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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-1146(IT)G

ENTRE :

 

DAVID A. LLOYD,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

Appels entendus les 5 et 6 février 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique),

 

par l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

 

 

Comparutions

Avocat de l'appelant :                Me Peter Kravchuke

Avocate de l'intimée :                Me Margaret Clare

 


JUGEMENT

 

          La Cour ordonne que les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 soient admis avec dépens et que les cotisations soient déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mars 2002.

 

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date : 20020311

Dossier : 2000-1146(IT)G

 

 

ENTRE :

 

DAVID A. LLOYD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

 

[1]     Les appels en l'instance sont à l'encontre de cotisations établies pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993.

 

[2]     Il y a six questions à trancher :

 

1.       Une maison qui appartient à l'appelant et qui est utilisée comme bien de location devrait-elle être classée comme un bien de catégorie 3 ou de catégorie 6 aux fins de la déduction pour amortissement?

 

2.       L'appelant a-t-il transféré à Lloyd Investments Ltd. (« Lloyd Investments ») des actions qu'il détenait dans R.E.A.D. Enterprises Ltd. (« READ »)?

 

3.       L'appelant a-t-il fait, dans la déclaration de revenus qu'il a déposée pour l'année 1989, une présentation erronée des faits donnant au ministre le droit d'établir une nouvelle cotisation après le délai normal de trois ans?

 

4.       L'appelant a-t-il reçu des revenus en intérêts au cours des années allant de 1989 à 1993?

 

5.       Le ministre a-t-il imposé à juste titre des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu au titre des intérêts qui n'auraient pas été déclarés?

 

6.       Y a-t-il lieu d'imposer des pénalités relativement à l'omission de l'appelant de déclarer à titre de revenus (avantages conférés à un actionnaire) certaines dépenses dont la déduction a été refusée à son entreprise?

 

Question 1 – Le bien-fonds de la rue Kitchener

 

[3]     L'appelant possédait un bien-fonds situé au 2030, avenue Kitchener. Pendant un certain temps, cette maison a été sa résidence principale; cependant, au cours des années en question, elle avait été convertie en bien de location.

 

[4]     Il s'agit d'un édifice construit en pans de bois. L'appelant a réclamé à l'égard de cette maison une déduction pour amortissement en vertu de la catégorie 6 de l'Annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu (10 p. 100) au motif qu'il s'agissait d'un édifice construit en pans de bois qui n'avait :

 

aucune semelle ni autre genre d'appui en fondation sous le niveau du sol.

 

[5]     Le ministre a décidé que la maison appartenait à la catégorie 3 (5 p. 100), parce qu'elle avait des semelles ou un autre appui en fondation sous le niveau du sol.

 

[6]     Je n'aurais pas cru qu'il était nécessaire de s'adresser aux tribunaux pour savoir si une maison avait des semelles ou non. Soit elle en a, soit elle n'en a pas. L'appelant, qui est ingénieur de structures, a dit que la maison n'avait pas de semelles ou un autre appui en fondation sous le niveau du sol et il devrait être au courant. Il a vécu là et a été propriétaire de la maison pendant de nombreuses années.

 

[7]     L'accumulation d'un peu de terre ou de débris le long d'un mur ne fait pas de la partie ainsi couverte une semelle. Cette question est brièvement commentée dans la décision que le juge Bell a rendue dans l'affaire R.E.A.D. Enterprises Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 97‑221(IT)G, 25 mars 1999, 99 D.T.C. 821.

 

[8]     L'avocate de l'intimée a également soutenu que la maison appartenait à la catégorie 6, parce que, selon la version française, le mot « bâtiment » est utilisé dans la description des biens de la catégorie 3, tandis que le mot « édifice » est employé pour les biens de la catégorie 6 et que, dans le dictionnaire Le Petit Robert, le mot « édifice » est défini comme un « bâtiment important ». D'après la photographie de la maison située sur l'avenue Kitchener, qui n'est pas très impressionnante, j'ai tendance à être d'accord qu'il serait difficile de considérer le bien-fonds comme un bâtiment important. Néanmoins, je ne crois pas que la catégorie 6 vise à couvrir uniquement les bâtiments importants. En fait, les bâtiments construits en pans de bois sans semelle sont rarement très importants et perdent plus rapidement de la valeur, d'où le taux de 10 p. 100.

