Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-2929(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT PITZEL,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appels entendus le 15 janvier 2002, à Moncton (Nouveau-Brunswick), par

 

l’honorable juge François Angers

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :                          James E. Sellars

 

Avocate de l’intimée :                                   Me Christa MacKennon

 

JUGEMENT

 

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1997 et 1998 sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 2002.

 

 

« François Angers »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020306

Dossier: 2001-2929(IT)I

 

ENTRE :

 

ROBERT PITZEL,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers, C.C.I.

 

[1]     La présente cause a été entendue à Moncton (Nouveau‑Brunswick), le 15 janvier 2002. L’appelant interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, à l’encontre de cotisations en date du 20 mars 2000 qui ont été établies à son égard pour 1997 et 1998 et par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de frais relatifs à un emploi pour chacune de ces années‑là.

 

[2]     L’appelant habite à Moncton (Nouveau‑Brunswick) et est un employé de Midland Transport Ltd. (« Midland ») depuis mai 1990. Il est directeur de la tarification à Midland, et sa rémunération consiste en un salaire et en une prime. La prime dépend de la capacité de Midland de réaliser le « plan de résultat net ». Midland a certains objectifs et, s’ils sont atteints, cela donne lieu à une prime pour l’appelant. La prime est donc calculée selon le rendement de Midland et non selon le rendement de l’appelant.

 

[3]     Comme directeur de la tarification, l’appelant est chargé de négocier la vente de services de transport de Midland à des clients potentiels et de négocier des contrats avec des fournisseurs, c’est‑à‑dire avec les transporteurs dont Midland a besoin pour fournir les services qu’elle offre. Les contrats ont une double incidence sur la réalisation du « plan de résultat net » de Midland. Si Midland peut obtenir des fournisseurs au meilleur coût possible, elle peut alors vendre ses services à ses propres clients à un meilleur prix, d’où une augmentation des ventes et un accroissement des recettes. Si l’appelant est incapable d’obtenir des contrats favorables, cela a une incidence sur le résultat net de Midland et sur les primes. Pour ce qui est des contrats, la contribution personnelle de l’appelant à cet égard représente 25 p. 100 à 30 p. 100 du montant total en cause.

 

[4]     En plus de son salaire — et de la prime applicable —, l’appelant a reçu de Midland une allocation fixe de 5 880 $ comme compensation pour frais de véhicule à moteur pour chacune des années d’imposition en question. Cette allocation a à juste titre été incluse dans le revenu de l’appelant, de sorte que l’appelant pouvait déduire des frais de véhicule à moteur de son revenu d’emploi pour les deux années d’imposition.

 

[5]     Au cours de ces deux années d’imposition, l’appelant a présenté à Midland des reçus relatifs aux frais qu’il avait engagés pendant qu’il était en déplacement pour affaires pour cette société. Dans l’année d’imposition 1997, il a présenté des reçus totalisant 9 017,34 $ et se rapportant à des frais de repas, des frais de représentation, des frais de stationnement, des frais de location de voiture, des frais de téléphone cellulaire, des frais d’hébergement, des frais de papeterie, etc. Pour ce qui est de l’année d’imposition 1998, il a présenté des reçus totalisant 5 045,40 $. Ces frais ont été intégralement remboursés par Midland. Le montant n’en a pas été inclus dans le revenu de l’appelant, car cela représentait une indemnité raisonnable concernant ces frais.

 

[6]     Outre ces frais, l’appelant a engagé des dépenses dont il n’a pas demandé le remboursement à Midland. Il s’agit des dépenses qui font l’objet du présent appel. Pour 1997, ces autres dépenses s’élevaient à 4 487 $ et, pour 1998, elles s’élevaient à 4 136 $. Ces dépenses se répartissent comme suit :

 

Dépenses déclarées

 

1997

 

1998

Frais comptables / juridiques

                172,50 $

                250,00 $

Frais de représentation

             2 705,00

             3 009,87

Hébergement

                356,35

                256,86

Stationnement

                  77,60

                    0,00

Fournitures

             1 034,06

                367,23

Autres (téléphone)

                170,88

                287,02

Autres (taxi)

                    0,00

                  45,50

Total selon la déclaration

(en chiffres arrondis)

             4 517,00 $

             4 217,00 $

Autres frais de véhicule à moteur admis

 

            (81,14 $)

Erreur d’inversion

            (30,00 $)

 

Total selon la nouvelle cotisation (en chiffres arrondis)

             4 487,00 $

             4 136,00 $

 

[7]     Des ajustements mineurs ont été faits ultérieurement, et les deux parties reconnaissent que le total est de 4 487 $ pour 1997 et de 4 136 $ pour 1998.

