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Dossier : 2013-4033(IT)G

ENTRE :

594710 BRITISH COLUMBIA LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu du 9 au 12 mai 2016 à Vancouver (Colombie‑Britannique)

Devant : L’honorable juge en chef Eugene P. Rossiter


Comparutions :

Pour l’appelante :

Me Steven Cook

Me S. Natasha Reid

Pour l’intimée :

Me Robert Carvalho

Me Perry Derksen

Me Whitney Dunn

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est annulée, les dépens étant adjugés à l’appelante.


Signé à Ottawa, Canada, ce 15jour de décembre 2016.

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef Rossiter

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’avril 2018

Mario Lagacé, jurilinguiste



Référence : 2016 CCI 288

Date : 20161215

Dossier : 2013-4033(IT)G

ENTRE :

594710 BRITISH COLUMBIA LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Rossiter

I. Aperçu

[1]  La présente affaire concerne une planification fiscale qui chevaucherait apparemment la frontière entre l’astuce et l’évitement fiscal abusif.

[2]  Cette planification mettait en cause un très grand nombre de joueurs. Au premier échelon se trouvait une société de personnes spécialisée dans le domaine de l’immobilier. Elle comptait quatre commanditaires qui étaient des sociétés par actions et un commandité. Chaque commanditaire appartenait à cent pour cent à une société de portefeuille différente. À leur tour, les sociétés de portefeuille appartenaient à cent pour cent à un membre différent de la famille De Cotiis. L’appelante est l’une de ces sociétés de portefeuille.

[3]  Si aucune planification n’avait été faite, le revenu de la société de personnes aurait été attribué aux sociétés partenaires de celle-ci, qui auraient payé de l’impôt sur ce revenu. L’opération a plutôt permis le transfert en franchise d’impôt des liquidités de la société de personnes aux sociétés de portefeuille, tandis qu’aux fins fiscales, la quasi-totalité du revenu de la société de personnes a été attribuée à une société sans lien de dépendance, qui avait accumulé suffisamment de pertes et de frais relatifs à des ressources pour réduire l’impôt à payer sur ce revenu.

[4]  Pour trancher la présente affaire, je dois déterminer le bien-fondé de l’application à deux reprises, par le ministre, de la règle générale anti-évitement (« RGAÉ ») énoncée à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu (« la Loi » [1] ). La règle a été appliquée une première fois à l’endroit des commanditaires, le ministre étant d’avis que la planification fiscale constituait un abus dans l’application d’une politique générale de la Loi interdisant les « échanges inversés de pertes » ou les « échanges inversés de déductions de frais relatifs aux ressources ». En conséquence, le ministre a réattribué le revenu de la société de personnes aux commanditaires. En se fondant sur la dette fiscale dont les commanditaires seraient ainsi redevables, le ministre a appliqué la RGAÉ aux sociétés de portefeuille et a établi une nouvelle cotisation à l’encontre de l’appelante au titre de cette règle, au motif que l’appelante avait contourné l’article 160 de la Loi et n’avait pas respecté cette disposition, en application de laquelle elle aurait été solidairement responsable de la dette fiscale de sa filiale à cent pour cent (qui était un commanditaire). En conséquence, le ministre a appliqué la RGAÉ de façon à tenir l’appelante ainsi responsable en vertu de l’article 160 de la Loi.

[5]  La dette fiscale dont l’appelante est redevable en vertu de la nouvelle cotisation fondée sur la RGAÉ dépend du bien-fondé de l’application de cette règle lors de l’établissement de la nouvelle cotisation à l’encontre du commanditaire, dont elle était le propriétaire. Le bien-fondé des deux nouvelles cotisations est en litige. L’intimée doit avoir gain cause au sujet de ces deux nouvelles cotisations pour que l’appel soit rejeté.

[6]  Pour les motifs exposés ci-dessous, j’accueillerais l’appel et j’annulerais la cotisation établie à l’encontre de l’appelante.

II. Faits 

A. Généralités 

[7]  Le 28 avril 2016, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, qui a été complété au cours de l’instruction par de brefs témoignages de vive voix et par la présentation de quelques passages des interrogatoires préalables.

[8]  Onni Halifax Development Limited Partnership (« HLP ») était une société en commandite constituée le 16 juillet 2003 pour réaliser un projet de copropriété appelé le Marquis Grande.

[9]  Le Marquis Grande était un projet de l’Onni Group, un groupe de sociétés spécialisées dans la promotion immobilière. Les mandants du groupe sont les quatre frères et sœurs De Cotiis et leur père. Un des frères, Rossano De Cotiis, était propriétaire à cent pour cent de l’appelante, société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») créée en 1999. À son tour, l’appelante était propriétaire à cent pour cent de 671705 British Columbia Ltd., société constituée le 17 juin 2003, laquelle détenait une participation de 24,975 pour cent dans HLP, ce qui lui donnait droit à un pourcentage correspondant du revenu ou des pertes de celle-ci. HLP comptait trois autres commanditaires qui appartenaient tous les trois indirectement à un autre frère ou sœur selon une structure analogue à celle de Rossano. La seule activité commerciale de chacune des sociétés partenaires se limitait à sa participation dans HLP.

[10]  Le commandité de HLP était Onni Development (Halifax) Corp (« GPCo »), qui appartenait à cent pour cent à Rossano et détenait une participation de 0,1 pour cent dans HLP à titre de commandité.

[11]  En résumé, il y avait quatre commanditaires distincts dont chacun détenait une participation de 24,975 pour cent dans HLP à titre de commanditaire. L’expression « sociétés partenaires », au pluriel, s’entend de ces commanditaires collectivement, tandis que l’expression « société partenaire », au singulier, renvoie à 671705 British Columbia Ltd. Chacune des sociétés partenaires appartenait à cent pour cent à une société de portefeuille distincte, dont l’une était l’appelante. L’expression « sociétés de portefeuille » s’entend de l’ensemble de ces sociétés de portefeuille. La structure de propriété peut être illustrée comme suit :


 

Structure de propriété

Propriétaires individuels

Frère ou sœur 1

Frère ou sœur 2

Frère ou sœur 3

Frère ou sœur 4

 

Sociétés de portefeuille

594710 BC Ltd. (appelante)

594702 BC Ltd

594705 BC Ltd

594708 BC Ltd

 

Sociétés partenaires

671705 BC Ltd.

(société partenaire)

GPCo

Accord avec Onni

671711 BC  Ltd

671709 BC  Ltd

671706 BC Ltd

 

Société en commandite

HLP

 

[12]  La société 0757588 B.C. Ltd. (« Onni Newco ») a été créée le 12 mai 2006 et ses actions étaient détenues à parts égales par les sociétés de portefeuille.

[13]  Nuinsco Resources Limited (« Nuinsco ») est une société publique canadienne qui a finalement acheté toutes les actions des sociétés partenaires. Nuinsco exerçait ses activités dans le domaine de l’exploitation minière. Les parties conviennent que, pendant toute la période pertinente, aucun lien de dépendance n’a existé entre Nuinsco et les sociétés de portefeuille. Au début de son année d’imposition terminée le 31 décembre 2006, Nuinsco affichait des pertes autres qu’en capital d’environ 3,4 millions de dollars et des déductions relatives aux ressources d’environ 18,85 millions de dollars, qui avaient été accumulées au cours d’années d’imposition précédentes. Les déductions relatives aux ressources de Nuinsco provenaient de frais d’exploration au Canada (« FEC ») et de frais d’aménagement au Canada (« FAC »). Au cours de son année d’imposition 2006, Nuinsco a engagé des FEC supplémentaires de 3,6 millions de dollars. Ces sommes sont appelées collectivement les « comptes fiscaux ».

[14]  L’exercice des entités en cause prenait fin aux dates suivantes :

  Sociétés de portefeuille   31 décembre

  Sociétés partenaires   30 avril

  HLP      31 mai

  Nuinsco    31 décembre

[15]  Le 25 mai 2006, six des unités en copropriété du projet Marquis Grande étaient toujours invendues. À cette même date, il était prévu que le revenu de HLP pour l’exercice 2006 atteindrait 12 999 076 $. Ce montant comprenait un revenu accumulé de 12 136 180 $, en plus d’un revenu prévu d’au moins 863 546 $ par suite de la vente des six unités en question. Si ce revenu avait été attribué directement aux sociétés partenaires à la fin de l’exercice de HLP, chacune d’elles aurait réalisé un revenu de 3 246 694 $, ce qui aurait donné lieu à un impôt à payer de 1 107 772 $. En d’autres termes, chacune des sociétés partenaires aurait reçu un montant de 2 138 922 $ net d’impôt.

[16]  Les opérations suivantes ont plutôt été conclues [2]  :

Étape 1 : Le 25 mai 2006, l’appelante a souscrit dix actions ordinaires supplémentaires de la société partenaire au coût de 15 391 $, qu’elle a payé en le déduisant, par compensation, d’une dette que la société partenaire avait envers elle.

Sans l’application de la RGAÉ, la capitalisation de la dette de 15 931 $ que la société partenaire avait envers l’appelante aurait eu pour effet, sur le plan fiscal, d’augmenter de 15 931 $ le prix de base rajusté (PBR) des actions ordinaires que l’appelante détenait dans la société partenaire.

Étape 2 : Le 25 mai 2006, HLP a consenti un prêt en espèces de 2 118 510 $ à chacune des sociétés partenaires (le « prêt aux sociétés partenaires »). Ces quatre prêts s’élevaient au total à 8 474 040 $.

Étape 3 : La société partenaire a déclaré et versé à l’appelante une série de dividendes en actions successifs, soit 2 118 510 actions privilégiées de catégorie A au total; le capital versé et le prix de rachat des actions en question s’élevaient à 1 $ l’action (le « premier dividende en actions »).

Le montant global du premier dividende en actions (2 118 510 $) représentait la valeur après impôt estimative des actions émises de la société partenaire et équivalait à peu près à la part après impôt du revenu prévu de HLP pour la société partenaire.

Les parties conviennent que le prêt aux sociétés partenaires a été accordé avant la déclaration du premier dividende en actions [3] . Elles conviennent également qu’à la date de la cotisation de l’appelante, le ministre a reconnu que la juste valeur marchande du premier dividende en actions s’élevait à 2 118 510 $, soit l’équivalent de la juste valeur marchande estimative des actions ordinaires émises de chacune des sociétés partenaires au 25 mai 2006.

Sans l’application de la RGAÉ, les conséquences fiscales découlant du premier dividende en actions étaient les suivantes :

a)  l’émission d’actions privilégiées de catégorie A a donné lieu au versement d’un dividende de 2 118 510 $ à l’appelante;

b)  le montant du dividende devait être inclus dans le revenu imposable de l’appelante, mais pouvait également être déduit du revenu imposable à titre de dividende intersociétés;

c)  l’appelante a été réputée avoir acquis les actions privilégiées de catégorie A à un PBR de 2 118 510 $.

Étape 4 : Le 25 mai 2006, la société partenaire a utilisé le produit du prêt aux sociétés partenaires pour racheter, au coût de 2 118 510 $, ses actions privilégiées de catégorie A émises lors du paiement du premier dividende en actions.

Sans l’application de la RGAÉ, les conséquences fiscales découlant du rachat des actions privilégiées de catégorie A étaient les suivantes :

a)  l’appelante n’a pas été réputée avoir reçu un dividende;

b)  l’appelante a disposé de ses actions privilégiées de catégorie A à un produit de disposition égal à leur PBR, qui s’élevait à 2 118 510 $, ce qui n’a entraîné aucun gain ou perte.

Étape 5 : Les opérations additionnelles suivantes ont été conclues :

a)  Le 25 mai 2006, Onni Development a consenti un prêt de 3 051 400 $ à HLP (le « prêt ODC »). Les unités en copropriété invendues que détenait HLP ont été données en garantie de ce prêt.

b)  Le 25 mai 2006, HLP a conclu avec Onni Property Management, membre du groupe Onni, un accord de gestion selon lequel Onni Property Management devait lui fournir certains services de commercialisation et de gestion liés, notamment, à la vente des unités invendues et à l’exécution de travaux de réparation.

c)   Le 29 mai 2006, HLP a conclu avec Onni Newco un contrat d’option de vente aux termes duquel elle a acquis une option l’autorisant à vendre ses unités en copropriété invendues à Onni Newco à un prix global de 3 051 400 $.

Étape 6 : Le 26 mai 2006, la société partenaire a déclaré un dividende en actions en faveur de l’appelante, payé par l’émission de 851 863 actions privilégiées de catégorie A dont le capital versé global et le prix de rachat s’élevaient à 851 863 $ (le « deuxième dividende en actions »).

Comme dans le cas du premier dividende en actions, sans l’application de la RGAÉ, les conséquences fiscales étaient les suivantes :

a)  la déclaration du deuxième dividende en actions a donné lieu au versement à l’appelante d’un dividende de 851 863 $. Ce montant devait être inclus dans le revenu de l’appelante, mais pouvait également être déduit dans le calcul du revenu imposable à titre de dividende intersociétés;

b)  l’appelante a été réputée avoir acquis les actions privilégiées de catégorie A à un PBR de 851 863 $.

Étape 7 : L’acquisition par Nuinsco

Le 29 mai 2006, chacune des sociétés de portefeuille (y compris l’appelante) a vendu toutes les actions de sa société partenaire à Nuinsco (l’« acquisition par Nuinsco »). Plus précisément, chaque société de portefeuille a vendu les actions privilégiées de catégorie A qu’elle avait reçues lors de la distribution du deuxième dividende en actions à un prix de 851 863 $, et les actions ordinaires de sa société partenaire à un prix de 15 391 $. En parallèle, Nuinsco a acquis toutes les actions de GPco pour la somme de 1 $.

Le coût global des achats d’actions pour Nuinsco s’établissait à 3 469 017 $ [4] .

Étape 8 : À la date de l’acquisition par Nuinsco, Halifax LP avait une encaisse de 4 443 957 $. Le 29 mai 2006, HLP a accepté de prêter cette somme à Nuinsco et, le lendemain, elle a avancé ce montant (le « prêt à Nuinsco »).

Pendant toute la période pertinente, Nuinsco n’était pas liée aux sociétés de portefeuille et n’avait aucun lien de dépendance avec celles-ci pour l’application de la Loi.


Sans l’application de la RGAÉ, les conséquences fiscales étaient les suivantes :

a)  L’appelante a réalisé un produit de 851 863 $ à l’égard des actions privilégiées de catégorie A qu’elle détenait dans la société partenaire et un produit de 15 931 $ pour les actions ordinaires qu’elle détenait également dans celle-ci, mais aucun gain ou perte n’a été réalisé, étant donné que le PBR était égal au produit de disposition pour les deux catégories d’actions;

b)  Nuinsco a acquis le contrôle de la société partenaire, le 29 mai 2006, de sorte que, pour la société partenaire, la fin d’exercice était réputée être le 28 mai 2006;

c)  Aucun revenu provenant de HLP n’a pu être attribué à la société partenaire pour son année d’imposition se terminant le 28 mai 2006.

Étape 9 : Le 30 mai 2006, chaque société partenaire a été fusionnée avec Nuinsco. En conséquence, Nuinsco a pris en charge les dettes de chaque société partenaire et a été considérée comme le seul commanditaire de HLP. La dette de Nuinsco envers HLP s’établissait à 12 917 997 $ [5] au total.

Étape 10 : Le 31 mai 2006, HLP a attribué son revenu net de 12 136 180 $ à Nuinsco et à GPCo selon leurs participations respectives.

Sans l’application de la RGAÉ, les conséquences fiscales seraient les suivantes :

a)   Une somme de 12 124 045 $, soit 99,9 %, serait attribuée à Nuinsco;

b)   Nuinsco aurait le droit de déduire des FEC de 9 198 443 $ dans le calcul de son revenu ainsi que des pertes autres qu’en capital de 3 398 699 $ dans le calcul de son revenu imposable pour son année 2006.

c)   Un revenu de 12 136 $, soit 0,1 %, serait attribué à GPCo.


Étape 11 : Le 1er juin 2006, chacune des sociétés partenaires a été dissoute.

