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Dossier : 2015-2308(IT)I

ENTRE :

LIFE CHOICE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 11 juillet 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Al Tharani

Avocat de l’intimée :

Me Eric Myles

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition prenant fin le 30 juin 2012 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2017.

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


Référence : 2017 CCI 21

Date : 20170131

Dossier : 2015-2308(IT)I

ENTRE :

LIFE CHOICE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRANDUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Boyle

[1]  L’appelante, Life Choice Ltd. (« Life Choice »), interjette appel d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2012. Life Choice a limité l’allègement qu’elle demandait afin que la présente affaire soit instruite sous le régime de la procédure informelle de la Cour. La question à trancher consiste à savoir si certaines activités de Life Choice constituaient des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

Introduction

[2]  L’appelante se qualifie d’entreprise de produits de santé naturels; elle est établie en Alberta et commercialise 92 produits. Le fondateur et président de Life Choice est M. Eldon Dahl, docteur en naturopathie agréé. Ce dernier a indiqué que sa pratique clinique est axée sur les soins chroniques destinés aux patients qui ont épuisé la voie de la médecine classique et qui, atteints principalement d’un cancer de stade IV, de sclérose en plaques ou de SIDA caractérisé, s’adressent à lui en dernier recours.

[3]  Les activités en question sont liées à la formulation, par Life Choice, de trois produits de santé naturels. Le premier (« projet no 1 ») a été décrit de façon générale comme un produit pour le traitement du cancer. Le deuxième (« projet no 2 ») a été décrit de façon générale comme la formulation d’un produit de santé naturel de substitution, capable d’imiter les effets positifs d’un produit pharmaceutique (l’acétyle-L-carnitine) en recartographiant les voies neurologiques et en inversant la dégradation neurologique. Le troisième (« projet no 3 ») a été décrit de façon générale comme la formulation d’un produit de santé naturel de substitution, destiné à éliminer la plaque artérielle dans le traitement des maladies vasculaires.

[4]  M. Dahl a été le principal témoin dans le présent appel. En plus d’être le président de l’appelante, c’est lui qui a dirigé le projet no 1, le projet no 2 et le projet no 3 (collectivement, les « projets en question »). Il ne m’a donné aucune raison de douter de sa crédibilité. Il a décrit quelles activités avaient été entreprises dans le cadre de chacun des projets en question et il a mentionné et décrit les documents qui avaient été déposés en preuve au sujet des activités menées par Life Choice dans le cadre de ces projets.

[5]  Le témoignage de M. Dahl a souvent été difficile à suivre et à reconstituer. Dans un certain nombre de réponses qu’il a données à diverses questions (y compris à celles de l’avocat de l’appelante), il a semblé parfois s’exprimer de manière vague sur des points clés. Je ne conclus pas qu’il a parlé de manière délibérément vague ou évasive mais plutôt, à en juger par son témoignage dans son ensemble, qu’en tant que témoin dans une instance judiciaire, il n’était pas un communicateur particulièrement organisé et concentré. Je ne sais trop s’il s’agit de son style de communication habituel ou s’il ne s’était pas suffisamment préparé pour l’audience, mais cela importe peu. À la fin de son témoignage, il avait répondu, du mieux qu’il pouvait dans les circonstances, à toutes les questions que lui avaient posées l’avocat de l’appelante et l’avocat de l’intimée, de même qu’à celles que je lui avais moi-même posées à la fin de son témoignage dans le but d’éclaircir certaines parties de ses réponses. Ses réponses et son témoignage ont été aussi complets que l’avocat de l’appelante et lui-même ont voulu qu’ils soient.

[6]  L’appelante a aussi fait témoigner Julie Bond, présidente de Bond Consulting Group, société qui a agi pour Life Choice en cherchant à faire reconnaître auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC) que les projets en question étaient des activités de RS&DE. Bond Consulting Group n’a pas pris part aux projets eux‑mêmes. La quasi‑totalité du témoignage de Mme Bond a consisté à défendre l’appelante, ou a porté sur le va-et-vient qu’il y avait eu entre l’appelante et l’ARC après l’exécution des activités pertinentes menées à l’appui des projets en question. Son témoignage ne m’aide pas ou ne m’éclaire pas au sujet des conclusions de fait et des déterminations qu’il me faut faire en l’espèce, les plus importantes étant la portée et la nature des activités que Life Choice a entreprises dans le cadre de la poursuite des projets en question.

[7]  L’intimée a fait témoigner David Szwarc de l’ARC. Ce dernier était à l’époque et est toujours gestionnaire de la recherche et de la technologie à l’ARC. Bon nombre des questions que les avocats des deux parties lui ont posées auraient pu être utiles s’il était question ici d’un contrôle judiciaire de la décision de l’ARC. Ce n’est pas le cas; il s’agit d’un appel sur le fond, qui a peu à voir avec les mesures que l’ARC a prises pour arriver à sa décision.

Les activités de RS&DE sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu

[8]  Les activités de RS&DE sont définies au paragraphe 248(1) de la Loi :

activités de recherche scientifique et de développement expérimental Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est‑à-dire :

scientific research and experimental development means systematic investigation or search that is carried out in a field of science or technology by means of experiment or analysis and that is

a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue;

(a) basic research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge without a specific practical application in view,

b) la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science avec application pratique en vue;

(b) applied research, namely, work undertaken for the advancement of scientific knowledge with a specific practical application in view, or

c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

(c) experimental development, namely, work undertaken for the purpose of achieving technological advancement for the purpose of creating new, or improving existing, materials, devices, products or processes, including incremental improvements thereto,

Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de développement expérimental :

and, in applying this definition in respect of a taxpayer, includes

d) les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux de génie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement.

(d) work undertaken by or on behalf of the taxpayer with respect to engineering, design, operations research, mathematical analysis, computer programming, data collection, testing or psychological research, where the work is commensurate with the needs, and directly in support, of work described in paragraph (a), (b), or (c) that is undertaken in Canada by or on behalf of the taxpayer,

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

but does not include work with respect to

e) l’étude du marché et la promotion des ventes;

(e) market research or sales promotion,

f) le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

(f) quality control or routine testing of materials, devices, products or processes,

g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

(g) research in the social sciences or the humanities,

h) la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production;

(h) prospecting, exploring or drilling for, or producing, minerals, petroleum or natural gas,

i) la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou amélioré;

(i) the commercial production of a new or improved material, device or product or the commercial use of a new or improved process,

j) les modifications de style;

(j) style changes, or

k) la collecte normale de données.

(k) routine data collection;

[9]  L’appelante est d’avis que les activités menées dans le cadre de l’exécution des projets en question étaient des activités de recherche appliquée, décrites à l’alinéa b) de la définition. C’est donc dire que pour pouvoir déterminer si les activités entreprises par Life Choice dans le cadre de l’exécution des projets en question sont des activités de RS&DE, il est nécessaire que les conditions suivantes de la Loi soient remplies :

1.  les activités doivent constituer (i) une investigation ou une recherche systématique, (ii) d’ordre scientifique, (iii) effectuée (iv) par voie d’expérimentation ou d’analyse;

2.  l’objectif ou l’objet de l’exécution de ces activités doit être (i) l’avancement (ii) de la science (iii) avec application pratique en vue – c.-à-d. des activités de recherche appliquée.

