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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020827

Dossier: 2001-1801(IT)I

2001-1802(IT)I

 

ENTRE :

 

STELLA PINNOCK et

STAINTON PINNOCK,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

____________________________________________________________________

 

Pour les appelants : Les appelants eux-mêmes

Avocat de l'intimée : Me A'Amer Ather

____________________________________________________________________

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience le

28 juin 2002, à Toronto (Ontario))

 

Le juge McArthur

 

[1]     Ces appels concernent des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1996 et 1997. Les appelants sont mari et femme, et leurs appels ainsi que les réponses que le ministre du Revenu national leur a faites sont identiques. Stella Pinnock a assumé le rôle principal dans la présentation conjointe. Une demande d’ajournement, présentée auparavant, avait été rejetée, et les appelants étaient prêts à commencer la procédure informelle le 24 juin 2002. On leur avait déjà dit que le montant d’impôt fédéral et de pénalités pouvant être visé par une procédure informelle est limité à 12 000 $, et que les dépenses sont plafonnées à 24 000 $. On leur avait également dit que le passage à la procédure générale leur coûterait 300 $. J’ai été informé que la Cour canadienne de l’impôt avait envoyé plusieurs lettres aux appelants et essayé à maintes reprises de les joindre au téléphone, mais sans succès. Ils savent que les montants visés par l’appel sont supérieurs aux limites prévues pour la procédure informelle. À l’heure actuelle, les appelants traversent des difficultés financières, et ils n’ont les moyens de payer ni les honoraires d’un avocat ou d’un comptable, ni les frais de transfert. Apparemment, ils estimaient qu'il valait mieux pour eux d'agir seuls en ayant recours à la procédure informelle.

 

[2]     Les limites mentionnées ici sont établies à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, qui se lit comme suit :

 

18.1     Le jugement qui fait droit à un appel visé au paragraphe 18(1) est réputé comporter une disposition ordonnant que le total de tous les montants en cause ne soit pas réduit de plus de 12 000 $ ou, selon le cas, que le montant de la perte en cause ne soit pas augmenté de plus de 24 000 $.

 

[3]     En 1996, le ministre a refusé des dépenses et intérêts de 7 805 $ et 31 818 $ respectivement, et en 1997, il a rejeté des dépenses et intérêts s’élevant respectivement à 18 589 $ et 37 778 $. Ces montants sont supérieurs aux plafonds de 12 000 $ pour l’impôt et de 24 000 $ pour les pertes, mais les appelants ont décidé d’utiliser la procédure informelle et de limiter leurs appels individuels. Il semble que les appelants n'avaient pas les moyens de payer les frais de transfert de 300 $.

 

[4]     Pour compliquer encore plus les choses pour les appelants, la plupart des documents dont ils avaient besoin n’étaient pas disponibles, puisque qu’ils avaient été retenus ou confisqués par le ministère de la Santé de l’Ontario, et/ou par leurs anciens avocats et comptables. L’appelante Stella est travailleuse sociale de métier et Stainton a derrière lui 34 années d’une carrière distinguée dans le service de police de Toronto.

 

[5]     En 1974, les appelants ont acheté, à titre de partenaires de plein droit, une pension de famille connue sous le nom de « Lauder Boarding Home » à Toronto, en Ontario, et cette société de personnes ou entreprise a déclaré les pertes non admises qui sont maintenant visées par l’appel. Il a été très difficile de distinguer les faits pertinents sur lesquels s’appuient les appelants. Les pièces A‑1 à A‑6 inclusivement ont été présentées sans suite et ne sont guère utiles. À titre d’exemple, la pièce A‑1 est une garantie à la Banque de Nouvelle-Écosse, signée par Stella uniquement, garantissant une ligne de crédit à 741290 Ontario Ltd., qui exploitait l’entreprise Van Del Manor Nursing Home. Ce document, daté de 1989, ne mentionne pas le montant du principal. L’entreprise en question a eu des démêlés avec le ministère de la Santé de l’Ontario, et elle n’avait rien à voir avec la pension Lauder, sauf que les intérêts débiteurs semblent concerner de l’argent prêté par les appelants à 741290.

