Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-516(IT)I

ENTRE :

 

ISMAIL NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu avec les appels de Pyarali Nanji

(2001-3674(IT)I) et d'Amir Nanji (2001-3865(IT)I) le 27 février 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l’intimée :                Me Brianna Caryll

 

JUGEMENT

 

          Il est ordonné que l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 soit admis et que la cotisation soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que la juste valeur marchande, au 22 février 1994, de la propriété sise au 6000, chemin Kingston, Scarborough (Ontario), s’établissait à 421 950 $.

 

          L'appelant a droit à ses frais, s'il en est, conformément au tarif.

 


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2002.

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-3674(IT)I

ENTRE :

 

PYARALI NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu avec les appels d'Ismail Nanji (2001-516(IT)I) et d'Amir Nanji (2001-3865(IT)I) le 27 février 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l’intimée :                Me Brianna Caryll

 

JUGEMENT

 

          Il est ordonné que l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 soit admis et que la cotisation soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que la juste valeur marchande, au 22 février 1994, de la propriété sise au 6000, chemin Kingston, Scarborough (Ontario), s’établissait à 421 950 $.

 

          L'appelant a droit à ses frais, s'il en est, conformément au tarif.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2002.

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-3865(IT)I

ENTRE :

 

AMIR NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu avec les appels d'Ismail Nanji (2001-516(IT)I) et de Pyarali Nanji (2001-3674(IT)I) le 27 février 2002 à Toronto (Ontario) par

 

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

Avocate de l’intimée :                Me Brianna Caryll

 

JUGEMENT

 

                   Il est ordonné que l'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 soit admis et que la cotisation soit déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que la juste valeur marchande, au 22 février 1994, de la propriété sise au 6000, chemin Kingston, Scarborough (Ontario), s’établissait à 421 950 $.

 

          L'appelant a droit à ses frais, s'il en est, conformément au tarif.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2002.

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020314

Dossier: 2001-516(IT)I

ENTRE :

ISMAIL NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 2001-3674(IT)I

ENTRE :

PYARALI NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 2001-3865(IT)I

ENTRE :

AMIR NANJI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef adjoint Bowman

 

[1]     Les présents appels, entendus ensemble, portent sur les cotisations établies à l’égard des appelants pour leur année d’imposition 1999.

 

[2]     La seule question à trancher concerne la juste valeur marchande, au 22 février 1994, d’un bien‑fonds sis au 6000, chemin Kingston. 

 

[3]     Les trois appelants, qui sont frères, ont choisi de faire état d’un gain en capital réalisé à l’égard du bien le 22 février 1994; le gain en capital a été imputé à leur année d’imposition 1994.

 

[4]     Le budget déposé le 22 février 1994 prévoyait l’élimination de l’exonération des gains en capital, sauf si les gains en capital étaient reliés aux actions admissibles de petites entreprises ou à des biens agricoles admissibles. Les contribuables pouvaient toutefois se prévaloir de l’exonération des gains en capital à l’égard des gains accumulés, au 22 février 1994, relativement à d’autres biens. Ils devaient à cette fin exercer un choix (au moyen du formulaire T664) en vertu du paragraphe 110.6(19) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui prévoit une disposition réputée, l’exonération pouvant alors s’appliquer au gain en capital ainsi réalisé. À l’exception de certaines catégories de biens – exception dénuée de toute pertinence ici –, le paragraphe  110.6(19) prévoit une nouvelle acquisition réputée des biens au montant indiqué dans le choix, sous réserve de certaines conditions que j’aborderai plus loin. Le coût de la nouvelle acquisition réputée constitue le prix de base rajusté (PBR) du bien lorsque ce dernier est vendu.

 

[5]     Si le contribuable indique un montant supérieur à la juste valeur marchande (JVM) du bien au 22 février 1994 mais inférieur aux 11/10es de cette JVM, le coût de la nouvelle acquisition réputée devient la JVM du bien le 22 février 1994. Si au contraire le montant indiqué excède les 11/10es de la JVM du bien au 22 février 1994, on retranche du coût de la nouvelle acquisition réputée l’excédent du montant indiqué sur les 11/10eS de la JVM du bien au 22 février 1994.