[10]  Pour tomber sous le coup du paragraphe 37(1) de la Loi, les activités de RS&DE admissibles doivent être exécutées et entreprises directement par le contribuable concerné ou pour son compte. Le paragraphe 37(8) indique clairement que, pour être admissibles, les dépenses courantes en matière de RS&DE doivent être effectuées dans le cadre d’activités de RS&DE.

[11]  Dans la décision Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c La Reine [1] , l’ancien juge en chef Bowman, de notre Cour, a écrit que les stimulants que prévoit la Loi pour les activités de RS&DE sont destinés à encourager la recherche scientifique au Canada et qu’il y a donc lieu de l’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. Dans la décision Consoltex Inc. c Canada [2] , le juge Bowman (tel était alors son titre) avait écrit plus tôt : « Si l’on prend du recul et que l’on tente de déterminer ce que les dispositions de la Loi relatives aux recherches scientifiques ont pour dessein d’accomplir, il est clair qu’elles devraient être interprétées d’une manière qui encourage les recherches scientifiques dans ce pays. »

Les critères établis dans la décision Northwest Hydraulic

[12]  Dans la décision Northwest Hydraulic, le juge Bowman (tel était alors son titre) a décrit l’approche à suivre pour évaluer les activités d’un contribuable par rapport à la définition législative des activités de RS&DE. Le paragraphe 16 de ses motifs comportent cinq questions à considérer, qui ont été systématiquement approuvées et adoptées dans un certain nombre d’arrêts de la Cour d’appel fédérale : RIS - Christie Ltd. c. Canada [3] , CW Agencies Inc. c. Canada [4] , Jentel Manufacturing Ltd. c. Canada [5] , et R&D Pro‑Innovation Inc. c. Canada [6] . (Voir aussi Wojcik c. Canada (Procureur général) [7] .) Le juge Bowman a écrit ce qui suit :

16 Je ne prétends pas avoir les mêmes connaissances technologiques que les personnes qui ont aidé à préparer la circulaire, ou que les témoins qui ont comparu devant moi, et notamment les experts fort compétents qui ont comparu pour le compte de l’appelante et pour le compte de l’intimée, mais j’aimerais énoncer brièvement ce qui, selon moi, constitue l’approche à suivre :

1.  Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique?

a)  Lorsqu’on parle de « risque ou [d’]incertitude technologique » dans ce contexte, on laisse implicitement entendre qu’il doit exister une incertitude quelconque qui ne peut pas être éliminée par les études techniques courantes ou par les procédures habituelles. Je ne parle pas du fait que dès qu’un problème est décelé, il peut exister un certain doute au sujet de la façon dont il sera réglé. Si la résolution du problème est raisonnablement prévisible à l’aide de la procédure habituelle ou des études techniques courantes, il n’y a pas d’incertitude technologique telle que cette expression est utilisée dans ce contexte.

b)  Qu’entend-on par « études techniques courantes »? C’est cette question (ainsi que celle qui se rapporte au progrès technologique) qui semble avoir divisé les experts plus que toute autre. En résumé, cela se rapporte aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine.

2.  La personne qui prétend se livrer à de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes :

a)  l’observation de l’objet du problème;

b)  la formulation d’un objectif clair;

c)  la détermination et la formulation de l’incertitude technologique;

d)  la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude;

e)  la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

Il est important de reconnaître que, bien qu’une incertitude technologique doive être définie au départ, la détermination de nouvelles incertitudes technologiques au fur et à mesure que les recherches avancent et l’emploi de la méthode scientifique, et notamment l’intuition et la créativité, et parfois l’ingéniosité en découvrant, en reconnaissant et en mettant fin à de nouvelles incertitudes, font partie intégrante de la RS & DE.

3.  Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établis et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses?

a)  Il est important de reconnaître que même si la méthodologie susmentionnée décrit les aspects essentiels de la RS & DE, la créativité intuitive et même l’ingéniosité peuvent avoir un rôle crucial dans le processus aux fins de la définition de la RS & DE. Toutefois, ces éléments doivent exister dans le cadre de la méthode scientifique dans son ensemble.

b)  Ce qui peut sembler habituel et évident après coup ne l’était peut-être pas au début des travaux. Ce n’est pas uniquement l’adhésion à des pratiques systématiques qui distingue l’activité courante des méthodes nécessaires selon la définition de la RS & DE figurant à l’article 2900 du Règlement, mais l’adoption de la méthode scientifique décrite ci-dessus dans son ensemble, en vue d’éliminer une incertitude technologique au moyen de la formulation et de la vérification d’hypothèses innovatrices non vérifiées.

4.  Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale?

a)  Je veux dire par là quelque chose que les personnes qui s’y connaissent dans le domaine savent ou qu’elles peuvent de toute façon savoir. Je ne parle pas d’un élément de connaissance que quelqu’un, quelque part, peut connaître. La collectivité scientifique est étendue, et elle publie des documents dans de nombreuses langues. Un progrès technologique au Canada ne cesse pas d’être tel simplement parce qu’il existe une possibilité théorique qu’un chercheur, disons, en Chine, a peut-être fait le même progrès, mais que ses travaux ne sont généralement pas connus.

b)  Le rejet, après l’essai d’une hypothèse, constitue néanmoins un progrès en ce sens qu’il élimine une hypothèse jusque là non vérifiée. Une bonne partie de la recherche scientifique vise justement à cela. Le fait que l’objectif initial n’est pas atteint n’invalide ni l’hypothèse qui a été émise ni les méthodes qui ont été employées. Au contraire, il est possible que l’échec même renforce le degré d’incertitude technologique.

5.  La Loi et son règlement d’application ne le prévoient pas expressément, mais il semble évident qu’un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats, doive être fait, et ce, au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

[13]  Les cinq critères de base utiles que l’ancien juge en chef Bowman a établis en vue de déterminer si des activités constituent des activités de RS&DE sont décrits en ces termes par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CW Agencies :

1.  Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

2.  La personne qui prétend faire de la RS&DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

3.  La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

4.  Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

5.  Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a‑t‑il été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux?

L’énoncé sommaire qu’a fait la Cour d’appel fédérale des cinq questions que le juge Bowman a prises en considération ne retire rien au paragraphe 16 de la décision Northwest Hydraulic.

[14]  La question no 2 que l’on relève dans la décision Northwest Hydraulic, question que le juge Bowman a posée au départ et que la Cour d’appel fédérale a ensuite adoptée, comporte précisément un processus en cinq étapes qui ajoute une certaine substance et une certaine ampleur à l’examen de la formulation d’une hypothèse : (i) l’observation de l’objet du problème, (ii) la formulation d’un objectif clair, (iii) la détermination et la formulation de l’incertitude technologique, (iv) la formulation d’une ou de plusieurs hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude et (v) la vérification méthodique et systématique des hypothèses. Voir le paragraphe 16 de la décision Northwest Hydraulic.

[15]  De plus, dans sa question no 2, le juge Bowman indique qu’un élément intégrant des activités de RS&DE est l’emploi de la méthode scientifique, et notamment l’intuition, la créativité et parfois l’ingéniosité pour découvrir, reconnaître et mettre fin à de nouvelles incertitudes à mesure que les recherches avancent.

