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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-1821(IT)I

 

ENTRE :

CHARLES BENHAM,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 4 février 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge A. A. Sarchuk

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimée :                          Me Sherry Darvish

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les avantages indirects conférés à l'appelant doivent être
calculés en fonction de la valeur de l'action à la date où l'appelant a exercé l'option et a vendu ses actions, soit le 24 février 1998.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2002.

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020618

Dossier : 2001-1821(IT)I

 

ENTRE :

 

CHARLES BENHAM,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Sarchuk, C.C.I.

 

[1]     Il s'agit d'un appel interjeté par M. Charles Benham à l'encontre d'une cotisation d'impôt établie à son égard pour l'année d'imposition 1998. Pour cette année-là, il a déclaré des revenus d'emploi de 168 668 $, qui incluaient des avantages imposables tirés d'une option d'achat d'actions d'un montant de 25 003 $ et une déduction pour options d'achat d'actions et pour actions de 6 250 $. En établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté au revenu d'emploi de l'appelant des avantages tirés d'une option d'achat d'actions d'un montant de 4 161 $ et a augmenté sa déduction pour options d'achat d'actions et pour actions d'un montant de 1 040 $. En ce faisant, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

 

            [TRADUCTION]

 

a)         Le 2 avril 1996 ou vers cette date, l'appelant a conclu une convention relative à une option d'achat d'actions (la « convention ») avec son employeur, la société Consumer's Packaging Inc. (l'« employeur »).

 

b)         Selon les modalités de la convention, l'appelant pouvait acheter 5 000 actions ordinaires de l'employeur au prix de 7,50 $ par action.

 

c)         Le 3 mars 1998 ou vers cette date, l'appelant a exercé son option pour acquérir 3 333 actions de l'employeur au prix de 24 997,50 $ (7,50 $ x 3 333).

 

d)         Le 3 mars 1998 ou vers cette date, l'appelant a acquis 3 333 actions ordinaires de l'employeur.

 

e)         Le 3 mars 1998 ou vers cette date, la juste valeur marchande des actions ordinaires de l'employeur était de 16,25 $ par action, ou 54 161,25 $.

 

f)          L'appelant a reçu un avantage (l'« avantage ») d'un montant de 29 163,25 $ (54 161,25 $ - 24 997,50 $) durant l'année d'imposition 1998.

 

[2]     L'appelant est d'avis qu'il a exercé son option le 24 février 1998. Des actions ont été vendues pour son compte à cette date, et, en temps utile, il a reçu un chèque de 25 664,10 $ correspondant au produit de la vente des actions au prix de 15,25 $ par action duquel ont été soustraits le prix de l'option, soit 7,50 $ par action, et les frais de courtage de 166,65 $.

 

Les faits

 

[3]     À toutes les époques pertinentes, l'appelant était employé de la Consumers Packaging Inc. (l'« employeur »). En mars 1996, l'employeur a octroyé à ses cadres supérieurs, au lieu d'un boni, des options d'achat d'actions au prix de 7,50 $ par action. L'option de l'appelant portait sur 5 000 actions et la « convention relative à une option » du 15 mars 1996 a été acceptée par l'appelant le 2 avril 1996. Ce programme d'option d'achat d'actions était quelque peu inhabituel en ce qu'il donnait l'occasion à l'employé de bénéficier de ce qui était appelé [TRADUCTION] l'« exercice sans décaissement des options d'achat d'actions de l'employé ». Dans ce contexte, la convention prévoyait notamment que [TRADUCTION] « sans préjudice de la portée générale du programme, le détenteur de l'option a le droit d'exercer l'option en ne faisant que rédiger et expédier à la société une lettre semblable pour l'essentiel au modèle à l'annexe « A » ci-jointe »[1]. Cette annexe prévoyait qu'il était possible de choisir entre deux modes de paiement lors de l'exercice de l'option : (i) en joignant un chèque certifié payable à l'employeur en paiement complet du prix d'achat total des actions sur lesquelles l'option est exercée; (ii) en indiquant que le détenteur de l'option a choisi de bénéficier du [TRADUCTION] « service d'exercice sans décaissement des options d'achat d'actions de l'employé, service offert par Marleau, Lemire Securities Inc. »[2]. La preuve révèle également que le 26 mars 1996, l'employeur avait remis à l'appelant une trousse d'information[3] qui comprenait les commentaires suivants en ce qui a trait à la seconde possibilité :

 

            [TRADUCTION]

 

2.                  COMMENT « EXERCER UNE OPTION » :

 

[…]

 

(b)        Si vous prévoyez vendre vos actions immédiatement et que vous souhaitez bénéficier du « service d'exercice sans décaissement des options d'achat d'actions de l'employé » offert par Marleau, Lemire Securities Inc.

