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Date: 20010411

Dossier: 2000-1049-EI

ENTRE :

DEIRDRE CHISHOLM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi à l'encontre d'une décision selon laquelle, au cours de la période comprise entre le 1er décembre 1998 et le 12 avril 1999, l'appelante avait 665 heures d'emploi assurable. L'appelante soutient qu'elle en avait au moins 755.

[2]      Le paragraphe 55(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est ainsi rédigé :

55(1)     La Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements concernant l'établissement du nombre d'heures d'emploi assurable d'une personne et, notamment, prévoyant que les personnes dont la rémunération est versée sur une base autre que l'heure sont réputées avoir le nombre d'heures d'emploi assurable établi conformément aux règlements.

[3]      Les paragraphes 10(1) à 10(6) du Règlement adopté en vertu du paragraphe 55(1) sont ainsi rédigés :

10(1)     Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base autre que l'heure et que l'employeur fournit la preuve du nombre d'heures effectivement travaillées par elle au cours de la période d'emploi et pour lesquelles elle a été rétribuée, celle-ci est réputée avoir travaillé ce nombre d'heures d'emploi assurable.

(2)         Sauf dans les cas où le paragraphe (1) et l'article 9.1 s'appliquent, lorsque l'employeur ne peut établir avec certitude ni ne connaît de façon précise le nombre d'heures de travail effectivement accomplies par un travailleur ou un groupe de travailleurs, l'employeur et le travailleur ou le groupe de travailleurs peuvent, sous réserve du paragraphe (3) et si cela est raisonnable dans les circonstances, s'entendre sur le nombre d'heures de travail qui correspondraient normalement à la rémunération visée au paragraphe (1), auquel cas chaque travailleur est réputé avoir travaillé ce nombre d'heures d'emploi assurable.

(3)         Lorsque le nombre d'heures convenu par l'employeur et le travailleur ou le groupe de travailleurs conformément au paragraphe (2) n'est pas raisonnable ou qu'ils ne parviennent pas à une entente, chaque travailleur est réputé avoir travaillé le nombre d'heures d'emploi assurable établi par le ministre du Revenu national d'après l'examen des conditions d'emploi et la comparaison avec le nombre d'heures de travail normalement accomplies par les travailleurs s'acquittant de tâches ou de fonctions analogues dans des professions ou des secteurs d'activité similaires.

(4)         Sauf dans les cas où le paragraphe (1) et l'article 9.1 s'appliquent, lorsque l'employeur ne peut établir avec certitude ni ne connaît le nombre réel d'heures d'emploi assurable accumulées par une personne pendant sa période d'emploi, la personne est réputée, sous réserve du paragraphe (5), avoir travaillé au cours de la période d'emploi le nombre d'heures d'emploi assurable obtenu par division de la rémunération totale pour cette période par le salaire minimum, en vigueur au 1er janvier de l'année dans laquelle la rémunération était payable, dans la province où le travail a été accompli.

(5)         En l'absence de preuve des heures travaillées en temps supplémentaire ou en surplus de l'horaire régulier, le nombre maximum d'heures d'emploi assurable qu'une personne est réputée avoir travaillées d'après le calcul prévu au paragraphe (4) est de 7 heures par jour sans dépasser 35 heures par semaine.

(6)         Les paragraphes (1) à (5) s'appliquent sous réserve de l'article 10.1.

[4]      Les parties conviennent qu'en vertu de l'article 7 de la Loi sur l'assurance-emploi l'appelante devait avoir 700 heures pour être admissible à des prestations d'assurance-emploi.