 

[9]     À mon avis, l'immeuble appartient à la catégorie 6 et non à la catégorie 3.

 

Question 2

 

[10]    En 1991, l'appelant a entendu dire que l'exemption pour gains en capital découlant de la vente d'actions de petites entreprises était sur le point d'être éliminée. Il détenait 100 actions dans READ, soit 50 p. 100 de l'ensemble des actions, et a décidé de les vendre à Lloyd Investments. Par ailleurs, il détenait 5 p. 100 des actions de Lloyd Investments, tandis que ses quatre fils détenaient le reste, soit 95 p. 100.

 

[11]    Au moyen d'un document du 15 décembre 1992, il a prétendu vendre trois actions de READ à Lloyd Investments. Voici le texte de l'ensemble du document :

 

[TRADUCTION]

 

CONTRAT

 

Contrat intervenu le 15 décembre 1992

 

Entre :

 

                        D.A. Lloyd                                           Vendeur

 

Et :

 

                        Lloyd Investments Ltd.             Acquéreuse

                        251, rue Schoolhouse

                        Coquitlam (C.-B.) V3K 4Y1

 

            D.A. Lloyd, à titre de vendeur, et Lloyd Investments Ltd., à titre d'acquéreuse, conviennent respectivement de vendre et d'acheter trois actions de R.E.A.D. Enterprises Ltd. pour la somme de 429 503 $.

 

            Ce montant ne sera pas payé par Lloyd Investments Ltd., mais sera porté au crédit du compte de prêts aux actionnaires de D.A. Lloyd. Le prêt ne portera pas d'intérêts.

 

 

                                                                  [signé]

                                                               D.A. Lloyd

 

                                                                  [signé]

                                                            Lloyd Investments Ltd.

 

[12]    À un certain moment, une personne (probablement M. Lloyd) a tiré une ligne diagonale sur le contrat et écrit les mots suivants :

 

[TRADUCTION]

 

Accord non conclu (100 actions et non 3).

 

[13]    Dans la déclaration qu'il a déposée pour l'année 1992, M. Lloyd a indiqué un gain en capital de 429 500 $ et réclamé une déduction pour gains en capital du même montant.

 

[14]    Après avoir déposé sa déclaration, il a eu une conversation avec un avocat fiscaliste et a appris qu'une disposition d'actions d'une société qui réside au Canada en faveur d'une autre société avec laquelle elle est rattachée immédiatement après la disposition donne lieu à un dividende réputé et non à un gain en capital. Cet avis était exact et décrit avec précision les conséquences de l'article 84.1 et du paragraphe 184(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il n'est pas nécessaire que je reproduise ces dispositions. On ne conteste pas que, si la disposition des actions de READ en faveur de Lloyd Investments a été conclue, le ministre a eu raison d'établir une cotisation relativement à un dividende réputé. L'appelant soutient que la transaction n'a pas été conclue. De toute évidence, les mots « disposer » et « disposition » désignent une transaction complète. L'expression « disposition de biens » utilisée à l'article 54 comprend :

 

toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de disposition de biens.

 

[15]    En 1995, l'appelant a déposé une déclaration modifiée pour l'année 1992 dans laquelle il a précisé que la vente n'a pas été [TRADUCTION] « conclue en bonne et due forme ».

 

[16]    À mon avis, les arguments de l'appelant doivent être retenus sur ce point, pour les raisons qui suivent :

 

a)       L'appelant n'était ni un administrateur ni un dirigeant de Lloyd Investments et on ne prétend pas qu'il était administrateur ou dirigeant de fait. Il n'était ni administrateur ni dirigeant, parce qu'il s'était fait déconseiller de détenir un poste de cette nature, étant donné qu'il possédait un casier judiciaire. Il n'avait donc pas le pouvoir de lier Lloyd Investments. La seule administratrice, la présidente et la secrétaire était Leslie A. Hill.

 

b)      L'opération n'a pas été finalisée. La contrepartie de 429 503 $ n'a pas été payée et aucun montant n'a été porté au crédit du compte de prêts aux actionnaires de l'appelant.

