Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANçAISE OFFICIELLE]

 

2001-1932(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT FRASER,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu partiellement le 31 mai 2002 à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

 

Représentant de l'appelant :                 George A. Horne

Avocat de l'intimée :                           Me Mark Heseltine

 

ORDONNANCE

 

          IL EST ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES QUE l’avocat de l’intimée signifie à l’appelant et au procureur général de chaque province un avis de question constitutionnelle reprenant essentiellement le libellé de l’avis figurant à l’annexe « A » de la présente ordonnance, avec copie des motifs de l’ordonnance, au plus tard le 31 juillet 2002 et dépose une preuve de la signification des documents au plus tard le 15 août  2002.

 

IL EST EN OUTRE ORDONNÉ QU’IL y ait reprise de l’audience par voie de téléconférence à l’heure et à la date que déterminera le greffier.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 2e jour de juillet 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

ANNEXE « A »

 

TRIBUNAL

 

INTITULÉ DE L’AFFAIRE

 

AVIS DE QUESTION CONSTITUTIONNELLE

 

Vous êtes avisé par les présentes que la validité constitutionnelle de l’article 34 du Maintenance Enforcement Act, R.S.A. 1985, c. M-0.5 (devenu R.S.A. 2000, c. M-1 s. 41) a été contestée dans le cadre de la présente instance et que l’audience se poursuivra par voie de téléconférence aux fins des plaidoiries sur cette question. Les procureurs généraux qui désirent présenter des exposés à la Cour au sujet de la validité de cette disposition sont priés d’en informer la Cour, par écrit, avant le 30 août 2002, à l’adresse suivante :

 

Le greffier

Cour canadienne de l’impôt

200, rue Kent,

Ottawa (Ontario) K1A 0M1

 

Le greffier communiquera avec les parties et les procureurs généraux ayant manifesté le désir d’être entendus pour prendre les dispositions nécessaires aux fins de la poursuite de l’audience par téléconférence.

 

Les faits matériels qui sont à l’origine de la question constitutionnelle sont exposés dans les motifs de l’ordonnance de l’honorable juge E. A. Bowie annexés au présent avis.

 

Le fondement juridique de la question constitutionnelle est [fondement de la contestation devant être inséré par l’avocat de l’intimée]

 

Fait à Edmonton (Alberta) ce     jour de       2002.

 

 

 

_________________________________________________

Avocat du procureur général du Canada

[Adresse à des fins de signification]

 

Destinataires :   Le représentant de l’appelant

Le procureur général de chaque province


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020702

Dossier : 2001-1932(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT FRASER,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bowie, C.C.I.

 

[1]     J’ai entendu l’appel en l’instance, interjeté sous le régime de la procédure informelle de la Cour, à Edmonton (Alberta). Il résulte du refus par le ministre du Revenu national d’autoriser l’appelant à déduire dans le calcul de son revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] pour l’année 1999 un montant versé par lui cette année-là à titre de pension alimentaire pour un enfant. M. Fraser et la mère de cet enfant n’ont jamais été mariés et n’ont jamais vécu ensemble en union conjugale. Après la naissance de leur enfant, ils ont conclu et signé une entente écrite en vertu de l’article 6 de la Parentage and Maintenance Act[2] (la loi sur la filiation et l'obligation alimentaire) de l’Alberta et cette entente a été déposée auprès de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta.

 

[2]     Les deux parties on reconnu à l’audience que les faits de la présente affaire sont indicernables de ceux de l’affaire Hewko c. La Reine. Je vais aujourd’hui rendre les motifs d’une ordonnance dans cette affaire ordonnant à l’avocat de l’intimée de signifier un Avis de question constitutionnelle aux procureurs généraux des provinces comme l’exige l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.[3] Une copie de ces motifs est jointe aux présents motifs. La même question constitutionnelle concernant la validité de l'article 34 de la Maintenance Enforcement Act [4] (la loi sur l’exécution des obligations alimentaires) de l’Alberta doit être abordée dans la présente affaire. Je rends donc dans la présente affaire une ordonnance portant le même libellé que l’ordonnance rendue dans l’affaire Hewko, pour les mêmes motifs. Les deux affaires pourront êtres instruites en même temps en ce qui concerne la présentation des arguments concernant cette question.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 2e jour de juillet 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mars 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANçAISE OFFICIELLE]

 

2001-3255(IT)I

 

 

ENTRE :

 

HOWIE A. HEWKO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appel entendu partiellement le 21 février 2002 à Edmonton (Alberta), par

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l’intimée :                Me Margaret McCabe

 

ORDONNANCE

 

IL EST ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES QUE l’avocate de l’intimée signifie à l’appelant et au procureur général de chaque province un avis de question constitutionnelle reprenant essentiellement le libellé de l’avis figurant à l’annexe « A » de la présente ordonnance, avec copie des motifs de l’ordonnance, au plus tard le 31 juillet 2002 et dépose une preuve de la signification des documents au plus tard le 15 août  2002.