 

[6]     La pièce A‑2, également datée de 1989, ressemble à une liste de certificats de placement garantis dont le montant total est de 155 000 $, en nantissement d’un prêt à 741290. La pièce A‑3 est également une liste de garanties déposées à la Canada Trust et datée de 1996, dont on présume qu’elles ont servi à une fin identique. La pièce A‑4 consiste en un relevé mensuel du compte Powerline de Canada Trust, en date de mars 2000 et adressé aux appelants, où l’on demande un versement minimum de 23 600 $. À cette date-là, le solde du compte à payer s’élevait à 255 703 $. La pièce A‑5, je pense, est un relevé bancaire daté de février 1999 dont je ne perçois pas la pertinence ici. La pièce A‑6 consiste en une autre garantie à la Banque de Nouvelle-Écosse, également datée de 1989 et similaire à la pièce A‑1, sauf qu’elle a été signée par les deux appelants.

 

[7]     Une lettre datée du 26 octobre 2000 (pièce R-4) de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et adressée à l’ancien avocat des appelants peut aider à comprendre la situation qui y est exposée, et je la cite donc tout au long :

 

          [TRADUCTION]

 

À l’attention de Me Osborne G. Barnwell

 

Le 26 octobre 2000

 

Maître,

 

Objet :  Mme Stella Pinnock

            Avis d’opposition pour les années d’imposition 1997 et 1996

 

La présente est une réponse aux déclarations faites dans votre télécopie du 18 septembre 2000 et dans les avis d’opposition mentionnés en rubrique. La télécopie du 18 septembre 2000 contient des photocopies de la charge foncière et de l’hypothèque immobilière.

 

(1)        Une partie du lot 30 Concession 6 Ville de Newcastle; datée de février 1990. Date d’exigibilité du solde : le 14 février 1991.

(2)        Une partie du lot 30 Concession 6 Ville de Newcastle; datée du 16 février 1990. Date d’exigibilité du solde : le 11 septembre 1991.

(3)        Lot 69, Plan 1766 Ville de North York; datée du 17 août 1989. Date d’exigibilité du solde : le 17 août 1990.

 

Aucune documentation actuelle ne vient appuyer la charge foncière et l’hypothèque immobilière.

 

La télécopie du 18 septembre 2000 contient la demande suivante : « nous sollicitons respectueusement une rencontre entre vous et les contribuables afin de leur donner l'occasion d’expliquer les circonstances entourant les dépenses déclarées ». Or, compte tenu de l’information fournie, nous estimons qu’une rencontre ne constituerait pas actuellement une utilisation efficace du temps de vos clients.

 

Nous avons mené à bien une étude des enjeux, et les résumons ci-dessous, avec des observations à l’appui. Voici les questions soulevées dans les avis d’opposition.

 

Années d’imposition

1997

1996

Rajustements au revenu d’entreprise

 

 

« 296 Lauder Group Home »

 

 

 

(1) Assurance non admissible

 

   2 423 $

(2) Salaires non admissibles

 23 794 $

 12 201 $

(3) Intérêts débiteurs non admissibles

  6 216 $

 

(4) Frais d’entretien non admissibles

  2 935 $

 

(5) Frais d’automobile non admissibles

  4 235 $

   1 165 $

Total

 37 180 $

 15 789 $

Total (sur T7WC)

 37 177 $

 15 609 $

Rajustement : part sociale à 50 %

 18 589 $

  7 805 $

 

 

 

(6) Déductions du revenu total

 

 

Frais financiers et intérêts débiteurs non admissibles

 75 556 $

 72 651 $

Fractionnement de 50 % non admissible

 37 778 $

31 818 $

 

Nous voulons résumer les enjeux soulevés dans les avis d’opposition et émettre des observations à leur sujet. Par ailleurs, nous allons répondre aux questions spécifiquement posées dans la télécopie du 18 septembre 2000.

 

(1)        Le vérificateur a déterminé les dépenses visées par des reçus, pièces justificatives ou documents. En fonction de cette analyse, les montants portés aux dépenses qui étaient non documentés et non raisonnables en l’occurrence ont été déclarés non admissibles. La lettre du vérificateur en date du 25 juin 1999 contient des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

En général, toutes les primes d’assurance commerciale ordinaire sont déductibles, par exemple l’assurance contre les incendies sur les installations et machines utilisées dans l’entreprise, ou l’assurance des pertes d’exploitation. Notre examen des frais d’assurance non admissibles n’a dégagé aucune documentation relative au montant, ni aucune preuve de paiement effectif et authentique.