 

c)       Le contrat lui-même était vicié, puisqu'il faisait mention de trois actions seulement.

 

d)      Les actions de READ n'ont jamais figuré comme élément d'actif au bilan de Lloyd Investments et aucun montant de 429 503 $ n'y a été inscrit à titre d'élément de passif.

 

e)       L'acte de transfert et le certificat d'actions n'ont jamais été remis à Lloyd Investments.

 

f)       Voici le texte de l'article 5.1 des statuts de READ :

 

[TRADUCTION]

 

5.1       Sous réserve des dispositions de l'acte constitutif et des présents statuts qui peuvent s'appliquer, tout membre peut transférer ses actions au moyen d'un écrit signé par lui ou pour son compte et remis à la société ou à son agent des transferts. Le transfert d'actions de la société est effectué au moyen du formulaire figurant au verso des certificats d'actions de la société, le cas échéant, ou du document que les administrateurs approuvent de temps à autre. Sauf disposition contraire de la loi intitulée Companies Act (Loi sur les sociétés), le cédant est réputé demeurer le titulaire des actions jusqu'à ce que le nom du cessionnaire soit inscrit au registre des membres de la société ou au registre d'une filiale à cet égard.

 

          Le nom de Lloyd Investments n'a pas été inscrit au registre de READ.

 

g)       Voici le texte de l'article 25.3 des statuts de READ :

 

[TRADUCTION]

 

25.3     Aucune action ne peut être transférée sans le consentement préalable des administrateurs, exprimé par une résolution du conseil d'administration, et les administrateurs ne sont pas tenus de motiver leur refus de consentir à un transfert de cette nature.

 

          Aucun consentement de cette nature n'a été donné et aucune résolution en ce sens n'a été adoptée.

 

h)       La partie 26 des statuts de READ concerne les restrictions touchant les transferts d'actions. L'article 26.1 prévoit en partie ce qui suit :

 

[TRADUCTION]       

 

26.1     Aucune action du capital de la société ne peut être transférée par un membre, par le représentant successoral d'un membre décédé, par le syndic de faillite d'un membre failli ou par le liquidateur d'un membre qui est une société, sauf conformément aux conditions suivantes.

 

Selon les restrictions énoncées dans les trois pages qui suivent, un avis doit être donné à la société et les administrateurs doivent informer tous les membres qui ont le droit d'acheter les actions visées par le transfert proposé. Les administrateurs peuvent décider de refuser de transférer les actions et il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire absolu. Il n'est pas nécessaire que je reprenne en détail les restrictions, qui correspondent à celles qui figurent habituellement dans les statuts des sociétés fermées. Il suffit de dire qu'aucune des conditions à remplir pour qu'un transfert soit valide n'a été respectée.

 

[17]    Les remarques qui précèdent suffisent pour trancher cet aspect de l'affaire. Cependant, je commenterai brièvement deux décisions. La première est le jugement que la Cour d'appel de l'Ontario a rendu dans l'affaire The Beechwood Cemetery Company v. Graham et al., [1998] O.A.C. 71, après que la Cour de l'Ontario (Division générale) a annulé un transfert d'actions de Beechwood Cemetery Co. à 942836 Ontario Inc. parce que les administrateurs n'avaient pas consenti au transfert conformément aux exigences des règlements de Beechwood. Confirmant la décision rendue en première instance, le juge O'Connor, de la Cour d'appel de l'Ontario, s'est exprimé comme suit aux paragraphes 28 à 30 :

 

[TRADUCTION]

 

[28]      À mon avis, le jugement majoritaire que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Edmonton Country Club Ltd. c. Case (1974), 44 D.L.R. (3d) 554, est déterminant. La Edmonton Country Club était une société ouverte constituée par voie de statuts sous le régime de la Companies Act de l'Alberta, R.S.A. 1942, ch. 240. L'intimé a contesté l'article 20A des statuts, qui interdisait le transfert d'actions de la société sans le consentement de la majorité des administrateurs, dont le pouvoir discrétionnaire était absolu à cet égard en vertu des statuts. Selon la règle de common law, il était présumé que les sociétés créées sous le régime d'une loi, y compris les sociétés créées par acte constitutif ou par statuts, ne possédaient que les pouvoirs qui leur étaient explicitement ou implicitement accordés par la loi. Lorsqu'une société outrepassait ses pouvoirs, ses mesures étaient ultra vires et, de ce fait, invalides : Communities Economic Development Fund v. Canadian Pickles Corp., précité, p. 402‑4.

