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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

1999-2159(IT)G

ENTRE :

AJMER SINGH SIDDOO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 14 janvier 2002 à Vancouver (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge M. A. Mogan

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelant :                Me Mark D. Andrews

Avocat de l'intimée :                  Me Robert Carvalho

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1992 est admis, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, en ce qui concerne le règlement intervenu le 1er juin 1992 relativement à la poursuite entre des membres de la
famille, l’appelant n’a disposé ni de 10 actions de Siddoo Kashmir Holdings Ltd. ni d’une part de moitié dans le Kashmir Manor en faveur de ses deux petits‑fils Jasvir et Ravinder, ni n’en a‑t‑il effectué le transfert en leur faveur.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2002.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020208

Dossier: 1999-2159(IT)G

 

 

ENTRE :

AJMER SINGH SIDDOO,

 

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Mogan, C.C.I.

 

[1]     En 1990, l’appelant a fait l’objet d’une poursuite intentée devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique par deux de ses filles et par un de ses gendres. Les autres défendeurs dans le cadre de cette poursuite étaient une des brus de l’appelant, deux petits‑fils et deux sociétés familiales. La poursuite a été réglée en 1992. Le règlement prévoyait le transfert de certains biens aux deux petits‑fils qui étaient codéfendeurs dans le cadre de la poursuite. Le ministre du Revenu national en est arrivé à la conclusion que l’appelant avait réalisé des gains en capital lors du transfert des biens aux petits‑fils; il a établi une cotisation d’impôt relativement à ces gains pour l’année 1992. L’appelant a interjeté appel de la cotisation; l’année 1992 est la seule année d’imposition visée par l’appel.

 

[2]     À l’ouverture de l’audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits auquel étaient jointes de nombreuses pièces justificatives, qui sont toutes admises aux fins de l’appel en l’instance. L’exposé conjoint des faits est exhaustif; il a été déposé sous la cote 1. Y sont exposés les détails de la poursuite, du règlement et du transfert des biens. Par souci de commodité, je reproduis les 30 paragraphes de l’exposé, mais je ne renverrai aux pièces qu’au besoin.

 

          [TRADUCTION]

 

Exposé conjoint des faits

 

            Les parties reconnaissent les faits suivants aux fins du présent appel :

 

1.         Le présent appel est interjeté à l’encontre de deux cotisations établies à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 1992 :

 

a)         une nouvelle cotisation datée du 22 septembre 1994 dont une copie est jointe sous la cote « A » (la « première nouvelle cotisation »);

 

b)         une nouvelle cotisation datée du 25 juillet 1996 (la « deuxième nouvelle cotisation »).

 

2.         Les parties ont convenu de régler l’appel relativement à la deuxième nouvelle cotisation. Par conséquent, seul l’appel interjeté à l’encontre de la première nouvelle cotisation demeure.

 

3.         Les deux nouvelles cotisations ont été établies à la suite du règlement d’une poursuite intentée contre l’appelant, d’autres membres de sa famille et des sociétés par ses deux filles et un gendre en vue d’obtenir une part des biens familiaux.

 

4.         Par voie de bref d’assignation et de déclaration datés du 26 février 1990 et modifiés le 21 mars 1990 (la « déclaration »), les deux filles de l’appelant, Narinder Kaur Chauhan et Mohinder Kaur Sandhu (les « filles demanderesses »), et le gendre de l’appelant, Gurmeet Singh Sandhu (collectivement appelés les « demandeurs »), ont institué des procédures devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, numéro du greffe de Vancouver C901020 (les « procédures ») contre l’appelant, Siddoo Kashmir Holdings Ltd. (« Holdings »), Siddoo A.K. Investments Ltd. (« SAK Investments »), la bru de l’appelant, Balbir Kaur Siddoo, et ses petits‑fils Jasvir Singh Siddoo et Ravinder Singh Siddoo (collectivement appelés les « défendeurs »).