Étape 12 : Le 1er juin 2006, HLP a déclaré avoir distribué les sommes suivantes à Nuinsco et à GPCo :

  • La somme de 12 041 997 $ a été distribuée à Nuinsco par voie de compensation avec la dette que celle-ci avait envers HLP, ce qui abaissait la dette à 876 000 $;

  • La somme de 12 054 $ a été distribuée à GPCo au moyen de la cession d’une partie de la dette de Nuinsco à celle-ci (ce qui avait pour effet d’abaisser à nouveau la dette de Nuinsco envers HLP à 863 946 $).

Étape 13 : Entre les 14 et 16 juin 2006, HLP a vendu les six unités qu’elle détenait toujours en transférant une unité à un acheteur sans lien de dépendance et en exerçant son option de vendre les cinq autres unités à Onni Newco. En conséquence, HLP a réalisé un revenu net de 863 546 $, comme prévu, au cours de son exercice débutant le 1er juin 2006.

HLP a attribué le revenu net de 863 546 $ à Nuinsco et GPCo en fonction de leurs participations respectives (soit 99,9 % à Nuinsco et 0,1 % à GPCo).

Étape 14 : Le 26 juin 2006, HLP a déclaré avoir distribué les sommes suivantes :

·  La somme de 400 $ à Nuinsco à titre de remboursement de l’apport en capital;

·  La somme de 862 683 $ à Nuinsco, payée par voie de compensation avec la dette de celle-ci envers HLP;

·  La somme de 863 $ à GPCo, par voie de cession à celle-ci de la dette de Nuinsco envers HLP.

Ces distributions ont eu pour effet de réduire à néant la dette de Nuinsco envers HLP et de porter à 12 917 $ celle qu’elle avait envers GPCo.

Étape 15 : Le 28 juin 2006, GPCo a déclaré un dividende de 8 483 $ en faveur de Nuinsco, lequel a été payé par voie de compensation avec la dette de 12 917 $ de Nuinsco. Le solde dû à GPCo, soit un montant de 4 434 $, représentait la dette fiscale estimative de celle-ci sur sa part de 0,1 % du revenu de HLP.

Étape 16 : Le 28 juin 2006, HLP a été dissoute.

[17]  Le ministre a présumé que ces opérations constituaient une série d’opérations prédéterminées et que toutes les mesures susmentionnées étaient des opérations d’évitement [6] . Les parties conviennent que les opérations décrites dans les étapes mentionnées ci-après constituaient une série d’opérations aux fins de la RGAÉ : étapes 1, 2, 3, 4, 5a, 5b, 5c, 6, 7, 8, 9, 10, 11, l’exercice de l’option prévue dans le contrat d’option de vente et l’attribution du revenu de HLP découlant de la vente de ses unités invendues aux étapes 13, 14 et 16.

[18]  M. Les Fovenyi, l’actuel chef de l’exploitation du groupe Onni, a témoigné au sujet des stratégies que le groupe a utilisées avant 2000 et après 2011, soit les périodes au cours desquelles M. Fovenyi avait des liens avec le groupe. Il n’était pas à l’emploi du groupe Onni pendant la période au cours de laquelle les opérations ont été conclues.

[19]  D’après son témoignage et les documents à l’appui déposés en preuve, il semble que la structure de la société en commandite a été adoptée dès le départ et tout au long des années en question pour plusieurs raisons :

A.  L’utilisation d’une société par actions plutôt que d’une société de personnes s’est révélée problématique dans le passé, parce que les actionnaires dissidents pouvaient causer de graves problèmes financiers;

B.  Les parties désiraient atténuer le risque auquel elles seraient exposées en participant au projet;

C.  Une société partenaire pourrait exercer un degré assez élevé de contrôle sur le développement et veiller à l’entière réalisation du projet;

D.  Des nuances ont été apportées au contrat de société en commandite, étant donné que les associés étaient membres d’une même famille. Le contrat comportait une clause concernant le capital excédentaire, selon laquelle l’associé qui refusait de verser les fonds supplémentaires nécessaires pour la réalisation d’un projet consentait à ce que les autres associés puissent verser ces fonds à sa place et toucher un rendement de 20 % sur cette injection supplémentaire. Le contrat comportait également une clause interdisant aux associés de grever le projet d’un privilège avant l’achèvement de celui-ci.

E.  Les mandants détenaient des actions dans les sociétés partenaires par l’entremise d’une société de portefeuille afin d’atténuer le risque, étant donné qu’ils ont surveillé la situation de très près tout au long de leur participation à différents projets de développement.

F.  La préservation du capital, le financement et la souplesse étaient importants. Les projets comportaient de nombreux risques, qu’ils soient liés au marché ou au financement, de sorte qu’il était nécessaire d’avoir une structure connue sur les marchés du crédit secondaire pour le cas où il serait nécessaire d’obtenir rapidement des fonds.

[20]  Étant donné que l’appelante a tenté de faire valoir que tant la cotisation établie contre elle que la nouvelle cotisation de la société partenaire étaient prescrites, j’exposerai les faits concernant les deux nouvelles cotisations.

B. La nouvelle cotisation de la société partenaire

[21]  Les parties conviennent que Nuinsco a acquis le contrôle de la société partenaire le 29 mai 2006. Sans l’application de la RGAÉ, la société partenaire aurait eu une année d’imposition abrégée allant du 1er mai 2006 au 28 mai de la même année (la « période initiale »), conformément au paragraphe 249(4) de la Loi.

[22]  La société partenaire a produit en bonne et due forme une déclaration de revenus pour la période initiale et n’a alors déclaré aucun revenu. Le ministre a établi pour la première fois une cotisation visant cette période le 21 décembre 2006. Les parties conviennent que, sans l’application de la RGAÉ, la période normale de nouvelle cotisation pour cet exercice a expiré le 21 décembre 2009.

[23]  Étant donné que la société partenaire a été dissoute le 1er juin 2006, une déclaration de revenus a également été produite pour la période allant du 29 mai 2006 au 1er juin de la même année (la « deuxième période »); aucun revenu n’a été inscrit dans cette déclaration. Le ministre a établi une première cotisation visant cet exercice le 27 février 2007.

[24]  Tout au long de la deuxième période, la société partenaire n’était plus une SPCC, étant donné qu’elle appartenait à Nuinsco, qui était une société ouverte.

[25]  Le 23 février 2011, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’encontre de la société partenaire (« la nouvelle cotisation de la société partenaire »), dans laquelle il a appliqué la RGAÉ de façon à inclure ce qui aurait été la part du revenu de HLP qu’aurait reçue la société partenaire si l’opération de planification fiscale n’avait pas été exécutée. Ce revenu, qui s’élevait au total à 3 246 694 $, a été inclus pour une période d’imposition fictive qui aurait été comprise entre le 1er mai 2006 et le 1er juin de la même année.

C. La nouvelle cotisation de l’appelante

[26]  Dans sa déclaration de revenus pour l’année terminée le 31 décembre 2006, l’appelante a déclaré un revenu nul provenant des premier et deuxième dividendes en actions et du transfert à Nuinsco des actions qu’elle détenait dans la société partenaire.

[27]  Une première cotisation a été établie à l’encontre de l’appelante le 15 août 2007. Par conséquent, la période normale de nouvelle cotisation a expiré le 15 août 2010.

[28]  Le 3 août 2010, l’appelante a déposé une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi.

[29]  Le 7 novembre 2011, l’appelante a déposé un avis de révocation de la renonciation et le ministre a accusé réception de cet avis le 14 novembre 2011. Conformément au paragraphe 152(4.1) de la Loi, la révocation a pris effet le 7 mai 2012.

[30]  Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’encontre de l’appelante le 11 juillet 2013 (la « cotisation de la société de portefeuille »). C’est cette cotisation qui fait l’objet de l’appel. Dans cette cotisation, le ministre a appliqué la RGAÉ au motif qu’il y avait eu abus dans l’application de l’article 160 de la part de l’appelante. En conséquence, il a appliqué l’article 160 de façon à ce que l’appelante soit solidairement responsable de la dette fiscale découlant de la nouvelle cotisation de la société partenaire. Dans la nouvelle cotisation établie à l’encontre de l’appelante, un montant total de 1 801 406,62 $ était exigé au titre des impôts, des intérêts et des pénalités.

[31]  L’appelante a déposé un avis d’opposition le 23 juillet 2013. L’appelante était une grande société au cours de son année d’imposition 2006.

III. Questions en litige

[32]  Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

·  Le fait de ne pas avoir soulevé la question de la validité de la nouvelle cotisation de la société partenaire ou de la société de portefeuille dans son avis d’opposition empêche-t-il l’appelante de soulever cette question devant la Cour?

·  Dans la négative, y a-t-il prescription de la nouvelle cotisation de la société partenaire ou de la cotisation de la société de portefeuille?

·  Lors de l’établissement de la nouvelle cotisation de la société partenaire, le ministre a-t-il appliqué correctement la RGAÉ en ajoutant un montant de 3 246 694 $ au revenu de celle-ci?

·  Dans l’affirmative, le ministre a-t-il appliqué correctement la RGAÉ dans la cotisation de la société de portefeuille de façon à tenir l’appelante responsable de la dette fiscale de la société partenaire au titre du paragraphe 160(1)?

[33]  Si l’une ou l’autre des trois dernières questions est tranchée en faveur de l’appelante, l’appel devra être accueilli et la cotisation de la société de portefeuille devra être annulée.

IV. Analyse

A. Respect des règles relatives aux grandes sociétés

[34]  L’appelante a soulevé la question de savoir si les cotisations de la société partenaire et de la société de portefeuille avaient été établies en dehors de la période normale de nouvelle cotisation à l’égard de leurs contribuables respectifs. Dans l’affirmative, l’appelante soutient que les cotisations seraient nulles pour cause d’inobservation du paragraphe 152(4).

[35]  L’intimée s’est opposée à ce que l’appelante invoque cet argument, parce qu’il ne faisait pas partie des questions qu’elle avait soulevées dans son avis d’opposition. Étant donné que la question n’a pas été présentée de la manière prescrite par le paragraphe 165(1.11) de la Loi, l’appelante ne pourrait soulever en appel la question de savoir si les nouvelles cotisations étaient prescrites, selon le paragraphe 169(2.1).

[36]  Voici le libellé des dispositions pertinentes de la Loi :

Cotisation et nouvelle cotisation

152(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

(i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné,

(ii) est établie par suite de l’établissement, en application du présent paragraphe ou du paragraphe (6), d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt payable par un autre contribuable,

(iii) est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance,

(iii.1) si le contribuable est un non-résident exploitant une entreprise au Canada, est établie par suite :

(A) soit d’une attribution, par le contribuable, de recettes ou de dépenses au titre de montants relatifs à l’entreprise canadienne (sauf des recettes et des dépenses se rapportant uniquement à l’entreprise canadienne qui sont inscrits dans les documents comptables de celle-ci et étayés de documents conservés au Canada),

(B) soit d’une opération théorique entre le contribuable et son entreprise canadienne, qui est reconnue aux fins du calcul d’un montant en vertu de la présente loi ou d’un traité fiscal applicable,

(iv) est établie par suite d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices effectué au gouvernement d’un pays étranger, ou d’un état, d’une province ou autre subdivision politique d’un tel pays, ou par ce gouvernement,

(v) est établie par suite d’une réduction, opérée en application du paragraphe 66(12.73), d’un montant auquel il a été censément renoncé en vertu de l’article 66,

(vi) est établie en vue de l’application des paragraphes 118.1(15) ou (16).

[…]

Oppositions par les grandes sociétés

165(1.11) Dans le cas où une société qui était une grande société au cours d'une année d'imposition, au sens du paragraphe 225.1(8), s'oppose à une cotisation établie en vertu de la présente partie pour l'année, l'avis d'opposition doit, à la fois :

a) donner une description suffisante de chaque question à trancher;

b) préciser, pour chaque question, le redressement demandé, sous la forme du montant qui représente la modification d’un solde, au sens du paragraphe 152(4.4), ou d’un solde de dépenses ou autres montants non déduits applicable à la société;

c) fournir, pour chaque question, les motifs et les faits sur lesquels se fonde la société.

[…]

 

Restriction touchant l’appel d’une grande société

169(2.1) Malgré les paragraphes (1) et (2), la société qui était une grande société au cours d’une année d’imposition, au sens du paragraphe 225.1(8) et qui signifie un avis d’opposition à une cotisation établie en vertu de la présente partie pour l’année ne peut interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation qu’à l’égard des questions suivantes :

a) une question relativement à laquelle elle s'est conformée au paragraphe 165(1.11) dans l'avis, mais seulement à l'égard du redressement, tel qu'il est exposé dans l'avis, qu'elle demande relativement à cette question;

b) une question visée au paragraphe 165(1.14), dans le cas où elle n’a pas, à cause du paragraphe 165(7), signifier [sic] d’avis d’opposition à la cotisation qui a donné lieu à la question.

[37]  Dans les décisions Blackburn Radio [7] et Canadian Marconi [8] , la CAF confirme qu’une cotisation hors délai est nulle. L’article 169.1 vise uniquement à empêcher la CCI de prendre des mesures autres que l’annulation ou la modification d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation. La CCI ne peut modifier ou annuler une cotisation ou une nouvelle cotisation si celle-ci est nulle dès le départ et n’existe pas – la cotisation ou la nouvelle cotisation ne produit tout simplement aucun effet.

[38]  De plus, le paragraphe 152(8) ne s’applique pas aux cotisations hors délai, suivant l’arrêt Lornport Investments [9] .

B. Respect du délai de prescription applicable

[39]  L’appelante soutient que la nouvelle cotisation de la société partenaire serait prescrite. Il s’agit là d’une question relativement simple d’interprétation d’une disposition législative et de son application aux faits.

[40]  De l’avis de l’appelante, le paragraphe 152(4) restreint le pouvoir du ministre d’établir une nouvelle cotisation après « l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année ». L’appelante soutient en effet que la nouvelle cotisation de la société partenaire concerne deux périodes d’imposition allant jusqu’au 1er juin 2006. Même si l’appelante cherche ainsi à interpréter le mot « pour » de façon à démontrer que la nouvelle cotisation de la société partenaire concerne la période initiale, son raisonnement ne tient pas compte de l’ensemble du contexte du paragraphe 152(4).

[41]  Le paragraphe 152(4) est ainsi libellé :

Cotisation et nouvelle cotisation

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

(i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné,

(ii) est établie par suite de l’établissement, en application du présent paragraphe ou du paragraphe (6), d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt payable par un autre contribuable,

(iii) est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance,

(iii.1) si le contribuable est un non-résident exploitant une entreprise au Canada, est établie par suite :

(A) soit d’une attribution, par le contribuable, de recettes ou de dépenses au titre de montants relatifs à l’entreprise canadienne (sauf des recettes et des dépenses se rapportant uniquement à l’entreprise canadienne qui sont inscrits dans les documents comptables de celle-ci et étayés de documents conservés au Canada),

(B) soit d’une opération théorique entre le contribuable et son entreprise canadienne, qui est reconnue aux fins du calcul d’un montant en vertu de la présente loi ou d’un traité fiscal applicable,

(iv) est établie par suite d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices effectué au gouvernement d’un pays étranger, ou d’un état, d’une province ou autre subdivision politique d’un tel pays, ou par ce gouvernement,

(v) est établie par suite d’une réduction, opérée en application du paragraphe 66(12.73), d’un montant auquel il a été censément renoncé en vertu de l’article 66,

(vi) est établie en vue de l’application des paragraphes 118.1(15) ou (16).

[42]  Les mots « l’année » qui figurent à maintes reprises dans cette disposition renvoient dans tous les cas à la même année; plus précisément, comme l’indique le début du paragraphe, il s’agit d’une « année d’imposition » pour laquelle le ministre peut « établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ». Ainsi, lorsque le paragraphe renvoie à une « année » pour laquelle le ministre ne pourrait établir une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, il renvoie à cette année d’imposition (en l’occurrence, l’année d’imposition de la société partenaire se terminant le 1er juin 2006).