 

[29]      Dans l'arrêt Edmonton Country Club, le juge Dickson, qui s'exprimait au nom de la majorité, a cité l'article 61 de la Companies Act de l'Alberta et conclu que le droit de l'actionnaire de transférer ses actions n'était pas absolu. Voici comment il s'est exprimé à la page 567 :

 

Le droit d'un actionnaire de transférer ses actions est sans aucun doute un des privilèges découlant de la propriété d'actions, garanti par le Companies Act de l'Alberta en son art. 61, « Les actions ou autres intérêts de tout membre de la compagnie sont des biens meubles, transférables de la manière prescrite par les statuts de la compagnie… », […] mais ce droit n'est pas absolu.

 

[30]      Le juge Dickson a conclu que l'article 20A ne dépassait pas la compétence de la société. Même s'il n'a pas explicitement analysé le sens des mots « transférables de la manière prescrite par les statuts de la compagnie », il découle nécessairement de sa conclusion qu'une disposition des statuts exigeant le consentement des administrateurs au transfert d'actions est visée par ce texte. S'il en était autrement et que le texte de l'article 61 ne s'appliquait pas aux restrictions touchant les transferts, l'article 20A des statuts aurait été incompatible avec l'article 61 de la Companies Act et aurait, de ce fait, dépassé la compétence de la société.

 

[18]    Ces remarques mènent à une question accessoire. Lorsqu'une opération est incomplète ou viciée en raison d'une contravention aux règlements administratifs de la société ou de la loi sur les sociétés pertinente, notre cour peut-elle en arriver à la conclusion, dans un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation fiscale, que l'opération est viciée, ou doit-elle s'abstenir de tirer cette conclusion avant qu'un tribunal provincial compétent annule l'opération, comme cela a été fait dans l'arrêt Beechwood, déclare l'opération sans effet ou rectifie une opération conclue, comme la Cour l'a fait dans l'arrêt A.G. Canada v. Juliar, 2000 D.T.C. 6589?

 

[19]    Il est bien évident que notre cour ne peut faire de déclarations qui lient les parties à une opération ou encore annuler ou rectifier des opérations à l'égard des parties. C'est là une question qui relève des tribunaux des provinces ou des territoires. Néanmoins, cela ne signifie pas que notre cour doit, lorsque la validité d'une opération est pertinente au règlement d'un litige fiscal opposant un contribuable et le gouvernement du Canada, s'abstenir d'agir et refuser de rendre une décision qui est essentielle à l'exercice de sa compétence. De toute évidence, notre cour doit déterminer la validité ou les conséquences juridiques d'une opération entre des parties dans le contexte de l'évaluation des incidences fiscales de celle-ci.

 

[20]    C'est ce qu'a fait la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Paxton, C.A.F., no A‑513‑94, 12 décembre 1996, 97 D.T.C. 5012, où elle a statué qu'une opération était sans effet, parce qu'elle n'avait pas été établie et conclue de façon juridiquement valable. Si le ministre peut contester une opération devant notre cour ou la Cour d'appel fédérale au motif qu'elle est sans effet ou incomplète au plan juridique, le contribuable peut également le faire. Il n'est pas nécessaire d'attendre qu'un tribunal provincial annule cette opération. Si l'opération est sans effet ou incomplète, il n'y aura rien à annuler. Voici ce que le juge Robertson, de la Cour d'appel fédérale, a dit aux pages 16 et 17 (D.T.C. : à la page 5018) :

 