[16]  Je signalerais que chacune des affaires Northwest Hydraulic, RIS - Christie, CW Agencies et Jentel mettaient en cause des demandes relatives au « développement expérimental », une activité décrite à l’alinéa c) de la définition des activités de RS&DE. L’alinéa c), qui a trait au développement expérimental, parle de progrès technologique. Les alinéas a) et b), qui ont trait à la recherche pure et à la recherche appliquée, parlent de l’avancement de la science. Dans une affaire qui met en cause des travaux de recherche par opposition à des travaux de développement, les références qui sont faites dans la décision Northwest Hydraulic au risque ou à l’incertitude technologique ainsi qu’à l’avancement de la technologie devraient donc être considérées comme des références au risque ou à une incertitude scientifique, ainsi qu’à l’avancement de la science [8] .

[17]  Les cinq critères établis dans la décision Northwest Hydraulic sont des questions que la Cour devrait prendre en considération pour décider si les exigences législatives de la définition des activités de RS&DE sont remplies dans une affaire particulière. Ces questions ne visent pas à reformuler ou à remplacer entièrement le libellé de la loi. Par exemple, pour ce qui est de la question no 4, un progrès technologique n’est pas un résultat auquel l’activité doit absolument aboutir; la Loi exige seulement qu’il s’agisse de l’objectif de cette activité. Dans le même ordre d’idées, il est possible de faire avancer la science ou la technologie en recourant à des activités qui n’étayent ou ne prouvent pas une théorie ou une hypothèse faisant l’objet d’une investigation ou d’une recherche. Un autre exemple qui se rapporte à la question no 5 est que la Loi, de par son libellé, n’exige pas de comptes rendus détaillés sur les essais accomplis et les résultats obtenus. Dans la décision Northwest Hydraulic, le juge Bowman affirme que, normalement, on s’attendrait raisonnablement à ce que l’on tienne de tels comptes rendus. Dans l’arrêt RIS – Christie, la Cour d’appel fédérale prescrit que des essais doivent être menés dans le cadre d’une recherche scientifique systématique et que les tribunaux doivent examiner avec rigueur si les essais eux-mêmes ont été effectués de manière méthodique et systématique. La Cour d’appel fédérale ajoute utilement que si le contribuable a réalisé des essais et s’il y a bel et bien eu un progrès technologique, on pourrait s’attendre à ce qu’un juge déduise que les essais ont été menés de la manière systématique qu’exige la définition des activités de RS&DE.

[18]  En revanche, les questions nos 1 à 3 de la décision Northwest Hydraulic semblent conçues pour établir et cibler les renseignements utiles qui permettront à la Cour de déterminer si l’activité exécutée constituait une investigation ou une recherche systématique, et si l’on a eu recours à des expériences ou des analyses, ce qu’exigent dans les deux cas les dispositions de la loi.

[19]  Dans l’arrêt RIS – Christie, précité, la Cour d’appel fédérale, après avoir cité et approuvé les motifs du juge Bowman dans la décision Northwest Hydraulic, précise que la recherche systématique comporte l’exécution d’essais. La Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

13 À l’évidence, les recherches scientifiques et le développement expérimental visés à l’article 2900 du Règlement tendent à la création ou à l’amélioration d’un produit ou procédé. La recherche doit donc avoir pour but une importante avancée technologique et doit comporter un élément de créativité, elle ne peut être la simple application de principes techniques courants. Il faut aussi que l’objectif visé soit réaliste. L’alchimiste déterminé qui cherche à transformer des métaux communs en or ne saurait chercher un encouragement fiscal dans la Loi de l’impôt sur le revenu. À supposer que le projet de recherche soit admissible à un avantage fiscal, la loi ne pose nullement pour condition, expresse ou implicite, qu’il soit couronné par une avancée technologique. L’article 2900 du Règlement vise la recherche effectuée pour l’avancement de la science ou dans le but de créer de nouveaux produits. Il ne spécifie pas que pour être admissible, elle doit atteindre effectivement ces objectifs. Une disposition en sens contraire reviendrait à faire échec aux fins mêmes que poursuit la loi. On peut être certain que les projets de recherche d’Alexandre Graham Bell n’ont pas tous porté leurs fruits. Soutenir que la recherche non couronnée de succès ne vaut pas recherche scientifique au regard de la Loi s’oppose au bon sens comme à l’objectif qui est d’encourager l’esprit d’entreprise.

14 Outre la création de nouveaux produits et procédés, la recherche scientifique implique l’existence d’expériences contrôlées avec mise à l’essai de modèles ou de prototypes. Le contribuable doit donc administrer la preuve des recherches scientifiques pour démontrer qu’elles ont été effectuées (avec les essais) et qu’il est de ce fait admissible aux encouragements fiscaux; voir par exemple Progressive Solutions Inc. c. R., 96 DTC 1232 (C.C.I.). Il doit faire la preuve non seulement que des essais ont été effectués, mais encore qu’ils ont été effectués de façon systématique. À mon avis, la condition que les recherches soient « systématiques » représente une norme plus rigoureuse que la simple condition que des recherches, essais y compris, soient entreprises. Bien que les preuves testimoniales soient admissibles au même titre que les preuves documentaires à cet égard, le seul moyen infaillible d’établir que la recherche scientifique a été effectuée de façon systématique consiste à produire des preuves documentaires qui font ressortir la progression logique entre chaque essai et les essais précédents ou subséquents.

15 Il est donc raisonnable d’attendre du contribuable qu’il administre la preuve documentaire des recherches systématiques, essais y compris. Si cependant il y a une explication plausible du défaut de produire cette preuve, le juge peut toujours conclure, compte tenu de la probabilité la plus forte, qu’il y a eu des recherches systématiques. Par exemple, quand les notes de recherches ont été détruites par accident, il faut qu’il soit permis au juge de première instance de conclure, à la lumière de l’ensemble des preuves produites, qu’il y a eu recherches systématiques. Durant les débats, l’avocate représentant le ministre a reconnu ce principe, ne serait-ce que parce que cette hypothèse d’école ne s’applique pas en l’espèce. J’estime cependant qu’il doit être également permis de conclure que le contribuable a entrepris des recherches systématiques s’il est prouvé que ces recherches se sont soldées par une avancée technologique. Il doit en être ainsi parce que les dispositions de la Loi et du Règlement relatives aux recherches scientifiques ne peuvent pas reposer sur la seule condition de la possibilité de répéter l’expérience. Autrement dit, cette condition réduirait à néant la validité de toutes les autres preuves de recherche scientifique.