 

5.         Les allégations des demandeurs sont énoncées dans la déclaration, jointe sous la cote « B ». Les demandeurs alléguaient notamment qu’ils détenaient une part dans des biens détenus par les défendeurs du fait de contributions sous forme d’éléments d’actif, notamment la valeur de leur intérêt dans la succession de leur mère (l’épouse de l’appelant), leur part du revenu et du produit de la vente de divers biens ainsi que des services de valeur. Les contributions en cause avaient été faites dans l’expectative d’obtenir une part dans les biens détenus par les défendeurs.

 

6.         Un règlement est intervenu au début de l’année 1992. Selon ce règlement, les demandeurs devaient obtenir des biens dont la valeur, selon les évaluations foncières municipales, équivalait au tiers environ de la valeur des biens familiaux.

 

7.         Les principales modalités du règlement ont été couchées par écrit au mois de janvier 1992 (l’« entente du mois de janvier »). L’entente du mois de janvier est jointe sous la cote « C ».

 

8.         Des documents détaillés visant à mettre en application l’entente du mois de janvier ont été préparés ultérieurement (les « documents relatifs au règlement » ou le « règlement »), et la conclusion a eu lieu le 1er juin 1992. Certains des documents relatifs à la conclusion sont joints sous la cote « D ».

 

9.         L’entente du mois de janvier et les documents relatifs au règlement stipulaient notamment que certains défendeurs devaient transférer ou faire transférer des biens particuliers aux demandeurs, et que ces derniers devaient remettre des libérations et céder leurs actions de Holdings ainsi que la part de moitié d’un immeuble d’habitation appelé le Kashmir Manor.

 

Dispositions du règlement se rapportant au transfert par les filles demanderesses de leurs actions de Holdings et de leur part dans le Kashmir Manor

 

10.       L’une des ententes faisant partie des documents relatifs au règlement est l’entente à l’amiable signée le 1er juin 1992 (l’« entente à l’amiable ») qui se trouve à l’onglet 20 de la pièce « D ». Le paragraphe 4 de l’entente à l’amiable stipule que :

 

Les demanderesses Mohinder Kaur Sandhu et Narinder Kaur Chauhan transféreront au défendeur Siddoo ou à toute personne désignée par lui la totalité de leurs actions de Holdings et tout droit et intérêt se rapportant au 2355, 2e Avenue Ouest, Vancouver (C.‑B.) […] (« Kashmir Manor »), y compris tous les meubles et accessoires fixes, en contrepartie du versement par le défendeur Siddoo de la somme de 95 500 $; le défendeur Siddoo est tenu de payer la taxe d’achat immobilière exigible relativement au transfert, en sa faveur, du Kashmir Manor. Quoi qu’il en soit, le défendeur Siddoo n’est pas tenu de verser plus de 95 500 $ auxdites demanderesses en contrepartie du transfert des actions en question et du Kashmir Manor tel qu’il est prévu dans les présentes.

 

Les actions de Holdings détenues par les filles demanderesses seront appelées les « actions » et leur part dans le Kashmir Manor sera appelée la « part dans le Kashmir Manor ».

 

11.       Le 1er juin 1992, lors de la conclusion du règlement, les filles demanderesses ont transféré leurs actions et leur part dans le bien immeuble aux petits‑fils. Les documents relatifs au transfert des actions se trouvent aux onglets 69, 70, 71, 72, 73, 74 et 75 de la pièce « D ». Les documents relatifs au transfert de la part dans le bien immeuble se trouvent à l’onglet 76 de la pièce « D ».

 

12.       Le 1er juin 1992, les actions avaient une juste valeur marchande de 66 000 $ et la part dans le Kashmir Manor valait 550 000 $.

 

13.       L’appelant a versé aux filles demanderesses la somme de 95 500 $ mentionnée au paragraphe 4 de l'entente à l’amiable. Le chèque se trouve à l’onglet 77 de la pièce « D ».

 

14.       En outre, l’appelant a versé au ministre des Finances de la Colombie‑Britannique la somme de 9 000 $ au titre de la taxe d’achat immobilière relativement au transfert de la part dans le Kashmir Manor. Le chèque se trouve à l’onglet 79 de la pièce « D ».