[5]      Les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé sa décision sont les suivantes :

                   [TRADUCTION]

a)          l'appelante était employée par l'employeur à titre de directrice de la Grimsby Public Art Gallery;

b)          le premier jour de travail de l'appelante a été le 1er décembre 1998;

c)          l'appelante a été congédiée par l'employeur, et son dernier jour de travail a été le 12 avril 1999;

d)          pendant toute le période pertinente, l'appelante a reçu un salaire annuel de 40 150 $;

e)          selon les modalités de l'emploi, la semaine de travail normale pour le personnel à plein temps, y compris l'appelante, était de 35 heures par semaine;

f)           en fonction de la semaine de travail de 35 heures et du fait que l'appelante a réellement travaillé 19 semaines pour l'employeur, elle avait par conséquent 665 heures d'emploi assurable qui ont été calculées ainsi :

                        19 semaines x 35 heures = 665 heures

g)          aucun travail n'a été effectué par l'appelante après le 12 avril 1999;

h)          l'employeur n'a pas payé d'heures supplémentaires à l'appelante;

i)                     l'appelante avait 665 heures d'emploi assurable.

[6]      À titre de directrice de la Grimsby Public Art Gallery, les responsabilités de Mme Chisholm étaient larges et variées. Elles comprenaient :

a)        la supervision du personnel;

b)       la programmation publique et territoriale;

c)        la tenue d'une campagne de financement;

d)       la coordination des bénévoles;

e)        les relations avec le public;

f)        l'obtention d'un financement provincial et fédéral, y compris la présentation de demandes annuelles;

g)        l'information du public;

h)        les recherches par des érudits;

i)         la préparation d'expositions et de rencontres avec des artistes devant exposer;

j)         la visite de studios;

k)        la rencontre de membres du personnel d'autres galeries d'art au sujet du prêt d'oeuvres d'art;

l)         l'organisation de publicité au sujet des expositions;

m)       l'affichage de renseignements sur Internet;

n)        la prestation de conseils à la coordinatrice de l'information en ce qui concerne les visites (la coordinatrice de l'information a démissionné pendant le mandat de l'appelante et cette dernière a dû la remplacer dans ses fonctions);

o)       la préparation de photographies pour des besoins de publicité;

p)       la participation à des vernissages et à des réceptions toutes les quatre à six semaines, les fins de semaines et les soirs;

q)       la rencontre de commanditaires, de groupes et de clubs;

r)        la participation à des réunions du personnel.

[7]      J'ai mentionné la plupart de ses fonctions telles qu'elle les a décrites dans son témoignage. Le rythme de travail était lourd et exténuant.

[8]      Il a été établi hors de tout doute possible que l'appelante a travaillé beaucoup plus que les 35 heures par semaine mentionnées dans la réponse à l'avis d'appel. Elle ne peut absolument pas avoir accompli ce qu'on attendait d'elle en ne travaillant que sept heures par jour, cinq jours par semaine. La pièce A-2 est décrite comme les heures supplémentaires de Deirdre Chisholm. Il s'agit d'un document qu'elle a préparé à partir de son propre carnet de rendez-vous quotidiens et il indique 99,75 heures supplémentaires. Je considère qu'il s'agit d'un minimum. La conclusion selon laquelle elle a travaillé au moins 755 heures à titre de directrice de la Grimsby Art Gallery au cours de la période est indéniable. En fait, cela n'est pas contesté.

[9]      La question à trancher est de savoir s'il s'agit d'heures d'emploi assurable. L'intimé renvoie aux Modalités de l'emploi approuvées le 16 décembre 1998 par la Grimsby Public Library Board. L'article 4.1 de ce document est ainsi rédigé :

                   [TRADUCTION]

Une semaine de travail normale pour le personnel consiste en 35 heures réparties sur cinq jours.

[10]     Une déclaration de ce genre dans un document approuvé par la Library Board prouve très peu de choses au sujet du nombre d'heures travaillées par l'appelante. Elle établit un seuil minimal. L'appelante était une professionnelle ayant un large éventail de responsabilités et il ressortait implicitement de ses modalités d'emploi qu'elle consacrerait à l'exécution de ses fonctions tout le temps nécessaire à l'accomplissement du travail.

[11]     L'avocat a également fait remarquer qu'aucune heure supplémentaire n'était payée à l'appelante, mais qu'il y avait une entente informelle concernant des « congés compensateurs » , c'est-à-dire l'octroi de journées de congé au lieu du paiement d'heures supplémentaires. En réalité, l'appelante n'a jamais pris de « congés compensateurs » .