 

(2)        Le vérificateur a établi les dépenses qui sont soutenues par des reçus, pièces justificatives ou documents. En fonction de cette analyse, les montants portés aux dépenses qui sont considérés comme non documentés et non raisonnables en l’occurrence ont été déclarés non admissibles. La lettre du vérificateur en date du 25 juin 1999 contient des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

En général, les salaires versés aux employés constituent des dépenses déductibles à condition d’être des dépenses contribuant au revenu de l’entreprise et d’être raisonnables. Notre examen des salaires non admissibles n’a dégagé aucune documentation relative au montant ou aux heures de travail, ni aucune preuve de versement effectif et authentique aux employés.

 

(3)        Le vérificateur a établi que les intérêts débiteurs n’étaient pas soutenus par des reçus, pièces justificatives ou documents. Par conséquent, les intérêts débiteurs admissibles ont été calculés d’après le principal restant à payer au 31 décembre 1996. La lettre du vérificateur en date du 25 juin 1999 contient des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

En général, les intérêts débiteurs constituent des dépenses déductibles à condition d’être des dépenses contribuant au revenu de l’entreprise et d’être raisonnables. Notre examen des intérêts non admissibles n’a dégagé aucune documentation relative au montant, ni aucune preuve de versement effectif et authentique.

 

(4)        Le vérificateur a identifié les dépenses étayées par des reçus, pièces justificatives ou documents. En fonction de cette analyse, les montants déterminés comme non documentés et non raisonnables en l’occurrence ont été déclarés non admissibles. La lettre du vérificateur en date du 25 juin 1999 contient des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

En général, les frais d’entretien constituent des dépenses déductibles à condition d’être des dépenses contribuant au revenu de l’entreprise et d’être raisonnables. Or, notre examen des frais d’entretien non admissibles n’a dégagé aucune documentation relative au montant, ni aucune preuve de versement effectif et authentique.

 

(5)        Le vérificateur a déterminé les dépenses qui étaient soutenues par des reçus, pièces justificatives ou documents. En fonction de son analyse, les montants portés aux dépenses qui étaient considérés comme non documentés et non raisonnables en l’occurrence ont été déclarés non admissibles. La lettre du vérificateur en date du 2 juin 1999 contient des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

En général, les dépenses d’automobile payées constituent des dépenses déductibles à condition de contribuer au revenu de l’entreprise et d’être raisonnables. Or, notre analyse des dépenses d’automobile non admissibles n’a dégagé la présence d'aucun journal de voyage pour les dépenses, ni d'aucun rajustement pour la portion personnelle. Le contribuable n’a fourni aucun document à l’appui. Toutefois, le vérificateur a calculé le montant raisonnable attribuable à l’entreprise.

 

Les dépenses non admissibles sont conformes à l’article 67, paragraphe 9(1), alinéas 18(1)a) et 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Le premier critère de déductibilité est établi au paragraphe 9(1), qui se lit comme suit :

Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

 

Les articles 18 et 19 interdisent la déduction de certaines dépenses par les mots « ne sont pas déductibles ». Toutefois, les règles contenues dans les articles 18 et 19 établissent en fait des principes généraux ou un critère de déductibilité d’après la Loi. Si une dépense n’est pas interdite par une des règles de l’article 18 ou 19, c’est-à-dire, si une dépense passe l’ensemble de critères séquentiels contenus dans ces dispositions, elle est déductible.

 

Pour passer le test de déductibilité de l’alinéa 18(1)a) une dépense doit :

(a) être engagée ou effectuée par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien; et

(b) être propre à produire un revenu lié à l’entreprise ou au bien du contribuable.

 

Le sens de l’expression « en vue de tirer un revenu » a été examiné dans de nombreuses causes.