 

[8]     L’appelant a expliqué qu’il n’avait pas demandé le remboursement de ces dépenses à Midland en raison des lignes directrices morales de Midland imposées par la société mère de cette dernière, J. D. Irving Ltd. Par exemple, l’alcool n’est pas considéré comme nécessaire pour faire des affaires, et de tels frais sont rarement considérés comme des dépenses remboursables. D’après l’appelant, si l’on ne veut pas mettre son emploi en péril, on doit suivre les lignes directrices. L’appelant a raconté qu’un employé avait été congédié pour ne pas l’avoir fait. L’appelant se conforme donc aux lignes directrices et présente ses comptes de frais en conséquence.

 

[9]     En vertu des lignes directrices de gestion qui ont été consignées en preuve (pièce R‑7), les frais de boissons alcoolisées ne sont pas remboursables. Les lignes directrices prévoient bel et bien des exceptions à cet égard dans le cas d’employés tenus de distraire des clients, mais les dépenses doivent être approuvées par le directeur de la division.

 

[10]    En général, les lignes directrices prévoient le remboursement de frais raisonnables de transport, d’hébergement et de repas engagés lors de voyages d’affaires faits pour la société.

 

[11]    L’appelant admet que ses frais de déplacement ont été maintes fois vérifiés par son employeur et qu’il évite de présenter des notes de frais de boissons alcoolisées parce que cela attire l’attention. Il admet également que des frais excessifs sont mal vus par son employeur. Sans passer en revue toutes les dépenses engagées par l’appelant mais n’ayant pas fait l’objet de notes de frais présentées à Midland, il est à noter que bon nombre de ces dépenses ont été engagées dans la région de Moncton, où habite l’appelant. C’est également dans la région de Moncton que Midland est basée. D’autres dépenses semblables — pour l’hébergement — ont été expliquées par l’appelant comme se rapportant, par exemple, au fait de rester une journée de plus pour jouer au golf avec un client. Les affaires qu’il devait faire avec le client étaient terminées, mais il avait estimé qu’il devait rester pour favoriser ses relations avec ce client. D’autres dépenses engagées mais n’ayant pas fait l’objet de notes de frais ont été décrites comme étant des frais d’affiliation professionnelle non requis par le poste de l’appelant, ainsi que des frais accessoires jugés nécessaires par l’appelant mais non requis par Midland.

 

[12]    Patricia Harknett est vice‑présidente des ressources humaines à Midland. Elle a témoigné que la rémunération de l’appelant consiste en un salaire de base, en une allocation pour l'usage d'une automobile et en une prime qui est basée sur le rendement de Midland et non pas simplement sur le rendement de l’appelant. Le résultat net est influencé par d’autres employés. Mme Harknett a confirmé que l’appelant est en outre remboursé de tous les frais de déplacement conformément aux lignes directrices de Midland. Les notes de frais sont présentées à un cadre supérieur, puis envoyées au service de la comptabilité. Mme Harknett avait rempli et signé les formulaires T2200 accompagnant les déclarations de revenu de l’appelant pour 1997 et 1998. D’après les renseignements indiqués dans ces formulaires, la rémunération de l’appelant ne consistait pas en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés. Les formulaires font en outre état du montant reçu au titre de l'allocation pour usage d'une automobile et ils indiquent que des frais de déplacement ont été remboursés.

 

[13]    La question est de savoir si, pour 1997 et 1998, l’appelant est en droit de déduire comme frais relatifs à un emploi 4 487 $ et 4 136 $ de dépenses n’ayant pas fait l’objet de notes de frais présentées à Midland ou n’ayant pas été remboursées par cette dernière. Le paragraphe 8(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») indique clairement que seuls les montants expressément prévus à l’article 8 peuvent être déduits dans le calcul du revenu tiré d’une charge ou d’un emploi.