 

[6]     Les paragraphes 110.6(25) et (27) autorisent la révocation ou la modification du choix lorsque certaines conditions sont réunies; par contre, aux termes du paragraphe (28), le choix ne peut être révoqué ni modifié si le montant indiqué dépasse les 11/10es de la JVM du bien au 22 février 1994.

 

[7]     Cette récapitulation des modalités entourant l’exercice d’un choix en vertu du paragraphe 110.6(19) est assez rudimentaire. Voici maintenant comment le choix a été effectué.

 

[8]     Les trois appelants et une quatrième personne étaient propriétaires d’un terrain sis au 6000, chemin Kingston, Scarborough (Ontario).

 

[9]     Dans leur déclaration de revenu pour 1994, ils ont exercé un choix (au moyen du formulaire T664) et indiqué un produit de disposition de 500 000 $. Il était précisé sur le formulaire de choix que le bien avait été acquis en 1980 et que son PBR s’élevait à 110 000 $. Le gain en capital était donc de 390 000 $. Les appelants ont ensuite retranché un montant de ce gain en capital, du fait que le bien en cause était un immeuble non admissible. On a présumé que ce bien était un immeuble non admissible, au sens de l’article 110.6, et aucun élément de preuve ne me permet de penser qu’il en soit autrement. Le bien était détenu et utilisé dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, soit un garage. Le montant à déduire s’élevait à 54 600 $ (390 000 $ x ,14).

 

[10]    Le facteur ,14 correspond au rapport entre le nombre de mois écoulés entre le 22 février 1992 et le 22 février 1994 (24) et le nombre de mois durant lesquels le bien a été détenu avant le 22 février 1994 (168).

 

[11]    Le gain en capital visé par le choix était donc de 335 400 $. Cela donnait un gain en capital imposable égal aux trois quarts de ce montant, soit 251 550 $, réparti entre les quatre propriétaires, la part de chacun se chiffrant à 62 887,50 $.

 

[12]    En 1999, soit l’année visée par l’appel, le bien a été vendu 350 000 $. Les appelants ont joint une page du guide à leur déclaration de revenu et ont calculé le nouveau PBR de la manière suivante :

 

JVM en fin de journée le 22 février 1994                          350 000 $

Produit de disposition désigné                                         500 000 $

350 000 $ X 110 % =                                                      385 000 $

          500 000 $ moins 385 000 $ =                                 115 000 $

          350 000 $ moins 115 000 $ =                                 235 000 $

                                                                             (nouveau PBR)

Plus : coût de disposition – 2 876,25 $ =                         237 876,25 $

 

                   Gain en capital                                             112 123,75 $

                   Gain en capital imposable                              84 092,81 $

                   Montant attribué à chaque propriétaire            21 023,20 $

 

[13]    Ce montant a été inscrit dans chaque déclaration produite par les appelants pour 1999 et a été déduit dans le calcul du revenu imposable à titre de déduction pour gains en capital.

 

[14]    Ni les cotisations, ni les déclarations de revenu pour 1994 ou 1995 n’ont été produites en preuve et, si l’on se fie à la décision rendue dans l’affaire Gernhart c. Canada (C.A.), [2000] 2 C.F. 292 (99 DTC 5749), il semble que le transfert à la Cour de ces documents se classe parmi les fouilles, perquisitions et saisies abusives. Il est donc difficile de savoir ce qui s’est passé au juste à l’étape de l’établissement des cotisations; je supposerai que la déduction pour gains en capital a été rejetée.