[43]  La question qui se pose alors est celle de savoir si la nouvelle cotisation de la société partenaire est également une nouvelle cotisation visant la période initiale. Le mot « pour » ne peut être utile à l’appelante que s’il est d’abord établi que la nouvelle cotisation de la société partenaire constitue une nouvelle cotisation visant tant la période initiale que la période fictive.

[44]  La nouvelle cotisation de la société partenaire est indéniablement une nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition de celle-ci qui a pris fin le 1er juin 2006. En invoquant la RGAÉ pour déterminer les attributs fiscaux de la société partenaire comme si l’année d’imposition avait débuté le 1er mai 2006, le ministre a-t-il établi une cotisation pour une année d’imposition différente de celle de la cotisation établie le 27 février 2007?

[45]  La nouvelle cotisation de la société partenaire est une nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition terminée le 1er juin 2006, et le fait que le ministre a établi à l’encontre de la société partenaire une nouvelle cotisation afin de tenir compte des conséquences fiscales découlant d’opérations qui par ailleurs auraient été conclues en dehors de l’année d’imposition n’y change rien.

[46]  La nouvelle cotisation de la société partenaire ne se rapporte pas à l’année d’imposition de celle-ci qui s’est terminée le 28 mai 2006. En conséquence, s’il s’agit d’une nouvelle cotisation pour l’année terminée le 1er juin 2006 et non d’une cotisation supplémentaire, la nouvelle cotisation de la société partenaire annule la cotisation datée du 27 février 2007 [10] . Elle n’a pas pour effet d’annuler la cotisation établie le 21 décembre 2006 à l’encontre de la société partenaire pour l'année d'imposition terminée le 28 mai 2006. Étant donné que la société partenaire n’a déclaré aucun revenu pour cette période, il n’est pas nécessaire de se demander dans quelle mesure le ministre devait tenir compte d’impôts qui seraient dus au titre d’une autre cotisation pour déterminer les attributs fiscaux raisonnables découlant de l’établissement d’une nouvelle cotisation dûment fondée sur la RGAÉ.

[47]  Je serais donc arrivé à la conclusion que la nouvelle cotisation de la société partenaire était valide et n’était pas hors délai.

[48]  L’appelante soutient également que la cotisation de la société de portefeuille était une nouvelle cotisation relative à son année d'imposition 2006 et non une cotisation au titre de l’article 160. En conséquence, l’appelante fait valoir qu’elle a été établie en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, laquelle est prévue à l’article 152. Pour les motifs longuement exposés dans la section suivante, j’estime que cet argument est lié à l’« accumulation » des cotisations fondées sur la RGAÉ, et je me pencherai sur cette question ci-dessous.

C. Autres questions concernant la validité des cotisations

[49]  L’appelante a soutenu que la nouvelle cotisation établie contre elle est invalide pour plusieurs autres raisons. Ainsi, elle a affirmé qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une cotisation fondée sur la RGAÉ à l’égard d’une dette fiscale découlant de l’application de cette même règle à un autre contribuable.

[50]  Plus précisément, l’appelante invoque le libellé du paragraphe 245(2) de la Loi, soulignant que les attributs fiscaux doivent être déterminés de façon à supprimer un avantage fiscal qui « sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération [d’évitement] ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie ». L’appelante estime que cette règle oblige la Cour à appliquer la RGAÉ sans tenir compte de l’effet de l’article 245 pour la société partenaire (ou, probablement, pour tout autre contribuable).

[51]  Je ne suis pas d’accord. L’appelante ne tient pas compte du fait que, selon la Loi, le ministre doit établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’encontre de chaque contribuable, même dans le cas des parties liées. Bien que le ministre ne puisse accumuler les cotisations fondées sur la RGAÉ à l’égard du même contribuable, l’interprétation que propose l’appelante contraindrait la Cour à tenir compte, sans qu’il lui incombe explicitement de le faire, des effets de la Loi pour une tierce partie à l’instance pour interpréter la façon dont celle-ci s’applique au contribuable devant elle. Le fait que l’appelante a le droit, dans le cas de cette cotisation fondée sur la responsabilité dérivée, de contester la validité de la nouvelle cotisation de la société partenaire ne signifie pas qu’elle peut confondre les deux cotisations aux fins de l’interprétation de la Loi.

[52]  Dans l’arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a décrit comme suit le cadre d’analyse à utiliser pour l’application de la RGAÉ [11]  :

72  L’analyse fait conclure à l’évitement fiscal abusif lorsque l’opération (1) produit un résultat que la disposition législative vise à empêcher, (2) va à l’encontre de la raison d’être de la disposition ou (3) contourne l’application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit : Trustco, par. 45; Lipson, par. 40.  Ces considérations ne jouent pas indépendamment les unes des autres, et elles peuvent se chevaucher.  À cette étape, le ministre doit montrer clairement que l’opération a un caractère abusif, et le contribuable a le bénéfice du doute.

[53]  La question est donc celle de savoir si, indépendamment du paragraphe 245(2) de la Loi, l’appelante bénéficierait d’un avantage fiscal par suite d’une opération d’évitement ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie. Si l’interprétation de l’appelante était retenue, le ministre ne pourrait peut-être pas empêcher l’évitement fiscal abusif qui est accessoire à une autre opération d’évitement fiscal abusif ou qui en découle.

[54]  Les mots « sans le présent article » figurant à l’article 245 signifient que les avantages fiscaux sont évalués sans qu’il soit tenu compte de l’application automatique du paragraphe 245(2). Cela permet d’éviter la contradiction interne qui découlerait d’une autre interprétation.

[55]  Qui plus est, je conviens que les attributs fiscaux découlant de l’application de la RGAÉ à l’appelante ne peuvent être déterminés qu’à l’aide des méthodes mentionnées au paragraphe 245(7) de la Loi. Une de ces méthodes pourrait être l’établissement d’une cotisation au titre du paragraphe 160(2) de la Loi. En invoquant la RGAÉ, le ministre peut s’assurer que l’appelante devient responsable au titre du paragraphe 160(1) de la dette fiscale de la société partenaire, laquelle conséquence fait partie des attributs fiscaux raisonnables visant à empêcher l’évitement fiscal abusif en question. Après avoir reconnu cette responsabilité, le ministre peut établir à bon droit une cotisation à l’encontre de l’appelante au titre du paragraphe 160(2). C’est précisément ce qu’a fait le ministre en l’espèce.

D. Application de la RGAÉ 

1)  Principes généraux

[56]  Un des plus récents résumés concis des principes applicables au sujet de la RGAÉ figure dans la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’arrêt Inter-Leasing [12]  :

49  [traduction]

Pour que la RGAÉ s’applique, il doit y avoir :

(1) un avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une série d’opérations;

(2) une opération d’évitement en ce sens qu’il n’est pas raisonnable d’affirmer qu’elle est principalement effectuée pour un objet véritable – l’obtention d’un avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

(3) de l’évitement fiscal abusif en ce sens qu’il n’est pas raisonnable de conclure qu’un avantage fiscal serait conforme à l’objet ou à l’esprit des dispositions invoquées par le contribuable.

50  Il incombe à l’intimé de démontrer que l’évitement fiscal était abusif. S’il n’est pas certain qu’il y a eu évitement fiscal abusif, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable.

51  Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 66 de l’arrêt Hypothèques Trustco, les tribunaux doivent effectuer une analyse téléologique des dispositions qui génèrent l’avantage fiscal :

4. Les tribunaux doivent effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions   qui génèrent l’avantage fiscal afin de déterminer pourquoi elles ont été édictées et pourquoi l’avantage a été conféré. Le but est d’en arriver à une interprétation téléologique qui s’harmonise avec les dispositions de la Loi conférant l’avantage fiscal, lorsque ces dispositions sont lues dans le contexte de l’ensemble la Loi.

52  Une fois que l’objet ou l’esprit d’une disposition est déterminé, une opération peut être jugée abusive selon l’une des trois façons décrites dans l’arrêt Lipson, au paragraphe 40 :

  • a) Elle donne lieu à un résultat que les dispositions invoquées visent à empêcher; b) elle va à l’encontre de la raison d’être de ces dispositions, ou c) elle contourne l’application de certaines dispositions de manière à contrecarrer leur objet ou leur esprit [références omises].

[57]  Dans l’arrêt Hypothèques Trustco, la juge en chef McLachlin et le juge Major ont souligné que la RGAÉ doit être utilisée comme mesure de dernier recours [13] . Étant donné qu’une opération qui pourrait par ailleurs sembler être une opération d’évitement peut comporter des objets non fiscaux, la Cour doit soupeser l’ensemble de la preuve afin de déterminer de façon objective et raisonnable les objets principaux de l’opération en question. Cependant, il ne suffit pas pour le contribuable de déclarer simplement que l’opération a été principalement effectuée pour un objet non fiscal pour se décharger du fardeau de la preuve qui lui incombe [14] .

[58]  Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Copthorne, « il faut déterminer s’il y a eu une série, quelles opérations en font partie et si l’avantage fiscal découle de la série », dans les cas où le ministre présume que l’avantage fiscal découle d’une série d’opérations [15] . La série d’opérations dont découle un avantage fiscal « tombe sous le coup du par. 245(3), sauf s’il est raisonnable de considérer que [chacune des opérations de la série] est principalement effectuée pour des objets véritables – "l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable". Lorsque l’une ou l’autre des opérations de la série n’est pas effectuée principalement pour des objets véritables non fiscaux, il s’agit d’une opération d’évitement » [16] .

[59]  Dans l’affaire Triad Gestco CCI [17] , la contribuable, qui était dirigée et contrôlée par un certain M. Cohen et qui avait réalisé un gain en capital d’environ huit millions de dollars, a transféré 8 000 000 $ d’actifs à une filiale nouvellement constituée en société en contrepartie de l’émission d’actions ordinaires. Cette filiale a déclaré un dividende en actions de 1 $ sur ses actions ordinaires, lequel dividende devait être payé par l’émission de 80 000 actions privilégiées sans droit de vote dont le prix de rachat global s’élevait à 8 000 000 $. Un particulier non lié a établi, en versant une somme de 100 $, une fiducie dont M. Cohen était bénéficiaire, de sorte que, selon la définition de « personnes affiliées » alors en vigueur, il s’agissait d’une fiducie non affiliée. La contribuable a ensuite vendu à la fiducie les actions ordinaires qu’elle détenait dans la filiale au prix de 65 $ et a déclaré une perte en capital 7 999 935 $, ce qui lui a permis de réduire le gain en capital réalisé au moyen d’un report de pertes.

[60]  La Cour canadienne de l’impôt a conclu que la déclaration par la filiale d’un dividende en actions payable en actions privilégiées était une opération d’évitement qui visait à transférer aux actions privilégiées la valeur des actions ordinaires de la filiale de façon à créer une perte en capital latente qui pourrait ensuite être déclarée au moment de la disposition des actions ordinaires dans le cadre de la série d’opérations. Elle a également conclu que la création de la fiducie et la vente subséquente des actions ordinaires à celle-ci constituaient toutes deux des opérations d’évitement visant à réaliser une perte en capital lors de la vente des actions ordinaires tout en évitant l’application des règles sur la limitation des pertes qui sont énoncées au sous-alinéa 40(2)g)(i) de la Loi [18] . En appel, le juge Noël (maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale) a souligné que les parties avaient admis que la Cour canadienne de l’impôt avait conclu à bon droit à l’existence d’une opération d’évitement [19] .

[61]  Dans l’affaire Global Equity [20] , la contribuable a souscrit pour environ 5,6 millions de dollars d’actions ordinaires d’une filiale nouvellement constituée, qui a ensuite déclaré un dividende en actions sous forme d’actions privilégiées dont le capital versé s’élevait à 56 $ et le prix de rachat, à 5,6 millions de dollars. En conséquence, la valeur des actions ordinaires a été pour ainsi dire éliminée. Il a été reconnu que la souscription par la contribuable d’actions ordinaires supplémentaires pour la somme de 200 000 $ était un « maquillage » dont le but était de conférer aux actions ordinaires une certaine valeur. La contribuable, qui exerçait ses activités dans le domaine des opérations sur valeurs mobilières, a disposé des actions ordinaires à un prix correspondant à leur valeur affaiblie et a déclaré une perte. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que ces opérations constituaient des opérations d’évitement, même si la contribuable a soutenu qu’elle avait conclu les opérations essentiellement pour se protéger de ses créanciers [21] . Bien que le juge Mainville, de la Cour d’appel fédérale, ait infirmé la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt au sujet de l’application de la RGAÉ, il a souligné que la contribuable n’avait pas contesté l’existence des opérations d’évitement et qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve probants au sujet de la nature des opérations en question [22] .

[62]  Dans l’arrêt 1207192 Ontario, la Cour d’appel fédérale a donné d’autres directives au sujet de l’analyse des opérations d’évitement : « [s]uivant le paragraphe 245(3), il faut rechercher l’objet principal de l’opération ou de la série d’opérations qui comprendrait l’opération d’évitement […] Il incombe au contribuable d’établir qu’une opération ou série d’opérations donnée a été principalement effectuée pour un objet véritable – l’obtention d’un avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable (arrêt  Hypothèques Trustco, au paragraphe 66) » [23] . La Cour canadienne de l’impôt doit déterminer « le but de la série d’opérations en se fondant sur des motifs objectifs – soit [en établissant] objectivement le but de chacune des mesures en mentionnant leurs conséquences – plutôt que sur la motivation subjective […] » des parties ou sur leur conception subjective de ce qui pourrait être nécessaire ou non pour atteindre un objet non fiscal véritable donné [24] .

[63]  Selon un principe établi découlant de l’arrêt Hypothèques Trustco, dans les cas où il n’y a pas de réduction du revenu imposable, il est possible d’établir l’existence d’un avantage fiscal au moyen d’une comparaison avec un autre mécanisme. L’ampleur de cet avantage n’est pas pertinente à ce stade de l’analyse [25] . Il incombe au contribuable de réfuter la thèse du ministre quant à l’existence d’un avantage fiscal [26] .

[64]  Il est possible de conclure à l’existence d’un avantage fiscal même s’il n’y a pas de réduction de l’impôt à payer au cours de l’année visée par l’appel. Ainsi, dans l’affaire Triad, la contribuable a reçu un avantage dans la mesure où elle a pu reporter à une année d’imposition précédente la perte en capital subie.

[65]  Dans l’arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a statué que l’analyse doit être liée aux autres mécanismes qui auraient pu raisonnablement être employés :

35  Notre Cour affirme dans Trustco que l’existence d’un avantage fiscal peut être établie en comparant la situation du contribuable à celle qu’aurait produit un autre mécanisme (par. 20), auquel cas il faut que l’autre mécanisme en soit un qui [traduction] « aurait pu raisonnablement avoir été employé n’eût été l’avantage fiscal » (D. G. Duff, et autres, Canadian Income Tax Law (3e éd. 2009), p. 187).  En s’attachant à ce que la société aurait fait si elle n’avait pas cherché à bénéficier de l’avantage fiscal, cette démarche vise à isoler l’effet fiscal avantageux de la motivation non fiscale du contribuable [27] .

2)  Nouvelle cotisation de la société partenaire

[66]  J’analyserai d’abord la cotisation de la société partenaire, étant donné que la cotisation établie à l’encontre de la société de portefeuille repose sur le bien-fondé de l’application de la RGAÉ à la société partenaire de façon à lui créer une dette fiscale. Si la société partenaire n’est tenue à aucune dette fiscale, la cotisation de la société de portefeuille ne pourra donner lieu à une responsabilité fiscale pour l’appelante.

a)  Existence d’un avantage fiscal

[67]  L’appelante soutient que la Cour canadienne de l’impôt devrait analyser la question de l’existence d’un avantage fiscal en comparant la situation exposée en l’espèce à une autre dans laquelle Nuinsco aurait fait l’acquisition de la société partenaire sans pouvoir utiliser ses attributs fiscaux pour soustraire à l’impôt le revenu reçu de HLP. Elle fait valoir que l’avantage fiscal découlant des opérations en question a profité à Nuinsco, étant donné qu’elle n’aurait pu soustraire à l’impôt le revenu reçu de HLP sans dissoudre les sociétés partenaires avant le 1er juin.

