, des factures émises par PFG ont été envoyées par monsieur Lewis du numéro de télécopieur de 9072‑6886 Québec inc. (p. 4.28 de l’onglet 46 de la pièce I‑11). Il ressort de cette absence d’explications de la part de monsieur Gervais, à mon avis, que PFG n’a pas effectué de fournitures au profit de l’appelante.

[238]   En ce qui concerne J.S. Récupération : monsieur Sirois a convenu que la personne contact était Jacques Jarry et monsieur Sirois a confirmé de pas connaitre l’appelante et monsieur Reiss. Il a affirmé connaitre monsieur Jarry mais ne pas avoir fait affaire directement avec lui. Il ne se souvient pas de son chiffre d’affaires. À cet égard, il me semble très particulier que monsieur Sirois ne se souvienne pas de son chiffre d’affaires, surtout s’il a exploité son entreprise de récupération pendant un an seulement. À mon avis, c’est parce que monsieur Sirois n’a pas exploité d’entreprise en 2005 et 2006 qu’il ne se souvient pas de son chiffre d’affaires. Conséquemment, J.S. Récupération ne peut avoir effectué de fournitures à l’appelante.

[239]   En ce qui concerne Méga Terra : Maxime Grondin a affirmé ne pas connaitre l’appelante, monsieur Faivushevitz et Jacques Jarry. Vu qu’il ne s’est pas montré coopératif avec le vérificateur de l’ARQ, notre Cour n’est pas particulièrement bien disposée à son égard; cela dit, j’ai tout de même trouvé son témoignage crédible. L’explication de monsieur Faivushevitz à l’égard de la Facture Méga est nébuleuse. Il soutient que la Facture J.M. est la facture officielle—quantité et prix sont connus; alors qu’en est-il de la Facture Méga? Ces commentaires trop vagues et imprécis, alors qu’il s’agissait d’une très grosse transaction pour l’appelante, me poussent plutôt à conclure que l’on ne me dit pas tout. Selon les preuves, 9072‑6886 Québec inc. (Distribution Papier J.M.) n’a rien vendu à Méga Terra; la totalité du papier acquis par 9072‑6886 Québec inc. a été revendue par l’appelante (feuille de travail, pièce I‑1, onglet 30 et pièce I‑8, p. 11.52) et le nom de Jacques Jarry ainsi que le numéro de télécopieur de la société 9072‑6886 Québec inc. figurent à plusieurs endroits dans la documentation relative à cette transaction. À mon avis, la Facture Méga est tout simplement fausse.

[240]   Compte tenu de ces circonstances, je suis d’avis que, selon la prépondérance de la preuve, c’est Jacques Jarry ou l’une de ses sociétés, qui a effectué les fournitures en question. Nul des 4 fournisseurs n’a effectué de fournitures à l’appelante ni n’a agi à titre d’intermédiaire pour le véritable fournisseur.

5.     Observations particulières quant à Gestion et Koudlai.

[241]   Tout d’abord, le témoignage de madame Markandu m’a paru crédible. Il est clair que, ne s’exprimant ni en français ni en anglais, elle n’a effectué aucune fourniture dans le domaine du papier par l’entremise de Gestion.

[242]   Monsieur Faivushevitz a admis ne pas connaitre madame Markandu ainsi que monsieur Koudlai (les administrateurs).

[243]   Monsieur Faivushevitz a précisé que ce n’était pas Jacques Jarry qui était la personne assurant la liaison avec ces deux Fournisseurs, mais bien une personne dénommée Tony pour Gestion et Larry pour Koudlai. Je tire une inférence négative de l’absence de témoignages de ces deux mystérieuses personnes et conclus que le témoignage qu’elles auraient rendu n’aurait pas été favorable à l’appelante.

[244]   La Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire Les Pro‑Poseurs Inc. c. La Reine, 2012 CAF 200, 2012 DTC 5114, [2012] GSTC 60, a précisé qu’il était possible de tirer une telle inférence négative :

[16]      Le juge de la CCI était aussi en droit de tirer une inférence négative du fait que plusieurs des individus qui auraient été en mesure de soutenir les prétentions des appelants n’ont pas été appelés à témoigner. J’ai à l’esprit le personnel de la Quincaillerie où la Compagnie recrutait sa main-d’œuvre ainsi que le comptable des appelants.