 

[14]    L’appelant soutient donc que les frais en question sont des frais de représentation légitimes et qu’ils devraient être considérés comme des frais professionnels en vertu de l’alinéa 8(1)f) de la Loi.

 

[15]    L’intimée soutient qu’il n’est pas satisfait à l’ensemble des conditions de l’alinéa 8(1)f) de la Loi et que, même s’il y était satisfait, les dépenses qui ont été déduites n’avaient pas été engagées pour gagner un revenu. D’après l’intimée, la preuve indique que l’appelant a été intégralement remboursé par son employeur, et les frais comptables et les frais relatifs aux journées supplémentaires passées sur le terrain de golf ne sont pas des frais professionnels.

 

[16]    L’alinéa 8(1)f) se lit comme suit :

 

ARTICLE 8 : Éléments déductibles.

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

                                  [...]

 

                                                8(1)f)

f)    Dépenses de vendeurs — lorsque le contribuable a été, au cours de l’année, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et lorsque, à la fois :

 

(i)   il était tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses,

(ii)   il était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur,

(iii)  sa rémunération consistait en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés,

(iv)  il ne recevait pas, relativement à l’année d’imposition, une allocation pour frais de déplacement qui, en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(v), n’était pas incluse dans le calcul de son revenu,

 

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année pour gagner le revenu provenant de son emploi (jusqu’à concurrence des commissions ou autres rétributions semblables fixées de la manière prévue au sous-alinéa (iii) et reçues par lui au cours de l’année) dans la mesure où ces sommes n’étaient pas :

 

                              [...]

 

[17]    Un employé cherchant à déduire des dépenses en vertu de l’alinéa 8(1)f) doit satisfaire à chacune des conditions qui y sont énoncées.

 

[18]    Sur la foi de la preuve, notre cour est convaincue que l’appelant a été employé par Midland pour remplir des fonctions liées à la négociation de contrats. En vertu des modalités de son emploi, il était tenu d’acquitter ses propres dépenses (l’allocation pour l'usage d'une automobile représentant une exception à cet égard). La preuve révélait également que l’appelant avait été remboursé de toutes ces dépenses conformément à certaines lignes directrices qu’il avait acceptées.

 

[19]    Pour que les autres frais qui ont été indiqués soient déductibles, il faudrait que l’appelant ait été tenu, en vertu de son contrat de travail, d’acquitter ces frais. La preuve ne révélait pas que tel était le cas. Au contraire, la preuve indiquait qu’il était remboursé de ses dépenses. Les autres frais qu’il a engagés n’étaient pas exigés par son employeur et n’étaient pas nécessaires, et il n’en a pas demandé le remboursement tout simplement par peur de représailles. Ces frais n’entrent donc pas dans le cadre de l’alinéa 8(1)f).

 

[20]    En vertu du sous‑alinéa (ii) de l’alinéa 8(1)f), le contribuable doit être tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur. La preuve révélait que l’appelant faisait des affaires au Québec, en Ontario et en Nouvelle‑Écosse, mais un examen des frais déclarés, et notamment des frais de représentation, indique que ces dépenses, sauf quelques‑unes, ont été engagées dans la région de Moncton.

 

[21]    En vertu du sous‑alinéa (iii), la rémunération du contribuable doit consister en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés. On n’a présenté à notre cour aucun élément de preuve montrant que des commissions étaient versées sur la base de contrats négociés par l’appelant. En fait, la preuve révélait que la rémunération de l’appelant consistait en un salaire de base et en une prime qui dépendait de la capacité de Midland de parvenir à un certain résultat net grâce à ses employés. La prime n’avait donc rien à voir avec le volume des contrats négociés par l’appelant.

 

[22]    Vu les conclusions énoncées ci‑devant, il n’est pas nécessaire d’examiner la condition restante. La présente situation de fait ne permet pas à l’appelant de déduire les dépenses en question, que ce soit en vertu de l’alinéa 8(1)f) ou en vertu de l’alinéa 8(1)h) de la Loi.

 

[23]    Par conséquent, les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mars 2002.

 

 

« François Angers »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.