[68]  De l’avis de l’intimée, il faut plutôt faire la comparaison avec la situation dans laquelle Nuinsco n’aurait jamais fait l’acquisition de la société partenaire. En pareil cas, la société partenaire aurait reçu les sommes distribuées par HLP et payé de l’impôt sur celles-ci. L’intimée affirme que le seul avantage net qu’a reçu Nuinsco se limite aux honoraires que l’appelante lui a versés [28] .

[69]  L’intimée ajoute que la société partenaire aurait été redevable de l’impôt à payer sur les montants reçus de HLP, de sorte que ladite société partenaire aurait été un débiteur fiscal au cours de la période d’imposition pendant laquelle elle aurait reçu ces montants. En conséquence, l’appelante aurait été redevable de cette dette fiscale impayée, y compris les sommes qu’elle a reçues de la société partenaire pendant cette même période ou une période fiscale subséquente. L’intimée affirme donc que l’appelante a évité l’application de l’article 160 de la Loi en concluant une série d’opérations qui ont mené au changement de contrôle de la société partenaire et à la fin d’exercice réputée avant la distribution du revenu de HLP.

[70]  Je prends note de la définition de l’expression « avantage fiscal » au paragraphe 245(1) de la Loi, ainsi que du libellé du paragraphe 245(2). Aucune de ces dispositions n’exige explicitement que l’« avantage fiscal » en question bénéficie à la personne à laquelle les attributs fiscaux sont réattribués par suite de l’application de la RGAÉ.

[71]  Je souligne également la décision qu’a rendue le juge Bell dans l’affaire Univar [29] . Dans cette affaire, la contribuable a constitué en société une filiale de la Barbade et s’est servie de fonds empruntés pour souscrire les actions de cette filiale, laquelle a utilisé à son tour le produit pour acheter à la société mère américaine de la contribuable un billet portant intérêt que devait l’une des filiales européennes détenues à cent pour cent par celle-ci. Le juge Bell a accepté le témoignage des dirigeants de la contribuable selon lequel celle-ci n’a jamais eu l’intention de se porter elle-même acquéresse du billet. En conséquence, il n’y a pas eu d’évitement fiscal découlant de la constitution en société de la filiale de la Barbade et de la réception par la contribuable de dividendes en franchise d’impôt versés par celle-ci, lesquels dividendes avaient été financés à même les intérêts versés sur le billet.

[72]  À l’instar du juge Bell, j’arrive à la conclusion que « [l]e seul autre mécanisme qui puisse être envisagé est la possibilité que la prétendue opération d’évitement n’ait pas eu lieu » [30] . L’appelante n’a pas réussi à démontrer en quoi le scénario suivant lequel Nuinsco acquiert les sociétés partenaires et n’utilise pas ses attributs fiscaux pour soustraire à l’impôt le revenu reçu de HLP est un scénario raisonnable eu égard aux faits. Il est probable que les honoraires auraient alors été beaucoup plus élevés, de manière à dédommager Nuinsco de la dette découlant de l’impôt à payer sur le revenu que les sociétés partenaires ont reçu de HLP. Si tel avait été le cas, il y a fort à parier que l’appelante n’aurait pas voulu conclure l’opération. Comme Nuinsco n’avait pas la possibilité d’utiliser ses attributs fiscaux pour soustraire à l’impôt le revenu reçu de HLP, la preuve ne me permet pas de conclure que l’appelante et Nuinsco auraient conclu les opérations en question.

[73]  Si l’opération d’évitement alléguée n’avait pas été conclue, les sommes reçues de HLP auraient été imposables entre les mains de la société partenaire. L’imposition des sommes en question entre les mains de Nuinsco a donné lieu à un avantage fiscal. En conséquence, je conclus qu’un avantage fiscal a découlé de ces opérations.

b)  Existence d’une opération d’évitement

[74]  Comme je l’ai mentionné plus haut, les parties conviennent que bon nombre des opérations constituent une série d’opérations pour l’application de la RGAÉ.

[75]  Le critère de l’opération d’évitement sera établi si la série a donné lieu à un avantage fiscal et si l’une des opérations de la série ne peut raisonnablement être considérée comme une opération principalement effectuée pour un objet non fiscal véritable.

[76]  Le ministre a présumé qu’aucune des opérations de la série n’avait été effectuée pour un objet non fiscal véritable. L’appelante ne semble pas soutenir le contraire, mais fait plutôt valoir que la série d’opérations n’a donné lieu à aucun avantage fiscal. Puisque j’ai déjà conclu qu’il y a eu un avantage fiscal, cet argument est également rejeté.

[77]  Par ailleurs, l’appelante traite un aspect de la série différemment des autres. Selon l’appelante, l’intimée fait valoir que le choix du 29 mai 2006 comme date de clôture était une opération d’évitement, allégation qui doit être rejetée, parce que le choix d’une date à laquelle une opération est conclue ne constitue pas en soi une « opération ». Cependant, l’appelante a mal saisi l’argument de l’intimée. En réalité, l’intimée affirme que, parmi les autres opérations de la série, la vente des actions de la société partenaire par l’appelante à Nuinsco constituait une opération d’évitement, ce que vient étayer la date de cette vente. Je souscris à cette interprétation. À la lumière de la preuve, je ne puis conclure que Nuinsco et l’appelante auraient procédé à la vente des actions, n’eût été la possibilité d’utiliser les attributs fiscaux de Nuinsco, et l’appelante n’a pas soutenu le contraire.

c)  Abus

[78]  Tel qu’il est mentionné plus haut, cet aspect nécessite un examen en deux étapes : d’abord, il faut effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions qui génèrent l’avantage fiscal afin d’en déterminer l’objet ou l’esprit. En deuxième lieu, il faut déterminer s’il y a eu abus de cet objet ou esprit en l’espèce.

[79]  À cet égard, c’est l’intimée qui a le fardeau de la preuve.

[80]  L’intimée soutient qu’une politique générale de la Loi vise à empêcher le partage de pertes entre des contribuables non liés et que les opérations en cause ont pour effet de contourner cette politique. Lorsqu’elle a exposé cet argument, l’intimée a analysé plusieurs dispositions législatives, sur lesquelles je me penche à mon tour.

[81]  Cependant, je souligne dès le départ une faille fatale dans l’argument de l’intimée : l’intimée n’a pas procédé à une analyse complète des dispositions associées à l’obtention de l’avantage fiscal. Ce sont ces dispositions qu’il faut interpréter de manière textuelle, contextuelle et téléologique. Ainsi que l’a décidé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Copthorne, « [c]e qui n’est pas permis, c’est de conclure à l’abus sur le fondement d’un énoncé de principe général – contre le dépouillement de surplus, par exemple, – qui n’a aucun lien avec les dispositions en cause » [31] . De plus, dans l’arrêt Lipson, le juge LeBel a réitéré l’importance de préciser quelles dispositions correspondent à l’avantage fiscal et de déterminer s’il y a eu abus dans l’application de ces dispositions [32] .

(i) Article 111

[82]  Comme point de départ, l’intimée invoque les paragraphes 66.7(10) et 111(5).

[83]  J’analyserai seulement le paragraphe 111(5), qui est une disposition générale sur le transfert des pertes, tandis que le paragraphe 66.7(10) est une disposition analogue concernant les frais relatifs à des ressources.

[84]  Les paragraphes 111(1) et 111(5) de la Loi sont ainsi libellés :

111(1) Pertes déductibles – Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

a) pertes autres que des pertes en capital – ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 20 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition suivantes;

b) pertes en capital nettes – les pertes en capital nettes que le contribuable subit pour les années d'imposition qui précèdent et pour les trois années d'imposition qui suivent l'année;

c) pertes agricoles restreintes – ses pertes agricoles restreintes subies au cours des 20 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition suivantes; toutefois, la somme déductible pour l'année à titre de pertes agricoles restreintes ne peut excéder le revenu tiré, pour l'année, des entreprises agricoles exploitées par le contribuable;

d) pertes agricoles – ses pertes agricoles subies au cours des 20 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition suivantes;

e) pertes comme commanditaire – e)  les pertes comme commanditaire subies dans une société de personnes par le contribuable pour les années d'imposition précédant l'année; toutefois, le montant déductible pour l'année au titre d'une perte comme commanditaire ne l'est qu'à concurrence de l'excèdent du montant visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii):

(i) la fraction à risques de l'intérêt du contribuable dans la société de personnes, au sens du paragraphe 96(2.2), à la fin du dernier exercice de la société de personnes se terminant au cours de l'année,

(ii) le total des montants dont chacun représente :

(A) la partie du montant déterminé à l'égard de la société de personnes que le paragraphe 127(8) prévoit d'ajouter au crédit d'impôt à l'investissement du contribuable pour l'année,

(B) la part dont le contribuable est tenu des pertes de la société de personnes résultant d'une entreprise ou d'un bien pour le dernier exercice de la société de personnes se terminant au cours de l'année,

(C) la part attribuable au contribuable des frais globaux relatifs à des ressources à l'étranger, des frais d'exploration au Canada, des frais d'aménagement au Canada et des frais à l'égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz, engagés par la société de personnes au cours de cet exercice.

 […]

111(5) Idem [pertes découlant d’une entreprise ou d’un bien] - En cas d'acquisition,  à un moment donné, du contrôle d'une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant avant ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant après ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment. Toutefois :

a) la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l'exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant après ce moment :

(i) que si, tout au long de l'année donnée, cette entreprise a été exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu'à concurrence du total du revenu de la société provenant de cette entreprise pour l'année donnée et – dans le cas où des biens sont vendus, loués ou mis en valeur ou des services rendus dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise avant ce moment – de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables.

b) la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l’exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant avant ce moment :

(i) que si, tout au long de l'année d'imposition et de l'année donnée, cette entreprise était exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu'à concurrence du revenu que la société a tiré pour l'année donnée de cette entreprise et de toute autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient de la vente, de la location ou de la mise en valeur de biens semblables aux biens vendus, loués ou mis en valeur ou de la prestation de services semblables aux services rendus dans le cadre de l’exploitation de cette entreprise avant ce moment.

[85]  L’alinéa 111(1)a) permet de reporter les pertes sur des années antérieures ou postérieures. Le paragraphe 111(5) restreint la capacité de le faire en cas de changement de contrôle. Plus précisément, les pertes autres qu’en capital ne peuvent être reportées sur les années suivantes après une acquisition de contrôle, à moins que l’entreprise qui a engagé les pertes ne continue à être exploitée en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit et, en pareil cas, uniquement jusqu’à concurrence du revenu provenant de cette entreprise ou d’une entreprise similaire. Selon la partie pertinente de la définition figurant au paragraphe 251.2(2), un contribuable est assujetti à un « fait lié à la restriction de pertes » lorsque « le contribuable est une société dont le contrôle est acquis, à ce moment, par une personne ou un groupe de personnes ».

[86]  L’intimée présente une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 111(5) et estime que l’application de cette disposition a été contournée dans des circonstances où elle n’aurait pas dû l’être. Selon mon examen de cette analyse, le paragraphe 111(5) n’a pas été invoqué lors des opérations en question et son application n’a pas été contournée. En conséquence, je ne puis accorder à cette disposition l’importance primordiale que l’intimée lui donne dans ses arguments.

[87]  Le paragraphe 111(5) n’était nullement destiné à s’appliquer aux situations dans lesquelles l’entité ayant accumulé des pertes (Nuinsco) fait l’acquisition d’une autre entité. En d’autres termes, je ne suis pas convaincu que le paragraphe 111(5) s’applique au partage de profits avec l’acquéreur d’une société déficitaire d’une façon qui permet de dire que les parties ont invoqué le paragraphe 111(5) dans le cadre de leurs opérations.

[88]  Le paragraphe 111(5) restreint le report prospectif des pertes qu’une société cible a subies avant son acquisition en vue de réduire le revenu que gagne cette même société après son acquisition, ou le report rétrospectif des pertes que la société cible subit après son acquisition en vue de réduire le revenu qu’elle a gagné avant l’acquisition. Telles me semblent être les circonstances précises dans lesquelles la société acquise ne peut se servir de ses propres pertes pour réduire son propre revenu. Dans la présente affaire, Nuinsco a reporté sur une base prospective les pertes antérieures à l’acquisition de la société partenaire afin de réduire le revenu postérieur qui lui a été attribué du fait qu’elle est devenue associée de HLP après avoir acquis et liquidé ladite société partenaire. Nuinsco est la société qui a procédé à l’acquisition plutôt que la société cible – elle n’a pas été assujettie à un fait lié à la restriction de pertes. Or, pour que le paragraphe 111(5) s’applique, il est impératif que ce fait se soit produit.

[89]  La société partenaire a quant à elle été assujettie à un fait lié à la restriction de pertes, mais rien au paragraphe 111(5) n’indique que cette disposition législative visait à empêcher l’acquéreur de déduire ses propres pertes du revenu postérieur à l’acquisition qui est indirectement attribuable à cette même société par suite de son acquisition de la société cible. En s’attribuant le revenu provenant de HLP et en le déduisant de ses pertes autres que ses pertes en capital antérieures, Nuinsco n’a pas contourné le paragraphe 111(5) et la société partenaire s’est conformée au libellé de cette disposition, mais elle ne s’est pas fondée sur l’effet de celle-ci.

[90]  J’admets que la différence est mince entre une opération qui va à l’encontre de l’objet ou de la raison d’être d’une disposition législative de façon à contourner celle-ci et une autre qui échappe totalement à l’application de cette disposition, mais j’estime, à la lumière des observations des deux parties, que les opérations examinées en l’espèce appartiennent à la seconde catégorie d’opérations. En résumé, le paragraphe 111(5) interdit certaines formes d’échange de pertes. Il ne porte pas sur le partage de profits ou de gains, sauf dans la mesure où il interdit de façon générale à la société cible de déduire de son revenu antérieur à l’acquisition les pertes qu’elle engage après celle-ci. En conséquence, cette situation est différente de celle dans laquelle un contribuable invoque de manière inattendue une faille d’une disposition législative de manière à contourner la politique que le législateur souhaitait mettre en œuvre, que ce soit au moyen de cette disposition elle-même ou du régime législatif général dont elle fait partie.

[91]  Pour arriver à cette conclusion, je me fonde également sur l’objet du paragraphe 111(5), qui est exposé dans les observations des parties et dans la jurisprudence. Soulignant la large portée du paragraphe 111(5), la Cour suprême du Canada a affirmé que « le par. 111(5) peut avoir pour objet général d’empêcher le transfert de pertes autres qu’en capital d’une société à une autre » [33] . Élargir davantage la portée du paragraphe 111(5) aurait pour effet d’en étendre l’application au transfert de pertes et de revenus d’une société à une autre. Dans la décision Loyens, la juge Campbell a rejeté une interprétation similaire de l’objet du paragraphe 111(5), qu’elle jugeait trop large [34] .

[92]  L’intimée cite l’arrêt OSFC Holdings, dans lequel la Cour d'appel fédérale a conclu qu’il y avait eu abus dans l’application d’une politique générale interdisant les échanges de pertes entre des sociétés [35] . Cependant, la présente affaire ne concerne pas un mécanisme d’échange de pertes semblable à celui qui avait été analysé dans l’arrêt OSFC Holdings. Dans cette dernière affaire, une société a transféré les pertes accumulées d’un portefeuille à une autre société, qui a ensuite déduit ces mêmes pertes de son propre revenu. Dans la présente affaire, une société ayant accumulé des pertes a fait l’acquisition d’une autre société afin de devenir associée et de se voir attribuer une partie du revenu de la société de personnes, revenu duquel elle a pu déduire ses pertes accumulées. Il s’agit en l’espèce d’un partage de profits plutôt que d’un échange de pertes. Comme je l’ai mentionné, le paragraphe 111(5) est important pour l’analyse générale de la RGAÉ, mais les opérations en question ne sont pas fondées sur cette disposition. Très récemment, dans l’arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a affirmé clairement que l’analyse de l’application de la RGAÉ vise à interpréter les dispositions législatives que le contribuable a effectivement invoquées afin d’en déterminer l’objet sous-jacent.

