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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2001-393(GST)I

ENTRE :

JOHN ARIE VANDERPOL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

 

 

Appel entendu le 11 octobre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge A. A. Sarchuk

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                        L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :                  Me Eric Douglas

 

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel interjeté à l’encontre de l’avis de cotisation — tiers, établi en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, daté du 30 octobre 2000, portant le numéro 76053 et au montant de 131 651,72 $ est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le montant de la cotisation est modifié et réduit à 73 869,32 $.

 

          L’appelant n’a droit à aucune autre mesure de redressement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 2002.

 

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020218

Dossier: 2001-393(GST)I

 

ENTRE :

JOHN ARIE VANDERPOL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

Le juge Sarchuk

 

[1]     John Arie Vanderpol interjette appel d’un avis de cotisation de taxe sur les produits et services portant le numéro 31217 établi en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») relativement au défaut de Allard's Home Centre Ltd. (faisant affaires sous la raison sociale Jonathan Interiors) (la « société ») de produire les déclarations de TPS et de remettre les montants pertinents pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er septembre 1994 et le 30 juin 1995.

 

[2]     Les faits suivants ne sont pas contestés. La société a été constituée le 4 mars 1976 sous le régime des lois de la province de la Colombie‑Britannique. Elle a été inscrite en vertu de la partie IX de la Loi le 1er janvier 1991 et un numéro d’inscription aux fins de la TPS lui a été attribué. À cet égard, la société était tenue de produire ses déclarations de TPS chaque mois. Elle exploitait un magasin de vente au détail de mobilier et fournissait des services de décoration à domicile sous la raison sociale Jonathan Interiors et percevait ou était tenue de percevoir la TPS sur ses fournitures taxables. Avant le 1er janvier 1991, l’appelant est devenu un administrateur de la société et, pendant toutes les périodes pertinentes dans l’affaire en cause en l’espèce, il a continué d’assumer les fonctions d’administrateur et de dirigeant de la société.

 

[3]     La société a fait défaut de produire ses déclarations de TPS pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er septembre 1994 et le 30 juin 1995. Le 18 juillet 1995, ou aux environs de cette date, elle a fait une proposition à ses créanciers en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la proposition)[1]. À cette époque, la société avait cessé de respecter ses obligations de production et de remise de la TPS en vertu de la Loi. Le 6 septembre 1995, les créanciers ont rejeté la proposition selon laquelle la société était réputée avoir fait une cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite en date du 18 juillet 1995. Par la suite, la Banque Royale, qui avait conclu un contrat de garantie générale relativement à la totalité des actifs de la société, a désigné Earl Sands, un syndic de faillite autorisé, à titre de séquestre.

 

[4]     Au moyen d’avis de cotisation datés du 20 septembre 1995, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de la société une cotisation de 66 954,17 $ représentant le montant approximatif de la taxe, de l’intérêt et des pénalités payables par suite du défaut de la société de produire les déclarations voulues et de remettre la taxe nette, ainsi qu’elle y était tenue en vertu de la Loi pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er septembre 1994 et le 31 mai 1995[2]. À la même date, le ministre a déposé une preuve de réclamation de 65 880,31 $ auprès du syndic de faillite relativement à la TPS non remise par la société pour les périodes comprises entre le 1er septembre 1994 et le 18 juillet 1995[3].

 

[5]     En octobre 1995, le séquestre, M. Sands, a sollicité l’aide de Revenu Canada pour examiner les dossiers afin de pouvoir s’acquitter de sa responsabilité de produire les déclarations de TPS requises pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er septembre 1994 et le 18 juillet 1995. Colleen J. Browne a été chargée de lui prêter main‑forte. Elle a témoigné que l’examen des registres avait révélé que les quatre premières déclarations à produire pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 1994 avaient déjà été préparées et qu’elles faisaient partie des registres de la société. Ces déclarations ont été acceptées telles quelles. En ce qui concerne les mois de janvier à juillet, ils ont examiné les documents qui étaient disponibles afin de déterminer le montant total de la TPS payable ainsi que le montant total des crédits de taxe sur les intrants (CTI) déductibles. À l’issue de cet examen, M. Sands a signé chacune des déclarations se rapportant à la période antérieure à la faillite et, le 31 octobre 1995, les déclarations de TPS de la société ont été produites pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er septembre 1994 et le 18 juillet 1995. Le montant total de la taxe nette indiquée dans les déclarations était de 172 128,34 $[4]. Par la suite, soit le 19 mars 1996, le ministre a soumis une preuve de réclamation modifiée de 177 806,62 $ au syndic de faillite relativement à la TPS non remise par la société[5].