16 En l’espèce, le juge de la Cour de l’impôt a fait deux constatations importantes. Il a pris acte en premier lieu que des essais ont été effectués et, en second lieu, que les efforts de recherche de Slonimsky et de son assistant se sont traduits par une avancée technologique. Ces constatations donnent lieu à la conclusion, sauf preuve contraire, que les essais effectués par la contribuable ont été entrepris conformément à l’article 2900 du Règlement. Dans les circonstances de la cause, je ne vois pas la nécessité d’imposer à cette dernière la charge supplémentaire de produire des preuves documentaires sur la possibilité de répéter les résultats des essais. S’il y avait eu un doute quant à la question de savoir si une avancée technologique a été enregistrée, le juge de la Cour de l’impôt aurait pu conclure, compte tenu de la probabilité la plus forte, qu’il n’y a pas eu " recherches scientifiques " au sens de la Loi et du Règlement. En l’espèce, une avancée technologique a été réalisée dans l’industrie de la construction. Dans l’affaire Sass Manufacturing, par contre, il n’y avait pas d’avancée technologique puisque le projet avait été abandonné et que la preuve documentaire des essais ne pouvait être produite du fait de la destruction des dossiers. Les faits qui nous occupent en l’espèce sont tout à fait différents des faits de la cause Sass Manufacturing.

Cela souligne que l’on s’attend à ce qu’une investigation ou une recherche systématique par voie d’expérimentation ou d’analyse comporte des essais, comme il est clairement indiqué aux questions nos 2, 3 et 5 de la décision Northwest Hydraulic, pour qu’il s’agisse d’une activité de RS&DE.

[20]  Il est possible d’observer et de reconnaître que les cinq questions énoncées dans la décision Northwest Hydraulic, de pair avec l’analyse et l’application que la Cour d’appel fédérale en a faites, sont conçues pour que la Cour mette l’accent sur la mesure dans laquelle le contribuable qui prétend avoir effectué des activités de RS&DE a suivi ce que l’on considère en général comme la méthode scientifique. Cette dernière est mentionnée et suivie depuis des siècles et elle est enseignée dans les écoles secondaires du Canada. Le texte de la Loi lui-même évoque fortement cette méthode lorsqu’il prescrit la tenue d’une investigation ou d’une recherche systématique dans un domaine scientifique ou technologique, et ce, par voie d’expérimentation ou d’analyse.

Les documents de planification des projets

[21]  L’appelante a établi une feuille de planification d’une page sur chacun des projets en question. Il s’agit des seuls documents contemporains que Life Choice ou M. Dahl ont établis sur les projets en question et qui ont été déposés en preuve (à l’exception d’une liste d’une page énumérant d’éventuels ingrédients d’appoint liés à l’efficacité de la vitamine B17, relativement au projet no 1, à l’onglet 11 du recueil de documents de l’appelante). Ces documents de planification ont été écrits à la main par M. Dahl, sur un formulaire préimprimé.

Le projet no 1

[22]  Le document de planification relatif au projet no 1, à l’onglet 7, indique ce qui suit :

[traduction

Nom du projet : Laétrile (P1)

À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?

Comment concevoir une formulation répondant aux préoccupations que suscite l’amygdaline sur le plan des la cyano-toxicité et donc sans danger pour un usage humain (quotidien)?

Quel est votre plan?

Mon plan est le suivant : à l’heure actuelle, nous avons combiné de l’amygdaline avec de la B12 en vue de déterminer les propriétés de liaison du cyanure.

Analyser la posologie et les effets de cette formule sur les niveaux de cyanure présents dans le sang. Identifier les avertissements de risque, ainsi que d’autres ingrédients que nous pouvons ajouter pour soutenir davantage la sécurité. Examiner les effets secondaires. 

Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et pourquoi?

Eldon – chercheur principal

Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien

Jake – vérifier les matières premières

Don – mener des consultations sur la demande de la clientèle, les préoccupations, les produits concurrents

Principales étapes et phases anticipées :

1.  Mettre fin aux effets indésirables

2.  Présentations à la DPSN [Direction des produits de santé naturels de Santé Canada]

3.  Répondre aux préoccupations de la DPSN au sujet de la recherche de soutien

4.  NPN [numéro de produit naturel de Santé Canada]

5.  Production

Date de début du projet : juin 2010

Date de fin du projet : avril 2011

[23]  Pour ce qui est du document de planification concernant le projet no 1, M. Dahl a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Cela montre donc mon plan de travail, et j’ai pris ces notes en cours de route et, à vrai dire, la principale étape anticipée est celle de la fin des effets indésirables. Nous voulons donc atténuer les effets indésirables que cause le cancer, quand on a une hypothèse et que l’on prépare une présentation destinée à la DPSN de Santé Canada au sujet d’une solution au problème, si la Direction permettrait que ma recherche soit autorisée et, ensuite, répondre aux préoccupations et, enfin, après l’approbation, la production finale [9] .

Le projet no 2

[24]  Le document de planification concernant le projet no 2, à l’onglet 15, indique ce qui suit :

[traduction]

Nom du projet : Soutien neurologique (P2)

À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?

Comment concevoir une formulation qui correspond aux effets de l’acétyle‑L‑carnitine et de l’acide alpha‑lipoïque mais qui fonctionne avec ou sans carnitine?

Quel est votre plan?

Faire des recherches sur les mécanismes de l’acétyle.

Analyser les ingrédients existants qui pourraient soutenir les fonctions neurologiques. Vérifier les ingrédients en vue de former une justification.

Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et pourquoi?

Eldon Dahl – chercheur principal

Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien

Jake – vérifier les matières premières

Don – préoccupations, produits concurrents, demande de la clientèle

Principales étapes et phases anticipées :

1.  Confirmation des ingrédients particuliers permettant de créer une formulation selon la recherche de dicentra inc. (aussi)

2.  Présentation à la DPSN – SC

3.  (NPN – production)

Date de début du projet : juillet 2011

Date de fin du projet : juillet 2012

Le projet no 3

[25]  Le document de planification concernant le projet no 3, à l’onglet 24, indique ce qui suit :

[traduction]

Nom du projet : Formulation chélatrice

À quelles questions technologiques tentez-vous de répondre?

Pour utiliser uniquement des ingrédients de source naturelle de façon à créer une formulation de chélation administrée par voie orale dont l’effet thérapeutique est équivalent à celui du goutte-à-goutte. Produire une vasodilatation entraînant l’élimination de la plaque.

Quel est votre plan?

Faire des recherches sur des solutions de vasodilatation bien connues et recouper les informations recueillies en vue de créer un support cardio à l’aide d’ingrédients administrés par voie orale. Améliorer l’efficacité de manière naturelle.

Quelles ressources (personnes) prévoyez-vous affecter à ce projet et pourquoi?

Personnes prévues pour les travaux de développement

Eldon Dahl – chercheur principal

Agnès, Kristina, Michelle – chercheuses de soutien

Jake – vérifier la sélection des matières premières

Don – consultation avec les clients, demande et concurrence exercée sur le marché

Principales étapes et phases anticipées :

1.  Mettre fin aux effets indésirables

2.  Présentation à la DPSN

3.  Répondre à toutes les préoccupations relevées

4.  Appui au moyen de recherches et de preuves cliniques

5.  Valeur thérapeutique avec résultats notables

Date de début du projet : juillet 2011

Date de fin du projet : juillet 2012

[26]  Pour ce qui est du document de planification concernant le projet no 3, M. Dahl a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Il s’agit de mon étape de planification initiale. D’une question à laquelle j’essaie de trouver une réponse. Mon incertitude consiste à utiliser un [ingrédient] de source naturelle en vue de créer une formulation chélatrice administrée par voie orale dont l’effet thérapeutique est équivalent à celui du goutte-à-goutte, celui de la perfusion intraveineuse, et d’engendrer un effet de vasodilatation permettant d’éliminer la plaque de l’organisme.