[17]      Quant aux têtes dirigeantes des prétendus fournisseurs, il est vrai que les vérificateurs n’ont pas été en mesure de les contacter. Par contre, ceci n’établit pas que les appelants n’étaient pas en mesure de le faire et ces derniers n’ont fait état d’aucune démarche entreprise en ce sens. J’ajouterais que s’il est vrai qu’aucun de ces individus ne peut être retrouvé, cela est assez révélateur en soi.

[Non souligné dans l’original]

[245]   De plus, relativement à Gestion, selon les preuves produites par le vérificateur Boulet, il est clair que le fournisseur du papier était, en fait, DK Trading Corporation, Inc. Des documents relatifs à d’autres achats effectués par l’appelante étaient joints aux factures en cause. L’appelante n’a produit nul élément de preuve tendant à réfuter les preuves présentées par le vérificateur Boulet.

[246]   Il ressort de diverses factures émises par Koudlai que la marchandise est « appropriated for non‑payment ». Monsieur Faivushevitz n’a pas expliqué à la Cour s’il avait vérifié la provenance du papier. Compte tenu de cette mention sur les factures, il me semble que monsieur Faivushevitz aurait dû poser des questions sur la provenance du papier.

[247]   De plus, l’appelante n’a présenté aucune preuve tendant à réfuter les preuves présentées par l’intimée à l’égard de Gestion et Koudlai.

[248]   Compte tenu de ces circonstances, je suis d’avis que Gestion et Koudlai n’ont effectué aucune fourniture à l’appelante et qu’il n’y a eu aucun achat effectué par l’appelante à l’égard de la marchandise recensée dans les factures. Conséquemment, je conclus que les factures sont fausses. Toutefois, s’il y avait eu fournitures, il est clair que, selon la prépondérance de la preuve, elles ne peuvent provenir de Gestion et Koudlai. De plus, nul élément de preuve n’a été présenté par l’appelante quant à savoir si ces Fournisseurs étaient les intermédiaires du véritable fournisseur.

6.     Les pénalités prévues par l’article 285 de la LTA et la prescription prévue par le paragraphe 298(4) de la LTA.

6.1     Les pénalités prévues par l’article 285 de la LTA.

[249]   L’article 285 de la LTA dispose que « [t]oute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission » est passible d’une pénalité.

[250]   Le fardeau de la preuve quant aux faits justifiant l’imposition des pénalités repose sur le ministre (paragraphe 285.1(16) de la LTA).

[251]   Selon le texte même de l’article 285 de la LTA, deux éléments doivent être réunis pour conclure à l’application d’une pénalité : (1) un élément mental (« sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde ») et (2) un élément matériel (« fait un faux énoncé ou une omission »).

[252]   En ce qui concerne l’élément matériel, la jurisprudence enseigne clairement qu’une déclaration inexacte dans une déclaration de revenus équivaut à une présentation erronée des faits (Nesbitt c. La Reine, [1996] ACF no 19 (C.F. 1re inst.) (QL), par. 22; D’Andrea c. La Reine, 2011 CCI 298, [2011] ACI no 243 (QL), par. 35). Les mêmes principes s’appliquent aux fins des taxes à la consommation. Ayant conclu que l’appelante n’avait pas droit aux CTI relativement aux Fournisseurs, je conclus également que l’appelante a fait une présentation erronée des faits et, conséquemment, un faux énoncé en produisant ses déclarations de taxes aux fins de la TPS.

[253]   En ce qui concerne l’élément mental, il pourrait y avoir deux scénarios possibles appelant l’imposition des pénalités : soit l’appelante a sciemment fait un faux énoncé, soit l’appelante a fait un faux énoncé dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[254]   Le juge Owen, à l’occasion de l’affaire De Gennaro v. the Queen, 2016 TCC 108, en examinant une disposition similaire à l’article 285 de la LTA, soit le paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5suppl.) (la « LIR »), observe que l’aveuglement volontaire suffit pour établir les « circonstances équivalant à faute lourde » :

[41]      Selon la lecture littérale du mot « sciemment », il faut que l'appelant ait eu la connaissance subjective que la déclaration en cause était fausse lorsqu'elle a été faite. Le contexte du mot « sciemment », qui fait contraste aux mots « circonstances équivalent à faute lourde », va dans le sens de cette interprétation.

[42]      Une certaine jurisprudence portant sur le paragraphe 163(2) de la LIR pourrait sembler enseigner que la connaissance peut être imputée à l'intéressé par un constat d'aveuglement volontaire. Cependant, je ne crois pas que cette jurisprudence enseigne que l'aveuglement volontaire est l'équivalent de la connaissance subjective qu'appelle le mot « sciemment ». Elle confirme plutôt que l'aveuglement volontaire suffit pour établir les « circonstances équivalent à faute lourde ». C'est ce qu'enseigne clairement la Cour d'appel fédérale par les arrêts Procureur général du Canada c. Villeneuve, 2004 CAF 20 au paragraphe 6, Panini c. La Reine, 2006 CAF 224 aux paragraphes 41 à 43 et Strachan c. La Reine, 2015 CAF 60 au paragraphe 4.