 

IL EST EN OUTRE ORDONNÉ QU’IL y ait reprise de l’audience par voie de téléconférence à l’heure et à la date que déterminera le greffier.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 2002.

 

 

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

ANNEXE « A »

 

TRIBUNAL

 

INTITULÉ DE L’AFFAIRE

 

AVIS DE QUESTION CONSTITUTIONNELLE

 

Vous êtes avisé par les présentes que la validité de l’article 34 de la Maintenance Enforcement Act, (la loi sur l'exécution des ordonnances alimentaires) R.S.A. 1985, ch. M-0.5 (devenu R.S.A. 2000, ch. M-1 art. 41) a été contestée dans le cadre de la présente instance et que l’audience se poursuivra par voie de téléconférence aux fins des plaidoiries sur cette question. Les procureurs généraux qui désirent présenter des exposés à la Cour au sujet de la validité de cette disposition sont priés d’en informer la Cour, par écrit, avant le 31 août 2002, à l’adresse suivante :

 

Le greffier

Cour canadienne de l’impôt

200, rue Kent,

Ottawa (Ontario) K1A 0M1

 

Un fonctionnaire compétent du greffe communiquera avec les parties et les procureurs généraux ayant manifesté le désir d’être entendus pour prendre les dispositions nécessaires aux fins de la poursuite de l’audience par téléconférence.

 

Les faits importants qui sont à l’origine de la question constitutionnelle sont exposés dans les motifs de l’ordonnance de l’honorable juge E. A. Bowie annexés au présent avis.

 

Le fondement juridique de la question constitutionnelle est [fondement de la contestation devant être inséré par l’avocate de l’intimée]

 

Fait à Edmonton (Alberta), ce     jour de       2002.

 

 

 

_________________________________________________

Avocate du procureur général du Canada

[Adresse à des fins de signification]

 

Destinataires :   L’appelant

Le procureur général de chaque province


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020702

Dossier: 2001-3255(IT)I

 

ENTRE :

 

HOWIE A. HEWKO,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bowie

 

[1]     J’ai entendu l’appel en l’instance, interjeté sous le régime de la procédure informelle de la Cour, à Edmonton (Alberta). Il résulte du refus par le ministre du Revenu national d’autoriser l’appelant à déduire dans le calcul de son revenu un montant versé par lui à titre de pension alimentaire pour un enfant dans l’année 1999 et soulève la question de l’interaction de la Loi de l’impôt sur le revenu[5] du Canada et de la Maintenance Enforcement Act[6] (la loi sur l'exécution des ordonnances alimentaires) de la province de l’Alberta (la MEA).

 

[2]     Les faits sont simples et ils ne sont pas contestés par les parties. L’appelant est le père d’un enfant né d’une personne que j’appellerai simplement la mère. Les parents n’ont jamais été mariés et n’ont jamais vécu ensemble en union conjugale. Ils ont conclu et signé une entente écrite en vertu de l’article 6 de la Parentage and Maintenance Act[7] (la loi sur la filiation et l'obligation alimentaire) de l’Alberta. L’appelant a versé la pension qu’il était tenu de verser en vertu de cette entente. Dans sa déclaration de revenu pour les années d’imposition 1998 et 1999, il a considéré qu’il avait le droit de déduire la pension alimentaire de son revenu en vertu de la Loi. Dans les cotisations établies initialement, les montants ainsi déduits ont été admis. Pour l’année 1998, une nouvelle cotisation a été établie et les montants versés ont été refusés, puis une autre cotisation a été établie et ils ont été admis. Pour l’année 1999, il n’a pas eu autant de chance; une seule nouvelle cotisation a été établie et les montants dont il avait demandé la déduction ont été refusés. C’est de cette nouvelle cotisation que l’appelant interjette appel en l’espèce.

