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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

2001-2409(GST)I

ENTRE :

KWOK KEN LOUIE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 24 janvier 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge C. H. McArthur

 

Comparutions

 

Représentante de l'appelant :               Mirada Tam

 

Avocate de l’intimée :                         Me Jasmine Sidhu

 

 


JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 29 mars 2000 et porte le numéro 11BU0600893, pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'avril 2002.

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20020408

Dossier: 2001-2409(GST)I

 

ENTRE :

KWOK KEN LOUIE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge McArthur, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel est interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») concernant un montant qui n’a pas été payé au titre de la taxe sur les produits et services (« TPS »), des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») qui ont été refusés et des intérêts et pénalités qui ont été fixés. L’appel se rapporte à la période de déclaration allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997.

 

[2]     L’appelant était un travailleur de la construction indépendant qui exploitait seul sa propre entreprise. Bien qu’étant un homme à tout faire très habile, ses compétences en tenue de livres étaient très limitées et ses registres comptables étaient en désordre. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a fixé de la TPS sur des sommes d’argent et des chèques de nature indéterminée qui avaient été déposés dans les comptes bancaires de l’appelant, à savoir des montants de 24 248 $ en 1996 et de 63 544 $ en 1997, et le ministre n’a pas admis des CTI à l’égard de certaines dépenses.

 

[3]     L’appelant n’est devenu un inscrit en vertu de la partie IX de la Loi qu’en novembre 1998, lorsqu’un fonctionnaire du ministre l’a inscrit après l’achèvement d’une vérification. Le numéro d’inscription aux fins de la TPS qui a été attribué à l’appelant est entré en vigueur le 1er janvier 1996. L’appelant n’était pas un « petit fournisseur » au sens de la Loi et était donc tenu de percevoir de la TPS sur ses fournitures taxables, mais il ne l’a pas fait.

 

[4]     Après la vérification, le ministre a déterminé ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

m)        relativement à ses activités commerciales pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 (la « période visée par la cotisation »), l’appelant n’a pas déclaré des fournitures taxables totales de 188 323,13 $, comme l’indique en détail l’annexe « A » ci‑jointe;

 

n)         pour la période visée par la cotisation, l’appelant a omis de déclarer de la TPS à percevoir représentant un montant de 13 182,62 $, comme l’indique en détail l’annexe « A » ci‑jointe;

 

o)         pour la période visée par la cotisation, l’appelant a indiqué dans ses déclarations de revenu T1 des dépenses d’entreprise de 58 606,42 $, comme l’indique en détail l’annexe « B » ci‑jointe;

 

p)         des dépenses d’entreprise de 22 551,13 $, indiquées en détail à l’annexe « B » ci‑jointe, n'ont pas été admises, pour les raisons suivantes :

 

           i)           il s’agissait non pas de dépenses engagées en vue de tirer un revenu d’une entreprise, mais de frais personnels ou de subsistance au sens de l’alinéa 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu;

           ii)          les acquéreurs des fournitures étaient des personnes autres que l’appelant;

           iii)          l’appelant était incapable d’étayer le fait que les achats avaient eu lieu;

q)         pour la période visée par la cotisation, l’appelant s’est vu accorder des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») de 2 358,75 $, comme l’indique en détail l’annexe « B » ci‑jointe;

r)          l’appelant n’a pas fourni de documentation adéquate pour prouver que le montant perçu ou à percevoir au titre de la TPS était inférieur à ce que le ministre avait calculé pour la période visée par la cotisation;

s)         l’appelant n’a pas fourni de documentation adéquate pour prouver qu’il y avait des CTI admissibles outre ceux qui ont été admis par le ministre pour la période visée par la cotisation;

t)          des CTI ont été refusés pour le motif que l’appelant n’était pas l’acquéreur de certaines fournitures et que certaines fournitures se rapportaient à la construction de sa résidence personnelle au 7122, rue Clarendon, Vancouver (Colombie‑Britannique);

u)         l’appelant n’a pas exercé une diligence raisonnable de manière à faire en sorte que le montant exact de la taxe nette soit déclaré et versé au receveur général.