[93]  En conséquence, le paragraphe 111(5) n’est utile pour l’intimée que dans la mesure où il permet de comprendre le contexte global de la Loi ainsi que les dispositions législatives que la société partenaire a effectivement invoquées; le paragraphe  111(5) démontre qu’il existe une politique générale qui interdit l’échange de pertes et dont l’application a fait l’objet d’un abus dans le cadre des opérations en litige.

(ii) Paragraphes 69(11) et 83(2.1)

[94]  L’intimée invoque également les paragraphes 69(11) et 83(2.1).

[95]  Le paragraphe 69(11) interdit le transfert de biens avec report d’impôt à une personne non affiliée dans les cas où le transfert vise à soustraire à l’impôt les gains accumulés à l’égard des biens au moyen des déductions que la personne non affiliée peut utiliser. Le paragraphe 69(11) vise un cas bien précis et exige qu’il y ait une première disposition d’un bien à un prix inférieur à sa juste valeur marchande, puis une autre disposition de ce bien ou d’un bien de remplacement dans les trois années qui suivent. Pour sa part, le paragraphe 83(2.1) est une règle anti-évitement qui vise les cas où une personne acquiert des actions d’une société afin de recevoir un dividende en capital.

[96]  À mon avis, ces dispositions de la Loi ne sont pas pertinentes en l’espèce. Ni la société partenaire ni Nuinsco ne se sont fondées sur ces dispositions pour obtenir l’avantage fiscal, et l’intimée ne m’a pas convaincu non plus qu’elles font partie d’une façon significative du contexte, d’après l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions invoquées. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans l’arrêt Copthorne, « toutes les dispositions de la Loi ne sont pas pertinentes pour la définition du contexte de la disposition en cause. La pertinence tient en fait au [traduction] « regroupement » des dispositions ou à leur « interaction pour la mise en œuvre d’un plan plausible et cohérent » […] [36] .

(iii) Article 103

[97]  L’intimée a également invoqué les paragraphes 103(1) et 103(1.1), soit des dispositions anti-évitement qui permettent au ministre de réattribuer le revenu ou les pertes d’une société de personnes (ou d’autres sommes pertinentes) d’une façon différente de celle qui est énoncée dans le contrat de société. Selon le paragraphe 103(1), le ministre peut faire cette réattribution lorsque « cette convention a pour objet principal de réduire les impôts ou de différer le paiement des impôts qui auraient pu être ou devenir payables par ailleurs en vertu de la présente loi […] ». Ces dispositions n’ont pas été invoquées non plus pour l’obtention de l’avantage fiscal, mais elles font indéniablement partie du contexte dans lequel s’inscrivent les dispositions relatives aux sociétés de personnes.

[98]  Ces dispositions visent les contrats de société qui reposent sur des considérations fiscales ou qui ne sont pas raisonnables. La Cour canadienne de l’impôt a refusé d’appliquer le paragraphe 103(1) dans un cas où l’attribution précisée à l’origine dans le contrat n’était pas motivée par des considérations fiscales, alors que l’acquisition subséquente d’une participation dans la société de personnes l’était [37] . En revanche, la Cour canadienne de l’impôt a également conclu que, dans le cas de l’arrivée d’un nouveau membre dans une société de personnes, le caractère raisonnable d’un mécanisme d’attribution devait être déterminé en tenant compte de la façon dont les associés à l’époque se servent du mécanisme, même si celui-ci était identique avant et après l’arrivée [38] .

[99]  Dans la présente affaire, le mécanisme d’attribution prévu dans le contrat de société de HLP n’avait pas changé depuis la création de celle-ci. Selon ce qui avait été prévu, les profits et les pertes seraient attribués en fonction de l’apport en capital des associés. Rien n’indique que ce mécanisme a été choisi à des fins fiscales ou qu’il n’était pas raisonnable.

[100]  Après que Nuinsco est devenue commanditaire de HLP, les associés étaient alors Nuinsco, à titre de commanditaire détenant une participation de 99,9 %, et GPCo (qui appartenait à cent pour cent à Nuinsco), à titre de commandité détenant une participation de 0,1 %. Le revenu a été réparti en fonction des participations respectives des parties dans les sociétés de personnes. Rien n’indique que, entre Nuinsco et GPCo, cette répartition n’aurait pas été raisonnable.

[101]  Le problème pourrait résider dans le mécanisme d’attribution entre les anciens et les nouveaux associés. L’encaisse de la société de personnes s’est retrouvée entre les mains de la société mère d’un ancien associé (l’appelante), tandis que le revenu de la société de personnes a été attribué au nouvel associé. L’article 103 permet-il de conclure à l’existence d’une politique générale interdisant l’attribution des profits de cette manière? L’appelante soutient que l’article 103 ne concerne pas l’attribution à d’anciens associés. Je souligne toutefois l’alinéa 96(1.01)a), selon lequel l’associé qui cesse d’être associé de la société de personnes au cours d’un exercice de celle-ci est réputé être un associé de ladite société à la fin de l’exercice pour l’application de plusieurs dispositions, dont l’article 103. Jusqu’à maintenant, les tribunaux ne se sont pas penchés sur l’alinéa 96(1.01)a). Il était loisible à l’intimée de faire valoir que, lus ensemble, l’alinéa 96(1.01)a) et l’article 103 démontrent l’existence d’une politique générale interdisant le partage de profits entre les nouveaux et les anciens associés; comme elle ne l’a pas fait, il ne m’appartient pas d’ajouter d’autres questions litigieuses à celles que les parties ont soulevées.

[102]  Je conclus que les paragraphes 103(1) et 103(1.1) n’aident pas l’intimée à établir l’existence d’une politique générale interdisant le partage de profits.

(iv) Autres dispositions législatives

[103]  J’examinerai maintenant les dispositions de la Loi qui, à mon avis, ont effectivement été invoquées en vue de l’obtention de l’avantage fiscal. Il s’agit des paragraphes 96(1) et 111(1), ainsi que des dispositions connexes de l’article 66.7 qui permettent le report de frais d’exploration et de frais d’aménagement au Canada. Il incombait à l’intimée de prouver qu’il y avait eu abus de l’objet ou de l’esprit de ces dispositions. L’intimée ne l’a pas fait et, par conséquent, elle n’a pas réussi à justifier la nouvelle cotisation de la société partenaire.

[104]  Le paragraphe 96(1) a été utilisé pour attribuer le revenu de la société de personnes à Nuinsco à la fin de l’exercice de HLP. L’intimée n’a pas présenté d’analyse de cette disposition afin d’en établir l’objet ou l’esprit. Je pourrais m’arrêter là, mais j’ajoute qu’à mon avis, il n’y a pas eu d’abus de l’objet ou de l’esprit de l’article 96.

[105]  Le paragraphe 96(1) énonce la structure des entreprises intermédiaires que sont les sociétés de personnes. Le revenu de la société de personnes est calculé comme si celle-ci était une personne distincte [39] et comme si son année d’imposition correspondait à son exercice [40] . Les revenus ou pertes de la société de personnes sont imputés à ses associés selon la part qu’ils détiennent dans celle-ci et l’associé inclut sa part des revenus ou pertes de la société de personnes dans son revenu pour l’année d’imposition au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine [41] .

[106]  En général, le revenu d’une société de personnes est attribué conformément au contrat de société. Cela signifie que, comme c’est le cas en espèce, le régime de société de personnes permet l’attribution du revenu de celle-ci à une entité qui devient associée au cours de l’exercice. En d’autres termes, il se peut que l’identité des associés change au cours de l’exercice par suite de l’achat et de la vente de participations dans la société de personnes, mais l’attribution du revenu peut être faite à la fin de l’exercice en fonction de la composition de la société à ce moment-là, pourvu que le contrat de société le précise.

[107]  Textuellement, ce traitement découle de l’alinéa 96(1)f), qui prévoit que le revenu d’un associé sera calculé comme si :

[…] « le montant du revenu de la société de personnes, pour une année d’imposition, tiré d’une source quelconque ou de sources situées dans un endroit donné, constituait le revenu du contribuable tiré de cette source ou de sources situées dans cet endroit donné, selon le cas, pour l’année d’imposition du contribuable au cours de laquelle l’année d’imposition de la société de personnes se termine, jusqu’à concurrence de la part du contribuable;

[non souligné dans l’original]

[108]  La « part du contribuable » serait déterminée conformément au contrat de société.

[109]  Cette conclusion trouve appui dans le contexte du régime de sociétés de personnes. À l’exception de certaines dispositions régissant les attributions destinées à d’ex-associés et des règles anti-évitement de l’article 103 (dont il est fait mention plus haut), aucun élément du régime de sociétés de personnes n’empêche que le contrat de société prévoie l’attribution du revenu selon la composition de la société à la fin de son exercice. À titre d’exemple de disposition portant sur l’attribution de revenus à un ancien associé, mentionnons le paragraphe 96(1.01), dont l’alinéa a) prévoit que le contribuable qui cesse d’être associé d’une société de personnes au cours d’un exercice de la société est réputé être un associé à la fin de ce même exercice. Cependant, malgré cette présomption, le revenu de la société de personnes qui serait attribué à l’ancien associé serait encore calculé conformément au contrat de société, sous réserve de l’application possible de l’article 103.

[110]  L’objet des dispositions relatives aux sociétés de personnes a été analysé dans l’arrêt Mathew, dans lequel la juge en chef McLachlin et le juge Major ont affirmé que ces dispositions permettent le partage de pertes entre associés afin de favoriser la mise en place d’une structure organisationnelle permettant à ceux-ci d’exploiter ensemble une entreprise [42] . Il est probable que ce raisonnement s’appliquerait aussi au partage de profits. Cependant, cette conclusion n’appuie pas l’idée selon laquelle les dispositions relatives aux sociétés de personnes visent à permettre que le revenu de la société soit attribué en fonction de la composition de celle-ci à la fin de l’exercice, ni ne va à l’encontre de cette position.

[111]  Le plan fiscal examiné dans l’arrêt Mathew était identique à celui qui a été analysé dans l’arrêt OSFC Holdings. Le plan reposait sur les règles relatives aux sociétés de personnes qui sont énoncées à l’article 96, ainsi que sur le paragraphe 18(13), soit la règle sur la minimisation des pertes qui a permis le transfert à une société de personnes, au prix coûtant, d’un portefeuille de prêts comportant des pertes accumulées. La juge en chef McLachlin et le juge Major ont conclu qu’il y avait eu abus dans l’application de ces deux dispositions. Ils ont d’abord affirmé que le paragraphe 18(13) vise à faire en sorte que les pertes accumulées soient réalisées par le bénéficiaire du transfert ayant un lien de dépendance, alors qu’en réalité, elles avaient été transférées à une partie sans lien de dépendance. Une structure de société de personnes a été utilisée en vue de faciliter le transfert de ces pertes d’une façon qui n’était nullement envisagée par le paragraphe 18(13). Voici comment ils se sont exprimés : « [l]e législateur ne peut pas avoir voulu que les règles relatives aux sociétés de personnes et le par. 18(13) aient pour effet combiné de maintenir et de transférer une perte devant être réalisée par un contribuable n’ayant aucun lien de dépendance avec l’auteur du transfert. Utiliser ces dispositions pour maintenir et vendre une perte non réalisée à une partie sans lien de dépendance donne lieu à un évitement fiscal abusif au sens du par. 245(4). De telles opérations ne sont pas conformes à l’esprit et à l’objet du par. 18(13) et de l’art. 96 interprétés correctement » [43] .

[112]  Dans l’arrêt Mathew, l’abus dans l’application des règles relatives aux sociétés de personnes a été lié à l’abus dans l’application du paragraphe 18(13) et a été déterminé à la lumière de la politique législative générale reconnue qui a pour effet d’interdire les transferts de pertes entre les contribuables, sous réserve d’exceptions précises. Dans la présente affaire, l’article 96 est présenté le plus souvent de façon autonome, et le contexte législatif exposé par l’intimée ne prouve pas clairement l’existence d’une politique interdisant le partage de profits. Les parties à l’opération ont invoqué les dispositions relatives aux sociétés de personnes et le paragraphe 111(1), mais j’estime que ces dispositions, seules ou de concert avec d’autres, n’ont fait l’objet d’aucun abus dans leur application. Cette conclusion fait clairement ressortir la différence entre la présente affaire et la situation examinée dans l’arrêt Mathew.

[113]  Le paragraphe 111(1) permettait à Nuinsco de contrebalancer le revenu de la société de personnes à l’aide de pertes antérieures. L’alinéa 111(1)a) lui-même ne renferme aucune restriction quant aux revenus desquels les pertes antérieures peuvent être déduites. L’utilisation par Nuinsco des pertes autres qu’en capital existantes pour contrebalancer le revenu de la société de personnes ne va pas à l’encontre de l’alinéa 111(1)a). Le paragraphe 111(5) restreint l’utilisation des pertes antérieures lorsqu’il y a acquisition du contrôle de la société qui a accumulé (ou accumulera) ces pertes, mais il contient également des conditions précises régissant son application et, tel qu’il est mentionné plus haut, il ne démontre pas l’existence dans la Loi d’une politique générale interdisant le partage de profits.

[114]  En résumé, la politique générale proposée par l’intimée ne ressort nullement, à mon avis, des dispositions de l’article 96 concernant les sociétés de personnes, des paragraphes 111(1) et 111(5) ou des autres dispositions de la Loi. Comme je suis arrivé à la conclusion que l’existence de la politique qui aurait fait l’objet d’un abus n’a pas été établie, il s’ensuit que l’abus en question n’a pas été prouvé non plus. Il importe de se rappeler à cet égard qu’il incombe à l’intimée de prouver l’abus et que, « s’il n’est pas certain qu’il y a eu évitement fiscal abusif, il faut laisser le bénéfice du doute au contribuable » [44] . L’intimée ne s’étant pas acquittée de ce fardeau, le contribuable a certainement droit au bénéfice du doute.

[115]  Étant donné que j’estime qu’il est impossible d’établir l’existence de la politique générale que l’intimée invoque, il m’apparaît peu utile de chercher à savoir si les opérations en cause allaient à l’encontre de cette politique. Ma principale préoccupation réside dans l’absence d’éléments de preuve établissant l’existence de cette politique et, dans ce contexte, il ne conviendrait pas que je formule des hypothèses sur l’analyse que j’aurais faite si j’avais été saisi d’éléments de preuve tendant à indiquer le contraire.

d)  Attributs fiscaux raisonnables

[116]  J’aimerais toutefois commenter un autre sujet de désaccord entre les parties en ce qui concerne la nouvelle cotisation de la société partenaire. L’appelante soutient que, si les trois conditions d’application de la RGAÉ sont établies, le ministre a malgré tout commis une erreur en omettant de déterminer les attributs fiscaux raisonnables, ainsi que l’exige le paragraphe 245(2).

[117]  Plus précisément, l’appelante fait valoir qu’il n’était pas raisonnable de la part du ministre d’ignorer la fin d’exercice réputée découlant de l’acquisition de la société partenaire par Nuinsco, étant donné qu’il aurait pu refuser l’avantage fiscal obtenu par la société partenaire sans ignorer cette présomption. En effet, le ministre aurait pu (1) refuser à Nuinsco les déductions qu’elle a demandées du revenu de la société de personnes ou (2) inclure le revenu de HLP dans celui de la période tampon de la société partenaire allant du 29 mai au 1er juin 2006, plutôt qu’ignorer la fin d’exercice réputée et inclure le revenu de la société de personnes dans une période fictive allant du 1er mai 2006 au 1er juin de la même année. Selon l’appelante, le ministre a voulu ignorer la fin d’exercice réputée afin de pouvoir générer un fondement factuel permettant d’établir une cotisation à l’encontre de l’appelante au titre de la RGAÉ et de l’article 160 [45] .