 

Autres modalités pertinentes des documents relatifs au règlement

 

L’opération concernant l’immeuble de la rue Haro

 

15.       Avant le 29 mai 1992, l’appelant était le propriétaire enregistré de deux actions ordinaires de catégorie « B » de SAK Investments; ces actions constituaient la totalité des actions émises de cette société.

 

16.       SAK Investments était propriétaire d’un immeuble d’habitation sis au 1655, rue Haro, à Vancouver (C.‑B.) (l'« immeuble de la rue Haro »). Avant le règlement, l’appelant a fait en sorte que SAK Investments se départisse de tous ses autres éléments d’actif et de passif.

 

17.       Les événements suivants se sont produits le 29 mai 1992 :

 

a)         L’appelant a converti ses deux actions ordinaires en deux actions privilégiées de catégorie B sans droit de vote et a bloqué la valeur de ces actions de SAK Investments à 5 200 000 $, ce qui équivalait, d’après l’estimation des administrateurs, à la juste valeur marchande des actions à cette date. Le ministre du Revenu national n’a jamais cherché à contester cette valeur et il ne la conteste pas non plus dans le présent appel.

 

b)         L’appelant a également fait en sorte que SAK Investments émette à chacune des deux sociétés détenues par les demandeurs (les « sociétés des demandeurs ») 100 actions ordinaires de catégorie A avec droit de vote, ces actions conférant le contrôle de SAK Investments et donnant droit à toute augmentation de la valeur de SAK Investments en sus de 5 200 000 $.

 

c)         L’appelant pouvait faire racheter les actions privilégiées n’importe quand pour un montant de 5 200 000 $.

 

d)         Les actions privilégiées émises à M. Siddoo ne donnaient pas droit au versement de dividendes, sauf dans la mesure où de tels dividendes étaient déclarés à la discrétion exclusive des administrateurs de SAK Holdings, qui seraient nommés par les sociétés des demandeurs à titre d’actionnaires détenant la majorité des actions avec droit de vote de SAK Investments.

 

18.       Lors de la conclusion du règlement le 1er juin 1992, l’appelant a remis à chacune des sociétés des demandeurs un billet (les « billets ») dans lequel il s’engageait à payer à chacune d’elles la somme de 2 600 000 $ s’il faisait racheter ses actions privilégiées. Les billets se trouvent aux onglets 66 et 67 de la pièce « D ».

 

19.       Lors de la conclusion, l’appelant a conclu également une entente par laquelle il convenait de transférer ses actions privilégiées aux sociétés des demandeurs à son décès (l’« entente d’achat d’actions »). L’entente d’achat d’actions se trouve à l’onglet 55 de la pièce « D ». Conformément à cette entente, pour acquérir les actions privilégiées de M. Siddoo au décès de ce dernier, les sociétés des demandeurs s’engageaient à payer un montant équivalant à l’impôt sur le revenu payable par la succession de M. Siddoo sur la disposition réputée des actions privilégiées immédiatement avant son décès, conformément au paragraphe 70(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

20.       En raison de la remise par l’appelant des billets et de l’entente d’achat d’actions lors de la conclusion du règlement, l’appelant ne retirerait aucun autre avantage des actions de SAK Investments qu’il détenait (ou de l’immeuble de la rue Haro, dont elle était propriétaire) après le règlement, exception faite du paiement à son décès équivalant au montant de l’impôt dû par suite de cette disposition promis par les sociétés des demandeurs; les demandeurs devaient recevoir tous les revenus provenant de SAK Investments, toute augmentation de la valeur de la société et, au décès de l’appelant, la totalité de cette participation dans la société.

 

Opération concernant le Il Mercato

 

21.       Le 1er juin 1992, l’appelant était un actionnaire de Holdings.

 

22.       Avant le règlement, Holdings était propriétaire d’un centre commercial appelé le Il Mercato (« Il Mercato »).

 

23.       Conformément à l’entente à l’amiable, lors de la conclusion le 1er juin 1992, Holdings a transféré la propriété à titre bénéficiaire du Il Mercato aux demandeurs ou aux sociétés qu’ils détenaient. À la date du transfert, la valeur de la propriété bénéficiaire était de 2 855 339 $. Holdings a payé également la taxe d’achat immobilière de 219 980 $. Pour les demandeurs, la valeur totale du transfert du Il Mercato par Holdings s’élevait donc à 3 075 319 $ (la « valeur de l’opération concernant le Il Mercato »).