 

[5]     Le ministre a établi une cotisation indiquant 10 823 $ de taxe nette non déclarée, 1 308 $ d’intérêt et 1 766 $ de pénalité. L’appelant était représenté au procès par Mme Mirada Tam, comptable générale licenciée, du cabinet Yu‑Te Chang and Company. La représentante de l’appelant disait ce qui suit dans une lettre en date du 25 juin 2001 qui a été annexée à l’avis d’appel :

 

[TRADUCTION]

 

L’appelant soutient que, dans le calcul du montant de la TPS à percevoir pour la période de déclaration allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, les dépôts non déclarés s’élevant à 24 248,68 $ pour 1996 et à 63 544,45 $ pour 1997 ne devraient pas être pris en compte. Les raisons en sont les suivantes :

 

1)         les dépôts non déclarés pour 1996 et 1997 ne représentaient pas des revenus d’entreprise aux fins de l’impôt sur le revenu;

 

2)         une partie des dépôts non déclarés représentait des paiements et des remboursements de prêts personnels;

 

3)         une partie des dépôts non déclarés représentait un remboursement effectué par une société d’architecture, Polyland Investment & Consultants Inc., au titre de paiements faits à des sous‑traitants par l’appelant.

 

Le montant contesté par l’appelant est de 10 823,87 $ (taxe nette fixée dans la cotisation).

 

L’appelant soutient en outre qu’il devrait être renoncé à la totalité du montant actuel de l’intérêt sur arriéré et / ou des pénalités pour la période de déclaration de TPS allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997.

 

[6]     L’appelant soutenait que les dépôts précédemment inexpliqués représentaient des prêts personnels et des remboursements de prêts. Mme Tam a, au nom de l’appelant, admis que l’appelant [TRADUCTION] « n’a aucune idée de la façon appropriée de faire la tenue de livres; il n’est donc pas une personne très organisée [...] il reconnaît que c’est en fait une très bonne leçon pour lui, de sorte que nous souhaitons que ce cas soit traité avec indulgence ».

 

Analyse

 

[7]     Les propos suivants tenus par le juge Bowman dans l’affaire 620247 Ontario Ltd. c. La Reine[1] s’appliquent à la présente espèce :

 

[...] Dans une affaire où une cotisation de TPS est contestée, le fardeau de la preuve est le même que dans un appel relatif à l'impôt sur le revenu. Lorsque la question en litige est une question de fait, comme en l'espèce, c'est à la partie appelante qu'incombe la charge d'établir selon la prépondérance des probabilités que la cotisation est erronée. Aucune question de droit n'est soulevée en l'espèce, et il ne convient évidemment pas de parler de fardeau de la preuve lorsque la question en litige est une question de droit. Lorsque des pénalités sont imposées en vertu de l'article 280 en raison d'un paiement de taxe insuffisant, l'intimé s'acquitte de la charge qui lui incombe en établissant l'existence de ce paiement insuffisant et le montant en cause. Ces pénalités, qui correspondent à une responsabilité stricte plutôt qu'absolue, peuvent faire l'objet d'une défense de diligence raisonnable : Pillar Oilfield Projects Ltd  v. The Queen [1993] G.S.T.C. 49. C'est à la partie appelante qu'incombe la charge d'établir qu'il y a eu diligence raisonnable.

[...]

 

La cotisation se fonde sur l'hypothèse que les dépôts bancaires constituent probablement la meilleure indication des ventes qu'on puisse obtenir, car cette appelante ne tenait pas de livres et n'avait pour seul registre des ventes que les reçus de caisse, qui étaient incomplets et essentiellement dans un état insatisfaisant. Il est peut-être juste de présumer que certains des dépôts bancaires provenaient de sources autres que des ventes, mais la preuve n'en établit tout simplement pas le montant. Dans un cas de ce genre, dans lequel le ministère du Revenu national doit tenter de faire une reconstitution détaillée de l'entreprise du contribuable, il incombe au contribuable de contester l'exactitude des conclusions du ministère avec un degré de précision raisonnable, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. On ne peut simplement affirmer que les ventes n'auraient pu être aussi élevées ou qu'une partie indéterminée des dépôts bancaires provenait d'autres sources. [...]