[Non souligné dans l’original]

[255]   La notion de « faute lourde » a été définie par le juge Strayer à l’occasion de l’affaire Venne c. La Reine, [1984] ACF no 314 (C.F. 1re inst.) (QL) :

[…] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. […]

[256]   La Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire Strachan c. La Reine, 2015 CAF 60, [2015] ACF no 252 (QL), a conclu que la faute lourde pouvait également découler de l’aveuglement volontaire du contribuable :

[4]        Premièrement, comme l’a admis l’avocat de l’appelante dans sa plaidoirie, le juge n’a pas commis d’erreur en ce qui a trait au critère juridique applicable. La faute lourde peut être établie dans le cas où le contribuable fait preuve d’ignorance volontaire au sujet des faits pertinents lorsqu’il ressent le besoin de se renseigner, mais refuse de le faire parce qu’il ne veut pas connaître la vérité (Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, 327 N.R. 186, au paragraphe 6; Panini c. Canada, 2006 CAF 224, [2006] A.C.F. no 955, aux paragraphes 41 à 43).

[257]   À l’occasion de l’affaire Kosma‑Kare Canada Inc. c. La Reine, 2015 CCI 182, [2015] GSTC 74, la juge en chef adjointe Lamarre précise :

[28] Tel que mentionné plus haut, lorsqu’il est question de faute lourde, il importe de considérer le comportement du contribuable, particulièrement lorsqu’il faut déterminer si ce dernier a fait montre d’aveuglement volontaire. Il y a lieu de tenir compte des circonstances particulières propres à chaque cas pour juger du comportement d’un contribuable. Je le répète, l’aveuglement volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle préfère ne pas connaître la vérité. C’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce. L’appelante n’a pris aucun moyen raisonnable pour s’assurer de fournir les renseignements exigés par la LTA et le Règlement, malgré les circonstances. L’appelante a préféré rester dans l’ignorance et « se fermer les yeux ». Aucun devoir d’enquête spécifique n’était imposé à l’appelante. Par contre, j'estime qu'il devenait nécessaire dans le cas présent, qu’elle se renseigne sur l’identité de ses fournisseurs à partir du moment où elle savait que les circonstances lui commandaient de s’enquérir de la situation afin de remplir son obligation de fournir des informations exactes, au moment de réclamer les CTI, aux termes de la LTA et du Règlement.

[Non souligné dans l’original]

[258]   Selon l’intimée, l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard de plusieurs indices selon lesquels les noms des Fournisseurs figurant sur les factures étaient faux. Selon l’intimée, l’appelante ne pouvait ignorer que le véritable fournisseur était Jacques Jarry pour les 4 fournisseurs. L’unique interlocuteur pour ces 4 fournisseurs était Jacques Jarry. L’appelante n’a pris nulle mesure pour s’assurer que Jacques Jarry était le représentant des 4 fournisseurs; elle ne fait que le tenir pour acquis. Aucune procédure n’avait été instaurée par l’appelante pour vérifier l’identité des 4 fournisseurs, l’appelante ayant admis vérifier seulement l’inscription aux taxes, sans vérification auprès du REQ. L’intimée ajoute que le fait que Jacques Jarry changeait souvent de sociétés pour facturer aurait dû alerter l’appelante. En ce qui concerne Gestion, les faux documents produits à l’appui des factures révèlent la collusion selon l’intimée. Selon elle, en acceptant de payer des factures émises par des fournisseurs qui lui étaient inconnus, l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire équivalent à faute lourde justifiant l’imposition de la pénalité prévue à l’article 285 de la LTA.

[259]   Le seul argument soulevé par l’appelante est qu’elle ne savait pas que les factures étaient fausses et, conséquemment, les pénalités ne doivent pas être maintenues. Elle ne fait que tenter de répondre au premier scénario de l’élément mental auquel j’ai fait référence ci‑dessus.