Et alors, ensuite – et ensuite l’étape de planification consiste à faire des recherches sur des solutions de vasodilatation bien connues et à vérifier les renseignements obtenus de façon à créer un système de support cardio permettant d’utiliser ces ingrédients administrés par voie orale et, ainsi, d’améliorer l’efficacité de façon naturelle, sans effets secondaires.

Et il s’agit d’un projet pour lequel j’ai consulté plusieurs groupes différents et les ressources que j’ai employées, et les experts auxquels j’ai fait appel pour obtenir de l’aide, et l’étape consistait à finir [10] les effets indésirables et à présenter le tout à la DPSN de Santé Canada pour approbation et à répondre à toutes les préoccupations de cette dernière parce que mon objectif ultime n’était pas de créer un produit disponible sur ordonnance, mais un produit disponible en vente libre que le patient ou le client pouvait utiliser à la maison. Et étayé par des recherches et des preuves cliniques. Et, à vrai dire, obtenir des résultats thérapeutiques avec des résultats notables. Le projet a été lancé en juillet 2011 et [a pris fin] en juillet 2012 [11] .

Les activités exécutées par Life Choice dans le cadre des projets

Le projet no 1

[27]  M. Dahl était au courant d’un produit de santé naturel, le laétrile, qui était autorisé pour la vente en Slovaquie. Le laétrile était dérivé des noyaux d’abricot et il contenait du cyanure. M. Dahl a écrit une lettre à l’entreprise qui le fabriquait, en Slovaquie. Il a dit aussi s’être entretenu avec un pharmacien habilité à délivrer des médicaments qui offrait le produit slovaque en vente libre. Il a déclaré avoir appris de ce dernier que les résultats étaient apparemment excellents et favorables si l’on suivait les directives en matière de posologie et d’ingestion qui étaient inscrites sur la boîte.

[28]  La formulation de M. Dahl comprenait d’autres suppléments au laétrile présent dans le produit slovaque. Il avait une théorie qui consistait à renforcer le laétrile à l’aide de vitamine B12. Il a commencé par une longue liste d’ingrédients possibles. Il a dit avoir conservé des notes manuscrites sur les études dans lesquelles il avait puisé des informations. Comme il l’a déclaré : [traduction] « Et c’est là que se trouvent les recherches que j’ai faites, au moyen d’analyses, au moyen d’examens cliniques, en parlant avec des collègues, cela a consisté à mettre au point mon projet en cherchant les pièces du casse-tête qui pouvaient s’agencer. Et il s’agissait d’un examen systématique d’analyses qui avaient été réalisées en vue d’amoindrir ou de satisfaire au départ mon hypothèse [12] . » Quand l’avocat de l’appelante lui a demandé de décrire les [traduction] « activités réelles » qui avaient été effectuées, M. Dahl a répondu ceci : [traduction] « J’ai commencé par mettre au point la formulation et j’ai fait des recherches avec des ingrédients complémentaires qui fonctionneraient en synergie avec ce produit. J’étais, comme je le dis, j’étais en contact avec plusieurs personnes de ma connaissance qui sont des autorités, qui s’occupent soit de matières premières soit de matières de qualité pharmaceutique aux États-Unis, des produits sous leur forme naturelle qui, dirais‑je, se trouvent, en termes simplistes, sous une forme prédigérée [13] . » Il a communiqué avec d’autres médecins au sujet de la vitamine B12. Il a passé en revue diverses études universitaires. Il était au courant de preuves et d’analyses faites par l’Organisation mondiale de la santé sur le laétrile. Il a consulté une entreprise d’octroi de licences de produits de santé, dicentra inc. Quand Santé Canada n’a pas accepté sa formulation de laétrile en doses quotidiennes de 100 mg, il a reformulé le produit. La dose de 100 mg était basée sur le produit slovaque. Il l’a reformulée en doses de 23 mg par jour, en se fondant sur ce qu’il savait de la limite acceptable et tolérable que l’Organisation mondiale de la santé avait publiée.

[29]  M. Dahl a déclaré avoir présenté la formulation contenant le laétrile et la vitamine B12 à Santé Canada juste pour obtenir l’acceptation nécessaire et que, de là, il créerait une formulation en se servant d’autres ingrédients d’appoint présents dans la liste qu’il avait rédigée (onglet 11), et ce, en se basant sur les connaissances qu’il avait acquises à la suite d’expériences médicales antérieures qu’il avait rassemblées et gardées à l’esprit. Les nouvelles formulations n’ont pas été décrites plus en détail.

[30]  En fin de compte, Santé Canada n’a approuvé aucune des formulations de l’appelante qui contenaient du laétrile. Life Choice a plutôt formulé un produit de santé naturel sans laétrile, mais qui imiterait quand même les effets de ce composé. Ce produit est aujourd’hui sur le marché. On ne m’a rien dit d’autre sur les activités visant à formuler et à reformuler ce produit.

[31]  M. Dahl a déclaré que Life Choice n’a pas procédé à des essais cliniques après qu’une tierce partie lui eut proposé de les faire. Ils auraient été trop coûteux. Santé Canada n’en exigeait pas pour les produits de santé naturels. M. Dahl a déclaré qu’il aurait été encore plus difficile de faire des essais cliniques parce que, en tant que membre de l’organisme PETA [People for the Ethical Treatment of Animals], il ne croyait pas en l’expérimentation animale – il aurait fallu faire des essais sur des humains.

Le projet no 2

[32]  Ce projet consistait à formuler un produit de santé naturel qui imiterait l’effet de l’acétyle‑L‑carnitine, soit accroître l’activité neuronale cérébrale. M. Dahl a correspondu avec une femme médecin et chercheuse scientifique qui, à ce moment-là, faisait des recherches sur l’utilisation de doses massives de B12 méthylée pour le traitement de la sclérose en plaques. Ce médecin avait fait état d’excellents résultats sur le plan des impulsions nerveuses. M. Dahl était au courant d’une étude de Berkley, qui avait consisté à faire passer des rats âgés et jeunes dans des labyrinthes et qui avait mené à une formule brevetée comprenant de l’acétyle‑L‑carnitine et de l’acide alpha-lipoïque. M. Dahl a aussi étudié des examens de projet d’autres personnes, dont un portant sur la cannibalisation de vers plats et la mémoire acquise. Ses [traduction] « activités réelles » ont consisté à passer en revue des études cliniques qu’il avait documentées et analysées pour commencer à examiner des méthodes de reformulation. Il dit avoir procédé à un examen systémique de la littérature, ainsi que des ingrédients et de la science. Il connaissait par expérience les avantages de l’utilisation de la thréonine. Il a tenté d’obtenir que Santé Canada retire l’acétyle-L-carnitine de la liste des substances à usage restreint, afin qu’il puisse simplement l’employer dans son produit de santé naturel, plutôt que de chercher un produit imitatif. Santé Canada l’a fait à la fin de 2011, de sorte qu’il a reformulé son produit en se servant d’acétyle-L-carnitine. Le produit reformulé a été autorisé en juin 2013 par Santé Canada, et il contient 21 ingrédients médicinaux, dont de l’acétyle-L-carnitine, de l’acide alpha-lipoïque, de la vitamine B12 et de la thréonine. M. Dahl a exprimé l’avis que ses premières formulations exemptes d’acétyle-L-carnitine auraient également fonctionné, mais avec moins d’efficacité. Aucune explication n’a été donnée au sujet de cette opinion.