Je ne puis faire abstraction du fait que la Cour suprême du Canada a confirmé la règle voulant qu'aucune opération de planification fiscale ne peut être reconnue à des fins fiscales à moins d'avoir été établie valablement selon les règles du droit général : voir l'arrêt Stubart, précité, p. 579. Il est possible de perdre un avantage fiscal si une opération est jugée incomplète ou inefficace parce que l'on a omis de se conformer à des formalités juridiques indispensables. À cet égard, la mise en garde qu'a formulée le juge Urie, dans l'arrêt Atinco Paper Products Limited c. La Reine, [78 D.T.C. 6387], [1978] C.T.C. 566, aux p. 577 et 578 (C.A.F.) [demande d'autorisation d'interjeter appel devant la C.S.C. refusée (1979) 25 N.R. 603n] prescrit que les planificateurs fiscaux sont tenus de veiller à ce que les opérations de nature fiscale soient pleinement exécutées et soigneusement documentées :

 

Quoi qu'il en soit, la Cour a l'obligation d'examiner minutieusement tous les gestes d'un contribuable afin de s'assurer qu'ils sont, de fait, conformes à la loi applicable. Le fait d'utiliser certains moyens pour parvenir au résultat souhaité ne suffit pas; il faut s'assurer que non seulement ces moyens paraissent réguliers, c'est-à-dire en règle quant à la forme mais, de fait, ils constituent, à tous égards, des transactions juridiquement valables et réelles. Si la présente cour, ou si toute autre cour, négligeait de s'acquitter de son obligation fondamentale d'examiner avec soin tous les aspects des transactions en cause, elle ferait preuve de négligence non seulement dans l'exécution de ses fonctions judiciaires, mais à l'égard du public en général. C'est pour cette raison que je ne peux souscrire à la proposition quelquefois formulée voulant qu'une transaction ou une série de transactions faites en vue de réduire l'impôt à payer (c'est du moins, ce qu'espère le contribuable) fassent l'objet d'une interprétation stricte ou large. La seule ligne de conduite permise à la Cour est d'appliquer la loi comme elle la comprend aux faits constatés dans la transaction en question. Si la transaction résiste à cet examen minutieux, alors la Cour peut, bien entendu, y faire droit; sinon, elle doit échouer. C'est cette dernière conclusion qui s'impose en l'espèce.

 

Compte tenu de la jurisprudence et des faits de l'espèce, je suis forcé de me prononcer contre le contribuable. À mon avis, lorsqu'on la considère sous son jour le plus favorable, cette affaire sert d'exemple d'une opération inefficace ou incomplète, attribuable au fait de n'avoir pas documenté convenablement la vente des actions de Ronlar aux enfants avant que la convention relative à Tandet ait été signée.

 

[21]    J'en arrive donc à la conclusion que M. Lloyd n'a pas disposé des actions qu'il avait dans Lloyd Investments en faveur de READ.

 

Question 3

 

[22]    La troisième question est de savoir si l'appelant a fait, dans sa déclaration de 1989, une présentation erronée des faits permettant au ministre d'établir une nouvelle cotisation après le délai normal de trois ans.

 

[23]    Sur ce point, il n'est pas nécessaire d'examiner la preuve. Il a été clairement établi que l'appelant a reçu, en 1989, des revenus sous forme d'intérêts découlant d'un prêt hypothécaire et qu'il n'a pas déclaré ces revenus.

 

Questions 4 et 5

 

[24]    Les quatrième et cinquième questions à trancher consistent à savoir si l'appelant a reçu des revenus en intérêts au cours des années 1989 à 1993 et si des pénalités sont justifiées en vertu du paragraphe 163(2).

 

[25]    En 1989, l'appelant a convenu de vendre un bien-fonds à Valley Clover Lands 1989 Ltd. pour la somme de 275 000 $. Le contrat désigne le bien-fonds vendu, puis se lit comme suit :

 

                        [TRADUCTION]

 

[…] au prix de DEUX CENT SOIXANTE-QUINZE MILLE dollars (275 000 $) en monnaie légale du Canada, payable de la façon et aux dates mentionnées ci-après, soit la somme de

 

VINGT MILLE dollars (20 000 $) à la signature du présent contrat (somme que le Vendeur reconnaît par les présentes avoir reçue) et le solde comme suit :

 

L'Acquéreur verse la somme de VINGT MILLE DOLLARS (20 000 $) au Vendeur le 15 mars 1990 et la somme de VINGT MILLE DOLLARS (20 000 $) le 15 septembre 1990. L'Acquéreur remet des versements semblables au Vendeur les 15 mars et 15 septembre par la suite jusqu'au 15 septembre 1994, date à laquelle le solde du prix d'achat ainsi que les intérêts prévus aux présentes seront exigibles.

