Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980828

Dossier: 97-2441-IT-I

ENTRE :

KEVIN O'BRIEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance sont régis par la procédure informelle prévue aux articles 18 et suivants de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Les années en cause sont les années 1993 et 1994.

[2] Le contexte ainsi que la question en litige en l'espèce sont exposés dans les termes suivants aux paragraphes 8 à 14 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

8. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1993, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise brut de 50 429,47 $, des dépenses de 46 527,14 $ et un revenu d'entreprise net de 3 902,33 $.

9. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1994, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise brut de 74 456,55 $, des dépenses de 59 925,71 $ et un revenu d'entreprise net de 14 530,84 $.

10. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994 des cotisations dont les avis de cotisation simultanés sont datés du 14 novembre 1995.

11. Dans les cotisations établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994, le ministre a refusé la déduction de dépenses de 31 532 $ et de 44 498 $ respectivement.

12. Dans les nouvelles cotisations établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994 conformément au paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”), dont les avis de nouvelles cotisations simultanés sont datés du 14 avril 1997, le ministre a révisé les dépenses d'entreprise de 3 931 $ et de 18 331 $ respectivement dont la déduction avait été refusée, conformément aux annexes A et B ci-jointes.

13. Pour ainsi établir de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

les déclarations de revenus de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994 devaient être produites au plus tard le 30 avril 1994 et le 30 avril 1995 respectivement;

l'appelant a produit ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1993 et 1994 le 17 juillet 1995, ou vers cette date;

pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant était vendeur à commission à son compte pour Re/Max Realty Specialists Inc. (“ Re/Max ”);

au cours des années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a déclaré un revenu d'entreprise brut tiré de Re/Max de 50 429,47 $ et de 74 456,55 $ respectivement et un revenu d'entreprise net (le revenu en excédent des dépenses) de 3 902,33 $ et de 14 530,84 $ respectivement;

l'appelant avait omis de joindre les reçus, factures ou autres documents pertinents à l'appui des dépenses d'entreprise dont la déduction a été refusée;

les frais d'intérêt de 3 484 $ en 1993 et de 2 698 $ en 1994, dont la déduction a été refusée, n'avaient pas été payés en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

les dépenses dont la déduction a été refusée par le ministre n'avaient pas été effectuées ou engagées ou, si elles avaient été effectuées ou engagées, elles ne l'ont pas été en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

les dépenses dont la déduction a été refusée étaient des frais personnels ou de subsistance.

QUESTIONS EN LITIGE

14. La question en litige est la suivante :

l'appelant a-t-il droit à la déduction de dépenses supérieures aux montants que le ministre a admis dans les années d'imposition 1993 et 1994 respectivement?

[3] Lors de l'audition, l'avocate de l'intimée a informé la Cour qu'un règlement était intervenu concernant certaines des dépenses en litige et qu'un consentement à jugement avait été déposé relativement à ces dépenses. Reste donc à trancher la question des intérêts facturés sur les cartes de crédit personnelles de l'appelant et du montant de 10 000 $ qui aurait été versé à l'épouse de l'appelant en 1994. Le montant d'intérêt concernant l'année 1993 est de 1 239 $ et, concernant l'année 1994, de 1 385 $.

[4] Il incombe à l'appelant de prouver que les nouvelles cotisations sont erronées. Il peut faire cette preuve selon la prépondérance des probabilités. La question de savoir à qui incombe la charge de la preuve a été tranchée dans de nombreuses décisions qui lient la Cour. Il suffit de mentionner deux décisions de la Cour suprême du Canada à cet égard : Anderson Logging Co. v. The King, [1925] R.C.S. 45, et Johnston v. M.N.R., [1948] R.C.S. 486.

[5] Compte tenu de la preuve produite à l'audience, l'appelant ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombait en ce qui concerne les intérêts calculés sur le solde des cartes de crédit ou le montant de 10 000 $. On ne peut dire avec certitude quelle portion, le cas échéant, des montants d'intérêts en cause, devrait être admise. Néanmoins, au cours des plaidoiries, l'avocate de l'intimée a fait la concession suivante, à laquelle je donnerai effet :

[TRADUCTION]

Me Aultman : Le total de l'intérêt pour 1993.

Le juge : S'élevait à combien?

Me Aultman : 1 239 $

Le juge : Oui.

Me Aultman : Et, pour 1994, il s'élevait à 1 385 $.

Le juge : Oh, alors vous dites que — vous admettez qu'il a droit au moins à 60 p. 100 de 1 239 $ pour 1993 et à 60 p. 100 de 1 385 $ pour 1994?

Me Aultman : Oui.

Le juge : Merci.

[6] En ce qui concerne le montant de 10 000 $, il n'y a encore là aucune preuve convaincante qui établisse quelle partie de ce montant, le cas échéant, devrait être admise. Aucun document n'a été produit à ce sujet, et l'épouse de l'appelant n'a pas été appelée à témoigner, une omission qui est restée sans explication. Si l'épouse de l'appelant avait témoigné, l'avocate de l'intimée aurait pu la contre-interroger en vue de déterminer précisément quels services elle avait rendus en qualité, a-t-on affirmé, d'entrepreneur autonome, en contrepartie du montant de 10 000 $. Dans l'affaire Enns v. The Minister of National Revenue, 87 DTC 208, il était question de l'omission d'appeler des témoins dont les témoignages, de l'avis du juge de première instance, le juge Sarchuk, auraient été d'une grande utilité à la Cour. À cet égard, le juge a dit ceci à la page 210 :

Dans l'ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l'omission de faire comparaître un témoin, je cite :

[TRADUCTION]

"Dans l'affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65), Lord Mansfield a déclaré :

"Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter."

L'application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d'élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l'omission a été attribuée.

Dans le cas d'un demandeur auquel il incombe d'établir un point, l'effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s'acquitter du fardeau de la preuve." (Levesque et al. c. Comeau et al. [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.) (Souligné dans l'original.)

Voir aussi Markakis v. Minister of National Revenue, 86 DTC 1237 (C.C.I.), et Estate of John Sedelnick v. Minister of National Revenue, 86 DTC 1563 (C.C.I.).

[7] Les appels sont admis dans la mesure indiquée dans le consentement à jugement et pour permettre à l'appelant de déduire 60 p. 100 de 1 239 $ et de 1 385 $ dans les années 1993 et 1994 respectivement. L'appelant n'a droit à aucun autre redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'août 1998.

“ D. H. Christie ”

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de mai 2000.

Benoît Charron, réviseur

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