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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-3993(IT)I

 

ENTRE :

 

JEANNIE M. ROBICHAUD,

 

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appel entendu le 12 février 2002, à Miramichi (Nouveau-Brunswick), par

 

l'honorable juge François Angers

 

Comparutions

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimée :                                   Me Dominique Gallant

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour la période allant de février à décembre 1998 est admis et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

 

L'appel concernant les 3 367,42 $ de paiements en trop dont le ministre a établi qu’ils avaient été reçus de janvier 1999 à juin 2000 a été retiré.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2002.

 

 

« François Angers »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020405

Dossier: 2001-3993(IT)I

 

ENTRE :

 

JEANNIE M. ROBICHAUD,

 

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel sous le régime de la procédure informelle a été entendu à Miramichi (Nouveau‑Brunswick) le 12 février 2002. L’appelante interjette appel à l’encontre d'un avis du ministre du Revenu national (le « ministre ») en matière de prestation fiscale pour enfants, en date du 19 janvier 2001, qui indique qu’il y a eu un paiement en trop de 5 720,58 $ pour les années de base 1997, 1998 et 1999. À l’audience, l’appelante a informé la Cour qu’elle limitait son appel à l’année de base 1997 et à la période allant de juillet à décembre 1998 et qu’elle retirait donc son appel pour les autres années. La question est de savoir si, pour la période allant de février à décembre 1998, l’appelante était le particulier admissible à l'égard de la personne à charge admissible, à savoir son fils, Blakely James Robichaud, né le 20 novembre 1989.

 

[2]     Au début de l’audience, l’appelante a admis les faits suivants, qui sont énoncés au paragraphe 7 de la réponse à l’avis d’appel :

 

[TRADUCTION]

a)         l’appelante et Blake Joseph Hogan (l'« ancien conjoint ») se sont séparés en février 1998 ou à peu près (la « séparation »);

 

b)         l’appelante et son ancien conjoint ont présenté à la Cour un accord de séparation indiquant que leur fils, Blakely James Robichaud, né le 20 novembre 1989, habitait avec son père depuis la séparation;

 

[...]

 

e)         avant la séparation, l’appelante recevait la prestation fiscale pour enfants pour Blakely James, la personne à charge admissible;

 

f)          après la séparation, l’appelante a, jusqu’en décembre 2000, continué à recevoir la prestation fiscale pour enfants pour la personne à charge admissible;

 

[...]

 

h)         le ministre a établi que les montants suivants ont été payés en trop à l’appelante au titre de la prestation fiscale pour enfants :

 

année de base 1996 : reçu de février à juin 1998 

 

0,00 $

année de base 1997 : reçu de juillet à décembre 1998 

 

1 062,58 $

année de base 1997 : reçu de janvier à juin 1999 

 

1 062,42 $

année de base 1998 : reçu de juillet 1999 à juin 2000 

 

2 305,00 $

année de base 1999 : reçu de juillet à décembre 2000

 

1 290,58 $

Total du paiement en trop selon la cotisation

5 720,58 $

 

[3]     L’appelante reconnaît les montants indiqués à l’alinéa h), mais elle nie le fait qu’elle devrait rembourser le paiement en trop de 1 062,58 $, pour l’année de base 1997, qu’elle a reçu de juillet à décembre 1998. Elle a également fait remarquer qu’elle reconnaît l’alinéa b) en ce qu’il reflète le contenu de l’accord de séparation, mais elle a ajouté que l’assertion formulée dans l’accord était en fait fausse.

 

[4]     L’appelante a nié les faits suivants :

 

[TRADUCTION]

c)         après la séparation, l’enfant habitait avec son père, soit l’ancien conjoint de l’appelante, et l’appelante avait un droit de visite;

 

d)         après la séparation, le père de l’enfant était la principale personne qui s’occupait de l’enfant [...]

 

[5]     L’appelante et son ancien conjoint n’ont jamais été mariés. Ils ont vécu en union de fait jusqu’à ce que, en février 1998, ils se séparent. Aussi bien avant qu’après la séparation, leur relation a été la cause de nombreux différends. L’appelante a quitté son ancien conjoint parce qu’elle ne voulait plus que son fils les entendent crier et se quereller à ce point. En février 1998, l'appelante est allée habiter chez ses parents avec son fils. Ses parents ont acheté un lit pour l'enfant, et l’appelante et son fils ont habité là jusqu’à ce que, plus tard dans le mois, ils emménagent dans un appartement.

 

[6]     L’appelante a signé un bail (pièce A‑7) le 27 février 1998 relativement à un appartement situé dans Leoland Court. Elle a produit une lettre (pièce A‑1) que Clyde Johnson avait écrite au nom du locateur, Johnson Management Ltd., et qui confirmait qu’un bail avait été signé à la date susmentionnée et avait été renouvelé en mai 1998 (pièce A‑6). Dans la même lettre, M. Johnson disait que l’appartement avait été loué pour l’appelante et son fils et il disait que, bien que n’étant pas certain des dates précises, il se rappelait avoir vu régulièrement l’enfant à l’appartement « pendant environ un an ou plus ».