 

·        Indiquez-le sur le formulaire

·        N'envoyez aucun paiement; les actions seront vendues conformément à l'entente individuelle intervenue entre le courtier et vous, et un chèque d'un montant correspondant au produit net (le prix de vente réel moins le prix de l'option, moins les frais de courtage) sera expédié par Marleau Lemire.

 

[4]     Le 24 février 1998, l'appelant a exercé son option relativement à 3 333 actions et a spécifiquement noté sur le formulaire qu'il souhaitait [TRADUCTION] « se prévaloir du « service d'exercice sans décaissement des options d'achat d'actions de l'employé » offert par Marleau Lemire Securities Inc. ». De plus, conformément aux instructions qu'il avait reçues de son employeur, il a, au même moment, informé Loewen, Ondaatje, McCutcheon Limited (« LOM ») qu'il souhaitait vendre ces actions. LOM a fait rapport de l'opération à l'employeur le 24 février 1998. En voici un extrait :

 

[TRADUCTION]

 

À titre de mandataires, nous confirmons la vente suivante pour votre compte à la Bourse de Toronto, pour règlement dans votre compte. Pour règlement le 27 février 1998. 3 333 actions de Consumers Packaging Inc. au prix de 15,25 $ pour un montant brut de 50 828,25 $ — Frais de courtage 166,65 $[4].

 

Les documents relatifs au règlement indiquent que le 4 mars 1998, LOM a émis un chèque payable à l'ordre de l'employeur d'un montant de 24 997,50 $ et que le 5 mars, elle a émis un chèque payable à Charles Benham d'un montant de 25 664,10 $, ce qui correspond au prix brut de vente moins le prix de l'option de 7,50 $ par action et les frais de courtage de 166,65 $.

 

[5]     Il appert de la preuve présentée à la Cour que dans des circonstances normales, il faut habituellement trois jours pour compléter le règlement d'une opération, mais que le prix de vente est celui qui est en vigueur le premier jour et non le troisième. Le laps de temps est essentiellement de nature administrative et n'affecte pas la valeur payée ou reçue pour les actions. Il n'y a pas de doute que dans les circonstances particulières de l'espèce, l'agent de l'employeur responsable de traiter de l'exercice d'une option a manqué à son obligation d'exercer adéquatement ses responsabilités, ce qui a retardé encore davantage le règlement de l'opération[5]. L'intimée reconnaît également que ce retard est survenu sans que la faute puisse en être imputée à l'appelant.

 

Analyse

 

[6]     L'alinéa 7(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») porte que :

 

7(1)      Sous réserve des paragraphes (1.1) et (8), lorsqu'une personne admissible donnée est convenue d'émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d'une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à l'un de ses employés ou à un employé d'une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les présomptions suivantes s'appliquent :

 

a)         l'employé qui a acquis des titres en vertu de la convention est réputé avoir reçu, en raison de son emploi et au cours de l'année d'imposition où il a acquis les titres, un avantage égal à l'excédent éventuel de la valeur des titres au moment où il les a acquis sur le total de la somme qu'il a payée ou doit payer à la personne
admissible donnée pour ces titres et de la somme qu'il a payée pour acquérir le droit d'acquérir les titres;

 

[...]

 

[7]     L'intimée convient que si, dans d'autres circonstances, l'appelant avait payé les actions le jour où il avait exercé son option, il n'y aurait pas de débat quant à la valeur. Toutefois, l'intimée soutient qu'aux fins de l'application de l'article 7 de la Loi, la valeur des actions reçues en vertu du régime d'option d'achat d'actions pour les employés doit être déterminée au moment où l'appelant a acquis les actions, ce qui, en l'instance, était le 4 mars, date à laquelle les actions ont été payées en totalité. Comme à cette date la valeur au marché était de 16,25 $ par action, c'est cette valeur qui a été utilisée pour calculer ses avantages. C'est en se fondant sur ce raisonnement que le ministre a estimé que l'appelant avait reçu des avantages indirects additionnels de 4 160,75 $, qui ont été ajoutés à son revenu imposable lors de la nouvelle cotisation.