 

[3]     C’est peu dire que les dispositions actuelles de la Loi régissant le droit d’un contribuable de déduire la pension alimentaire versée de même que leur évolution générale sont complexes. En réalité, elles sont hallucinantes. Cependant, aux fins des présentes, il suffit de dire que, depuis que la Loi autorise la déduction de la pension alimentaire pour enfants versée par l’un des parents à l’autre, lorsqu’ils n’ont jamais été mariés ensemble ou n’ont jamais vécu ensemble en union conjugale, l’une des conditions à remplir pour que la pension soit déductible est qu’elle résulte d’une ordonnance d’un tribunal. Dans la version actuelle du texte législatif, qui régit l’affaire en l’instance, cette condition se trouve énoncée dans la définition de « pension alimentaire », au paragraphe 56.1(4), lequel s’applique également à l’article 60. Cette définition est ainsi libellée :

 

56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

 

 « pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a)          le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

 

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

 

Dès lors, pour que l’appelant obtienne gain de cause, il doit y avoir une ordonnance d’un tribunal, à défaut de quoi la preuve doit être faite que l’appelant et la mère de l’enfant sont des conjoints. Je reviendrai sur cette dernière possibilité un peu plus loin.

 

[4]     L’argumentation de l’appelant repose sur les définitions énoncées dans la MEA, qui prévoit, dans la mesure où les dispositions sont pertinentes, ce qui suit.

 

          [TRADUCTION]

 

Définitions

 

1(1) Aux fins de la présente loi,

 

          […]

 

e)         « ordonnance alimentaire » s’entend d’une ordonnance ou d’une ordonnance provisoire d’un tribunal de l’Alberta ou d’une ordonnance de protection de la Cour du Banc de la Reine rendue en vertu de la Protection Against Family Violence Act (la loi sur la protection contre la violence en milieu familial) ou d’une ordonnance — autre qu’une ordonnance conditionnelle non confirmée —, enregistrée en vertu de la Reciprocal Enforcement of Maintenance Orders Act (la loi portant réciprocité de l'exécution d'ordonnances), qui renferme une disposition exigeant le versement d’une pension alimentaire.

 

1(2)      Une entente conclue en vertu de l’article 6 de la Parentage and Maintenance Act ou de l’article 51 de la Income Support Recovery Act (la loi sur le recouvrement du soutien du revenu) est réputée être une ordonnance alimentaire en vertu de la présente loi.

 

1(3)      Une entente alimentaire conclue en vertu de la Child Welfare Act (la loi sur la protection de l'enfance) est réputée être une ordonnance alimentaire en vertu de la présente loi.

 

La MEA renferme des dispositions détaillées pour l’application des ordonnances alimentaires par le Directeur de l’application des ordonnances, dont le bureau est créé par l’article 4. L’article 12 est libellé comme suit :

 

          [TRADUCTION]

 

Application

 

12(1)    Le Directeur ou un créancier peut déposer auprès de la Cour du Banc de la Reine une ordonnance alimentaire qui n’a pas par ailleurs été déposée auprès de la Cour et, une fois l’ordonnance alimentaire déposée, les passages de celle‑ci se rapportant aux questions d’entretien sont réputés représenter un jugement de la Cour du Banc de la Reine.

 

12(2)    Lorsqu’une ordonnance alimentaire déposée en vertu du paragraphe 1 a été rendue par la Cour provinciale, la Cour du Banc de la Reine peut, lorsqu'il y a lieu, modifier cette ordonnance, soit en changeant les périodes de paiement ou en augmentant ou diminuant les montants, ou elle peut suspendre temporairement l’application de l’ordonnance eu égard à la totalité ou à une partie du montant payable et peut remettre en vigueur l’ordonnance en totalité ou en partie, si elle le juge approprié.

 

L’entente dont il est question en l’espèce a été déposée auprès de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta en vertu du paragraphe 12(1). En quelques mots, la question que je suis appelé à trancher est de savoir si les articles 1 et 12 de la MEA font en sorte qu’une entente conclue en vertu de l’article 6 de la Parentage and Maintenance Act, et déposée en vertu du paragraphe 12(1), devient une « ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois [de l’Alberta] » pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[5]     L’avocate de l’intimée m’a renvoyé à deux décisions antérieures de la Cour dans lesquelles une question en tous points semblables a été tranchée. Dans l'affaire Fantini c. Canada[8], le juge Bowman (tel était alors son titre) a statué que la loi de l’Alberta ne pouvait pas avoir un tel effet. Il a fait observer ce qui suit :

 

Il ne s'agit pas d'une question constitutionnelle de compétence législative. C'est une simple question d'interprétation législative. Comme le lord juge James disait dans l'affaire Ex parte Walton; In re Levy, 17 ch. D. 746, à la page 756 :

 

[TRADUCTION]

 

 

Lorsqu'une loi dispose que quelque chose qui n'a pas réellement été fait est réputé avoir été fait, la Cour peut et doit déterminer à quelles fins et entre quelles personnes la fiction législative doit s'appliquer.