 

Une entreprise ne peut déduire de dépenses non étayées par des pièces justificatives et dont l’existence et la raison d’être n’ont pas été démontrées. Dans l’affaire Expofood (Canada) Ltd. c. M.R.N., C.C.I., nº 83-68, 4 janvier 1985 (85 DTC 42), le contribuable n’a offert aucune preuve quant à l’existence, au montant ou à la raison d’être de ces dépenses.

 

Les déductions de dépenses non étayées par des dossiers, des reçus ou des pièces justificatives sont généralement refusées, à moins d’être soutenues par d’autres preuves. Les dossiers, pièces justificatives et reçus ont fait l’objet de nombreuses causes.

 

L’article 67 de la Loi de l’impôt sur le revenu fixe une limite au montant d’une dépense pouvant être déduite. Pour être déductible, la dépense doit présenter une nature et un montant qui sont raisonnables dans les circonstances.

 

(6) Déductions du revenu total

Frais financiers et intérêts débiteurs                     75 556 $    72 651 $

Fractionnement de 50 %                                     37 778 $    31 818 $

 

La lettre du vérificateur datée du 25 juin 1999 contenait des copies d’un « état des rajustements avec feuilles de travail expliquant les rajustements proposés ».

 

La déduction des intérêts sur l’argent emprunté est limitée au montant des intérêts payés ou payables, ou à une somme raisonnable à cet égard. La déduction des intérêts est expliquée à l’alinéa 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Les intérêts sont déductibles aux conditions suivantes :

(1)        ils doivent avoir été payés ou être payables pour l’année d’imposition en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts; et

(2)        l’argent emprunté doit avoir été utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, ou les intérêts doivent être sur une somme payable pour un bien acquis en vue d’en tirer un revenu ou de tirer un revenu d’une entreprise.

 

Pendant les années 1980, plusieurs affaires ont souligné le lien qui existe entre une source de revenu et les intérêts débiteurs qui s'y rapportent.

 

L’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32 (87 DTC 5059), soulève la question de la capacité de tirer un revenu.

 

Dans l’affaire Bronfman Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32 (87 DTC 5059), la Cour suprême du Canada a confirmé la position adoptée par Revenu Canada en statuant que l’utilisation de l’argent emprunté était une question primordiale. En l’occurrence, l’examen de la Cour suprême ne lui a pas permis d’établir un lien direct entre l’argent emprunté et la source productive de revenu (source d’utilisation admissible), l’amenant à refuser la déduction des intérêts à cet égard. Pour que les intérêts sur l’argent emprunté soient déductibles, le contribuable doit toujours établir le lien entre l’argent emprunté et une fin productive de revenu.

 

Conclusion:

L’agent des appels a examiné les faits, la preuve et la jurisprudence relativement aux éléments déclarés non admissibles. Les montants visés par la nouvelle cotisation peuvent être considérés de façon raisonnable comme des montants non justifiés et non raisonnables.

 

D’après notre analyse, nous sommes d’avis que la déclaration de non-admissibilité des montants en question est conforme aux dispositions suivantes : article 67, paragraphe 9(1), alinéas 18(1)a), 18(1)h) et 20(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Nous espérons que nos observations vous seront utiles. Nous attendrons trente (30) jours avant de procéder au traitement afin de vous permettre de présenter toute autre information ou explication supplémentaire que vous voudriez nous demander d’examiner. En l’absence de réponse de votre part à l’expiration de ce délai, nous procéderons à la ratification des nouvelles cotisations exposées dans les présentes.

 

Toute information doit être envoyée à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, 5001, rue Yonge, Division des appels, 11e étage, Section 430-2, à l’attention de C. McAuley.

 

Veuillez communiquer avec l’agent des appels au numéro indiqué si vous avez des questions à poser.

 

Vous remerciant de votre coopération, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.

 

 

C. McAuley, CMA

Agent des appels

 

cc:  Mrs. Stella Pinnock

 

[8]     M. Tom Kung, qui avait réalisé la vérification pour l’ADRC dans le cadre de ces appels, a témoigné pour l’intimée. Les exposés de faits contenus aux pages 3, 4 et 5 de l’avis d’appel des appelants ont été partiellement lus par Mme Pinnock, comme suit :

 

        [TRADUCTION]

 

En 1998, la contribuable et son conjoint, Stainton Pinnock, ainsi que deux autres actionnaires, ont démarré une entreprise connue sous le nom de « Val‑Del Manor Nursing Home ». Ils ont malheureusement fait face à des problèmes financiers dès le début de l’entreprise. Cette dernière avait reçu un permis octroyé en vertu de la Loi sur les maisons de soins infirmiers (Ontario), laquelle est appliquée par le ministère de la Santé.