[12]     J'ai tenté sans succès de comprendre comment le fait que l'appelante ne se voyait payer aucune heure supplémentaire et pouvait en vertu d'un arrangement plutôt vague et non officiel avoir droit à des « congés compensateurs » puisse être défavorable à sa prétention d'avoir travaillé 755 heures.

[13]     Le fait est qu'elle n'était pas payée à l'heure. Elle recevait un salaire annuel et elle devait consacrer à son travail toutes les heures nécessaires.

[14]     La pièce R-4 est un relevé d'emploi qui indique que l'appelante a travaillé 665 heures. Le chiffre 700 était inscrit à l'origine puis a été effacé et le chiffre 665 a été inséré. Un tel document qui a été préparé par une secrétaire ou un commis et qui n'a pas été approuvé par l'appelante revêt peu de valeur probante. De tels documents sont couramment mis de côté par les instances gouvernementales et par cette cour. Ils ne sont certainement pas concluants et ne peuvent bien entendu pas prévaloir sur la preuve claire selon laquelle l'appelante a travaillé plus de 755 heures.

[15]     Enfin, j'en viens à l'article 10 du Règlement. Il s'agit d'un règlement autorisé par l'article 55 de la Loi sur l'assurance-emploi visant à aider à déterminer le nombre d'heures travaillées par un employé lorsqu'un doute existe, que l'employeur et l'employé ne parviennent pas à une entente ou que la détermination de cette question est difficile. Il ne vise clairement pas à supplanter une preuve claire du genre de celle présentée en l'espèce relative au nombre d'heures réellement travaillées. Le fait d'affirmer que les règles établies par l'article 10 du Règlement pourraient prévaloir sur les faits avérés reviendrait à accorder à ce règlement d'application une interprétation exagérée et artificielle qui lui donnerait une portée plus grande que ce que l'article 55 de la Loi sur l'assurance-emploi vise ou autorise. En effet, les paragraphes (4) et (5) de l'article 10 sont fondés sur le nombre réel d'heures non connues ou vérifiables ou sur le fait qu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'heures travaillées en surplus de l'horaire régulier. Cela n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

[16]     J'ai trouvé très utiles les décisions du juge Bonner dans l'affaire Franke c. Canada, [1999] A.C.I. no 645, du juge suppléant Weisman dans les affaires McKenna c. Canada, [1999] A.C.I. no 816 et Bylow c. Canada, [2000] A.C.I. no 187, et du juge Beaubier dans l'affaire Redvers Activity Centre Inc. c. Canada, [2000] A.C.I. no 414. Elles soutiennent, à mon avis, la conclusion générale fondée sur le bon sens selon laquelle il n'est pas nécessaire de recourir à une autre méthode lorsqu'il existe une preuve du nombre d'heures réellement travaillées.

[17]     L'appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national selon laquelle l'appelante avait travaillé 665 heures au cours de la période comprise entre le 1er décembre 1998 et le 12 avril 1999 est modifiée par la suppression du chiffre 665 et son remplacement par le chiffre 755.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'avril 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'août 2001.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1049(EI)

ENTRE :

DEIRDRE CHISHOLM,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 23 mars 2001 à Hamilton (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Andrew C. Bomé

Avocate de l'intimé :                   Me Sointula Kirkpatrick

JUGEMENT CORRIGÉ

          Attendu qu'il y a une erreur typographique dans le jugement rendu le 11 avril 2001, le jugement est corrigé pour se lire comme suit :

          Il est ordonné que l'appel soit accueilli et que la décision du ministre du Revenu national rendue en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi selon laquelle l'appelante avait travaillé 665 heures au cours de la période comprise entre le 1er décembre 1998 et le 12 avril 1999 soit modifiée par la suppression du chiffre 665 et son remplacement par le chiffre 755 heures.

Signé à Vancouver, Canada, ce 17e jour d'avril 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d'août 2001.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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