 

       Cette observation avait été formulée dans le contexte de l'interprétation d'une loi. Elle s'applique a fortiori dans l'affaire en l'instance. En l'espèce, le ministre du Revenu national cherche à transposer dans une loi fédérale une fiction législative provinciale, ce qui ne peut se faire. Évidemment, le Parlement pourrait, par une formulation appropriée dans une loi fédérale, adopter aux fins de cette loi une fiction législative provinciale. Ce n'est toutefois pas ce qui s'est produit ici. Cela semble aller de soi.

       Je ne suis pas inattentif à l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Hillis v. The Queen, 83 D.T.C. 5365, dans lequel l'effet d'une disposition déterminative d'une loi de la Saskatchewan avait été considéré par rapport à la question de savoir quand un domaine devenait indéfectiblement dévolu. C'est, je pense, une illustration du principe énoncé dans le jugement Dale v. The Queen, 97 D.T.C. 5252, à savoir que le ministre doit considérer les rapports juridiques entre des personnes tels qu'ils sont et que ces rapports sont dans la plupart des cas régis par le droit provincial. Il ne découle pas de ce jugement que, lorsqu'une chose est, aux fins d'une loi provinciale, réputée être quelque chose qu'elle n'est pas, cette signification factice peut s'appliquer aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

Dans cette affaire, l’appelante était le parent qui avait la garde et c’est elle qui recevait la pension alimentaire. Le juge Bowman a statué qu’elle n’était pas tenue d’inclure la pension dans son revenu de l’année.

 

[6] Le juge Teskey a été appelé à se pencher sur la même question dans l'affaire Hollands c. La Reine[9]. Il a adopté un point de vue différent de celui du juge Bowman. Au sujet du passage des motifs du jugement du juge Bowman que je viens de citer, il a déclaré ce qui suit :

 

Sauf le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec lui là-dessus. En utilisant les mots « ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province », à l'alinéa 56.1(4)b) de la Loi, le législateur a décidé de transposer dans une loi fédérale les lois d'une province concernant des ordonnances. Si les lois d'une province s'appliquent de manière à créer une fiction législative, le ministre ne peut en décider autrement. L'accord est donc une ordonnance d'un tribunal.

 

L’appelant en cause dans l’affaire entendue par le juge Teskey était le parent n'ayant pas la garde qui demandait l’autorisation de déduire la pension alimentaire versée. Son appel a également été admis. Le juge Teskey a aussi renvoyé aux décisions rendues par la Cour fédérale dans les arrêts Hillis c. La Reine[10] et Dale c. La Reine[11].

 

[7]     En ce qui concerne les sphères de compétence qui sont attribuées aux provinces en vertu de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, l’assemblée législative d’une province peut considérer qu’une chose est réputée être ce qu’elle n’est pas en réalité. À la condition qu’il n’y ait pas d’intrusion apparente dans la sphère législative attribuée au Parlement, cette façon de faire peut être justifiée à toutes fins utiles, si c’est le but visé par l'assemblée législative. Dans un cas de ce genre, le statut juridique de la chose réputée est établi par la loi provinciale, pour l’application des lois tant fédérales que provinciales. Cependant, ainsi que le juge Bowman de la Cour l’a fait observer dans l’affaire Fantini, la mesure dans laquelle la présomption s’applique doit être déterminée par interprétation de la loi provinciale. Il est très clair, selon moi, à l’examen du contexte et du libellé du paragraphe 1(2) de la MEA, que l’application est limitée à cette loi. En premier lieu, la présomption est mentionnée dans une disposition renfermant des définitions. Cela indique que son application est limitée à la loi dans laquelle elle se trouve. En deuxième lieu, l’entente est réputée être une ordonnance alimentaire « en vertu de la présente loi ». Cela aussi indique que l’application de la disposition déterminative est limitée à la réalisation des objets de la MEA. Elle vise à faire en sorte qu’une entente au sens de l’expression « ordonnance alimentaire », définie au paragraphe précédent, s’entende d’un certain nombre de types d’ordonnances mentionnées dans la disposition, y compris les ordonnances rendues par des tribunaux situés à l’extérieur de la province qui ont été enregistrées en vertu de la Reciprocal Enforcement of Maintenance Orders Act. La MEA crée un bureau du Directeur de l’application des ordonnances alimentaires. Son unique but est de voir à l’application de certains types d’ordonnances par le directeur, au profit des enfants, des conjoints et des ex‑conjoints qui sont les bénéficiaires de ces ordonnances. À cette fin, le directeur jouit de certains pouvoirs, et c’est uniquement à cette fin que l’entente en cause en l’espèce, de même que les ententes conclues en vertu de la Income Support Recovery Act et de la Child Welfare Act, sont réputées être comprises dans la définition d’« ordonnance alimentaire » pour l’application de la MEA.