 

[6]     Il est un fait établi que le ministre était un créancier non garanti et que, en fin de compte, le syndic de faillite a déclaré que l’administration de la faillite de la société était complète et qu’il n’y avait plus de fonds pour remettre un dividende de liquidation au ministre. La société ne s’est pas opposée à la cotisation établie par le ministre au titre de la TPS non remise, des intérêts et des pénalités. En temps opportun, la cotisation fondée sur le paragraphe 323(1) de la Loi a été établie à l’égard de l’appelant en sa qualité d’administrateur.

 

Thèse de l’appelant

 

[7]     a)       L’appelant soutient que l’alinéa 323(2)c) de la Loi prévoit que l’administrateur d’une société ne peut être tenu responsable en vertu du paragraphe 323(1) lorsque la société a cédé ses biens sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, à moins que la responsabilité de la société, dont il est question au paragraphe 323(1), ait été établie dans les six mois suivant la date de la cession. L’appelant fait valoir que la période de « six mois » mentionnée à l’alinéa 323(2)c) doit être déterminée en tenant compte des dispositions et des exigences de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. L’appelant admet que l’intimée a soumis une preuve de réclamation au syndic de faillite de la société dans les six mois suivant la date de la cession réputée des biens, mais il affirme que cette preuve de réclamation, de 65 880,31 $, ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Plus particulièrement, l’appelant allègue que la preuve de réclamation de l’intimée était incomplète pour les raisons suivantes :

 

(i)      elle ne renfermait pas d’avis de cotisation ou était fondée sur une cotisation arbitraire;

(ii)      en préparant cette preuve, l’agent de perception n’était pas au courant de « toutes les circonstances liées à la réclamation », même s’il a soutenu le contraire.

 

b)      L’appelant a également allégué que la preuve de réclamation était, du fait de son libellé, « subordonnée à une obligation éventuelle » et qu’elle ne pouvait donc pas être traitée comme une réclamation prouvée tant qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme par l’intimée ou qu’elle n’avait pas été admise par le syndic de faillite en vertu du paragraphe 135(1.1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

 

c)       Subsidiairement, l’appelant affirme, et il est un fait établi, que le montant de la taxe, de la taxe nette, du remboursement, de l’intérêt et de la pénalité de la société n’a pas été établi comme il se devait par l’intimée.

 

Analyse

 

[8]     La disposition pertinente de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est le paragraphe 124(4), qui est libellé comme suit :

 

124(4)  La preuve de réclamation doit contenir ou mentionner un état de compte énonçant les détails de la réclamation, ainsi que toute créance compensatoire que le failli peut avoir à la connaissance du créancier, et doit aussi spécifier les pièces justificatives ou autre preuve, s'il en est, qui peuvent en établir le bien-fondé.

 

Je suis convaincu que la preuve de réclamation déposée par Revenu Canada renvoie à un état de compte énonçant les détails de la déclaration[6]. En ce qui concerne la prétention de l’appelant selon laquelle la preuve était incomplète parce qu’elle ne renfermait pas la cotisation, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne contient aucune disposition obligeant le ministre à annexer l’avis de cotisation. En outre, en ce qui concerne la prétention de l’appelant selon laquelle la preuve était incomplète parce qu’elle s’appuyait sur une cotisation arbitraire, il est nécessaire de se reporter au paragraphe 299(1) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

 

299(1)  Le ministre n'est pas lié par quelque déclaration, demande ou renseignement livré par une personne ou en son nom; il peut établir une cotisation indépendamment du fait que quelque déclaration, demande ou renseignement ait été livré ou non.