 

En vertu de la Loi et du Règlement, le ministère de la Santé a accordé des subventions à la maison de soins infirmiers…

 

… Les livres tenus pour l’entreprise, qui montrent que des avances avaient été faites par les appelants au fil des années, étaient conservés dans des boîtes. Ils ont demandé au ministère de restituer ces livres, mais en vain. Malheureusement, en raison de problèmes financiers graves, l’appelante et son conjoint n’avaient pas les moyens de déposer une requête devant la Cour de l’Ontario afin d’exiger la restitution des livres.

 

… Pour permettre d’exploiter la maison de soins infirmiers, une deuxième hypothèque a été souscrite sur la ferme d’Orono. À l’appui de ce fait, un relevé montrant le montant des intérêts payés a été présenté à l’Agence. Ce montant a toutefois été refusé. D’autres pièces justificatives similaires ont été présentées, mais l’Agence n’en a pas tenu compte.

 

La pension Lauder était une entreprise à but lucratif. L’appelante et son conjoint exploitaient cette entreprise en partenariat. L’entreprise consistait à offrir un logement à certaines personnes, notamment celles qui étaient sans abri, et elle était financée par des organismes de services sociaux. Pour exploiter cette entreprise, la pension devait embaucher des travailleurs. Le roulement du bassin de travailleurs était très élevé. L’appelante et son conjoint ont eu beaucoup de mal à attirer des employés à long terme. Certains employés exigeaient qu’on les paye au comptant. Désirant exploiter une entreprise viable, les appelants ne pouvaient guère refuser. Les salaires déclarés non admissibles correspondent aux montants versés à ces employés-là.

 

[9]     Les appelants continuent d'avoir des problèmes avec leurs investissements, surtout 741290 Ontario Ltd. Ils évoquent l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Stewart c. Canada, [2002] A.C.S. nº 46. Ils affirment que toutes les dépenses soumises dans leurs déclarations de 1996 et 1997 sous la rubrique « État des résultats des activités d’une entreprise » (pièces R‑2 et R‑3) devraient être admises, puisque ces états sont exacts et ont été établis par leur ancien comptable agréé.

 

Analyse :

 

[10]    L’enjeu des appels est l’admissibilité des dépenses déduites pour l’exploitation de la pension Lauder qui dépassent les montants admis par le ministre. L’intimée estime que les dépenses doivent être déclarées non admissibles parce qu’elles ne sont pas appuyées par des reçus. La deuxième question est de savoir si les appelants ont le droit de déduire les intérêts sur les prêts souscrits à divers moments pour investir dans 741290 Ontario Ltd. L’intimée s’est partiellement appuyée sur un état financier partiel (pièce R-1) qui indique qu’aucune avance n’a été faite à 741290. Les livres et registres des appelants sont certainement inexistants. J’accepte leur déclaration que leurs livres sont en la possession du ministère de la Santé de l’Ontario et de leurs anciens avocats et comptables. Ils n’ont pas les moyens d’entreprendre de recours en justice pour exiger la restitution de ces livres. Ils ne connaissent pas bien les procédures telles que les assignations et autres. Ils sont placés dans une position extrêmement défavorable. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’ils ont essuyé des pertes d’entreprise importantes au cours des années, et qu’ils ne sont pas en mesure de présenter de documentation à l’appui de celles-ci. Auparavant, ils utilisaient les services de comptables. Il ne leur reste désormais que leur témoignage oral, qui comprend des déclarations de portée générale telles que : [TRADUCTION] « Les activités d’entreprise visées par nos déclarations de 1996/1997 doivent être exactes puisqu’elles ont été préparées par un comptable agréé ».