 

[15]    Le ministre a sans doute également formulé l’hypothèse que le montant de 350 000 $ indiqué dans la déclaration correspondait bien à la JVM du bien au 22 février 1994, et ce, même si l’intimée a fait entendre un témoin expert selon lequel la JVM du bien au 22 février 1994 s’établissait à 275 000 $. Le ministre semble également s’être fondé sur l’hypothèse que les appelants n’ont pas modifié leur choix et que, de toute manière, ils n’auraient pu le faire puisque le montant qu’ils ont indiqué lorsqu’ils ont fait ce choix – 500 000 $ – excédait les 11/10es de la JVM du bien au 22 février 1994. Dans une telle affaire, l’intimée aurait dû appeler le répartiteur à témoigner pour qu’il puisse décrire les calculs techniques effectués en vue d’établir la cotisation. Les trois appelants, dont la langue maternelle n’est pas l’anglais et qui sont peu au fait des extraordinaires complexités de la Loi de l’impôt sur le revenu dans ce domaine, sont nettement désavantagés. De plus, la Couronne a le loisir de présenter un témoin expert de l’ADRC. Il aurait sans doute été trop coûteux pour les appelants d’appeler un témoin expert en évaluation.

 

[16]    Il peut être utile de se pencher sur la situation qui aurait existé si le montant indiqué relativement au choix produit en 1994 avait été de 350 000 $ plutôt que de 500 000 $.

 

[17]    Les calculs auraient alors donné ceci :

 

350 000 $ - 110 000 $ = 240 000 $

Moins la déduction au titre des biens non admissibles

240 000 $ x ,14 = 33 600 $

Gain en capital visé par le choix – 206 400 $

Gain en capital imposable – 206 400 $ X ,75 = 154 800 $

 

[18]    À la suite de la vente du bien en 1999, le gain en capital aurait été calculé de la manière suivante (si l’on suppose que l’ADRC était prête à accepter, comme elle semble d’ailleurs l’avoir fait, une JVM de 350 000 $ au 22 février 1994) :

 

 

JVM au 22 février 1994                                350 000 $

Moins produit indiqué                                  350 000 $

Moins 350 000 $ X 1,1 = 385 000 $              385 000 $

                                                                         0

Nouveau prix de base rajusté                        350 000 $

Gain en capital réalisé à la suite

de la disposition                                                 0

 

[19]    Le fait d’indiquer un montant supérieur aux 11/10es de la JVM au 22 février 1994 a des conséquences importantes. Que cela soit ou non précisé dans la Loi, il s’agit d’une pénalité, et c’est de toute évidence le but souhaité. La chose est confirmée par le paragraphe 110.6(28), qui interdit la modification ou la révocation du choix lorsque le montant indiqué dépasse les 11/10es de la juste valeur marchande du bien au 22 février 1994. Il ressort clairement de la preuve que le montant indiqué, soit 500 000 $, avait été calculé de bonne foi par les appelants.

 

[20]    Si l’on accepte la prémisse selon laquelle la JVM du bien au 22 février 1994 était de 350 000 $, le gain en capital imposable de 21 023,20 $ calculé par les appelants était exact. Étant donné que le montant de 500 000 $ indiqué était excessif, le PBR a été réduit de 115 000 $. L’erreur qu’ont commise les appelants a été de croire qu’ils pouvaient se prévaloir de l’exonération des gains en capital à l’égard des gains en capital imposables de 21 023,20 $. Cela n’était pas possible en 1999.

 

[21]    Si la JVM du bien au 22 février 1994 est de 350 000 $ et que les appelants ne peuvent modifier le montant indiqué, soit 500 000 $, les cotisations doivent être confirmées.

 

[22]    Si la JVM du bien au 22 février 1994 est établie à un montant supérieur à  350 000 $, cela a pour effet de réduire le montant de la pénalité et de hausser le PBR. Les appelants n’ayant pas appelé de témoin expert, je dois m’en remettre au rapport d’un témoin expert qui a été déposé par l’intimée. On peut comprendre que les appelants n’aient pu appeler un spécialiste à témoigner, compte tenu des coûts, mais cela force toutefois la Cour à se fonder uniquement sur les éléments choisis à des fins de comparaison par le témoin expert de l’intimée.

 

[23]    Il est clair que la Cour n’est pas liée par les rapports de témoins experts, et il est rare qu’elle adoptera un rapport dans son intégralité (Grove Crest Farms Limited c. La Reine, C.C.I., no 92-2396(IT)G, 14 décembre 1994 (96 DTC 1166); Western Securities Limited c. La Reine, C.C.I., no 94‑1471(IT)G, 23 janvier 1997 (97 DTC 977);  Erb c. La Reine, C.C.I., no 97‑3216(IT)G, 26 novembre 1999 (2000 DTC 1401); La succession de feu Bibby c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-358782, 17 mars 1983, à la page 19 (83 DTC 5148, à la page 5157)).