 

[7]     L’appelante a témoigné que, de la date de la séparation jusqu’à la fin de décembre 1998, l’enfant se rendait chez son père après l’école. Elle allait le chercher là et l’emmenait à l'appartement. Quand l’appelante était au travail, c'était la mère de l’appelante qui s’occupait de l'enfant, chez elle, dans sa maison. Au cours de l’année, l’enfant a été avec sa grand‑mère, avec son père ou avec l’appelante. Lors du contre‑interrogatoire, l’appelante a dit qu’elle estimait que l’enfant avait passé autant de temps avec chacun d’eux. L’appelante insistait pour dire que l’enfant n’avait jamais habité avec son père et que toute la situation décrite était une cause d’instabilité pour l'enfant.

 

[8]     Le fils de l’appelante avait une chambre et un lit aux trois endroits. Sa grand‑mère lui achetait des vêtements et des jouets qu’elle gardait chez elle. En 1998, l’appelante a participé à des réunions parent‑enseignant toute seule, c’est‑à‑dire sans le père. Elle a en outre témoigné que, du 8 février au 4 décembre 1998, elle avait accompagné son fils lors de rendez‑vous de ce dernier chez le médecin. Une lettre du bureau du Dr Carter confirmait ce fait (pièce A‑4), tout comme une lettre du Dr Michael Dickinson, pédiatre, laquelle lettre a également été consignée en preuve (pièce A‑5). Cette dernière lettre confirme que l’appelante est allée au bureau du médecin avec son fils le 19 novembre 1998. Elle résume en outre certains problèmes de santé que l’enfant avait à cette époque et indique en quoi ces problèmes influaient sur le comportement de l’enfant à l’école.

 

[9]     Pour que l’enfant ait une vie plus stable, l’appelante a accepté, en décembre 1998, d’habiter avec le père de l’enfant.

 

[10]    Six mois plus tard, un juge de la cour provinciale du Nouveau‑Brunswick a rendu une injonction restrictive à l’égard de l’ancien conjoint de l’appelante (pièce A‑2) par suite d’un incident survenu le 25 octobre 1998. L’ancien conjoint avait menacé l'appelante. L’injonction, rendue pour une période d’un an commençant en mai 1999, ordonnait à l’ancien conjoint de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, surtout envers l’appelante.

 

[11]    Le 16 novembre 2000, l’appelante et son ancien conjoint ont fini par signer un accord de cessation de cohabitation. Dans cet accord, l’appelante reconnaissait que l'enfant habitait avec son père depuis la séparation. Comme la reconnaissance de ce fait allait à l’encontre de ce qu’elle avait dit au cours de son témoignage, on lui a demandé, lors du contre‑interrogatoire, pourquoi elle avait signé cet accord, sachant qu’il contenait un renseignement inexact. La seule explication qu’elle ait donnée était qu’elle n’était pas au courant de l’assertion en cause parce qu’elle n’avait pas lu cet accord avant de le signer.

 

[12]    L’ancien conjoint de l’appelante, Blake Hogan, a également témoigné. L’appelante ne voulait pas être dans la salle d’audience en même temps que son ancien conjoint et elle a demandé l’autorisation de sortir. Bien qu’on lui ait assuré qu’elle était en sécurité, elle a choisi de ne pas rester dans la salle d’audience.

 

[13]    D’après M. Hogan, depuis qu'il s'est séparé de l’appelante, en février 1998, son fils habite avec lui. L’enfant n’a jamais voulu habiter avec l’appelante. À l’époque, M. Hogan était un employé occasionnel à l’Hôpital régional de Miramichi et travaillait par postes irréguliers. Lorsque M. Hogan était au travail, l’enfant était avec sa grand‑mère maternelle, Mme Myrtle Robichaud, ou il se faisait garder par une personne du nom de Marcel. L’enfant passait du temps avec sa grand‑mère le samedi soir et un dimanche sur deux. M. Hogan a témoigné que, après la séparation, l’appelante s'en est allée vivre sa vie et ne les a appelés que rarement, lui et son fils.