[33]  M. Dahl a déclaré qu’il a l’impression que le projet no 2 de Life Choice a permis d’avancer les connaissances. Avec le projet no 2, Life Choice [traduction] « pouvait utiliser des éléments clés, étayés par la science, pour montrer que l’on peut réellement intensifier et modifier l’activité cérébrale, atténuer la spasticité, ouvrir les synapses dans le cerveau afin de pouvoir déclencher les neurones et être capable d’accéder à des souvenirs qui ont été bloqués [14]  ». La Cour n’a pas eu d’autres descriptions ni d’éléments de preuve à l’appui que les activités liées à la formulation du projet no 2 de Life Choice ou que le produit de santé naturel de Life Choice avaient contribué à ces connaissances ou que l’on avait montré que le produit fonctionnait de la manière décrite.

Projet no 3

[34]  Le projet no 3 est un produit de santé naturel destiné à éliminer la plaque artérielle. M. Dahl a émis l’hypothèse qu’il pouvait créer une forme chélatrice orale qui s’attaquerait au processus de chélation (liaison) de façon à éliminer la plaque artérielle des vaisseaux sanguins, à vasodilater les vaisseaux sanguins et améliorer ainsi la circulation aux extrémités, ainsi qu’à retirer la plaque des matières organiques présentes dans le tronc cérébral. C’est l’EDTA que l’on utilisait à cette fin, sous forme intraveineuse. M. Dahl croyait que si l’on se servait plutôt de l’EDTA sous forme orale, avec des ingrédients complémentaires, pour obtenir le même résultat, il serait possible de l’obtenir en vente libre pour un usage privé et il causerait moins de dommages à d’autres organes, tels que le foie et le pancréas.

[35]  M. Dahl a étudié la question pendant plusieurs années; il a effectué des examens systématiques sur ce qui provoque le blocage dans les artères. On savait que ce blocage était causé par des matières inorganiques, dont des métaux lourds se formant à l’intérieur des vaisseaux sanguins et du cerveau. Il était d’avis que l’EDTA que les médecins administraient par voie intraveineuse n’était pas complet et pouvait également agir sur d’autres secteurs de l’organisme.

[36]  M. Dahl souhaitait utiliser l’EDTA d’une manière qui était complémentaire à d’autres ingrédients. Il savait que Santé Canada n’autoriserait pas l’EDTA à titre d’ingrédient médicinal. Santé Canada allait permettre, ultérieurement, qu’il soit ajouté à titre d’ingrédient non médicinal d’appoint. M. Dahl a étudié les recherches et la méthodologie d’un médecin allemand et il a lu des études publiées par l’institut de ce médecin. Il a analysé ses recherches sur les études allemandes. Il a décrit que ses [traduction] « activités réelles » avaient consisté à isoler les deux éléments dont il allait se servir et, ensuite, à formuler un produit final dans son esprit et sur papier, tout en intégrant aussi d’autres ingrédients particuliers qui ne feraient pas concurrence avec les deux ingrédients que nécessitait le processus de chélation lui-même.

[37]  M. Dahl savait qu’il avait besoin de certains ingrédients chélateurs mais il s’est rendu compte, en menant d’autres études, que certains d’entre eux étaient antagonistes. Il dit avoir donc décidé, en formulant des hypothèses, lesquels seraient les plus efficaces. Il a ajouté qu’au départ, il voulait faire un choix entre l’EDTA et le DMSA, mais Santé Canada n’autoriserait pas que l’on se serve du DMSA comme ingrédient médicinal dans des produits en vente libre. Il a donc entrepris de créer une formulation à base d’EDTA qui ne serait pas toxique pour l’organisme.

[38]  M. Dahl a dit avoir fait des recherches sur des solutions vasodilatatrices bien connues et avoir recoupé les informations obtenues. Il a consulté plusieurs groupes différents et a fait appel à des experts pour aider à atténuer les effets secondaires indésirables parce que son objectif ultime était de créer un produit en vente libre qui serait étayé par des recherches et des preuves cliniques et que Santé Canada autoriserait. Il a écrit une fois de plus à dicentra inc. pour consulter cette société sur les ingrédients qu’il proposait d’utiliser au départ et obtenir une rétroaction.

[39]  M. Dahl a déclaré qu’il a aussi déterminé que la formulation souhaitée devrait être prise en doses et durant des périodes qui dépendraient de l’âge d’une personne ainsi que des considérations environnementales propres à cette dernière.

[40]  M. Dahl a affirmé ce qui suit : [traduction] « Ma formulation originale, une fois efficace, atteindrait les résultats souhaités [15] . » Cependant, une fois que Santé Canada a retiré l’acétyle-L-carnitine de la liste des produits restreints et qu’il a été possible de l’utiliser dans des formulations en vente libre, comme il a été décrit plus tôt, M. Dahl a reformulé aussi le projet no 3 de façon à intégrer cet ingrédient à la place de l’EDTA, qu’on ne pouvait pas utiliser comme ingrédient médicinal. L’acétyle-L-carnitine est aussi un vasodilatateur. Il a donc analysé la documentation existante qu’il possédait et a vérifié la compatibilité. Il a dit que le fait que Santé Canada avait retiré l’acétyle-L-carnitine de la liste des produits restreints avait été un don du ciel parce qu’il était au courant de certaines études cliniques, surtout celles d’un autre médecin en particulier, qui s’en était servi sur des patients pendant plus de vingt ans. Il savait qu’il pouvait en accélérer l’efficacité.

[41]  M. Dahl a déclaré qu’il avait entrepris de nombreuses analyses de littérature avant de se lancer dans son troisième projet. Il avait abondamment étudié le sujet. Il a fait de nouveau référence à la fascination qu’il avait pour les travaux, les conclusions, les résultats et les découvertes d’un autre médecin. Il a consulté plusieurs articles et en a fait traduire un de l’allemand.

Les trois projets

[42]  À la fin de son interrogatoire principal, l’avocat de l’appelante a demandé à M. Dahl d’évaluer le temps qu’il avait consacré aux trois projets. Voici ce qu’il a répondu :

[traduction]

Eh bien, c’est – mon travail d’étude est proportionnel au travail que je mène grâce à mes analyses, mes études; l’intégration de sources externes telles que dicentra inc., le – mon fournisseur de matières premières qui a un diplôme de maîtrise en pharmacie, la consultation de plusieurs docteurs en naturopathie, et mon équipe qui m’aide à effectuer les recherches et à faire une partie du travail préparatoire [16] .