 

Libérations et autres modalités

 

24.       Lors de la conclusion du règlement, les demandeurs ont remis à Holdings et à tous les autres défendeurs des documents les libérant de toute réclamation. Ces libérations se trouvent aux onglets 52 et 81 de la pièce « D ».

 

25.       Le paragraphe 14.6 de l’entente à l’amiable portait notamment ce qui suit :

 

Le défendeur Siddoo considère d’une part et le demandeur reconnaît d’autre part que les modalités convenues dans les présentes remplacent tout héritage que le demandeur toucherait par ailleurs de la succession du défendeur Siddoo au décès de ce dernier ou qu’il aurait par ailleurs reçu de la succession de l’épouse du défendeur Siddoo, Jaswant Kaur Siddoo, au décès de cette dernière.

 

La conclusion du règlement

 

26.       Lors de la conclusion du règlement le 1er juin 1992, tous les documents à remettre au moment de la conclusion devaient être déposés et entiercés jusqu’à ce que les parties conviennent de mettre fin à cet entiercement. Les documents suivants, notamment, ont ensuite été remis simultanément :

 

a)         les deux billets et le contrat d’achat d’actions se rapportant à l’opération concernant l’immeuble de la rue Haro;

 

b)         les documents qui ont donné effet au transfert du Il Mercato;

 

c)         l’entente à l’amiable;

 

d)         les documents donnant effet au transfert des actions et de la part dans le Kashmir Manor;

 

e)         les libérations.

 

La deuxième nouvelle cotisation et le règlement de l’appel interjeté à l’encontre de cette nouvelle cotisation

 

27.       Dans la deuxième nouvelle cotisation, le ministre a inclus la valeur de l’opération concernant le Il Mercato (3 075 319 $) dans le revenu de l’appelant à titre d’avantage conféré à un actionnaire par Holdings pendant l’année 1992.

 

28.       L’appel interjeté à l’encontre de la deuxième nouvelle cotisation a été réglé, l’avantage conféré à l’appelant à titre d’actionnaire par suite du transfert du Il Mercato ayant été réduit de moitié et ramené à 1 537 659 $.

 

La première nouvelle cotisation

 

29.       Pour l’année d’imposition 1992, la cotisation initiale établie par Revenu Canada à l’égard de M. Siddoo était de 369 828,14 $.

 

30.       La première nouvelle cotisation a été établie en tenant compte du fait que M. Siddoo avait acquis des demandeurs les actions et la part dans le Kashmir Manor ou, subsidiairement, le droit de les acquérir, et qu’il en avait ensuite disposé sans contrepartie en faveur de ses petits‑fils, de sorte qu’il avait réalisé des gains en capital s’élevant au total à 520 500 $, calculés comme ceci :

 

Juste valeur marchande des actions de Holdings

 66 000 $

Partie du 95 500 $ attribuée aux actions

10 232 $

Gain en capital

 55 768 $

 

Juste valeur marchande de la part dans le Kashmir Manor

 550 000 $

Partie du 95 500 $ attribuée à la part dans le Kashmir Manor

85 268 $

 

Gain en capital

464 732 $

 

[3]     Le litige opposant des membres de la famille de l’appelant est au cœur de l’appel en l’espèce puisque les transferts de biens effectués dans le cadre du règlement de ce litige ont donné lieu à la cotisation qui est visée par l’appel. Toutes les parties au litige sont énumérées dans le tableau qui suit. Comme l’appelant paraît être le patriarche de la famille et qu’il était le défendeur principal, le tableau suivant indique le lien que chacune des autres parties avait avec l’appelant.