[118]  Pour que la première solution de rechange proposée soit possible, je devrais conclure que c’est Nuinsco qui a bénéficié de l’avantage fiscal plutôt que la société partenaire. Étant donné que j’ai conclu que cette dernière avait reçu un avantage fiscal, je rejette cet argument.

[119]  La deuxième possibilité me paraît plus sérieuse. Selon le paragraphe 245(2), le ministre doit déterminer les attributs fiscaux de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal découlant de la série d’opérations abusives. Lue de concert avec l’alinéa 245(5)d), la définition large de l’expression « attributs fiscaux » figurant au paragraphe 245(1) permettrait au ministre d’ignorer la fin d’exercice réputée dans des circonstances appropriées. Dans la décision XCO Investments, le juge en chef Bowman a décidé que ce qui est raisonnable doit dépendre de l’ensemble des circonstances, mais que la détermination de ce qu’il en est par le ministre ne représente pas une mesure discrétionnaire devant faire l’objet de déférence [46] .

[120]  Pour répondre à cette question, je dois garder à l’esprit que la nouvelle détermination vise à supprimer, en tout ou en partie, l’avantage fiscal en cause. Le caractère raisonnable de chaque détermination du ministre doit être évalué en fonction de l’objet final qu’elle vise. Il ressort clairement du paragraphe 245(2) que ce qui est raisonnable dépend des circonstances donnant lieu à l’avantage fiscal, puisque l’analyse porte sur les mesures qui auraient raisonnablement donné lieu au refus de celui-ci. J’ai conclu précédemment que l’avantage fiscal résidait dans l’attribution à Nuinsco du revenu de la société partenaire, laquelle attribution a permis en fin de compte de réduire le montant d’impôt payé sur le revenu de la société de personnes.

[121]  Je conviens avec l’appelante que le ministre aurait pu supprimer cet avantage fiscal en réattribuant à la société partenaire le revenu de la société de personnes sans ignorer la fin d’exercice réputée. Le fait d’ignorer la fin d’exercice réputée n’a eu aucune incidence sur l’avantage fiscal déterminé lors de l’application de la RGAÉ à la société partenaire. Le revenu réattribué à celle-ci par suite de l’application de la RGAÉ n’a pas été modifié parce que la fin d’exercice réputée n’a pas été prise en compte. Lorsque la situation est examinée sous l’angle de l’avantage fiscal visé dans la nouvelle cotisation de la société partenaire, il semble qu’il n’y avait aucune raison d’ignorer la fin d’exercice réputée. En conséquence, je suis d’avis qu’il n’était pas raisonnable de le faire.

[122]  Cette conclusion est renforcée par l’idée que le ministre aurait pu reconnaître la fin d’exercice réputée sans que cela l’empêche d’adopter un traitement différent dans la cotisation de la société de portefeuille. Il aurait pu ignorer la fin d’exercice réputée à titre d’attribut fiscal raisonnable lors de l’application de la RGAÉ à l’appelante, ce qui aurait ouvert la voie à l’application de l’article 160 au titre de cette même règle. Il en est ainsi parce que l’avantage fiscal qu’a obtenu l’appelante résidait dans la non-application de l’article 160, ce qui a été possible en raison de la présomption relative à la fin d’exercice. En conséquence, il serait raisonnable de la part du ministre d’ignorer la fin d’exercice réputée comme attribut fiscal raisonnable lors du refus de l’avantage fiscal de l’appelante.

[123]  Ainsi, il aurait encore été possible de ratifier la cotisation de la société de portefeuille si la RGAÉ avait été correctement appliquée à la société partenaire de manière à entraîner la création de la dette fiscale en question.

3)  Cotisation de la société de portefeuille

[124]  L’appelante a également fait l’objet d’une cotisation au titre de la RGAÉ au motif que les opérations en question constituent un abus dans l’application de l’article 160 de la Loi.

a)  Existence d’un avantage fiscal

[125]  L’appelante nie avoir reçu un avantage fiscal par suite des opérations d’évitement alléguées. Au soutien de sa thèse, elle a souligné les opérations qu’elle a conclues avec la société partenaire qui, de l’avis de l’intimée, constituent des opérations d’évitement :

1.  La distribution de dividendes en actions à l’appelante par la société partenaire;

2.  Le rachat au comptant des actions privilégiées distribuées à l’appelante par la société partenaire;

3.  L’entente prévoyant le prêt à Nuinsco d’une somme suffisamment élevée pour permettre l’achat des actions en circulation de la société partenaire, l’achat des actions de celle-ci par Nuinsco et le prêt à Nuinsco.

[126]   L’appelante affirme qu’aucune de ces opérations n’a donné lieu à un avantage fiscal. En ce qui concerne la distribution du dividende en actions, elle fait valoir qu’il est clair en droit qu’un dividende en actions ne donne pas lieu à un transfert de biens au sens du paragraphe 160(1) [47] . Étant donné que ses actions privilégiées ont été rachetées par la société partenaire, l’appelante affirme qu’elle a fourni une juste valeur marchande en échange de la somme reçue lors du rachat en question.

[127]  Quant à l’avance de fonds, l’appelante a nié que cette opération ait eu lieu. De plus, ce prêt ne constituerait pas un transfert de biens à Nuinsco, étant donné que le billet à ordre que celle-ci a signé s’élevait à ce montant, tandis que les actions que l’appelante détenait dans la société partenaire ont été vendues à leur juste valeur marchande. En conséquence, l’avance de fonds par HLP à Nuinsco ne constituait pas un transfert de biens de la part de la société partenaire.

(i) Distribution de dividendes en actions

[128]  Le dividende en actions doit constituer un transfert de biens en common law pour que l’article 160 puisse s’appliquer à cet aspect particulier de la série d’opérations (en l’absence de la fin d’exercice réputée). Je souscris à la conclusion que le juge Rip a tirée dans la décision Algoa Trust sur la question de savoir si la distribution d’un dividende en actions constitue un transfert de biens. J’ajouterais que la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur une question semblable dans l’arrêt Biderman [48] .

[129]  Dans l’affaire Biderman, le débiteur fiscal était l’exécuteur de la succession de sa défunte épouse, qui lui avait également légué des biens dans son testament. Il a signé une renonciation formelle à ses droits à titre de bénéficiaire de la succession et transféré les biens aux autres bénéficiaires (leurs enfants). Le ministre a établi une cotisation à l’encontre des enfants au titre du paragraphe 160(1), soutenant que la renonciation constituait un transfert de la part du débiteur fiscal aux autres bénéficiaires.

[130]  La Cour d'appel fédérale a rejeté l’appel du contribuable, estimant que le débiteur fiscal n’avait pas valablement renoncé à sa part. Après avoir cité des passages des décisions clés sur l’article 160, la Cour d'appel fédérale a formulé les remarques suivantes : « [t]outes ces affaires font clairement ressortir que l’auteur du transfert était propriétaire du bien visé par le transfert et qu’un transfert de bien en vertu du paragraphe 160(1) exige que le bien transféré soit la « propriété » de l’auteur du transfert […] Toutefois, la situation est différente dans le cas d’une renonciation valide à une donation » [49] .

[131]  Comme dans l’affaire Algoa Trust et le cas des dividendes en actions, « [u]ne renonciation n’implique pas une dévolution et une cession de bien. Par conséquent, lorsqu’il y a renonciation valide, il n’y a, à mon avis, aucun transfert de bien, direct ou indirect, et l’alinéa 160(1)c) ne peut s’appliquer à la personne qui a fait cette renonciation » [50] .

[132]  En conséquence, pour que le paragraphe 160(1) s’applique sur ce point, le dividende en actions doit constituer un transfert de biens. Ainsi qu’il en a été décidé dans le jugement Algoa Trust, je suis d’avis que la société partenaire ne s’est pas départie de ses biens lorsqu’elle a émis les actions privilégiées en faveur de l’appelante.

(ii) Rachat des actions privilégiées

[133]  Les rachats d’actions ont donné lieu à un transfert de biens de la société partenaire à l’appelante, mais la JVM de ces actions équivalait à la somme versée en espèces à leur égard. À mon avis, l’appelante a établi que le ministre avait eu tort de présumer que la société partenaire n’avait pas reçu une contrepartie correspondant à la juste valeur marchande à l’égard du rachat des actions privilégiées. Je tiendrais compte des attributs fiscaux de ces actions dont les parties ont convenu, soit l’actif de la société partenaire au moment du rachat, dans la mesure où ils permettent de dire que celle-ci pourrait probablement payer la valeur de rachat; elle pourrait payer la dette fiscale susceptible d’être créée à la fin de l’exercice de HLP sans que ce paiement la rende incapable de racheter les actions.  Ces faits m’incitent à conclure que les actions émises lors de la distribution du premier dividende en actions ont été rachetées à un prix correspondant à leur juste valeur marchande. En conséquence, ce rachat ne donnerait lieu à aucune responsabilité au titre du paragraphe 160(1).

[134]  L’intimée a soutenu que je devrais interpréter les mots « juste valeur marchande […] de la contrepartie donnée pour le bien [transféré par le débiteur fiscal] » d’une façon nuancée qui rendrait théorique le rachat des actions découlant d’un dividende en actions. Cependant, l’intimée n’a pas démontré en quoi le texte, le contexte et l’objet de l’article 160 mènent à cette conclusion. Les observations présentées à ce sujet avaient une portée restreinte, sauf en ce qui concerne l’objet de l’article 160. Les observations de l’intimée sur ce point laissent entrevoir une certaine frustration à l’idée qu’un avantage puisse être conféré à une partie liée sans qu’il y ait transfert de biens susceptible de donner lieu à une responsabilité au titre de l’article 160. L’intimée semble préoccupée par la nécessité de convaincre la Cour qu’une interprétation téléologique de ces deux concepts mène forcément à la conclusion qu’ils sont identiques, quel que soit le texte employé par le législateur.

[135]  Supposons, par exemple, que nous nous trouvions devant un scénario semblable à celui qui a été analysé dans l’arrêt Biderman. Si la part de la succession à laquelle l’exécuteur a renoncé et qui, par conséquent, a été attribuée à ses enfants, se composait d’actions privilégiées rachetables d’une société dans laquelle le débiteur détenait une participation résiduelle, il se pourrait qu’une mesure subséquente touchant ces actions ait pour effet de modifier la forme des biens détenus par les enfants (par exemple, le rachat des actions en contrepartie d’une somme en espèces), mais non leur juste valeur marchande [51] . Il est aussi possible que la valeur de la part du débiteur fiscal diminue par suite de la mesure en question. Dois-je conclure pour autant que, après l’échange de l’ancien bien contre le nouveau, le premier est réputé ne plus avoir de valeur marchande en raison des circonstances dans lesquelles il a été acquis à l’origine? Je n’accepte pas l’interprétation que l’intimée veut donner au passage qu’elle a cité. Je conclus que le prix de rachat des actions en question représente leur juste valeur marchande, lorsque le rachat est examiné de concert avec le contrôle que l’appelante exerçait sur la société partenaire [52] .

(iii) Achat de la société partenaire et prêt à Nuinsco

[136]  À mon avis, l’achat par Nuinsco des actions ordinaires et des actions privilégiées émises lors de la distribution du deuxième dividende en actions constitue un transfert indirect de biens de la société partenaire à l’appelante, lorsqu’il est examiné de concert avec les mesures qui ont mené au prêt à Nuinsco.

[137]  HLP a prêté à Nuinsco une somme qui aurait pu par ailleurs être distribuée à la société partenaire et à ses coassociés. En conséquence, les sociétés partenaires ont transféré indirectement un bien à Nuinsco, puis à l’appelante et aux autres sociétés de portefeuille. Je conviens que l’utilisation d’un intermédiaire ne fait pas de cette opération autre chose qu’un transfert indirect de bien, « de toute autre façon », de la société partenaire à l’appelante. Je rappelle la décision rendue dans l’affaire Strachan, où le juge en chef Rip a conclu qu’un transfert de biens effectué par la société privée d’un débiteur fiscal demeurerait de toute façon un transfert par ce débiteur au titre de l’article 160 [53] . Dans la même veine, le transfert des fonds par HLP à Nuinsco aux fins de l’achat des actions de la société partenaire ne change rien au fait que l’opération a donné lieu à un transfert de biens de celle-ci à l’appelante.

[138]  La question est donc de savoir si la société partenaire a transféré ces biens à un prix inférieur à leur JVM. La conséquence directe de ce transfert réside dans le fait que HLP a reçu de Nuinsco un billet à ordre correspondant au montant du prêt. Bien entendu, par suite de cette série d’opérations, le prix d’achat des actions de la société partenaire a dépassé l’excédent de la valeur des biens que la société partenaire détenait toujours par rapport à sa dette fiscale latente.

[139]  Le ministre avait présumé que la juste valeur marchande des actions de la société partenaire, soit à la fois les actions privilégiées rachetables et les actions ordinaires vendues en bloc, était nominale le 29 mai 2006. Il en était ainsi en raison de l’obligation fiscale intégrée qui était associée à ces actions du fait que la société partenaire était commanditaire de HLP. Même si HLP avait une encaisse de 4,4 millions de dollars ou qu’elle avait en mains le billet à ordre au même montant de Nuinsco au moment pertinent, le fait de détenir une participation dans HLP à la fin de l’exercice de celle-ci comportait des conséquences fiscales à l’égard des montants attribuables à la fin de cet exercice.

[140]  Dans les décisions rendues tant dans le domaine fiscal que dans le contexte de la détermination de la juste valeur aux termes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, les tribunaux ont reconnu que la prise en compte des obligations fiscales intégrées peut être appropriée dans certaines circonstances [54] .

[141]  Dans la décision VIH Logging, la juge Woods (alors juge de la Cour canadienne de l’impôt) était saisie d’une affaire dans laquelle les actions d’une société privée rentable détenue en propriété exclusive (« ancienne VIH ») ont été échangées contre des actions d’une nouvelle société privée (« VIH »). L’ancienne VIH a ensuite vendu la totalité de son actif à sa société mère, VIH, conservant uniquement les fonds nécessaires pour payer l’impôt qu’elle prévoyait devoir sur ses profits. Par la suite, l’ancienne VIH a versé des dividendes en actions et des dividendes en espèces à sa société mère, puis a continué à acheter des données sismiques dans le cadre d’une opération qui lui a permis de reporter la dette d’impôt à une autre année.

[142]  La juge Woods a accepté la preuve non contredite présentée par des experts au sujet de l’évaluation des actions de l’ancienne VIH entre la date du paiement des dividendes et celle de l’achat des données sismiques (deux jours). Elle a conclu que la valeur des actions de l’ancienne VIH était nominale, parce que son encaisse correspondait exactement à l’impôt qu’elle prévoyait devoir payer [55] .

[143]  Dans une autre affaire, le contribuable défunt était le seul actionnaire d’une société de portefeuille qui, à son tour, détenait une part de 50 % dans une société d’exploitation canadienne et une part de 33 % dans une société d’exploitation américaine. La juge Campbell a conclu que les gains en capital intégrés qui découleraient de la distribution par la société de portefeuille des actions qu’elle détenait dans les sociétés d’exploitation devraient être pris en compte dans la détermination de la JVM des actions de la société de portefeuille [56] .

[144]  À mon avis, le ministre pouvait à bon escient tenir compte de la dette fiscale découlant de l’attribution du revenu de la société de personnes aux associés à la fin d’exercice de HLP. Ce faisant, le ministre a présumé que la JVM des actions de la société partenaire (tant les actions ordinaires que les actions privilégiées) achetées par Nuinsco était nominale. Cette situation est bien différente de celle où seules les actions privilégiées ont été vendues à un acheteur sans lien de dépendance. L’appelante n’a pas démoli l’hypothèse du ministre.

[145]  De plus, il semble que la présente affaire soit l’un de ces cas où le bon sens voudrait, en ce qui concerne la valeur de rachat des actions privilégiées, qu’une vente à toute autre tierce partie nécessiterait la vente tant des actions privilégiées que des actions ordinaires en bloc de manière à maximiser le prix de vente [57] . L’absence de contrôle inhérent aux actions ordinaires aurait été vivement ressentie par l’acheteur des actions privilégiées, qui aurait probablement du mal à convaincre la société partenaire de racheter les actions privilégiées, eu égard à la dette fiscale. L’absence d’éléments d’actif permettant d’effectuer le remboursement du capital de ces actions ordinaires après le paiement du prix des actions privilégiées donne à penser que les actions n’auraient pas été transférées à leur JVM. Étant donné que je suis arrivé à la conclusion que l’hypothèse du ministre n’a pas été réfutée, l’intimée n’était pas tenue de présenter des arguments sur ce point.