[43]  À la fin du témoignage de M. Dahl, je lui ai demandé de clarifier ce qu’il voulait dire par [traduction] « examen systémique ou examen systématique ». Plus précisément, je lui ai demandé ce qu’il avait examiné systématiquement et comment il avait procédé à cet examen systématique. Il a répondu qu’il avait fait un examen systématique de l’analyse qu’il avait extraite des études cliniques d’autres personnes en procédant à un examen de la littérature, ainsi qu’en échangeant des lettres et en s’entretenant avec d’autres autorités, comme des naturopathes, des professeurs et des pharmaciens. Il a ajouté qu’il avait effectué d’autres analyses en évaluant le calcul des ingrédients présents dans ses formulations, en puisant dans les connaissances et l’expertise qu’il avait acquises et en soumettant ses formulations à Santé Canada pour autorisation. Il a déclaré qu’il n’avait pas fait faire les essais cliniques à cause de ce qu’ils auraient coûté; il avait témoigné plus tôt qu’il n’était pas nécessaire de procéder à des essais cliniques pour faire approuver des produits de santé naturels par Santé Canada. Il a ajouté que la mise à l’essai de ses hypothèses était basée sur des preuves qu’il avait reçues d’autres autorités, telles que l’Organisation mondiale de la santé. Il a déclaré que ses formulations avaient été [traduction] « mises à l’essai au moyen d’hypothèses ainsi que dans le cadre d’évaluations fondées sur des données probantes [17]  ». Il ressortait clairement de son témoignage antérieur qu’il s’agissait là de preuves préexistantes émanant d’autres personnes, ainsi que des connaissances qu’il avait lui-même accumulées et de ses propres observations cliniques. Il a indiqué que ses essais définitifs, à défaut d’essais cliniques, avaient consisté à soumettre ses formulations à l’approbation de Santé Canada, approbation qui, une fois obtenue, fait en sorte que les formulations sont jugées efficaces.

[44]  M. Dahl a été encore plus clair et succinct quand l’avocat de l’appelante lui a demandé quelles analyses ou quels travaux scientifiques avaient été effectués. Il a répondu qu’il avait d’abord évalué l’affection qu’il fallait traiter. Deuxièmement, il avait examiné l’organisme humain sur le plan pathologique et avait produit une formulation destinée à s’attaquer à cette affection. Son analyse avait été faite au moyen de preuves cliniques tirées d’une revue d’études scientifiques faisant autorité. Il s’était servi de ces recherches combinées pour formuler un produit unique qui répondrait aux questions que ces autorités analysaient, dans le cadre de son examen de la littérature.

[45]  Les réponses de M. Dahl étaient conformes au contenu du paragraphe 29 de l’avis d’appel de Life Choice : [traduction] « La demanderesse affirme que les formulations ont été mises au point de manière scientifique, et qu’elles nous ont obligés à analyser les renseignements disponibles, recueillis dans la littérature existante, auprès de fournisseurs et d’organismes de réglementation ainsi qu’à la suite de l’analyse d’ingrédients. »

Facteurs, constatations, analyse et conclusion

[46]  Je suis disposé à admettre qu’il y avait une incertitude scientifique dans chacun des trois projets en question. Il était incertain que des produits de santé naturels pouvaient être un moyen efficace d’imiter les produits pharmaceutiques existants que l’on utilisait. Il était incertain que d’autres ingrédients naturels complémentaires et supplémentaires pouvaient réduire de manière efficace les effets indésirables des ingrédients naturels imitatifs principaux et nouveaux. Une fois que les projets en question ont été reformulés en vue d’utiliser le produit pharmaceutique existant plutôt qu’un ingrédient imitatif, comme dans le cas des projets nos 2 et 3 décrits plus tôt, il restait l’incertitude que représentait la détermination des ingrédients naturels complémentaires et supplémentaires qui seraient efficaces pour atténuer ou éliminer les effets indésirables des ingrédients chimiques existants.

[47]  J’admets que les formulations hypothétisées de Life Choice visaient à imiter efficacement les produits pharmaceutiques existants, de même qu’à atténuer les effets indésirables de l’ingrédient imitatif ou de l’ingrédient existant.

[48]  Je puis conclure qu’il n’y a rien eu d’assimilable à des comptes rendus détaillés au sujet des hypothèses émises ou des résultats obtenus. Cela semble clairement résulter du fait que tout ce que M. Dahl a qualifié d’essais a été fait uniquement dans le cadre de la mise au point de ses hypothèses concernant une formulation efficace. Aucun essai n’a été fait pour évaluer, vérifier, quantifier, déterminer le caractère répétitif ou non, comparer ou par ailleurs évaluer l’efficacité de tout autre aspect des produits formulés par voie d’hypothèses seulement. Ses formulations n’ont été reformulées qu’en réponse au fait que Santé Canada avait soit rejeté la formule hypothétisée soit éliminé la restriction qu’il avait imposée sur l’ingrédient qu’il privilégiait. Ses efforts de reformulation ont consisté en des analyses revêtant la forme d’un [traduction] « examen systémique de la littérature qu’[il avait] extraite et combinée de manière synergique dans le but de créer une formulation [18]  ». Il a déclaré que la formulation qu’il avait produite dans le but d’atténuer les incertitudes que présentait sa théorie reposait sur l’ensemble des études cliniques sur les ingrédients et les éléments scientifiques qu’il avait examinés.

[49]  C’est l’absence de tout type d’essai réalisé par Life Choice à l’égard des formulations hypothétisées qui fait aussi que celles-ci demeurent à ce jour inconnues, si tant est que les formulations de Life Choice représentaient une forme quelconque d’avancement de la science. On ignore même si les principaux ingrédients formulés au départ dans le cadre des projets nos 2 et 3 étaient capables d’imiter les produits pharmaceutiques existants, car Life Choice a procédé à une reformulation en vue d’utiliser le produit pharmaceutique chimique existant dès que Santé Canada lui a permis de s’en servir dans un produit de santé naturel autorisé. Contrairement à la position de l’appelante, une formulation nouvellement hypothétisée ne peut à elle seule être considérée comme des connaissances ou un avancement de connaissances à ces fins.

[50]  C’est l’absence absolue d’essais de la part de Life Choice sur les produits de santé naturels, après que M. Dahl eut hypothétisé les formulations, qui porte un coup fatal au présent appel. Il ressort clairement de la preuve que non seulement de tels essais n’ont pas eu lieu, mais ni Life Choice ni M. Dahl n’ont jamais envisagé d’en faire dans le cadre des projets en question. La jurisprudence interprète de manière claire, cohérente et correcte la définition des activités de RS&DE et considère que ces activités exigent que l’on mette à l’essai sous une forme quelconque les hypothèses qui sont émises afin que l’on puisse exécuter une investigation ou une recherche systématique par voie d’expérimentation ou d’analyse. La question no 2 de la décision Northwest Hydraulic, précitée, au cinquième point du processus en cinq étapes qui y est décrit, exige que l’on examine s’il y a eu vérification méthodique et systématique des hypothèses formulées. La question no 3 de la décision Northwest Hydraulic exige que l’on considère les essais comme une étape faisant partie intégrante de la méthode scientifique. La question no 5 exige que l’on examine si l’on a tenu des comptes rendus des hypothèses, des essais et des résultats à mesure que les travaux avançaient.