 

Demandeurs

Défendeurs

 

1. Narinder Kaur Chauhan

    (« Narinder ») fille

 

1.  Ajmer Singh Siddoo

     (« appelant »)

 

2. Mohinder Kaur Sandhu

    (« Mohinder ») fille

2.  Balbir Kaur Siddoo

     (« Balbir ») bru

 

3. Gurmeet Singh Sandhu

    (« Gurmeet ») gendre

3.  Jasvir Singh Siddoo

     (« Jasvir ») petit‑fils

 

 

4.  Ravinder Singh Siddoo

     (« Ravinder ») petit‑fils

 

 

5.  Siddoo Kashmir Holdings

     Ltd. (« Holdings »)

     société familiale

 

 

6.  Siddoo A.K. Investments

     Ltd. (« SAK Investments »)

     société familiale

 

 

[4]     Au paragraphe 10 de l’exposé conjoint reproduit précédemment est cité le paragraphe 4 de l’entente à l’amiable (onglet 20 de la pièce 1). Je vais reformuler le paragraphe 4 de manière, je l’espère, à faire ressortir et à décrire seulement les transferts et les paiements :

 

(i)      Mohinder et Narinder transféreront à l’appelant (ou à toute personne désignée par lui) :

 

la totalité de leurs actions de Holdings;

la totalité de leur part dans l’immeuble sis au 2355, 2e Avenue Ouest, appelé le « Kashmir Manor »;

 

(ii)      l’appelant versera aux demandeurs la somme de 95 500 $;

 

(iii)     l’appelant devra payer la taxe d’achat immobilière exigible par suite du transfert, en sa faveur, du Kashmir Manor.

 

[5]     Le 1er juin 1992, dans le cadre de la conclusion du règlement du litige, les transferts et les versements suivants ont été effectués :

 

(i)      Mohinder a transféré cinq actions de Holdings à Ravinder :

 

annulation du certificat d’actions no 8

émission du certificat d’actions no 13

onglets 69, 70, 71, 73 et 75

 

(ii)      Narinder a transféré cinq actions de Holdings à Jasvir :

 

annulation du certificat d’actions no 7

émission du certificat d’actions no 12

onglets 69, 70, 71, 72 et 74

 

(iii)     Narinder et Mohinder ont transféré une part d’une moitié indivise dans le Kashmir Manor (2355, 2e Avenue Ouest, Vancouver, dont la désignation juridique est le lot 16, bloc 212, lot de district 256, plan 1076) à Ravinder (une part d’un quart indivise) et à Jasvir (une part d’un quart indivise) :

 

onglet 76, loi intitulée Land Titles Act (Loi sur l’enregistrement des droits immobiliers), formulaire A

 

(iv)     L’appelant a versé la somme de 95 500 $ à Mohinder et à Narinder relativement au transfert de leur part d’une moitié dans le Kashmir Manor :

onglet 77, chèque de l’appelant

 

(v)     L’appelant a versé la somme de 9 000 $ à la province de la Colombie‑Britannique relativement à la taxe d’achat immobilière pour le transfert de la part d’une moitié dans le Kashmir Manor :

 

onglet 79, Balbir a fait un chèque sur le compte de l’appelant

 

[6]     Les paragraphes 27, 28, 29 et 30 de l’exposé conjoint des faits décrivent les positions adoptées par le ministre du Revenu national lors de la première nouvelle cotisation du 22 septembre 1994 et lors de la deuxième nouvelle cotisation du 25 juillet 1996. Les questions qui découlent de la deuxième nouvelle cotisation ont été réglées avant l’ouverture de l’audition de l’appel. Les modalités du règlement sont décrites aux paragraphes 27 et 28. Les questions découlant de la première nouvelle cotisation n’ont pas été réglées, de sorte qu’elles sont l’objet du présent appel. Les gains en capital de 520 500 $ au total qui sont en litige sont décrits au paragraphe 30 de l’exposé conjoint des faits.

 

[7]     L’appelant soutient que le règlement de l’action en justice à laquelle participaient des membres de sa famille constituait un accord global. Les parties ont convenu au paragraphe 26 de l’exposé conjoint des faits que tous les documents remis lors de la conclusion du règlement le 1er juin 1992 ont été entiercés jusqu’à ce que les parties ont décidé de mettre fin à cet entiercement; les documents ont alors été remis aux parties concernées simultanément. Compte tenu de ces faits, l’appelant soutient qu’il n’a jamais détenu les biens (10 actions de Holdings et une part d’une moitié dans le Kashmir Manor) qui ont été transférés aux petits‑fils (Ravinder et Jasvir).