 

[24]    Il en va ainsi même lorsque l’une des parties ne dépose pas de rapport.

 

[25]    Le témoin expert de l’intimée, M. Beharry, a de nombreux titres universitaires et possède une vaste expérience en évaluation pour le compte de son employeur, l’ADRC. Il ne semble pas avoir occupé un emploi rattaché au marché immobilier de Scarborough à titre de courtier ou de vendeur.

 

[26]    Dans l’arrêt James et al. v. Canadian National Railway Company, [1965] C. de l’É. 71, le juge Cattanach a indiqué à la p. 76 :

 

                   [TRADUCTION]

Je dois aussi faire quelques commentaires généraux relativement aux experts immobiliers. Il me semble que c'est en ayant l'expérience du marché comme courtier ou vendeur qu'une personne acquiert les connaissances requises pour émettre une opinion à titre d'expert en évaluation de terrain. En raison de cette expérience, il est en état de donner une opinion à titre d'« expert » sur le prix que des acheteurs auraient consenti à payer pour la propriété au moment de son expropriation et sur le prix auquel des vendeurs auraient consenti à la vendre au même moment. Sans cette expérience, je n'aurais pu penser qu'un témoin est à même de donner de telles opinions à titre d'expert ou autre. En l'espèce, la preuve relative aux compétences des experts a mis en évidence la formation universitaire et l'expérience du témoin comme expert ou évaluateur et a minimisé son expérience pratique du marché. En fait, dans un cas, le témoin a indiqué qu'il ne possédait pas ce genre d'expérience.

 

[27]    Le juge a de nouveau exposé cette opinion, sous une forme quelque peu différente, dans l’affaire Salt c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-4000-79, 29 mai 1984, à la page 15 (84 DTC 6395, aux pages 6401 et 6402).

 

[28]    Je ne suis pas disposé à suivre l’exemple du juge Cattanach au point de rejeter le témoignage d’une personne n’ayant pas d’expérience à titre de courtier ou de vendeur. Il demeure cependant que l’absence d’une telle expérience doit être prise en considération. Le témoignage de la personne est utile en ce qu’il fournit des éléments de comparaison à partir desquels la Cour peut se faire une opinion au sujet de la valeur d’un bien. Toutefois, un évaluateur doit poser des jugements subjectifs à propos du choix des biens comparables, des rajustements à apporter au prix payé pour ces biens, de la distance les séparant du bien en cause ainsi que de l’utilisation optimale de ce dernier. On voit mal comment une personne n’ayant aucune expérience du marché immobilier comme courtier ou vendeur serait plus fondée qu’une autre personne à poser sur ces questions un jugement pertinent.

 

[29]    Ainsi que l’a dit le vicomte Simon dans l’affaire Gold Coast Selection Trust Ld. v. Humphrey, [1948] A.C. 459, à la page 473, l’évaluation n’est pas une science, mais un art. Il s’agit toutefois d’un art qui s’acquiert par l’apprentissage et l’expérience du marché.

 

[30]    Cela étant, je dois fonder mes conclusions sur la preuve dont je dispose, et je ne puis me soustraire à cette responsabilité en me contentant de souscrire à l’opinion du seul témoin expert que la Cour ait entendu.

 

[31]    M. Beharry a conclu que, le 22 février 1994, la juste valeur marchande du bien sis au 6000, chemin Kingston, était de 275 000 $. L’ADRC n’a pas utilisé ce montant aux fins d’établir la cotisation, et elle ne peut l’invoquer pour justifier la majoration des impôts exigés (Harris v. M.N.R., 64 DTC 5332, à la p. 5337).

 

[32]    M. Beharry a traité de trois approches, fondées respectivement sur le coût, sur le revenu et sur les comparaisons directes. Il n’a pas employé l’approche fondée sur le revenu. La valeur à laquelle il est arrivé – 275 000 $ – correspond à la moyenne des résultats obtenus à l’aide des deux autres approches, soit 289 000 $ (coût) et 261 000 $ (comparaisons directes).