[146]  Bien que ces aspects concernent la juste valeur marchande des actions que l’appelante a transférées à la société partenaire, ils ne portent pas sur la détermination de la valeur du billet à ordre que Nuinsco a signé en faveur de HLP. En fait, HLP a remplacé des fonds disponibles par une dette de valeur égale. Le ministre n’a pas présumé que la JVM du billet à ordre détenu par HLP était inférieure au montant du prêt à Nuinsco lui-même. La question de savoir si Nuinsco a payé à son tour à l’appelante un prix trop élevé pour ses actions n’est pas pertinente quant à la détermination de la juste valeur marchande de la contrepartie du prêt, étant donné que la valeur marchande du billet à ordre ne dépendait pas de celle des actions de la société partenaire, mais plutôt de la somme empruntée par Nuinsco.

[147]  Je conclus que la société partenaire a transféré indirectement à l’appelante une somme de 867 254 $ au moyen du prêt consenti à Nuinsco, croyant que l’appelante, à tout le moins, rembourserait les fonds dont Nuinsco s’est servie pour acheter les actions en circulation de la société partenaire à un prix supérieur à leur juste valeur marchande. L’appelante n’a pas réussi à réfuter la présomption du ministre sur ce point. Cependant, cette conclusion n’est pas décisive et n’établit pas que l’article 160 se serait appliqué par ailleurs. L’appelante a démontré qu’à la fin de cette série d’opérations, la société partenaire n’était pas plus pauvre pour autant. Elle est demeurée commanditaire de HLP jusqu’à sa dissolution, tandis que l’encaisse de celle-ci a été remplacée par un billet à ordre de la même valeur. En conséquence, je ne puis conclure qu’il y aurait eu une responsabilité sous-jacente au titre de l’article 160.

[148]  Si Nuinsco n’avait pas acheté les actions de la société partenaire, il n’y aurait pas eu de fin d’exercice réputée pour celle-ci, ni de dissolution, de sorte que le revenu de la société de personnes aurait été attribué à la société partenaire au 1er juin 2006. Dans cette situation, la société partenaire serait devenue un débiteur fiscal (mais peut-être un débiteur en mesure de payer ses dettes), mais l’appelante a établi qu’il n’y avait pas eu de transfert de biens de la société partenaire à elle-même à un prix inférieur à la JVM.

[149]  Même si je suis arrivé à la conclusion que l’appelante n’a reçu aucun avantage fiscal, je commenterai néanmoins les autres aspects de l’analyse relative à l’application de la RGAÉ en l’espèce pour le cas où j’aurais commis une erreur. À cette fin, je présumerai que les opérations ont donné lieu à un avantage fiscal au sens de la RGAÉ par suite du prêt consenti à Nuinsco et de l’utilisation des fonds en question par celle-ci pour acheter les actions de l’appelante ou pour remplacer l’argent employé à cette fin.

b)  Existence d’une opération d’évitement

[150]  Compte tenu de l’analyse de la série d’opérations exposée plus haut, lesquelles opérations sont décrites dans l’exposé conjoint des faits, il est indéniable que nous sommes en présence d’une opération d’évitement. Plus précisément, la vente de la participation de l’appelante dans la société partenaire est l’une des opérations d’évitement ciblées dans l’analyse de la cotisation de la société partenaire. Elle établit également l’existence d’une opération d’évitement en l’espèce.

c)  Abus

(i) L’objet de l’article 160

[151]  L’intimée a présenté un historique législatif détaillé de l’article 160 de la Loi en remontant jusqu’à l’édiction de cette disposition en 1951. Elle soutient que le principal objet de l’article 160 est de permettre au ministre de percevoir d’une personne la dette fiscale d’une autre.

[152]  Il est admis de part et d’autre que les pouvoirs prévus à l’article 160 font partie des pouvoirs de recouvrement de dettes dont le fisc ne pourrait autrement s’assurer le paiement dans les cas où les contribuables essaient de se dérober à leurs obligations fiscales [58] . L’article 160 vise à protéger l’intégrité du patrimoine du débiteur fiscal contre une mesure prise par celui-ci pour transférer des biens à des personnes ayant un lien de dépendance dans les cas où ce transfert a pour but ou effet de faire échec à la créance fiscale. Lorsqu’ils sont lus de concert avec les mots « directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon », les concepts de « transfert » et de « biens » de l’article 160 ont une large portée [59] , ainsi que les tribunaux l’ont reconnu. La remarque formulée dans l’arrêt Addison & Leyen, selon laquelle les longs délais qui précèdent l’établissement par le ministre d’une cotisation au titre de l’article 160 ne justifient pas à eux seuls l’intervention des tribunaux, montre l’importance que ceux-ci attachent au fait que le législateur n’a prévu aucun délai de prescription à l’égard de ces cotisations [60] .

[153]  Dans l’arrêt Livingston, la Cour d'appel fédérale a affirmé que « [l]’objet même du paragraphe 160(1) est d’assurer la conservation de la valeur des biens existants dans le patrimoine du contribuable aux fins de recouvrement par l’ARC. Dans le cas où le contribuable s’est entièrement dessaisi de ces biens, le paragraphe 160(1) prévoit la possibilité pour l’ARC d’exercer ses droits sur lesdits biens contre le bénéficiaire de leur transfert » [61] . Cet objet ressort de la limitation de la responsabilité solidaire, à l’article 160, à l’impôt dont l’auteur du transfert est redevable aux termes de la Loi ou pour l’année d’imposition (ou toute année d’imposition précédente) au cours de laquelle le bien a été transféré.

[154]  Dans le cadre de la description de l’historique législatif de l’article 160, l’intimée a souligné que, avant 1983, la date pertinente à prendre en compte pour décider si l’auteur du transfert était un débiteur fiscal était la date du transfert. Les modifications apportées à la Loi en 1983 prévoyaient donc qu’à l’avenir, l’article 160 s’appliquerait aux transferts survenus pendant l’année d’imposition au cours de laquelle l’auteur du transfert devient redevable de la dette fiscale.

[155]  Qui plus est, l’intimée souligne à juste titre que la Loi impose une responsabilité au titre de l’impôt sur le revenu à compter du moment où le revenu en question est gagné, ce qui était aussi le cas avant les modifications apportées en 1983.  Ainsi que l’a expliqué le juge Noël, juge en chef adjoint, dans l’arrêt Simard-Beaudry :

20  Quant à son deuxième argument, à savoir que la dette provenant de la nouvelle cotisation du contribuable ne date que du moment où le contribuable est cotisé et que, par conséquent, elle n'existait pas au moment de la convention, la réponse, il me semble, me paraît être que l'économie générale de la Loi de l'impôt sur le revenu veut que ce soit le revenu imposable qui crée la dette du contribuable et non pas la cotisation ou une nouvelle cotisation.  La responsabilité d'un contribuable, en effet, provient de la Loi et non de la cotisation.  En effet, en principe, la dette existe dès le moment où le revenu est gagné et même si la cotisation survient une ou plusieurs années après que le revenu imposable est gagné, la dette est censée avoir pris naissance à ce moment.  Les nouvelles cotisations émises ici, en date du 14 août 1969, pour un revenu gagné dans des années antérieures, me paraissent être, tout au plus, qu'une confirmation ou constatation des montants dus pour ces années antérieures.  La cotisation, en effet, à mon sens, ne crée pas la dette, mais ne fait, tout au plus, qu'en affirmer son existence. Il me paraît d’autre part que la Cour doit prendre pour acquis que Simard & Frères Cie Ltée doit les montants pour lesquels elle a été cotisée puisqu’ils n’ont pas été contestés par le contribuable ni, d’ailleurs, par la défenderesse dans la présente action qui aurait, cependant, pu le faire puisque des copies des nouvelles cotisations de la mise en cause furent remises à la défenderesse le jour même où elles furent remises à la mise en cause. Ces montants ainsi cotisés, et non contestés, sont donc des dettes dues par le contribuable à compter de la fin de chacune des années en cause [62] .

[Non souligné dans l’original]

[156]  Dans le contexte de l’article 160 actuellement en vigueur, je souligne la décision Jurak, dans laquelle la juge Lamarre Proulx a conclu que « [c]’est un principe reconnu en droit fiscal que ce n’est pas la cotisation qui crée la dette fiscale, mais l’application de la Loi. La cotisation ne fait que constater la dette » [63] . Ce point est également illustré dans l’arrêt Heavyside, dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que l’article 160 s’applique au transfert fait par un époux à son épouse alors que le premier devait de l’impôt, même s’il a fait faillite avant l’établissement d’une cotisation à son endroit ou à l’endroit de son épouse [64] .

[157]  L’intimée a formulé des observations sur le fait que le législateur a restreint la portée de l’article 160, étant donné que, dans le cas des années d’imposition subséquentes, le lien entre un transfert de biens pour une contrepartie insuffisante et la dette fiscale de l’auteur du transfert est plus faible.

[158]  Elle soutient que la définition du mot « exercice » à l’article 249.1 de la Loi a existé, sous une forme ou une autre, depuis l’édiction de ce qui est aujourd’hui l’article 160, et que cette définition a été prise en compte lors de l’intégration dans celui-ci des préoccupations d’intérêt public qui ont mené à l’adoption de cette disposition. L’intimée ajoute que, lorsqu’elle est possible, la modification de l’exercice ne peut être faite à la légère et nécessite le consentement du ministre.

[159]  Enfin, l’intimée souligne l’effet du paragraphe 249(4) de la Loi, selon lequel l’année d’imposition d’une société dont le contrôle a changé est réputée se terminer immédiatement avant le changement de contrôle. Cette présomption fixe le moment auquel les gains et pertes de la société doivent être rapprochés en vue de leur reconnaissance et de leur utilisation ultérieures. Cette société, pour laquelle une nouvelle année d’imposition débutera immédiatement après l’acquisition du contrôle, pourra utiliser une nouvelle fin d’exercice indépendamment des exercices antérieurs applicables au moment du changement de contrôle. L’intimée allègue que les notes techniques jointes au projet de loi relatif au paragraphe 249(4) et un communiqué de presse du ministère des Finances prouvent que l’adoption de cette disposition faisait partie de la stratégie de ce ministère en vue d’empêcher le « transfert inopportun de déductions et crédits d’impôt inutilisables à des parties non liées » [65] . L’intimée considère le paragraphe 249(4) comme un élément clé d’un mécanisme général d’interdépendance de la Loi qui vise à empêcher les contribuables sans lien de dépendance d’acheter et de vendre des pertes fiscales ou des déductions ou crédits d’impôt.

[160]  L’intimée affirme que, pour ces raisons, les opérations de Nuinsco constituaient un abus dans l’application de l’article 160.

(ii) Abus dans l’application de l’article 160

[161]   Selon la thèse de l’intimée, l’appelante s’est servie de l’effet des règles relatives à la fin d’exercice réputée pour éviter l’application de l’article 160, contournant de ce fait cette disposition et entravant la réalisation de son objet. Tout en reconnaissant que l’appelante ne s’est pas fondée sur l’article 249.1 et que le paiement des dividendes par les sociétés partenaires aux sociétés de portefeuille n’est peut-être pas inapproprié en soi, les opérations en question sont devenues problématiques par suite de la vente des actions des sociétés partenaires avant la fin d’exercice de celles-ci. L’intimée invoque le critère que le juge LeBel a énoncé dans l’arrêt Lipson à l’égard de l’abus : l’opération abusive doit donner lieu à un résultat que les dispositions législatives invoquées visaient à empêcher et doit aller à l’encontre de la raison d’être de ces dispositions ou en contourner l’application de manière à contrecarrer leur objet ou leur esprit [66] .

[162]  L’intimée affirme que [traduction] « les sociétés partenaires ont utilisé le paragraphe 249(4) de la Loi afin de contourner l’article 160 dans des circonstances où l’application de cette disposition serait conforme à l’objet qu’elle vise et où son contournement contrecarre l’objet en question » [67] . Dans le cadre de cette affirmation, l’intimée fait une analogie avec l’arrêt Mathew, dans lequel, tel qu’il est mentionné plus haut, la Cour suprême du Canada a conclu que les opérations examinées contrecarraient l’objet du paragraphe 18(13) et de l’article 96.

[163]  L’intimée souligne le jugement dissident que le juge Rothstein, de la Cour d'appel fédérale, a rendu dans l’arrêt Addison & Leyen et qui a mené à la décision de la Cour suprême du Canada dans ce dossier [68] . Fait intéressant à souligner, la Cour suprême du Canada a cité avec approbation le jugement dissident du juge Rothstein, notamment le paragraphe suivant :

92 […] [L’article 160] ne vise que les transferts de biens à des personnes se trouvant dans des relations ou des situations particulières, et seulement lorsque le transfert est en contrepartie d’une valeur inférieure à la juste valeur marchande des biens transférés. Comme le paragraphe 160(1) s’applique dans des circonstances précises et limitées, l’intention du législateur n’est pas obscure. Le législateur voulait que le ministre puisse recouvrer les montants transférés dans ces circonstances limitées afin de régler l’obligation fiscale du premier contribuable, auteur du transfert.

[164]  Pour sa part, l’appelante fait valoir qu’il convient de faire preuve de prudence avant de tirer une conclusion d’abus, eu égard aux conséquences pouvant découler de l’application de la RGAÉ à la planification légitime d’autres contribuables. Elle rappelle l’observation de la Cour suprême du Canada selon laquelle le législateur « veut que les contribuables profitent pleinement des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui confèrent des avantages fiscaux. En fait, il s’agit là de la condition de réussite des différentes politiques que la Loi de l’impôt sur le revenu cherche à promouvoir » [69] . À cet égard, il faut toutefois déterminer si le législateur voulait que l’avantage fiscal en question soit conféré ou s’il va à l’encontre de la politique que la Loi cherche à promouvoir.

[165]  Qui plus est, j’estime que la jurisprudence offre des moyens de protection contre les comportements qui contreviennent à l’intention du législateur de la manière décrite par la Cour suprême du Canada. Ainsi, dans l’arrêt Lehigh, la Cour d'appel fédérale a tiré la conclusion suivante [70]  :

37 […] le fait qu’une exemption soit invoquée d’une façon qui n’avait pas été prévue ou d’une façon novatrice, comme c’était peut-être le cas en l’espèce, ne signifie pas nécessairement qu’il y a eu abus dans l’application de l’exemption. Il s’ensuit que la Couronne ne peut s’acquitter du fardeau d’établir qu’une opération donne lieu à un abus dans l’application d’une exemption simplement en affirmant que l’opération n’était pas prévue ou qu’elle tire profit d’une lacune législative passée inaperçue jusqu’alors. Selon mon interprétation de l’arrêt Hypothèques Trustco, la Couronne doit établir par des éléments de preuve et des arguments motivés que le résultat de l’opération n’est pas conforme à l’objet de l’exemption, à partir d’une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de l’exemption.

[Non souligné dans l’original]

[166]  Effectivement, dans les affaires Lehigh et Gwartz, la Couronne ne s’est pas acquittée du fardeau qu’elle avait de démontrer que l’appel en cause commandait ce résultat. La Couronne cherche à faire une analogie entre l’affaire qui nous occupe et les exemptions en jeu dans les appels susmentionnés, où il n’y avait pas d’ambiguïté quant à la question de savoir si le contribuable tombait sous le coup de l’exemption. Ainsi, dans l’arrêt Lehigh, la Cour d'appel fédérale a affirmé qu’une opération pourrait donner lieu à un abus dans l’application d’une exemption comportant un critère évident de cette nature [71] .