 

[8]     L’intimée affirme que le règlement n’était pas un accord global. Plus précisément, l’entente à l’amiable du 1er juin 1992 (onglet D‑20) isole l’opération portant sur le « Il Mercato Centre », aux paragraphes 1, 2 et 3 de l’onglet D‑20, des opérations portant sur une part d’une moitié dans le Kashmir Manor et les 10 actions de Holdings, au paragraphe 4 de l’onglet D‑20. La libération qui se trouve à l’onglet 52 concerne uniquement la défenderesse Holdings et se rapporte au Il Mercato Centre, alors que la libération qui se trouve à l’onglet 81 concerne les cinq autres défendeurs et se rapporte au Kashmir Manor et aux actions de Holdings.

 

[9]     La thèse de l’intimée est résumée comme ceci au paragraphe 17 des notes de plaidoirie présentées par l’avocat de l’intimée :

 

          [TRADUCTION]

 

17.       Cependant, l’intimée fait respectueusement valoir que les biens dont l’appelant a disposé par suite du règlement étaient des actions (c.‑à‑d. 10 actions de Holdings) et la part d’une moitié dans le bien-fonds (c.‑à‑d. le Kashmir Manor). L’intimée soutient effectivement que, lors de la signature de l’entente à l’amiable, l’appelant est devenu le propriétaire bénéficiaire des actions et d’une part d’une moitié du bien-fonds et que, puisque les actions et la part d’une moitié du bien-fonds se sont finalement retrouvées entre les mains des petits‑fils, c’est de ces biens dont l’appelant a disposé en 1992.

 

L’entente à l’amiable en vertu de laquelle l’appelant est « devenu le propriétaire bénéficiaire » des 10 actions de Holdings et d’une part d’une moitié du Kashmir Manor (selon l’argument de l’intimée) était un accord global de 18 pages (onglet D‑20) entre les trois demandeurs d’une part et les six défendeurs d’autre part.

 

[10]    Je ne puis accepter l’argument de l’intimée. Aucun document n’a été produit en preuve selon lequel un droit de propriété sur le Kashmir Manor est transféré à l’appelant. Le seul transfert pertinent en ce qui concerne le Kashmir Manor est le transfert direct d’une part d’une moitié par Narinder et Mohinder en faveur de Ravinder (une part d’un quart) et de Jasvir (une part d’un quart) : voir l’onglet D‑76. Selon la preuve présentée en l’espèce, l’appelant n’a jamais détenu, sur le Kashmir Manor, quelque droit de propriété qu’il aurait pu céder ou transférer ou dont il aurait pu disposer en faveur de ses petits‑fils Ravinder et Jasvir.

 

[11]    De même, il n’y a aucune preuve documentaire que l’appelant ait détenu, à quelque moment que ce soit, un droit de propriété sur les 10 actions de Holdings qui ont été transférées à Ravinder et à Jasvir. Les seuls documents pertinents sont les procès-verbaux de Holdings (onglets D‑69, 70 et 71) et les certificats d’actions (onglets D‑72, 73, 74 et 75). Ces documents démontrent que 10 actions de Holdings ont été transférées directement par Narinder à Jasvir (cinq actions) et par Mohinder à Ravinder (cinq actions). L’appelant n’a jamais détenu, sur les 10 actions de Holdings, quelque droit de propriété qu’il pouvait céder ou transférer ou dont il pouvait disposer en faveur de ses petits‑fils Jasvir et Ravinder.