 

[33]    Dans l’approche fondée sur le coût, on fixe au départ le coût du bien‑fonds à 233 000 $; on ajoute 139 101 $, pour le bâtiment et le matériel, montant auquel on applique un facteur d’amortissement de 60 % (ce chiffre étant, de l’aveu même du témoin, très subjectif), ce qui donne 55 640 $, et donc un montant total de 288 640 $.

 

[34]    L’approche fondée sur les comparaisons directes repose sur un certain nombre de ventes de terrains non bâtis et de terrains sur lesquels on retrouve des bâtiments.

 

[35]    Le témoin a conclu que l’utilisation optimale du bien au 22 février 1994 était celle qui en était faite, c’est‑à‑dire un usage commercial. Il a conclu en outre que le bâtiment n’ajoutait pas à la valeur du bien. J’ai peine à concilier ces deux conclusions. Je ne crois pas qu’il soit réaliste d’évaluer un tel bien comme s’il s’agissait d’un terrain non bâti alors que l’on utilise à des fins de comparaison des biens qui comportent des bâtiments similaires. À une exception près, les prix des terrains non bâtis, exposés dans le rapport de M. Beharry, étaient moins élevés, en proportion du nombre de pieds carrés, que ceux des terrains bâtis.

 

[36]    Le bien en cause est un terrain d’angle qui longe le chemin Kingston sur une distance de 97,58 pieds. Le bâtiment est un garage comportant trois stalles, et non deux comme l’a supposé l’évaluateur. Le garage a une superficie de 2 256 pieds carrés environ. M. Ismail Nanji, l’un des appelants, qui s’exprimait au nom de ses frères, a indiqué que la dimension du terrain était de 97 pieds sur 145, soit 14 065 pieds carrés.

 

[37]    La première vente portait sur un terrain de 19 419 pieds carrés ayant une bordure de 87 pieds, situé 6149, chemin Kingston. Ce n’était pas un terrain d’angle. Il a été vendu 330 000 $, ou 17 $ le pied carré, en juillet 1995. D’après les dimensions fournies par Ismail Nanji, cela situerait la valeur du bien en cause dans la présente affaire à 239 105 $.

 

[38]    La deuxième vente avait trait à un terrain sis au 2272, chemin Kingston, vendu 380 000 $ en mai 1994 et revendu 462 500 $ en mai 1995. Le terrain bordait la route sur 75,08 pieds et comptait 8 988 pieds carrés. Le garage qui s’y trouvait occupait une superficie de 5 477 pieds carrés. Le bien était plus proche du centre‑ville de Toronto, mais rien n’indique que cela a eu pour effet d'accroître sa valeur. Le garage a été construit en 1949, tandis que, dans le cas du bien en cause, la construction remonte à 1947. Si le bâtiment qui se trouve sur le bien en cause n’ajoute aucune valeur à ce dernier, comme le croit M. Beharry, il est difficile de concevoir pourquoi il en va différemment dans le cas de cet autre bien.

 

[39]    Plusieurs facteurs rendent le bien en cause supérieur. Il est plus grand, et c’est un terrain d’angle. Pourtant, si nous nous contentons de calculer la valeur du lot d’après le prix de vente de mai 1994, soit 380 000 $, on constate que le bien s’est vendu au coût de 42,27 $ le pied carré. Si nous appliquons ce chiffre au bien en cause, qui compte 14 065 pieds, cela donnerait une valeur de 594 648 $. Ce montant peut paraître élevé par rapport aux autres ventes, mais il révèle que l’évaluation de la Couronne – 275 000 $ – est par trop basse.

 

[40]    Le bien ayant fait l’objet de la troisième vente, sis au 2592, avenue Eglinton Est, est un terrain d’angle mais est beaucoup plus vaste, puisqu’il fait 30 980 pieds carrés. Il s’est vendu 725 000 $ en juin 1995. Cette vente ne fournit peut‑être pas un point de comparaison particulièrement utile, étant donné sa superficie; toutefois, ces chiffres équivalent à un prix de 23,40 $ le pied carré, ce qui donnerait une valeur de 329 000 $ pour le bien en cause.