[167]  Je conviens avec l’intimée que la RGAÉ peut s’appliquer dans le cas d’une disposition dont le législateur a restreint la portée de façon à exempter certaines opérations qui pourraient par ailleurs être visées par une règle générale. Dans la présente affaire, une interprétation juste de l’article 160 de la Loi en fonction de son texte, de son contexte et de son objet mène à la conclusion que cette disposition appuie la thèse de l’intimée. Ainsi qu’en a décidé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco, cette politique doit découler d’une analyse fondée sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions en cause [72] . Toutefois, cette analyse vise à déterminer en quoi consiste la politique sous-jacente des dispositions en question plutôt qu’à savoir comment une lecture téléologique touche l’interprétation de la disposition, soit un cas « classique d’interprétation législative ». La Cour suprême du Canada a clairement reconnu cette distinction lorsqu’elle a souligné ce qui suit : « [l]orsque le ministre invoque la RGAÉ, il admet que le texte de la loi n’englobe pas la série d’opérations en cause », ni ne restreint par ailleurs le comportement qui serait abusif [73] . Dans la présente affaire, j’estime que l’intimée a démontré de façon satisfaisante l’existence d’une politique sous-jacente qui interdit aux personnes qui sont tenues à des obligations fiscales au titre de l’impôt sur le revenu de réduire, au moyen de transferts à des parties ayant un lien de dépendance au moment où l’auteur du transfert est ainsi redevable ou raisonnablement susceptible de le devenir, l’ensemble d’éléments d’actif pouvant servir au règlement de cette dette.

[168]  De plus, je suis convaincu que la façon dont la série d’opérations a été conclue, soit de manière à permettre le transfert d’argent indirectement de HLP à l’appelante ainsi que l’attribution à Nuinsco ou à la société partenaire elle-même de la dette fiscale en raison de l’application des règles relatives à la fin d’exercice réputée, constituait un abus dans l’application de l’article 160. N’eût été la fin d’exercice réputée, l’article 160 se serait appliqué de façon à ce que l’appelante soit redevable de la dette fiscale de la société partenaire par suite du transfert indirect à l’appelante au cours de la même année d’imposition. Ce résultat a été contrecarré par un mécanisme qui a eu pour effet de dissocier le revenu réel de la société de personnes d’avec son attribution aux fins de l’impôt, ce qui constituait un abus dans l’application de l’article 160.

[169]  Cependant, malgré mon analyse de ces questions, je reconnais qu’il convient toujours d’annuler la cotisation de l’appelante, étant donné qu’elle ne repose sur aucune dette fiscale de la société partenaire. Ma conclusion au sujet de l’absence d’avantage fiscal conféré à l’appelante vient également nuancer les observations que j’ai formulées plus haut. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je n’ai pas examiné la question de la date de réception du revenu découlant de l’exercice de l’option prévue dans le contrat d’option de vente.

V. Conclusion

[170]  Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis d’avis d’annuler la cotisation faisant l’objet de l’appel, avec dépens en faveur de l’appelante.

[171]  Il serait négligent de ma part de ne pas remercier les avocats pour l’excellence de leurs présentations respectives en l’espèce, notamment en ce qui a trait à la qualité de leurs observations et à la structure de l’information qu’ils ont fournie.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de décembre 2016.

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef Rossiter

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour d’avril 2018.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 288

N° DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-4033(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

594710 BRITISH COLUMBIA LTD. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 mai 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Eugene P. Rossiter,

juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 décembre 2016

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Steven Cook et Me S. Natasha Reid

 

Avocats de l’intimée :

Me Robert Carvalho, Me Perry Derksen et Me Whitney Dunn

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Steven Cook et Me S. Natasha Reid

 

Cabinet :

Thorsteinssons LLP

Vancouver (C.-B.)

 

Pour l’intimée :

Me William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] LRC 1985, chap. 1 (5suppl.).

[2] Les mesures qui sont décrites comme des mesures prises par la société partenaire ou par l’appelante ont été prises de la même manière par toutes les autres sociétés partenaires ou sociétés de portefeuille. Dans les cas opportuns, un schéma de l’opération est fourni et les conséquences fiscales qu’elle aurait entraînées sans l’application de la RGAÉ sont mentionnées.

[3] Exposé conjoint des faits, au par. 39.

[4] Calculé comme suit : (851 863 $ x 4) + (15 391 $ x 4) + 1 $.

[5] Soit un montant de 8 474 040 $ découlant de la prise en charge des prêts aux sociétés partenaires et un montant de 4 443 957 $ découlant du prêt à Nuinsco.

[6] Alinéa 21eeee) de la réponse modifiée. Le ministre avait présumé, à l’alinéa 22mmm) de la réponse modifiée, que HLP devait être dissoute le 26 juin plutôt que le 28 juin. Il avait également présumé que les positions de la société partenaire, de Nuinsco et de l’appelante aux fins de la production de leurs déclarations de revenus pour les périodes pertinentes faisaient également partie de cette série d’opérations d’évitement (alinéas 22rrr)-xxx) de la réponse modifiée).

[7] Blackburn Radio Inc. c. La Reine, 2012 CCI 255, 2012 DTC 1213 [décision Blackburn Radio].

[8] La Reine c. Canadian Marconi Co., [1991] ACF no 1127, [1992] 1 CF 655 (CAF) [arrêt Canadian Marconi].

[9] Lornport Investments Ltd. et autre c. La Reine, [1992] ACF no 201, [1992] 1 CTC 351 (CAF) [arrêt Lornport Investments].

[10] Abrahams v. Minister of National Revenue, [1967] 1 ExCR 333, 66 DTC 5451, au par. 10; TransCanada Pipelines Ltd. c. La Reine, 2001 CAF 314, 2001 DTC 5625, au par. 12.

[11] Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 RCS 721, au par. 72 [arrêt Copthorne].

[12] Inter-Leasing Inc. v. Ontario (Minister of Revenue), 2014 ONCA 575 [arrêt Inter-Leasing]. Autorisation d’interjeter appel rejetée, [2014] ACSC n° 443.

[13] Hypothèques Trustco c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 RCS 601, au par. 21 [arrêt Hypothèques Trustco].

[14] Ibid., aux par. 27-29.

[15] Arrêt Copthorne, par. 40.

[16] Ibid.

[17] Triad Gestco Ltd. c. La Reine, 2011 CCI 259, 2011 DTC 1254 [décision Triad CCI]. Décision confirmée en appel à la Cour d’appel fédérale, 2012 CAF 258, 2012 DTC 5156 [arrêt Triad CAF].

[18] Ibid., aux par. 72-75.

[19] Arrêt Triad CAF, précité, au par. 37.

[20] Global Equity Fund Ltd. c. La Reine, 2011 CCI 507, 2011 DTC 1350 [décision Global Equity CCI]. Décision infirmée en partie en appel à la Cour d'appel fédérale, 2012 CAF 272, 2013 DTC 5007 [arrêt Global Equity CAF].

[21] Cette conclusion est bien différente de celle qui a été tirée dans la décision McClarty Family Trust c. La Reine, 2012 CCI 80, 2012 DTC 1123, aux par. 43 et 53, où la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la protection contre les créanciers était le principal objet des opérations en cause.

[22] Arrêt Global Equity CAF, au par. 10.

[23] 1207192 Ontario Ltd. c. La Reine, 2012 CAF 259, 2012 DTC 5157, au par. 6 [arrêt 1207192 Ontario]. Autorisation d’interjeter appel refusée, [2012] ACSC n° 520.

[24] Ibid., au par. 20.

[25] Arrêt Hypothèques Trustco, précité, aux par. 19-20.

[26] Arrêt Copthorne, précité, au par. 34.

[27] Ibid., au par. 35.

[28] Ces honoraires découleraient de la différence de valeur entre le prêt à Nuinsco et la somme versée à la société de portefeuille à l’égard de leurs parts respectives dans la société partenaire.

[29] Univar Canada Ltd. c. La Reine, 2005 CCI 723, 2005 DTC 1478 [décision Univar].

[30] Ibid., au par. 43.

[31] Arrêt Copthorne, précité, au par. 118.

[32] Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 RCS 3, au par. 28 [arrêt Lipson].

[33] Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada, [1998] 1 RCS 795, au par. 88. La CSC a ensuite affirmé que les opérations attaquées dans cette affaire n’allaient pas à l’encontre du paragraphe 111(5) et en respectaient le libellé. Elle ne s’est pas attardée à l’application possible de la RGAÉ.  À mon avis, cette interprétation de la disposition dans son sens plus large est utile pour faire une distinction entre certaines dispositions législatives dont l’application, ou la non-application, a été invoquée au soutien des opérations, et les dispositions qui fournissent simplement une mise en contexte pour l’analyse de celles qui sont effectivement liées à l’obtention de l’avantage fiscal. À mon avis, le paragraphe 111(5) a essentiellement une valeur contextuelle dans la présente affaire, où aucun changement de contrôle de la partie qui cherche à déduire des pertes autres qu’en capital n’est survenu.

[34] Loyens c. La Reine, 2003 CCI 214, 2003 DTC 355 [décision Loyens].

[35] OSFC Holdings Ltd c. La Reine, 2001 CAF 260, 2001 DTC 5471 [arrêt OSFC Holdings].

[36] Arrêt Copthorne, précité, au par. 91.

[37] Voir la décision Stow c. La Reine, 2010 CCI 406, 2010 DTC 1275.

[38] Voir la décision Penn West Petroleum Ltd. c. La Reine, 2007 CCI 190, 2007 DTC 715, au par. 46.

[39] Alinéa 96(1)a).

[40] Alinéa 96(1)b).

[41] Alinéas 96(1)f) et g).

[42] Arrêt Mathew, précité, aux par. 51-53.

[43] Ibid., au par. 58.

[44] Arrêt Hypothèques Trustco, précité, au par. 66.

[45] Je souligne qu’il aurait été nécessaire d’ignorer la fin d’exercice réputée pour établir une nouvelle cotisation à l’encontre de l’appelante au titre de l’article 160, mais non au titre de la RGAÉ (toutefois, s’il est possible d’établir que des mesures ayant pour seul but d’éviter l’application de l’article 160 ont été prises, une conclusion d’abus au titre de la RGAÉ pourrait être tirée). De plus, le ministre aurait pu choisir d’ignorer la fin d’exercice réputée de la société partenaire pour établir une nouvelle cotisation à l’encontre de l’appelante plutôt qu’à l’encontre de la société partenaire. Il serait beaucoup plus facile de prouver qu’il est raisonnable d’ignorer la fin d’exercice réputée afin de refuser l’avantage fiscal apparemment obtenu par l’appelante, soit la non-application de l’article 160.

[46] XCO Investments Ltd. c. La Reine, 2005 CCI 655, 2005 DTC 1731, au par. 39. Appel rejeté, 2007 CAF 53, 2007 DTC 5146.

[47] Citant la décision Algoa Trust c. La Reine, [1993] ACI n° 15, 93 DTC 405 [décision Algoa Trust], appel à la CAF rejeté, 4 février 1998 (dossier de la Cour A-201-93).

[48] Biderman c. La Reine, [2000] ACF n° 194, 2000 DTC 6149 [arrêt Biderman]. Autorisation d’interjeter appel rejetée, [2000] ACSC n° 163.

[49] Ibid., aux par. 44-45.

[50] Ibid., au par. 46.

[51] Même si j’ai tenté de faire de cet exemple un amalgame qui se rapproche le plus possible du scénario examiné dans l’arrêt Biderman et des faits de la présente affaire, il est possible d’imaginer d’autres situations où l’octroi d’un avantage à une partie liée ne constitue pas un transfert, mais où la forme de l’avantage est modifiée par suite de la détention de celui-ci, mais non sa juste valeur marchande.

[52] Comme c’était le cas dans l’affaire Attorney-General of Ceylon v. Mackie, [1952] 2 All ER 775, aux pages 777-778, 31 ATC 435 (CP) [décision Mackie], la valeur des actions privilégiées peut être examinée sous l’angle du contrôle que l’appelante exerçait à l’endroit de la société partenaire et qui lui a permis de décider à quel moment les actions seraient rachetées. Voir également la décision Marina Québec Inc. c. Ministre du Revenu national, [1990] ACI n° 1124, 92 DTC 1392, au par. 502.

[53] Strachan c. La Reine, 2013 CCI 362, 2014 DTC 1025, au par. 38.

[54] Voir, par exemple, la décision VIH Logging Ltd. c. La Reine, 2003 CCI 732, 2004 DTC 2090. Décision confirmée en appel, 2005 CAF 36, 2005 DTC 5095.

La disposition pertinente de la LCSA traite de la « juste valeur » qui, selon les tribunaux canadiens, doit être analysée séparément de la JVM. Cependant, ainsi que l’a expliqué le juge de première instance dans la décision Société immobilière de la Montagne c. Ioanidis, [2000] JQ  n° 264 (CS Qc), au par. 6, la « juste valeur » est différente de la JVM en ce qu’elle exclut toute décote de minoritaire et peut se voir ajouter une prime pour l’« éviction » de l’actionnaire minoritaire. Les principes relatifs aux taxes et impôts intégrés demeurent applicables.

[55] Ibid., aux par. 64-65.

[56] Succession Zeller c. La Reine, 2008 CCI 426, 2008 DTC 4441, aux par. 69-71.

[57] Tout comme dans l’affaire Mackie, précitée, aux par. 777-778, la vente des actions de la société partenaire devrait être considérée comme une vente en bloc, car il est difficile de concevoir que la société de portefeuille aurait pu maximiser le prix de vente en vendant les actions ordinaires à un acheteur différent de celui des actions privilégiées.

[58] Livingston c. La Reine, 2008 CAF 89, 2008 DTC 6233, au par. 1 [arrêt Livingston]. Autorisation d’interjeter appel rejetée, [2008] ACSC n° 196.

[59] Medland c. La Reine, [1998] ACF n° 708, 98 DTC 6358 (CAF).

[60] Canada c. Addison & Leyen Ltd, 2007 CSC 33, [2007] 2 RCS 793, au par. 9.

[61] Arrêt Livingston, précité, au par. 27.

[62] Canada c. Simard-Beaudry Inc., [1971] ACF n° 33, 71 DTC 5511, à la p. 5515.

[63] Jurak c. La Reine, [2001] ACI n° 838, 2002 DTC 1236, au par. 39 (CCI). Décision confirmée en appel à 2003 CAF 58, 2003 DTC 5145, et autorisation d’interjeter appel rejetée à [2003] CSRC n° 143. Voir également la décision Canada c. Riendeau, [1991] ACF n° 559, 91 DTC 5416.

[64] Heavyside c. La Reine, [1996] ACI n° 1608, 97 DTC 5026 (CAF).

[65] Communiqué de presse de l’honorable Michael Wilson, daté du 15 janvier 1987 et reproduit en partie au par. 322 des observations écrites de l’intimée.

[66] Arrêt Lipson, précité, au par. 40.

[67] Observations écrites de l’intimée, au par. 338.

[68] Addison & Leyen Ltd. c. La Reine, 2006 CAF 107, 2006 DTC 6248, au paragraphe 92. Jugement infirmé en appel, 2007 CSC 33, [2007] 2 RCS 793 [arrêt Addison & Leyen].

[69] Arrêt Hypothèques Trustco, précité, au par. 31; remarque citée avec approbation dans l’arrêt Copthorne, précité, au par. 67.

[70] Lehigh Cement Ltd c. La Reine, 2010 CAF 124, 2010 DTC 5081 [arrêt Lehigh]. Autorisation d’interjeter appel rejetée, [2010] ACSC n° 273. Une conclusion similaire découle de la décision rendue dans l’affaire Gwartz c. La Reine, 2013 CCI 86, 2013 DTC 1122 [décision Gwartz], aux par. 47‑53, où le juge Hogan a réaffirmé qu’il est interdit d’utiliser la RGAÉ pour combler une lacune législative et que la Loi ne comporte pas de politique globale interdisant le fractionnement du revenu ou le dépouillement du surplus.

[71] Arrêt Lehigh, précité, au par. 37.

[72] Arrêt Hypothèques Trustco, précité, aux par. 41 et 42.

[73] Arrêt Copthorne, précité, au par. 109.

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