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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2002-62(IT)I

 

ENTRE :

 

ELIZABETH J. IRWIN-KENYON,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 17 mai 2002, à Fredericton (Nouveau-Brunswick), par

l'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Pour l'appelante :                           L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                     Me Christa MacKinnon

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que la somme de 4 846 $ ne doit pas être incluse dans le calcul du revenu de l'appelante.

 


          L'appelante a droit à des dépens de 200 $.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2002.

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020607

Dossier : 2002-62(IT)I

 

ENTRE :

 

ELIZABETH J. IRWIN-KENYON,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur, C.C.I.

 

[1]     Il s'agit de décider si la somme de 4 846 $ versée par l'ex-mari de l'appelante doit être incluse dans le revenu de cette dernière à l'égard de son année d'imposition 1999. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») invoque à ce sujet l'alinéa 56(1)b) et le paragraphe 56.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), lesquels portent que :

 

56(1)    Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

 

            [...]

 

b)         le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A - (B + C)

 

où :

 

A         représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

 

B          le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C         le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

 

[...]

 

56.1(1) Pour l'application de l'alinéa 56(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d'enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

 

a)         une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

 

b)         une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

 

Les parties conviennent qu'il s'agit de savoir si l'appelante est réputée avoir reçu la pension alimentaire pour enfants en vertu de l'alinéa 56.1(1)b) de la Loi et, plus précisément, si elle avait la garde de ses deux filles au moment considéré.

 

Les faits

 

[2]     L'appelante a été la seule à témoigner dans l'instance. Elle avait épousé Steve J. N. Galianos en 1977. Ils ont eu deux filles, Jessica, née le 9 février 1977, et Christina, née le 23 septembre 1981. Les deux époux ont conclu un contrat familial (accord de séparation) le 15 juin 1993, aux termes duquel l'appelante avait la garde des deux filles et son mari s'engageait à payer 300 $ par mois par enfant, avec un rajustement en fonction du coût de la vie. L'alinéa 7(i) de cet accord porte que :

 

[TRADUCTION]

 

a.         Les paiements seront au montant de trois cents dollars (300 $) chacun et seront effectués le quinzième jour et le trentième jour de chaque mois à partir du 15 juin 1993; le premier paiement sera payable directement à Elizabeth Galianos et, par la suite, à compter du 30 juin 1993, à la Cour du Banc de la Reine, Division de la famille, Immeuble du ministère de la Justice, rue Queen, Fredericton (Nouveau-Brunswick), jusqu'à la survenance de l'un ou de plusieurs des événements suivants :

 

i.          l'enfant cesse de résider avec l'épouse. (L'enfant est réputée résider avec l'épouse même si elle séjourne ailleurs pour passer des vacances raisonnables, pour fréquenter un établissement d'enseignement ou pour occuper un emploi d'été);

 

ii.          l'enfant atteint l'âge de 19 ans et cesse de fréquenter un établissement d'enseignement;

 

iii.         l'enfant obtient son premier grade ou diplôme postsecondaire;

 

iv.         l'enfant se marie;

 

v.         l'enfant meurt;

 

vi.         le mari meurt;

 

[3]     Les faits suivants, énoncés dans l'avis d'appel, sont avérés :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Les pensions alimentaires pour mes deux enfants leur allaient directement, à leurs propres noms. Pour Jessica Galianos, ma fille aînée, c'est ce qui était fait depuis septembre 1997. Je payais de l'impôt sur le revenu pour sa pension jusqu'à ce qu'elle quitte la maison à l'âge de 22 ans pour aller à l'Université de Montréal. Quant à Christina, elle recevait les paiements à compter de septembre 1999, à son nom. Elle avait 18 ans à ce moment-là et vivait à Montréal, où elle fréquentait l'université. Chaque fois, j'ai consulté l'agent chargé de l'exécution des obligations alimentaires, Arnold Crawford, qui m'a dit de lui envoyer par télécopieur une copie de ma demande et que le Service des ordonnances alimentaires de la Cour du Banc de la Reine changerait la destinataire des paiements de pension sans que j'aie à comparaître de nouveau. Vu le paragraphe 60.1(1) de la Loi au sujet des pensions alimentaires aux enfants adultes, j'estime que je ne suis pas responsable des paiements en question, que je n'ai jamais touchés ou utilisés, et dont je n'ai tiré aucun avantage. Je n'avais aucun contrôle sur cet argent, ce sont mes enfants adultes qui en disposent, alors pourquoi devrais-je payer de l'impôt sur le revenu là-dessus? Cet argent était exclusivement destiné à mes deux enfants adultes. Mes filles ont soumis une déclaration écrite pour confirmer mes dires. Mon ex-mari savait très bien que nos filles recevaient les pensions alimentaires, qui leur étaient payables et qui étaient destinées pour leur usage exclusivement, et que je ne touchais ni n'utilisais cet argent.