 

299(2)  L'inexactitude, l'insuffisance ou l'absence d'une cotisation ne change rien aux taxes, pénalités, intérêts ou autres montants dont une personne est redevable aux termes de la présente partie.

                                                                  (Les caractères gras sont de moi)

 

Il est de droit constant qu’une cotisation arbitraire, à l’instar de toute autre cotisation, établit une créance ayant force obligatoire en droit en vertu de la Loi. Par ailleurs, les éléments de preuve dont je dispose établissent que, dans cette situation particulière, Revenu Canada était tout à fait fondée de s’appuyer sur les déclarations produites antérieurement par le contribuable pour établir une cotisation arbitraire.

 

[9]     La prétention de l’appelant selon laquelle l’agent de perception n’était pas au courant de « toutes les circonstances liées à la réclamation » doit également être rejetée. Hormis le fait qu’aucun élément de preuve n’a été produit pour étayer la prétention de l’appelant, le fait est que, à la date à laquelle la preuve de réclamation a été soumise par l’agent de perception, une cotisation avait été établie à l’égard de la société. Le montant de cette cotisation est identique au montant indiqué dans l’état de compte annexé à la preuve de réclamation. On peut donc conclure que l’agent de perception était au courant de la cotisation et du fait qu’elle représentait un montant dû à la Couronne.

 

[10]    En ce qui concerne la prétention de l’appelant selon laquelle la réclamation du ministre n’était pas une « réclamation prouvée », je fais observer que le paragraphe 135(1.1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité a été ajouté par 1997 ch. 12, par. 89(1) et (2) et s’applique aux faillites relativement auxquelles des procédures sont engagées après septembre 1997. En conséquence, la disposition législative ainsi que la prétention de l’appelant à cet égard ne s’appliquent pas à l’appel en instance. Si j’avais statué autrement, j’aurais conclu que la créance de la société au titre des impôts impayés, des pénalités et de l’intérêt n’était pas en fait une obligation éventuelle. Dans l’affaire Wawang Forest Products Ltd. c. La Reine[7], la Cour a fait observer ce qui suit :

 

Pour décider si une obligation est éventuelle, on applique le critère généralement reconnu énoncé dans la décision Winter and Others (Executors of Sir Arthur Munro Sutherland (deceased)) v. Inland Revenue Commissioners, [1963] A.C. 235 (H.L.), où lord Guest s'est exprimé en ces termes (à la page 262) :

 

[TRADUCTION] Il convient de préciser qu'une éventualité est un événement qui peut se produire ou ne pas se produire et une obligation éventuelle est une obligation dont l'existence dépend d'un événement qui peut se produire ou ne pas se produire.

 

[…]

 

Pour revenir maintenant au critère énoncé dans la décision Winter, la question qu'il faut se poser, pour décider du caractère éventuel ou non d'une obligation juridique à un moment précis, est de savoir si l'obligation juridique existe à ce moment précis ou si elle ne naîtra qu'au moment où surviendra un événement, qui pourrait ne pas se produire. […]

 

Le fait est que la cotisation a créé une obligation juridique qui existait au moment où la preuve de réclamation a été déposée.

 

[11]    La dernière question se rapporte au montant de la taxe payable. Les éléments de preuve qui m’ont été soumis indiquent que la cotisation arbitraire de 65 880,31 $ établie le 20 septembre 1995 était fondée sur le montant estimatif de la taxe dont la société aurait fait état dans ses déclarations pour la période en cause. Subséquemment, le montant de la taxe nette payable a été établi à 172 128,34[8] d'après les déclarations produites par le syndic de faillite. À l’étape de l’opposition[9], d’autres documents ont été fournis au vérificateur. En conséquence, des CTI additionnels de 46 154 $ ont été accordés et une nouvelle cotisation de 131 651,72 $ a été établie à l’égard de la société. Avant le procès, l’intimée s’est penchée à nouveau sur les états K84 de Douanes Canada et a admis un montant supplémentaire de 102 410,70 $ au titre des CTI. Selon l’avocat de l’intimée, par suite de ces nouveaux calculs, la taxe, l’intérêt et les pénalités payables par la société (et, par conséquent, la responsabilité des administrateurs) s’établissent à 73 869,32 $.