 

[41]    La quatrième vente a porté sur un terrain de 23 086 pieds carrés sis au 144, chemin Galloway. Le 14 juin 1994, il a été vendu 600 000 $, soit environ 26 $ le pied carré. Cela donne une valeur de 365 690 approximativement pour le bien en cause.

 

[42]    La cinquième vente a trait à un terrain de 23 760 pieds carrés sis au 2906, avenue Eglinton Est; le 14 juin 1994, il a été vendu 594 595 $, soit 25 $ le pied carré. Le bien en cause aurait ainsi une valeur de quelque 351 625 $.

 

[43]    Le terrain de 8 264 pieds carrés qui a fait l’objet de la sixième vente, sis au 4141, chemin Kingston, a été vendu 252 000 $, ou 30 $ le pied carré, le 31 janvier 1994. Cela donnerait une valeur de 421 950 $ pour le bien en cause.

 

[44]    Il ressort que, si nous n’attribuons aucune valeur aux bâtiments et que nous ne procédons à aucun rajustement au titre du temps ou de la distance, la valeur du bien en cause, calculée en multipliant le nombre de pieds carrés – 14 065 – par le prix de vente des six biens utilisés à des fins de comparaison et comportant des garages, varie entre 239 105 $ et 594 648 $. La valeur moyenne est de 383 669 $ environ. Je n’avance absolument pas que l’on puisse déterminer la juste valeur marchande en prenant la moyenne des prix de vente des biens bâtis utilisés à des fins de comparaison. Toutefois, dans la mesure où le prix de vente moyen des six terrains est de 383 669 $ et que le prix de 27,28 $ le pied carré, lorsqu’on l’applique à la superficie du bien en cause, donne 383 693 $, quiconque veut calculer la juste valeur marchande de ce bien devrait remettre sérieusement en question un montant – 275 000 $ – qui ne représente que 72 % de cette moyenne. Un juge ne doit pas se laisser trop éblouir par la mystique et le jargon des évaluations immobilières lorsque les résultats, fondés sur des hypothèses non structurées ou non fondées, donnent lieu à une évaluation qui défie le simple bon sens commercial. Après tout, l’évaluation d’un terrain d’angle situé chemin Kingston, à Scarborough, où des propriétés similaires sont achetées et vendues fréquemment, n’a rien de bien mystérieux. Il s’agit au contraire d’une tâche somme toute banale.

 

[45]    Selon moi, la sixième vente, celle du bien sis au 4141, chemin Kingston, est celle qui se compare le plus à celle en cause ici. La vente a eu lieu trois semaines seulement avant le 22 février 1994. Le terrain est moins grand, mais la surface du garage, 2 062 pieds, est comparable à celle du garage bâti sur le bien en cause – ce dernier est en fait un peu plus vaste, comptant 2 256 pieds carrés. On pourrait même dire que le bien en cause gagne à la comparaison, puisqu’il borde la route sur une distance deux fois plus grande et qu’il s’agit d’un terrain d’angle, ce qui constitue un avantage certain dans le cas d’un garage. De plus, le garage du bien en cause n’a que huit ans de plus.

 

[46]    Je ne vois aucune raison pour laquelle la valeur de 421 950 $ devrait être rajustée à la baisse. Au contraire, certains arguments pourraient être avancés pour la rajuster à la hausse; toutefois, je ne pense pas que la preuve me fonde à le faire. Lorsqu’un bien se prête aussi bien que celui‑ci à la comparaison avec le bien en cause et que sa vente survient près de la date pertinente, je ne conçois aucun motif de procéder à des rajustements ni de calculer des moyennes.

 

[47]    À mon avis, la preuve établit que la juste valeur marchande du bien en cause le 22 février 1994 était de 421 950 $.

 

[48]    Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, au motif que la juste valeur marchande, au 22 février 1994, du bien sis au 6000, chemin Kingston, Scarborough (Ontario), était de 421 950 $.

 

[49]    Les appelants ont droit à leurs frais, s'il en est, conformément au tarif.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2002.

 

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.