Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980205

Dossier: 96-2428-UI

ENTRE :

2425-1530 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1]            Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 1er décembre 1997, pour déterminer si Ghazi Khord Salim, le travailleur, a exercé un emploi assurable du 12 mai 1995 au 12 mai 1996, alors qu'il était au service de 2425-1530 Québec Inc., l'appelante, au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la "Loi").

[2]            Par lettre du 4 novembre 1996, l'intimé informa l'appelante que l'emploi du travailleur était assurable pour le motif qu'il existait une relation employeur-employé entre elle et le travailleur.

Exposé des faits

[3]            Les faits sur lesquels s'est basé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

"a)            l'appelante existe depuis environ 10 ans; (admis)

b)             Mme Francine Brouillet est l'unique actionnaire de l'appelante; (admis)

c)              l'appelante est une franchisée exploitant un restaurant Mikes; (admis)

d)             Mme Brouillet s'occupait notamment des comptes à recevoir et à payer ainsi que de l'embauche et de la mise à pied des employés; (nié)

e)              le travailleur était gérant du restaurant; (nié)

f)              au besoin, il faisait également de la livraison pour l'appelante; (admis)

g)             les tâches de gérant du travailleur consistaient notamment à s'occuper de l'inventaire et des horaires de travail du personnel; (nié)

h)             l'appelante contrôlait le travail fait par le travailleur; (nié)

i)               l'appelante exigeait que le travailleur exécute lui-même le travail; (nié)

j)               le travailleur avait un horaire fixe de travail; (nié)

k)              l'appelante défrayait les coûts de pagette du travailleur; (admis)

l)               le travailleur avait un salaire fixe annuel; (nié)

m)             il était rémunéré aux 2 semaines; (nié)

n)             le travail du travailleur était intégré à l'entreprise de l'appelante; (nié)

o)             au cours de la période en litige, il existait un contrat de louage de services entre l'appelante et le travailleur. (nié)"

[4]            L'appelante a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés, ainsi qu'il appert à l'inscription faite entre parenthèses à la fin de chaque alinéa.

Témoignage de Francine Brouillet :

[5]            Mme Brouillet est présidente de l'appelante durant la période en litige. Le travailleur est à l'emploi de l'appelante de mars 1992 à décembre 1993, où il démissionne. Il réintègre ses fonctions le 26 mars 1994 et cesse de travailler de nouveau en septembre 1994 (pièce A-1). Mme Brouillet assure la Cour que le travailleur est comptable, consultant en gestion et propriétaire de son entreprise de gestion. Par acte sous seing privé en date du 31 octobre 1994 (pièce A-3) elle embauche le travailleur comme consultant pour le compte de l'appelante au salaire de 22 000 $ par année réparti sur 12 mois. Étant travailleur autonome, il n'aura droit, en cas de départ, à aucune prime de séparation, aucun privilège d'assurance-chômage et facturera l'appelante mensuellement pour le paiement de sa rémunération. En contre partie, il est libre de tout contrôle, décide son horaire de travail. Il fait affaire sous la raison sociale de Salim Consultation, tel qu'il appert au certificat de l'inspecteur général des institutions financières (pièce A-4). Le travailleur envoie régulièrement ses factures à l'appelante pour obtenir paiement de ses honoraires (pièce A-5) pour "consultation et livraison". Salim dépose une "déclaration et engagement d'un propriétaire d'entreprise individuelle" à la Banque Royale (pièce A-6) le 8 octobre 1994. Le travailleur fait une déclaration de revenu en 1994 et 1995 sous la raison sociale de Consultation Salim Enr. (pièces A-8 et A-9). Ses chèques d'honoraires lui sont versés de façon irrégulière, tel qu'il appert à la liste des paiements par chèque (pièce A-10). Mme Brouillet déclare que les tâches de Salim étaient de rendre la livraison fonctionnelle, réduire l'inventaire et régulariser la masse salariale. Salim a réussi à réduire l'inventaire après trois mois de travail. Les restaurants Mikes, dans un acte sous seing privé en date du 23 décembre 1986, ont conclu l'engagement de fournir "une aide raisonnable au concessionnaire pour lancer son restaurant" (pièce I-1). Mme Brouillet assumait la gérance et faisait les dépôts. À l'occasion, les dépôts étaient aussi faits par Mme Kattar et Salim. Mme Brouillet fournissait à Salim une pagette pour l'aider dans l'exécution de ses fonctions et être plus disponible. Salim a réussi ses tâches de régulariser la masse salariale et réduire l'inventaire, mais a continué de travailler pour l'appelante jusqu'au 12 mai 1996. Outre ses tâches de régulariser la masse salariale, réduire l'inventaire et réorganiser la livraison, Salim a aussi effectué des engagements de personnel.