 

[8]     Étant donnés les faits particuliers et inhabituels de l'espèce, je ne peux être du même avis. Plus spécifiquement, la position mise de l'avant au nom du ministre ne semble pas tenir compte du contexte global dans lequel s'est effectuée l'opération. Tout d'abord, l'appelant a opté pour l'exercice sans décaissement de son option le 24 février 1998. En vertu de ce mécanisme, il n'avait pas l'obligation d'avancer des fonds au moment de l'exercice de son droit, mais seulement d'autoriser la vente des actions auxquelles il avait droit et d'en informer le courtier, dans ce cas‑ci LOM, ce qu'il a fait. Les dossiers de LOM indiquent que le fait que l'appelant a exercé son option a eu comme conséquence que 3 333 actions ont bel et bien été vendues à même le compte d'option d'achat d'actions de l'employeur, pour son compte, le 24 février, le 27 février étant la date de règlement de cette opération[6]. Le coût des actions a été déduit du produit de la vente, et l'appelant a reçu le solde. Il ressort clairement de ces documents que l'appelant et l'employeur avaient l'intention de considérer que la portion vente de l'opération avait eu lieu le 24 février, et c'est ce qu'ils ont fait. À mon avis, la preuve dans son ensemble établit qu'il y avait une entente complétée et liant l'appelant et l'employeur à cette date, nonobstant le fait que le paiement en tant que tel des actions n'a eu lieu que le 4 mars. Le ministre se fonde sur le fait que lorsque l'agent responsable de l'employeur a reçu de l'employé l'avis de l'exercice d'une option, cette information devait être relayée à LOM, ce qui a comme conséquence que les actions sont vendues à découvert et que le règlement est dû trois jours après la conclusion de la vente. D'après l'avocate de l'intimée, ces faits établissent qu'aux fins du paragraphe 7(1) de la Loi, l'appelant n'a « acquis » les actions que lorsque cela a eu lieu. Néanmoins, à mon avis, peu importe l'arrangement dont il avait été convenu entre l'employeur et LOM en ce qui a trait à l'émission des actions, je suis convaincu qu'après le 24 février 1998, l'appelant ne pouvait plus demander un prix supérieur pour les actions, n'avait plus le droit de les vendre à qui que ce soit d'autre et ne pouvait plus les conserver, mais avait plutôt, à tout moment, l'obligation de les vendre au prix fixé à cette date.

 

[9]     Je réitère donc ma conclusion que quoique les certificats d'actions n'ont été émis par le fiduciaire que le 4 mars[7], l'appelant et l'employeur avaient conclu, le 24 février 1998, un contrat exécutoire avec l'intention que l'appelant acquiert le titre de propriété des actions à cette date. L'exercice par l'appelant de l'option sans décaissement a fait en sorte que la société devait vendre les actions pour le compte de l'appelant, soustraire du produit de la vente le coût des actions et verser le solde à l'appelant. Je suis convaincu que le prix reçu le 24 février 1998 correspond à la valeur appropriée qui doit être utilisée dans le calcul des avantages indirects de l'appelant.

 

[10]    Je suis également contraint de constater qu'en établissant la cotisation telle qu'il l'a fait, le ministre impose l'appelant sur un avantage qu'il n'a pas reçu et qu'il ne recevra jamais. Accepter la position de l'intimée pourrait facilement nous mener à une absurdité dans l'avenir. Par exemple, étant donné les faits tels qu'ils ont été présentés à la Cour, si, le 4 mars 1998, la valeur des actions en question avait été de 14,25 $ plutôt que de 16,25 $, il découlerait de la prétention de l'intimée que la valeur des actions pour l'appelant à la date de l'acquisition, soit le 4 mars 1998, serait de 47 495,25 $ et que le coût serait le même que précédemment, soit 24 997,50 $, ce qui laisserait à l'appelant un revenu net d'environ 22 497,75 $ (moins les frais de courtage et d'autres frais connexes). Dans cet exemple, l'appelant aurait reçu 25 664 $ comme produit de la vente des actions (c'est‑à‑dire 3 166,25 $ de plus que le montant du « revenu net »). En appliquant la position de l'intimée à cet exemple hypothétique, est-ce que l'appelant aurait le droit de considérer ce montant comme un « avantage non imposable »? Je doute que le ministre eût accepté une telle position.

 

[11]    Pour les motifs énoncés précédemment, l'appel est admis et déféré au ministre en tenant compte du fait que les avantages indirects conférés à l'appelant doivent être calculés en fonction de la valeur de l'action à la date où l'appelant a exercé son option et a vendu ses actions, soit le 24 février 1998.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 2002.

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur



[1]           Pièce R‑1, onglet 5, page 3, paragraphe 5(b) et annexe « A ».

[2]           Par la suite, Marleau, Lemire Securities Inc. a été remplacée par Loewen, Ondaatje, McCutcheon Limited.

[3]           Pièce A‑1.

[4]           Voir la pièce R‑1, onglet 11.

[5]           Pièces A‑2 et R‑1, onglet 15.

[6]           Pièce R-1, onglets 7 et 11.

[7]           Pièce R-1, onglet 14.

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