 

[8]     Le ministre a mené une vérification concernant les affaires commerciales de l’appelant, et la cotisation est basée sur des dépôts bancaires inexpliqués qui ont été considérés comme représentant le produit de ventes. Il s’agit du meilleur élément de preuve que pouvait utiliser le ministre, car l’appelant tenait des registres insatisfaisants. L’appelant soutenait que ces dépôts bancaires provenaient de sources autres que des ventes. Il peut en être ainsi, mais la preuve ne l’établit pas. Si le contribuable désire contester l’exactitude des cotisations du ministre, il doit présenter des éléments de preuve plus précis que ceux qui ont été présentés en l’espèce. Il n’est pas suffisant de dire que certains des dépôts bancaires représentaient des sommes provenant de la société Polyland Investments & Consultants Inc. et que certains dépôts représentaient des sommes payées par des proches parents en remboursement de prêts. L’appelant a fourni plusieurs déclarations signées attestant que des sommes lui étaient dues au titre de prêts. Deux de ces documents étaient contradictoires. Il n’y a eu aucun témoin corroborant. L’appelant lui‑même a été la seule personne à témoigner.

 

[9]     Un vérificateur de l’Agence des douanes et du revenu du Canada a témoigné pour l’intimée. En examinant les comptes d’impôt sur le revenu de l’appelant, il avait constaté que l’appelant n’était pas inscrit aux fins de la TPS, mais aurait dû l’être. Le vérificateur avait examiné les dépôts bancaires et en avait supprimé les dépôts à terme, les prestations fiscales pour enfants et les intérêts. L’appelant lui avait apparemment donné plusieurs explications contradictoires concernant les dépôts non identifiés. Il n’y avait aucune preuve à l’appui. À l’audition du présent appel, la représentante de l’appelant a produit plusieurs billets qui avaient été faits par des proches parents et qui n’étaient guère utiles. La société Polyland Investments n’a été mentionnée par l’appelant que peu avant l’audience, et je n’accepte pas cette explication.

 

[10]    L’article 240 de la Loi exige une inscription aux fins de la TPS.

 

[11]    À l’étape de la vérification, l’appelant avait dit qu’il y avait deux prêts de 20 000 $ qui expliquaient les écarts relatifs aux dépôts. De plus, après avoir obtenu les services d’un deuxième comptable, il avait dit qu’il y avait une somme supplémentaire de 50 000 $ qu’il avait reçue de son père. Puis, juste avant le procès, il avait dit qu’il avait reçu de l’argent de Polyland. Il n’y avait aucune preuve corroborante, et la preuve présentée par l’appelant n’était pas cohérente. L’appelant ne s’est pas acquitté de la charge qui lui incombait d’expliquer les dépôts en cause d’une manière convaincante.

 

Pénalités

 

[12]    L’article 280 de la Loi prévoit des intérêts et des pénalités dans les cas où un contribuable omet de verser une somme à temps. Le vérificateur a conclu que l’appelant n’avait jamais produit de déclaration de TPS. Comme il a été statué dans l’affaire Pillar Oilfield, précitée, les pénalités imposées en vertu de l’article 280 peuvent faire l’objet du moyen de défense de la diligence raisonnable. L’appelant n’a pas établi un tel moyen de défense. Il ne s’était pas inscrit comme l’exigeait l’article 240, et sa tenue de livres était pratiquement inexistante. Il n’avait pas fait une tentative sincère et démontrable que l’on pourrait s’attendre qu’une personne raisonnable fasse dans des circonstances semblables pour se conformer à la loi. Je reconnais que la comptabilité en matière de TPS est complexe, et l’appelant n’a guère fait d’études et ne sait probablement pas lire ou écrire en anglais. Il a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète.

 

[13]    Se conformer aux dispositions légales en matière de TPS est quelque peu difficile et n’est pas à la portée de nombreux Canadiens, sans parler de l’appelant, mais, en l’espèce, l’appelant n’avait fait absolument aucun effort. Il n’avait pas demandé de conseils. Assurément, pour qu’il soit satisfait à l’exigence de diligence raisonnable, il aurait au moins fallu que l’appelant s’entretienne avec un comptable de la communauté chinoise de Vancouver. Il ne l’a fait qu’une fois une vérification commencée à son sujet. En fait, il n’avait pris aucune mesure. Il n’avait tenu aucun registre, ou avait tenu des registres qui étaient insatisfaisants, et il n’avait pas cherché à obtenir des conseils ou à s’inscrire. Il semble que son entreprise de construction était prospère, et il devait avoir été mis au courant de l’existence d'exigences en matière de TPS et d’impôt sur le revenu. On ne peut simplement faire fi de dispositions légales parce qu’elles sont déroutantes.

 

[14]    L'appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'avril 2002.

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           C.C.I., no 94‑2401(GST)I, 18 avril 1995, [1995] G.S.T.C. 22.

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