Témoignage de Daniel Normand :

[6]            Chauffeur de métier, Daniel Normand travaille pour l'appelante depuis deux ans et a été embauché par Salim pour faire de la livraison. Salim aussi fait de la livraison parfois. Daniel Normand relève de l'autorité de Salim et doit lui faire rapport à l'occasion. C'est Salim qui lui a assigné des heures de travail et vérifie l'exactitude de l'argent reçu durant la journée.

Témoignage de Ghazi Khord Salim :

[7]            Salim est actuellement sans emploi, mais a travaillé dans le passé pour l'appelante à titre de chauffeur pour faire la livraison de mars ou février jusqu'à décembre 1993. Mme Brouillet l'a embauché comme gérant, à la condition qu'il s'enregistre sous une raison sociale : "tu n'auras pas besoin de payer ton impôt," dit-elle. Salim est contrôlé de toutes parts. Il immigre au Canada en 1990. Il n'a jamais fréquenté l'Université McGill, mais a suivi un cours d'anglais à Concordia et un de "management" à H.E.C. en 1992. Il a obtenu un diplôme de comptable dans son pays, qui n'est pas valable au Canada. Salim n'a jamais eu le droit de faire les embauchages ou congédiements de personnel, sauf une fois durant les vacances de Mme Brouillet en Floride. Il s'agissait de remplacer, d'urgence, un employé qui avait quitté son poste. À son retour, Mme Brouillet s'est empressée de le congédier. Dans le cas de Daniel Normand, Salim n'a servi que d'intermédiaire : il a transmis à l'appelante sa demande d'emploi et lui a communiqué sa réponse. Généralement, Mme Brouillet est au restaurant le matin, mais pas l'après-midi; alors c'est Salim qui la remplace six jours par semaine, parfois sept.

[8]            C'est aussi lui qui la remplace quand elle va à son chalet ou en vacances en Floride. Dans ces occasions, il agit comme gérant; il fait les dépôts et contrôle les employés. En cas de problème, il lui téléphone où elle se trouve : en Floride ou dans le nord. Il lui expose la situation et exécute sa décision. Il fait la livraison dans ses temps libres. S'il manque de quelque chose, il l'achète, le paie de sa poche et reçoit remboursement de l'appelante.

[9]            Salim reçoit son chèque de paie aux deux semaines. À la demande de l'appelante, il fait alterner son chèque avec celui des autres employés. Son salaire était de 35 000 $ par an, payable en 52 versements égaux. En septembre 1995, l'appelante réduit son salaire à 29 500 $, parce que les revenus du restaurant sont à la baisse. Salim doit faire 40 heures de livraison en six jours de travail par semaine, a décidé l'appelante. Le mardi, c'est jour de congé, mais Salim doit toujours se pointer au restaurant, quand Mme Brouillet l'appelle sur sa "pagette".

[10]          En outre, il fait souvent les dépôts bancaires de l'appelante à la Banque Nationale, 9000 rue de l'Acadie.

Analyse des faits en regard du droit

[11]          Il y a lieu maintenant de déterminer si l'activité de Salim est incluse dans la notion d'emploi assurable, c'est-à-dire s'il existe un contrat de travail ou non. Salim était-il gérant de l'appelante ou consultant en vertu d'un contrat d'entreprise?

[12]          La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd. [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et 4) le risque de perte. La Cour d'appel fédérale y a ajouté le degré d'intégration dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., mais cette énumération n'est pas exhaustive.

[13]          Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par le travailleur l'était sous la direction de l'appelante et qu'il existait un lien de subordination entre eux. C'est l'appelante qui possède l'entreprise nécessaire à son exploitation. C'est elle seule qui peut réaliser des bénéfices ou des pertes dans l'exploitation de son entreprise et non le travailleur qui ne reçoit qu'un salaire fixe. Enfin, le travailleur exécutait son travail chez l'appelante et était bien intégré dans son entreprise.

[14]          Le témoignage de Mme Brouillet est confus et truffé de contradictions. J'en conclus que le travailleur était à l'emploi de l'appelante durant la période en litige en vertu d'un contrat de louage de services.

[15]          En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa (Canada), ce 5e jour de février 1998.

" G. CHARRON "

J.S.C.C.I.

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