 

[11]    Je constate que les appelants sont des personnes honnêtes et travaillantes qui, âgées de plus de 60 ans, se trouvent aux prises avec des difficultés financières graves. Cela fait plus de dix ans qu’ils financent les pertes de 741290 Ontario Ltd. J’accepte leur témoignage qu’ils ont emprunté plusieurs centaines de milliers de dollars en grevant d'une garantie leur maison, leur ferme et la pension Lauder, dont ils sont conjointement propriétaires. Ils ont avancé la totalité ou la majeure partie du produit de ces emprunts à 741290 Ontario Ltd.

 

[12]    Le ministre refuse les frais financiers parce qu’ils ne sont pas appuyés par des pièces justificatives et parce que le bilan de 1997 pour 741290, qui exploitait la maison de soins infirmiers, indiquait que le montant des avances des actionnaires était nul. Trois pages de ce document ont été présentées comme preuve. Il semble que le document tout entier faisait au moins neuf pages. Les versements d’intérêts effectués par les appelants, soit 31 818 $ en 1996 et 37 778 $ en 1997, sont les montants qu’ils veulent déduire. Dans leur témoignage, ils ont tous deux affirmé avoir payé ces montants comme intérêts afin de tirer un revenu de la pension Lauder et de 741290, qui exploitait la maison des soins infirmiers. Je les crois, et je ne peux entièrement ignorer leur témoignage sous prétexte qu’ils n'ont pas soumis de pièces à l’appui. Les appelants n’ont pas réussi à expliquer le montant nul des avances dans le bilan de 1997. Une écriture montrait des avances d’actionnaires de 38 747 $ en 1996. En l’absence d’explications de la part du comptable, ces écritures ne sont pas vraiment concluantes.

 

[13]    La troisième page de ce relevé indique les hypothèques payables par 741290 Ontario Ltd., soit 1 742 897 $ en 1997 et 1 751 143 $ en 1996. Il semble y avoir quatre hypothèques grevant la maison de soins infirmiers au 31 mars 1996. D’après les quatre pages d’états financiers, il semble que la personne morale était responsable de prêts hypothécaires totalisant 2 151 639 $. Nous avons été renvoyés à la « Note 5 », laquelle ne faisait toutefois pas partie de la pièce R-1 déposée en preuve par l’intimée. Cet élément de preuve ne sert pas à grand-chose, mais on pourrait supposer qu’en plus des prêts hypothécaires totalisant 1 751 143 $ qui grèvent la maison de soins infirmiers, 741290 Ontario Ltd. était responsable de crédits hypothécaires en sus s’élevant à 400 000 $. C’est compatible avec le témoignage des appelants selon lequel ils avaient hypothéqué les trois autres biens immobiliers leur appartenant personnellement en faveur de 741290, et que cette dernière était responsable du versement des intérêts à payer sur les montants afférents. La page unique du bilan de 1996 pour 741290 montre également un endettement bancaire s’établissant au 31 mars 1996 à 347 842 $. Sans autres détails ou explications, ce montant n’éclaire pas grand-chose, sauf dans la mesure où il indique que 741290 s’était endettée en souscrivant plusieurs hypothèques et des prêts bancaires en 1996 et 1997.

 

[14]    D’après le témoignage des appelants et la preuve présentée à l’appui, je conclus de façon assez arbitraire que chacun des appelants peut déduire un total de 24 000 $ pour les intérêts débiteurs en 1996 et en 1997. À mon avis, cette conclusion relève du bon sens. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’ils ont versé des montants importants au titre des intérêts et qu’ils ont droit à un redressement conformément à l’alinéa 20(1)c) de la Loi. Les montants d’intérêts déduits au-delà de 24 000 $ par chaque appelant sont refusés. J’estime que le ministre avait raison de ne pas admettre les frais généraux. Pour les motifs indiqués par l’avocat de l’intimée, je décrète que les frais généraux de 7 805 $ en 1996 et de 18 589 $ en 1997 ne sont pas admissibles. Compte tenu des limites imposées sur les dépenses en vertu de la procédure informelle, il serait oiseux d’analyser les dépenses non admissibles.

 

[15]    Pour conclure, les appels sont admis aux fins de permettre aux appelants de déduire chacun un total de 24 000 $ pour les intérêts ou frais financiers en 1996 et en 1997, et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'août 2002.

 

 

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

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