 

[12]    Exception faite de la taxe payable pour les périodes allant du 1er au 30 juin et du 1er au 18 juillet 1995, l’appelant ne conteste pas les montants de TPS indiqués dans les cotisations. Il soutient que les déclarations et les remises auraient dû (et pouvaient seulement) être faites par Deane Gurney, à qui on avait attribué le rôle de contrôleur durant la période allant du 18 juillet au 6 septembre 1995. L’appelant soutient que, par suite de la nomination de M. Gurney, les administrateurs ont cessé d’avoir le droit d’exercer un contrôle sur les finances et, en conséquence, ils ne peuvent pas être tenus responsables du défaut de produire les déclarations et de faire les remises de 6 111,61 $ et de 10 807,55 $ pour ces périodes.

 

[13]    La preuve n’étaye pas la thèse de l’appelant. M. Gurney a précisé que son rôle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité était différent de celui d’un syndic de faillite. Plus particulièrement, il avait la responsabilité de contrôler les activités de la société. À cette fin, il a demandé que soit préparé un rapport journalier de trésorerie indiquant les recettes et les décaissements quotidiens de même que tous les chèques rédigés durant cette période. Cette liste, préparée par le comptable de la société, Harold Jensen, était examinée aux fins de déterminer qu’aucun poste inhabituel n’y figurait. M. Gurney a fait observer qu’il n’avait nullement limité la capacité de la société de rédiger des chèques ni n’avait le pouvoir d’intervenir en la matière. Lorsqu’il arrivait à la conclusion qu’un chèque particulier ne devait pas être émis, il en informait la société en sa qualité de syndic; si la société n’avait pas tenu compte de son avis, il aurait saisi les créanciers et le surintendant des faillites de la question. M. Gurney a également affirmé que, au cours d’une réunion, il avait explicitement dit aux administrateurs qu’il leur appartenait toujours de produire les déclarations et d’effectuer les remises voulues et qu’ils pouvaient être tenus personnellement responsables de tout manquement à cet égard. Les éléments de preuve n’étayent pas la thèse de l’appelant selon laquelle le contrôle des finances avait échappé aux administrateurs durant cette période. En conséquence, les montants de 6 111,61 $ et de 10 807,55 $ ont été inclus à juste titre dans le calcul de la taxe payable par les administrateurs.

 

Responsabilité de l’administrateur

 

[14]    Dans le cadre de son interrogatoire et de son contre‑interrogatoire des témoins, l’appelant a obtenu des preuves se rapportant sans contredit à la question de la diligence raisonnable. Il a fait référence en particulier au rôle du comptable de la société, M. Jensen, et au fait qu’il s’acquittait de ses fonctions avec compétence et qu’un « administrateur comme moi‑même » pouvait avoir la certitude qu’il avait préparé les documents comme il se devait et « avait produit toutes les déclarations ». L’appelant a également orienté son interrogatoire de M. Gurney de manière à établir que, durant la période du 18 juillet au 16 septembre 1995, c’est la Banque Royale, en sa qualité de créancier principal, qui exerçait le contrôle sur les finances de la société et qu’elle « limitait la capacité » de cette dernière de « mettre à jour les paiements de TPS »[10].