 

[4]     L'appelante a inclus dans son revenu une fraction proportionnelle de la pension destinée à Christina[1] pendant que celle-ci vivait avec sa mère. En 1999, Jessica avait 22 ans, et Christina a eu 18 ans le 23 septembre 1999. Vers le 1er septembre 1999, Christina a quitté la maison de sa mère pour étudier à l'université Concordia. L'appelante estime qu'elle n'avait plus la garde de Christina à ce moment-là. À titre d'illustration, elle se souvient qu'elle avait appris, peu de temps après le départ de Christina, que Jessica, sa fille aînée, ne fréquentait plus l'université Concordia à Montréal, mais avait déménagé à Toronto pour travailler comme hôtesse de l'air pour Air Canada. Elle en a été profondément bouleversée. N'ayant plus Christina sous sa garde et son contrôle, elle avait espéré que Jessica serait aux côtés de sa sœur cadette pour lui donner des conseils et l'aider à faire face à son anxiété. L'appelante a demandé de l'aide socio-psychologique. On lui a apparemment conseillé d'accepter la réalité et de laisser les choses aller. Christina avait 18 ans, se trouvait à 500 milles de chez elle et vivait de façon indépendante. Christina a rendu visite à sa mère à Noël, passant la moitié du temps des fêtes avec son père. Elle est restée à Montréal pendant l'été 2000, et n'est revenue à la maison que pour Noël.

 

[5]     L'appelante a écrit à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick en 1997 et 1999 pour demander que les pensions alimentaires soient versées directement à Jessica et à Christina, respectivement. On a donné suite à ses demandes et depuis lors, Jessica et Christina ont touché directement leur pension respective.

 

Analyse

 

[6]     Encore une fois, la question est de savoir si l'appelante avait la garde de Jessica et de Christina en 1999. L'intimée a cité deux affaires que j'ai trouvées utiles : Robinson c. Canada[2] et Sadler c. Canada[3].

 

[7]     Dans l'affaire Robinson, le juge Rip était appelé à décider si un enfant était confié à la garde du contribuable au sens du paragraphe 60.1(1) de la Loi[4]. En 1996, un tribunal ontarien avait ordonné à l'appelant de payer une pension mensuelle de 300 $ directement à son fils adulte. En établissant la cotisation du contribuable pour 1997, le ministre a rejeté la déduction des 3 600 $ que celui-ci avait versés à son fils cette même année. L'appelant en a appelé à la Cour canadienne de l'impôt. Le juge Rip a rejeté l'appel, concluant que par application du paragraphe 60.1(1), une somme qui n'a pas été versée à l'ancien conjoint du contribuable mais au profit de l'enfant confié à sa garde est néanmoins réputée avoir été versée à l'ancien conjoint et le contribuable peut déduire la somme en application de l'alinéa 60b) de la Loi. La question très restreinte qui se posait dans l'affaire Robinson était donc de savoir si le fils était sous la garde de sa mère en 1997, année où la somme en question lui était versée. Le juge Rip a examiné l'affaire Sadler, précitée, et des définitions dans divers dictionnaires et en a conclu que la garde implique que l'enfant se soumet à l'autorité parentale et est à charge dans une certaine mesure. Il s'agit là d'une question de fait, et l'enfant adulte est normalement tenu à une norme plus rigoureuse que l'enfant mineur pour prouver qu'il est sous la garde de son père ou de sa mère. Dans l'affaire Robinson, aucune preuve n'a été produite au sujet de la question de savoir si le fils avait continué à se soumettre à l'autorité de sa mère.

 

[8]     Dans l'affaire Sadler, le juge Bell a statué qu'il fallait permettre à l'appelant de déduire les paiements de pension alimentaire qu'il faisait directement à ses enfants adultes et non à son ancienne épouse. Le juge Bell a statué que bien que les enfants fréquentaient l'université, ils étaient sous la garde de leur mère puisqu'ils lui donnaient une partie de la pension reçue, vivaient chez elle et y prenaient leurs repas.

 

[9]     À l'appui de son argument que l'appelante avait la garde de Christina après août 1999, et de Jessica en 1999, l'avocate de l'intimée a cité une ordonnance sur consentement du 10 avril 2001 de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, ainsi que la division 7(i)(a)i de l'accord de séparation, précitée.

 

[10]    L'ordonnance sur consentement porte que Steve Galianos augmenterait à 452 $ la pension pour Christina. L'appelante ne croyait pas avoir intenté les procédures ayant mené à cette ordonnance. La clause 7(i)(a)i de l'accord de séparation porte que Steve Galianos doit continuer à payer la pension même si l'enfant n'habite plus chez l'appelante parce qu'elle fréquente l'école. Ni l'un ni l'autre document n'appuie la conclusion que Christina ou Jessica était sous la garde de l'appelante.

 

[11]    Durant la période en question en 1999, Jessica vivait et travaillait à Toronto, et Christina habitait et allait à l'université à Montréal. Il n'est pas nécessaire de chercher plus loin que le sens ordinaire du terme « garde ». L'appelante n'avait ni la garde ni la surveillance de ses filles. Ni l'une ni l'autre enfant n'était donc sous sa garde et, en conséquence, l'appelante n'est pas réputée, par l'effet du paragraphe 56.1(1), avoir reçu les pensions alimentaires pour enfants.

 

[12]    L'appel est admis et l'appelante a droit à des dépens de 200 $.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juin 2002.

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de mai 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           Savoir 2 608 $ pour huit mois, de janvier à août 1999 inclusivement.

[2]           C.C.I., no 1999‑4496(IT)I, 2 août 2000, 2000 D.T.C. 2333.

[3]           C.C.I., no 96‑4060(IT)I, 24 juillet 1997, [1997] 3 C.T.C. 2698.

[4]           Le paragraphe 60.1(1), la disposition déterminative de l'alinéa 60b), est essentiellement identique au paragraphe 56.1(1).

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