 

[14]    M. Hogan a témoigné que son fils avait sa propre chambre à coucher, un téléviseur, un magnétoscope et des vidéocassettes. Lorsque l’enfant est chez sa grand‑mère, il dort sur un sofa. M. Hogan a ensuite rectifié ce qu’il avait dit et a admis que la grand‑mère de l’enfant avait acheté un lit neuf pour l’enfant. M. Hogan a dit qu’il avait participé aux quatre réunions parent‑enseignant tenues au cours d’une année scolaire et que l’appelante n’y avait pas participé. Le bulletin scolaire de l’enfant pour 1998 (pièce R‑1), que M. Hogan avait signé, a été consigné en preuve. M. Hogan a reconnu que son fils avait un problème médical et il a dit qu’il conduisait son fils chez le médecin. Il a témoigné que l’appelante n’avait jamais emmené leur fils chez le médecin en 1998.

 

[15]    Pour avoir droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants, l’appelante doit prouver qu’elle était le particulier admissible au cours de la période allant de février à décembre 1998.

 

[16]    L’article 122.6 de la Loi définit l'expression « particulier admissible » comme suit :

 

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment:

 

            a)         elle réside avec la personne à charge;

 

b)         elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

 

c)         elle réside au Canada ou, si elle est l'époux ou le conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

 

d)         elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

 

e)         elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit:

 

(i)       résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration,

 

(ii)      visiteur au Canada ou titulaire de permis au Canada (ces expressions s'entendant au sens de la Loi sur l'immigration) ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

 

(iii)     quelqu’un à qui a été reconnu, en vertu de la Loi sur l'immigration ou de ses règlements, le statut de réfugié au sens de la Convention,

 

(iv)     quelqu'un qui fait partie d'une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l'immigration.

 

Pour l’application de la présente définition:

 

f)    si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g)    la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h)         les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

 

[17]    L’article 6302 du Règlement de l’impôt sur le revenu, lequel article figure dans la partie LXIII de ce règlement, énumère une série de critères servant à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible. L’article 6302 se lit comme suit :

 

6302. CRITÈRES — Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de «particulier admissible» à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d'une personne à charge admissible:

 

a)         le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b)         le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c)         l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d)         l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e)         le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

 

f)          le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g)         de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

 

h)         l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[18]    Me fondant sur l’ensemble de la preuve qui a été présentée à l’audience, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante était le particulier admissible qui était en droit de recevoir la prestation fiscale pour enfants durant la période en question. J’ai trouvé la déposition de l’appelante exacte et digne de foi. Malgré les difficultés créées par sa séparation, l’appelante a fait tout ce qu’elle pouvait pour s’occuper de son fils et veiller à son éducation dans l’année 1998. Elle a participé à des réunions parent‑enseignant et a conduit son fils chez le médecin à plusieurs reprises. L’appelante assurait à son fils un milieu sûr dans un appartement où ils habitaient tous les deux durant cette période. Elle s’occupait de son fils après l’école et, quand elle était au travail, sa mère gardait l'enfant et prenait soin de lui. L’appelante a été capable de faire tout cela bien qu’elle ait été maltraitée par son ancien conjoint, comme en témoigne l’incident d’octobre 1998 mentionné précédemment. Elle a étayé une partie de sa déposition par des lettres confirmant sa participation quant aux soins et à l’attention dont son fils avait besoin.

 

[19]    M. Hogan était convaincu que l’appelante n’avait pas conduit leur fils chez le médecin en 1998, mais la preuve indique clairement que l’appelante a fait cela au moins sept fois. La signature de M. Hogan sur les bulletins scolaires pour 1998 n’est pas suffisante pour me convaincre que l’appelante n’intervenait pas dans les questions touchant l’éducation et le comportement de son fils. La visite chez le Dr Dickinson en novembre 1998 est une indication de la participation active de l’appelante à l’éducation de son fils, car cette visite avait trait à des problèmes de comportement que l’enfant avait à l’école. Je conclus que le témoignage de M. Hogan était exagéré et peu fiable.

 

[20]    L’accord en matière de cohabitation mentionné précédemment faisait également référence à la prestation fiscale pour enfants. Au paragraphe 6(2) de l’accord, les parties reconnaissaient que le père serait en droit de recevoir le « crédit d’impôt pour enfants » et l’« allocation familiale » et que la mère allait « céder l'allocation familiale pour la période commençant le 1er janvier 2001 ». Puisque l’appelante a limité son appel à la période de 1998, elle reconnaît qu’elle n’était pas le particulier admissible après 1998. Les parties à l’accord avaient convenu que l’ancien conjoint recevrait le « crédit d’impôt pour enfants » à partir de la période commençant le 1er janvier 2001, mais notre cour n’a pas compétence pour modifier l’accord de cessation de cohabitation et encore moins pour accorder des mesures de redressement à l’appelante en vertu de cet accord.

 


[21]    L’appel pour la période allant de février à décembre 1998 est admis. L’appel concernant les 3 367,42 $ de paiements en trop dont le ministre a établi qu’ils avaient été reçus de janvier 1999 à juin 2000 a été retiré. Les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis ce qui est énoncé dans les présents motifs du jugement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2002.

 

 

« François Angers »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

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