 

[12]    D’après les transferts de biens et les documents décrits aux paragraphes 10 et 11 précédemment, ce sont deux des demandeurs (Narinder et Mohinder) qui ont transféré des biens à deux des défendeurs (Jasvir et Ravinder). D’après l’exposé conjoint des faits, cependant, le règlement visait à ce que les demandeurs obtiennent des biens ayant une valeur représentant environ le tiers de la valeur des biens familiaux : voir le paragraphe 6 de l’exposé conjoint des faits. Il faut regarder ailleurs pour constater l’existence d’un transfert de biens par un ou plusieurs défendeurs en faveur d’un ou de plusieurs demandeurs. Les paragraphes 1, 2 et 3 de l’entente à l’amiable (onglet D‑20) décrivent le transfert d’un centre commercial appelé le « Il Mercato » par Holdings en faveur de SAK Investments pour un prix d’achat de 11 099 000 $.

 

[13]    Suivant le paragraphe 2 de l’entente à l’amiable, le prix d’achat de 11 099 000 $ devait être payé comme ceci :

 

a)       prise en charge par SAK Investments d’une hypothèque grevant le Il Mercato en faveur de la Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie pour un montant de 8 644 000 $ approximativement;

 

b)      remise à Holdings par les demandeurs ou par la personne désignée par eux pour recevoir un droit fractionnaire à titre bénéficiaire sur le Il Mercato d’une libération dont le modèle se trouve à l’onglet D‑52.

 

Selon mon interprétation de cette méthode de paiement du prix d’achat, les demandeurs auraient reçu un avantage pécuniaire de 2 455 000 $ approximativement (soit 11 099 000 $ moins 8 644 000 $) car, suivant la clause b), ils n’ont remis qu’une libération dont la valeur approximative était de 2 455 000 $.

 

[14]    Pour en revenir au paragraphe 6 de l’exposé conjoint des faits, le seul moyen pour les demandeurs d’obtenir des biens supplémentaires dont la valeur correspondait au tiers environ de la valeur de tous les biens familiaux était d’« acheter » le Il Mercato. Il ne s’agissait pas réellement d’un achat puisque la valeur nette du Il Mercato, évaluée à 2 455 000 $, a été transférée à SAK Investments en échange, essentiellement, de la libération remise par les demandeurs à Holdings, qui avait été propriétaire du Il Mercato. Je conclus à la lecture du paragraphe 3 de l’entente à l’amiable (onglet D‑20) que les demandeurs contrôlaient SAK Investments, car le paragraphe 3 commence ainsi :

 

          [TRADUCTION]

 

3.         Le demandeur fera en sorte que Investments conclue une entente (la « convention de prise en charge ») en vue de prendre en charge les obligations de Holdings et du défendeur Siddoo, à titre de débitrice hypothécaire et de garant respectivement, aux termes de l’hypothèque consentie par la Canada-Vie, ainsi que les obligations de Holdings aux termes de la cession des loyers accessoire à celle‑ci […]

 

[15]    Il m’apparaît que la contrepartie exigée, dans le cadre du règlement, était, pour l’essentiel, le transfert par les demandeurs au profit des défendeurs de quelques actions (10) de Holdings ainsi qu’une part d’une moitié du Kashmir Manor (évaluée à 550 000 $ – voir l’onglet D‑76) pour acquérir le Il Mercato (dont la valeur nette était évaluée à 2 455 000 $). Je ne sais pas exactement comment les demandeurs pouvaient contrôler SAK Investments, puisqu’elle était défenderesse, mais, ainsi qu’il a été déclaré précédemment, le paragraphe 3 de l’entente à l’amiable laisse supposer que les demandeurs contrôlent effectivement SAK Investments.

 

[16]    J’accepte l’argument de l’appelant selon lequel l’ensemble du règlement du litige mettant en cause des membres de sa famille constituait un accord global. Il n’y aurait eu aucun transfert de biens individuels aux termes de l’entente à l’amiable si tous les transferts et paiements n’avaient pas été effectués en même temps. C’était là l’un des objectifs de l’entente d’entiercement. À mon avis, aucun bien n’a été transféré par les demandeurs à l’appelant, puis par l’appelant aux deux petits‑fils, Jasvir et Ravinder. L’appelant et ses petits‑fils n’étaient que trois
défendeurs parmi six; je n’ai aucune raison de conclure que l’appelant a disposé de 10 actions de Holdings ou d’une part d’une moitié du Kashmir Manor en faveur de ses petits‑fils. L'appel est admis, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de février 2002.

 

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

 

 

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