 

[15]    L’appelant n’a pas soulevé la question de la diligence raisonnable dans son avis d’appel, et, étant donné que celui‑ci a été rédigé et déposé par son avocat, il ne peut pas prétendre qu’il y a eu un malencontreux oubli. L’avocat de l’intimée a affirmé que, en raison du défaut de l’appelant de soulever la question de la diligence raisonnable dans ses actes de procédure, il n’a pas abordé cette question lors de son interrogatoire et de son contre‑interrogatoire des témoins. Cela suffit, a‑t‑il soutenu, pour statuer sur cet aspect de l’appel sans formuler d’autres observations. Je ne peux souscrire à ce point de vue. Même si la question n’est pas mentionnée expressément dans l’avis d’appel, on peut soutenir que les dispositions de la Loi donnant naissance à la cotisation se trouvent, en un sens, à soulever la question. Ces dispositions sont libellées comme suit :

 


323(1)  Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

323(3)  L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

En outre, je ne puis faire abstraction du fait que la réponse à l’avis d’appel fait expressément allusion à la question de la diligence raisonnable en termes clairs et non ambigus[11].

 

Analyse

 

[16]    En ce qui concerne les paragraphes 323(1) et 323(3), dans l’arrêt Smith c. La Reine,[12] la Cour d’appel fédérale a formulé les observations suivantes :

 

L'arrêt Soper, précité, a établi que la norme de prudence décrite dans la défense de diligence raisonnable au sens de la loi est essentiellement la même que la norme de prudence en common law, établie dans l'arrêt City Equitable Fire Insurance Commission., In re, [1925] ch. 407 (C.A.). Il s'ensuit que ce à quoi on peut raisonnablement s'attendre d'un administrateur aux fins des paragraphes 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise dépendra des faits de l'affaire, avec un élément objectif et un élément subjectif.

 

L'élément subjectif de la norme de prudence applicable à un administrateur donné dépendra de ses qualités personnelles, y compris ses connaissances et son expérience. En général, une personne expérimentée en affaires ou en questions financières sera tenue à une norme plus élevée qu'une personne qui n'a pas de connaissances ou d'expérience en affaires et dont le statut d'administrateur reflète, par exemple, un simple lien familial. Toutefois, la défense de diligence raisonnable ne sera d'aucune aide à un administrateur qui n'a pas tenu compte des obligations imposées aux administrateurs par la loi, ou qui n'a fait aucun cas d'un problème dont il connaissait l'existence, ou dont il aurait dû connaître l'existence comme toute personne prudente en pareilles circonstances (Hanson c. Canada (2000) 260 N.R. 79, [2000] 4 C.T.C. 215, 2000 D.T.C. 6564 (C.A.F.)).

 

En évaluant objectivement l'aspect raisonnable de la conduite d'un administrateur, il y a lieu de tenir compte de facteurs comme le volume, la nature et la complexité des affaires de la société, ainsi que de ses coutumes et pratiques. Plus une entreprise est importante et complexe, plus il sera raisonnable que les administrateurs se partagent les responsabilités, ou qu'ils délèguent le règlement de certaines questions au personnel de la société et à des conseillers extérieurs auxquels ils accordent leur confiance.

 

La souplesse inhérente à la défense de diligence raisonnable peut créer des situations où une norme de prudence plus élevée s'impose à certains administrateurs d'une société par rapport à d'autres. Par exemple, il peut être approprié d'imposer une norme plus élevée à un « administrateur interne » (par exemple, un directeur ayant l'habitude de la gestion au jour le jour) qu'à un « administrateur externe » (comme un directeur qui connaît assez peu les affaires de la société et n'est impliqué que de façon superficielle).

 

[17]    Dans l’arrêt Smith, la Cour fédérale a également fait observer que « dans certaines circonstances, le fait qu’une société soit en difficultés financières et donc à risque plus élevé que d’autres sociétés de ne pas verser ses remises d’impôts peut être un facteur qui milite pour une norme de prudence plus élevée. Par exemple, un administrateur qui connaît les difficultés financières de la société et qui décide sciemment de financer les opérations de la société avec les sommes prélevées à la source et non remises pourrait ne pas pouvoir invoquer la défense de diligence raisonnable (Ruffo c. Canada, C.A.F., no A‑429‑97, le 13 avril 2000 (2000 DTC 6317)). Toutefois, il est important de se rappeler que dans tous les cas la norme est celle du raisonnable et non celle de la perfection. »

 