[51]  Comme il a été mentionné plus tôt, ce ne sont pas tous les aspects des cinq questions énoncées dans la décision Northwest Hydraulic qui sont déterminants. Individuellement, certains ne sont qu’informatifs. Cependant, pour ce qui est des essais obligatoires, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt RIS – Christie, a clairement indiqué qu’il est impératif d’avoir fait des essais systématiques pour répondre à la définition légale des activités de RS&DE qui seront examinées avec soin. Au paragraphe 14 de cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

[…] la recherche scientifique implique l’existence d’expériences contrôlées avec mise à l’essai de modèles ou de prototypes. Le contribuable doit donc administrer la preuve des recherches scientifiques pour démontrer qu’elles ont été effectuées (avec les essais) et qu’il est de ce fait admissible aux encouragements fiscaux; voir par exemple Progressive Solutions Inc. c. R., 96 DTC 1232 (C.C.I.). Il doit faire la preuve non seulement que des essais ont été effectués, mais encore qu’ils ont été effectués de façon systématique. À mon avis, la condition que les recherches soient « systématiques » représente une norme plus rigoureuse que la simple condition que des recherches, essais y compris, soient entreprises. Bien que les preuves testimoniales soient admissibles au même titre que les preuves documentaires à cet égard, le seul moyen infaillible d’établir que la recherche scientifique a été effectuée de façon systématique consiste à produire des preuves documentaires qui font ressortir la progression logique entre chaque essai et les essais précédents ou subséquents.

[Non souligné dans l’original.]

[52]  Ce n’est pas l’absence d’essais cliniques qui porte un coup fatal à l’appel de Life Choice, mais plutôt l’absence d’essais, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit, que l’on pourrait considérer comme ayant été effectués de manière systématique. Life Choice aurait pu faire des essais systématiques pour n’importe laquelle de ses formulations ou en vue d’améliorer l’efficacité de ces dernières, et ces essais auraient pu avoir pour objet d’évaluer, de vérifier, de déduire statistiquement ou de jauger l’efficacité sans devoir recourir à des essais cliniques complets qui auraient été suffisants pour convaincre Santé Canada si les produits étaient des produits pharmaceutiques restreints, ce qu’ils n’étaient pas. Ces essais auraient pu être exécutés d’une manière qui répondait aux exigences de la définition des activités de RS&DE, même s’ils n’auraient pas répondu à une exigence de Santé Canada ou si, comme c’est le cas en l’espèce, il n’y avait aucune exigence de cette nature.

[53]  Ma décision en l’espèce ne vise aucunement à laisser entendre que les revues de littérature et les consultations d’autres chercheurs ne peuvent pas être des activités admissibles qui donnent lieu à des dépenses admissibles en tant qu’éléments constitutifs légitimes d’activités de RS&DE. C’est ce qui semble clairement ressortir d’une interprétation juste, libérale et téléologique de la définition des activités de RS&DE, y compris de l’alinéa d) de cette dernière, ainsi que des commentaires qu’a faits l’ancien juge en chef Bowman sur le rôle de l’intuition, de la créativité et parfois de l’ingéniosité dans la décision Northwest Hydraulic, précitée. Ma décision ne vise pas non plus à laisser entendre qu’une personne qui exécute des activités de RS&DE ne peut pas se servir des données ou des résultats des travaux de recherche que d’autres ont réalisés en mettant au point ou à l’essai leurs hypothèses ou théories.

[54]  Comme j’ai conclu que Life Choice n’a mis à l’essai aucune de ses formulations ou de ses reformulations après que M. Dahl les a hypothétisées, et encore moins de manière systématique, il convient de rejeter l’appel car les activités menées à l’appui de ces trois projets de formulation ne peuvent manifestement pas répondre aux exigences que contient la définition des activités de RS&DE que l’on trouve dans la Loi, à savoir que ces activités doivent constituer une investigation ou une recherche systématique effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse [19] .

[55]  L’avocat de l’appelante invoque la décision Hun‑Medipharma Research inc. c. Canada [20] à l’appui de la thèse selon laquelle un examen de la littérature constitue une activité de RS&DE. Je ne l’interprète pas de cette façon. Il s’agissait d’une décision informelle dans laquelle la juge de première instance a déploré le manque de clarté des deux parties. Elle ne mentionnait pas la décision Northwest Hydraulic, précitée, rendue par le juge Bowman. Elle a été rendue un mois après l’arrêt RIS – Christie, précité, de la Cour d’appel fédérale, mais celui-ci n’est pas mentionné. La Couronne faisait valoir qu’il fallait qu’il y ait des expériences cliniques. Dans l’affaire Hun‑Medipharma, la juge Lamarre Proulx a eu raison de conclure que la définition des activités de RS&DE exigeait soit des expériences soit des analyses, et que des expériences cliniques n’étaient pas requises. La preuve présentée l’avait convaincue qu’il y avait eu une investigation systématique par voie d’analyse. Cela n’est pas le cas dans l’affaire Life Choice dont je suis saisi.

[56]  L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de janvier 2017.

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 21

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-2308(IT)I

 

INTITULÉ :

LIFE CHOICE LTD. c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 juillet 2016

 

DATES DES OBSERVATIONS DE L’APPELANTE :

Les 10 août et 26 septembre 2016

 

DATE DES OBSERVATIONS DE L’INTIMÉE :

Le 9 septembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 janvier 2017

 

 

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

 

Avocat de l’appelante :

Me Al Tharani

 

Avocat de l’intimée :

Me Eric Myles

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

 

Pour l’appelante :

Nom :

 

Al Tharani

 

Cabinet :

Barrett Tax Law

Vaughan (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]  [1998] A.C.I. no 340 (QL).

[2]  [1997] A.C.I. no 134 (QL), au paragraphe 79.

[3]  [1998] A.C.F. no 1890 (QL).

[4]  2001 CAF 393.

[5]  2011 CAF 355.

[6]  2016 CAF 152.

[7]  2002 CAF 328.

[8]  Selon le témoignage de Mme Bond et les observations de Bond Consulting Group qui ont été soumises à l’ARC, les références faites par le juge Bowman et la Cour d’appel fédérale à des aspects technologiques et non scientifiques dans certains de leurs facteurs signifient qu’elles s’appliquent uniquement au développement expérimental et non à la recherche scientifique. Cela ne concorderait pas avec les principes reconnus de l’interprétation législative et il s’agit d’une erreur.

[9]  Transcription, aux pages 19 et 20.

[10]  M. Dahl a précisé que par [traduction] « finir les effets indésirables », il voulait dire atténuer ou éliminer ces effets.

[11]  Transcription, aux pages 49 et 50.

[12]  Transcription, à la page 16.

[13]  Transcription, aux pages 16 et 17.

[14]  Transcription, à la page 35.

[15]  Transcription, à la page 52.

[16]  Transcription, à la page 58.

[17]  Transcription, à la page 87.

[18]  Transcription, à la page 34.

[19]  J’ajouterais que je serais surpris si des élèves de niveau secondaire canadiens ne reconnaissaient pas aisément que les activités de Life Choice et de M. Dahl ne se comparaient pas à l’emploi de la méthode scientifique.

[20]  [1999] A.C.I. no 50 (QL).

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