 

Ces paiements comprennent des intérêts au taux de DIX pour cent (10 p. 100) l'an sur le solde dû et sont affectés d'abord aux intérêts accumulés jusqu'à la date du paiement et, en second lieu, à la réduction du solde du prix d'achat.

 

Pour l'application de la loi intitulée Interest Act (Loi sur l'intérêt), des intérêts sont exigibles au taux de DIX pour cent (10 p. 100) l'an sur le solde dû, lesdits intérêts étant calculés semi-annuellement et non à l'avance. Les intérêts commencent à courir à compter du 15 septembre 1989.

 

POURVU QUE l'Acquéreur n'ait pas commis de manquement aux présentes, il pourra payer la totalité ou toute partie du solde du prix d'achat ainsi que les intérêts accumulés jusqu'à la date de ce paiement sans devoir remettre d'avis ou payer de pénalité.

 

[26]    Selon les explications qu'il a données, l'appelant croyait que les versements périodiques de 20 000 $ étaient des versements se rapportant à une série d'options. L'appelant est un homme intelligent. C'est un ingénieur professionnel qui a une certaine connaissance des questions juridiques et comptables. Je ne puis voir comment une personne aussi intelligente et instruite que l'appelant serait incapable de reconnaître la partie du contrat signé qui correspond aux intérêts. Il ne semble pas qu'il ait reçu des intérêts en 1989 en vertu de ce contrat, mais il en a certainement touchés au cours des années allant de 1990 à 1993. En omettant de déclarer ces montants en 1990, 1991 et 1992, l'appelant a fait preuve d'une faute lourde qui justifiait les pénalités imposées au titre du paragraphe 163(2). Cependant, la pénalité imposée pour l'année 1993 devrait être supprimée. Au cours de l'année en question, l'appelant a déclaré la totalité des paiements reçus jusqu'à cette date à titre de gain en capital. Bien entendu, il s'agissait là d'une erreur, mais le revenu ainsi déclaré était nettement supérieur aux intérêts reçus au cours de l'année. Lorsqu'une personne déclare un revenu trop élevé au cours d'une année sous une rubrique erronée, il est difficile de voir le fondement pouvant justifier l'imposition d'une pénalité.

 

Question 6

 

[27]    La dernière question à trancher est de savoir si des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) sont justifiées relativement à l'omission de l'appelant de déclarer dans son revenu certaines dépenses refusées à sa société Continental Steel Ltd.

 

[28]    L'appelant a tenu des registres très précis des dépenses que cette entreprise a engagées. Néanmoins, une partie de ces dépenses ont été refusées et la société ne s'y est pas opposée.

 

[29]    En plus de refuser les dépenses de la société, le ministre les a inclus dans le revenu de l'appelant à titre d'avantages accordés à un actionnaire ou à un employé et, de plus, a imposé des pénalités. L'appelant n'a pas contesté l'ajout du revenu, mais s'est toutefois opposé aux pénalités.

 

[30]    Dans l'affaire Robson c. La Reine, C.C.I., no 97‑3792(IT)G, 7 novembre 2001, 2001 D.T.C. 1039, j'ai commenté cette pratique comme suit au paragraphe 24 :

 

[24]      Il existe une attitude profondément ancrée au sein du ministère, consacrée dans l'euphémisme de la « symétrie financière » : si les dépenses d'une personne morale sont déclarées non admissibles, il faut du même coup trouver un actionnaire devant subir des conséquences fiscales parallèles et correspondantes en vertu de l'article 15 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette double imposition est évidemment fondée sur un sentiment fallacieux de rectitude morale selon lequel une pénalité supplémentaire devrait être imposée aux actionnaires qui ont permis à leur société de déduire des dépenses non admissibles.

 

[31]    Étant donné que l'inclusion du revenu n'est pas contestée, je ne puis rien faire à ce sujet, mais je peux dire sans équivoque qu'il n'existe pas le moindre élément de preuve devant moi qui justifierait l'imposition de pénalités.

 

[32]    Les appels sont admis avec dépens et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les présents motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mars 2002.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

J.C.A.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de février 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

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