[260]   Je suis plutôt d’avis que l’appelante savait qu’elle faisait un faux énoncé au sens de la LTA en ce qui concerne Gestion. Les faux documents produits à l’appui des factures émises par Gestion sont suffisants pour tirer cette conclusion. De plus, je tire la même conclusion en ce qui concerne la Facture Méga. Ainsi qu’il a été signalé plus haut, les explications données par monsieur Faivushevitz à l’égard de cette facture ne sont pas claires, voire nébuleuses, et je conclus que la Facture Méga est fausse. J’en déduis que l’appelante savait qu’elle faisait un faux énoncé à cet égard en réclamant les CTI.

[261]   En ce qui concerne les autres Fournisseurs (soit Méga Terra, excepté la Facture Méga, PFG, J.S. Récupération, GHG et Koudlai), je suis plutôt d’avis que l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire équivalant à faute lourde. Compte tenu de cette conclusion, je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si l’appelante savait qu’elle faisait un faux énoncé à l’égard de ces Fournisseurs.

[262]   Je suis d’avis que l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire dans ses relations avec les Fournisseurs. Cet aveuglement volontaire a résulté en une faute lourde commise par l’appelante dans l’exécution de ses obligations en vertu de la LTA et du Règlement justifiant l’imposition des pénalités. Le comportement de l’appelante dépasse le seuil de la simple négligence.

[263]   Il ressort notamment des éléments de preuve que l’appelante ne se préoccupait pas du nom des divers Fournisseurs figurant sur les factures. La seule vérification effectuée par celle‑ci ne portait que sur la question de savoir si le Fournisseur en question était inscrit aux registres des taxes. Les changements fréquents de Fournisseurs auraient dû amener l’appelante à se poser des questions sur la légitimité des Fournisseurs. Je ne tiendrai pas compte des déclarations de monsieur Faivushevitz portant que Maxime Grondin de Méga Terra était présent lors des rencontres ou encore que monsieur Gervais était présent à titre d’interprète. Je le répète : ces explications sont invraisemblables.

[264]   De surcroit, même si l’appelante faisait affaire avec Jacques Jarry depuis 30 ans, le devoir de vérification découlant du caractère impératif des dispositions de la LTA et du Règlement appelait des vérifications plus poussées que celles qu’effectuait l’appelante. Il est manifeste que l’appelante ne se préoccupait pas du fait que Jacques Jarry se présentait à titre de représentant des 4 fournisseurs successivement.

[265]   D’autres indices, tels l’utilisation de 3 adresses différentes sur les factures de PFG et l’émission de la Facture Méga et la Facture J.M. pour la transaction résultant du déraillement de train du CN auraient dû faire naitre des soupçons dans l’esprit de l’appelante. De même, la mention « appropriated for non‑payment » retrouvée sur les factures émises par Koudlai aurait dû inciter monsieur Faivushevitz à faire des vérifications plus poussées sur l’identité de ce fournisseur.

[266]   De plus, les explications confuses de monsieur Faivushevitz quant à la Facture Méga révèlent une indifférence quant au respect de la LTA et du Règlement.

[267]   Compte tenu de ces circonstances, les pénalités imposées en vertu de l’article 285 de la LTA seront maintenues.

6.2            La prescription selon le paragraphe 298(4) de la LTA.

[268]   Finalement, je dois déterminer si la cotisation est valide quant aux 4 fournisseurs compte tenu du paragraphe 298(4) de la LTA. La cotisation sera valide si je conclus que l’appelante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, en réclamant les CTI relativement aux factures émises par les 4 fournisseurs. J’ai conclu dans la section précédente que l’appelante a fait une présentation erronée des faits en produisant ses déclarations de taxes à l’égard des Fournisseurs, incluant les 4 fournisseurs. De plus, j’ai conclu que l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire équivalant à faute lourde en ce faisant; ainsi la négligence aux fins du paragraphe 298(4) de la LTA est établie. De même, j’ai conclu que la Facture Méga était fausse. Compte tenu de ce qui précède, toutes les conditions prévues au paragraphe 298(4) de la LTA sont réunies, et, conséquemment, la cotisation est valide.

G.     conclusion.

[269]   Par ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, le 16e jour de décembre 2016.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 289

No DE DOSSIER DE LA COUR :

2012-3591(GST)G

INTITULÉ :

LES VENTES ET FAÇONNAGE DU PAPIER REISS INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 17 septembre et les 2 et 3 novembre 2015 et les 14 et 15 mars 2016 (Observations écrites déposées le 29 avril, le 10 juin et le 29 juin 2016)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 décembre 2016

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Stéphane Rivard

Avocat de l’intimée :

Me Maurice Régnier

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Colombe Perreault

Cabinet :

Kounadis Perreault Inc.

Montréal (Québec)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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