 

[8]     Est‑ce que l’article 12, en vertu duquel une ordonnance alimentaire déposée auprès de la Cour du Banc de la Reine est réputée être un jugement de ce tribunal s’applique à d’autres lois que la MEA? Je ne le crois pas. Hors contexte, on pourrait penser qu’il s’applique, mais il doit être lu en conjugaison avec l’article 1. Si l’entente est réputée être une ordonnance alimentaire aux seules fins de la MEA, dès lors, l’application de l’article 12 à cette ordonnance doit également être limitée. J’en arrive donc à la conclusion que l’entente en vertu de laquelle l’appelant a versé la pension alimentaire n’est pas une « ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province » pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[9]     Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, la seule façon pour l’appelant d’obtenir que la pension versée soit considérée comme une pension alimentaire au sens de la Loi serait de prouver qu’il est le conjoint ou l’ex‑conjoint de la mère de l’enfant, à laquelle il a versé la pension. Comme il convenait, Me McCabe, l’avocate de l’intimée, a attiré mon attention sur l’article 34 de la MEA durant l’audience. Cette disposition est libellée comme suit :

 

          [TRADUCTION]

 

34.       Pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), un conjoint s'entend notamment d'une personne qui est tenue de verser périodiquement une pension alimentaire en vertu d’un accord écrit ou d’une ordonnance alimentaire.

 

Me McCabe n’a pas soutenu que la disposition était anticonstitutionnelle, parce que, a‑t‑elle dit, elle n’en avait pris connaissance qu’au dernier moment et qu’elle n’avait pas eu le temps de signifier l’avis requis au procureur général de chaque province en vertu de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale[12]. Cette disposition, si je décidais de l’appliquer, aurait pour effet d’annuler la condition énoncée dans la Loi de l’impôt sur le revenu selon laquelle la pension alimentaire, pour être déductible, doit être versée conformément à une ordonnance d’un tribunal et non pas juste en vertu d’une entente. À l’évidence, il devient nécessaire de trancher la question de la validité constitutionnelle de cette disposition. J’ordonne donc à l’avocate de l’intimée de signifier au procureur général de chaque province un avis libellé de la manière indiquée à l’annexe « A » de mon ordonnance. Une fois que les procureurs généraux auront reçu l’avis pertinent, l’audition de l’appel se poursuivra par téléconférence afin que je puisse entendre les exposés sur la validité de l’article 34 de la MEA. Je regrette de devoir retarder l’issue finale du présent appel, mais, dans les circonstances, je ne vois pas d’autre solution.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2003.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

 



[1]           L.R.C. 1985, ch..1 (5e suppl.).

[2]           S.A. 1990, ch. P-0.7.

[3]           L.R. ch. 10 (2e suppl.)

[4]           S.A. 1985, ch. M-0.5.

1           L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[6]           S.A. 1985, ch. M-0.5.

[7]           S.A. 1990, ch. P-0.7.

[8]           [1997] A.C.I. no 1299.

[9]           C.C.I., no 2001-1203(IT) I, 24 septembre 2001 ([2001] 4 C.T.C. 2755)

[10]           C.A.F., no A-775-82, 19 septembre 1983 (83 DTC 5365)

[11]           C.A.F., no A-15-94, 21 avril 1997 (97 DTC 5252)

[12]           L.C. ch. 10 (2e suppl.).

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