[18]    Dans l’appel en l’instance, il est manifeste que la société éprouvait des difficultés financières depuis un bon bout de temps et qu’en août 1994 elle a cessé de produire ses déclarations de taxe sur les produits et services et de faire les remises voulues. Il est également un fait établi que les quatre premières déclarations à produire pour les mois de septembre, d'octobre, de novembre et de décembre 1994 avaient été préparées, probablement par le comptable, M. Jensen, et qu’elles se trouvaient dans les registres de la société. Les déclarations subséquentes ont été préparées et remises par le syndic seulement après que la société eut été mise en faillite. Ce comportement est l’indication d’une tentative délibérée de maintenir l’entreprise à flot en utilisant le montant des remises pour payer les créanciers. En outre, quoique l’appelant se soit employé à attribuer la responsabilité du manquement à M. Jensen, il est manifeste que l’appelant, un administrateur interne chevronné, bien renseigné et actif dans la société, aurait dû savoir, et savait, selon moi, que la société n’effectuait pas les remises de TPS depuis longtemps.

 

[19]    La norme de diligence raisonnable qui s’applique à l’administrateur en vertu de la Loi est de « prévenir le manquement » d’effectuer les remises. Aucun élément de preuve n’a été produit pour montrer que des mesures avaient été prises ou même envisagées pour prévenir le manquement. En fait, la preuve indique que le défaut d’effectuer les remises était le fait d’une décision délibérée des administrateurs. Je suis arrivé à la conclusion que les éléments de preuve ne permettent pas d’établir que l’appelant a agi avec autant de diligence que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente pour l’application du paragraphe 323(1) de la Loi.

 


[20]    Pour les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli et le montant de la cotisation, soit 131 651,72 $, est modifié et réduit à 73 869,32 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 2002.

 

 

 

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 



[1]           Pièce R‑1 – le bilan de réalisation éventuelle que renferme la proposition indique que Revenu Canada est à la fois un créancier garanti en ce qui concerne la feuille de paie des employés, et un créancier non garanti en ce qui concerne la TPS impayée de 75 000 $. La déclaration sous serment qui fait partie de la proposition a été signée par l’appelant.

[2]           Voir la pièce A‑1, annexe « D ».

[3]           Pièce A‑2.

[4]           Pièce A‑1, annexe « E ».

[5]           Pièce R‑1.

[6]           Pièce A‑2, page 3.

[7]           C.A.F., no A-153-99, 26 mars 2001, aux pages 7 et 10 (2001 DTC 5212, aux pages 5215 et 5216.

[8]           Cette modification était datée du 19 mars 1996. Selon Deane Gurney, syndic de faillite, une telle modification est courante et n’est pas considérée comme une nouvelle réclamation à l’égard du failli, mais plutôt comme une révision de la réclamation existante.

[9]           Ces oppositions se rapportent à la cotisation établie à l’égard des administrateurs.

[10]          La Loi oblige la société à produire les déclarations et à payer la taxe au plus tard dans les trente jours suivant la fin de ses périodes de déclaration. En conséquence, comme la société a été mise en faillite le 18 juillet 1995, la prétention selon laquelle la société n’exerçait plus aucun contrôle vaut uniquement pour les déclarations et les remises exigées pour les périodes allant du 1er au 30 juin et du 1er au 18 juillet 1995.

[11]          [TRADUCTION]

10.       En établissant la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

                        t)          l’appelant était au courant, ou aurait raisonnablement dû être au courant du défaut de la société de produire les déclarations de TPS et de remettre la TPS perçue, ainsi qu’elle y était tenue;

                        u)         pendant toutes les périodes pertinentes, l’appelant était un homme d’affaires bien renseigné ayant beaucoup d’expérience; il était au courant de la responsabilité de l’administrateur, ainsi que de l’obligation de percevoir et de remettre la TPS, et il savait qu’en sa qualité d’administrateur il encourait une responsabilité légale en cas de défaut de la société de remettre la TPS;

                        v)         l’appelant n’a pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[12]          C.A.F., no A-154-00, 26 mars 2001 (198 D.L.R. (4th)257).

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