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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

2001-2784(IT)I

 

ENTRE :

 

MARIUS P. PIENAAR,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 23 septembre 2002, à Prince Rupert (Colombie-Britannique), par

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

 

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :                           Me Michael Taylor

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire les paiements qu'il a faits à
sa conjointe entre le 2 avril et le 31 décembre 1998, sauf le paiement supplémentaire de 1 000 $, qui n'est pas déductible.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'août 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20020103

Dossier : 2001-2784(IT)I

 

ENTRE :

 

MARIUS P. PIENAAR,

 

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie, C.C.I.

 

[1]     Le docteur Pienaar interjette appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1998. Son appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle. Le seul point en litige dans le présent appel concerne le fait que l'appelant a demandé à déduire certaines sommes qu'il avait versées à son épouse comme pension alimentaire pour conjoint après leur séparation. En produisant sa déclaration de revenu, l'appelant a demandé une déduction de 26 610 $; en établissant une cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre du Revenu national n'a admis qu'une déduction de 19 800 $. Le point en litige tient à la question de savoir si l'appelant est en droit de déduire les 6 810 $ restants. Le ministre n'a pas admis ce dernier montant pour le motif que celui‑ci n'avait pas été versé conformément à une ordonnance judiciaire ou à un accord écrit de séparation; l'appelant, qui s'est représenté lui‑même devant notre cour, a fait valoir que certaines lettres que son avocat et l'avocate de son épouse se sont écrites entre la date de la séparation et la date de la première ordonnance lui enjoignant de payer une pension alimentaire provisoire répondent à l'exigence de la Loi de l'impôt sur le revenu qu'il y ait « un accord écrit ».

 

[2]     Les faits ne sont pas en litige. Le docteur Pienaar et son épouse se sont séparés le 1er mars 1998. Le docteur Pienaar a immédiatement commencé à faire des paiements de pension alimentaire à son épouse. Il a versé 500 $ le 2 mars et 510 $ le 19 mars. À partir de là jusqu'à la fin de l'année, il a versé à son épouse 600 $ par semaine. Le 15 novembre, il a en outre versé une somme supplémentaire de 1 000 $ à son épouse parce que celle‑ci avait de la difficulté à joindre les deux bouts. Lui et son épouse étaient alors représentés par des avocats et se sont rapidement entendus sur le montant de 600 $ par semaine comme pension alimentaire provisoire. Cela a été incorporé dans une ordonnance sur consentement de la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique, rendue par Mme le juge A. K. Krantz le 15 mai 1998. La partie pertinente de cette ordonnance se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

La Cour ordonne que [Marius Pienaar] verse à [Mari‑Etha Pienaar] comme pension alimentaire « provisoire provisoire » pour conjoint 2 600 $ par mois en versements hebdomadaires de 600 $ chaque dimanche à partir du 17 mai 1998 jusqu'à ce qu'une autre ordonnance soit rendue [...]

 

[3]     Le régime légal prévoyant que des paiements de pension alimentaire peuvent être déduits par le contribuable effectuant ces paiements est très alambiqué. Son application est toutefois grandement simplifiée dans le cas présent, du fait que l'année en cause dans l'appel est la première année au cours de laquelle des paiements ont été effectués et que les paiements n'ont été effectués qu'au titre d'une pension alimentaire pour conjoint. Le point en litige se résume donc à la question de savoir si les paiements effectués entrent dans la définition de « pension alimentaire » figurant au paragraphe 56.1(4) de la Loi. Le passage de cette définition qui est pertinent aux fins du présent appel se lit comme suit :

 

56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui‑ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui‑ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

 

b) [...]

 

J'ai mis en caractères gras les termes qui sont particulièrement pertinents en l'espèce. La position que le ministre a adoptée en établissant une cotisation à l'égard de l'appelant peut être résumée comme suit. Les paiements hebdomadaires effectués par l'appelant avant le 17 mai 1998, soit 5 810 $ au total, n'ont pas été effectués conformément à une ordonnance d'un tribunal ou à un accord écrit et ne répondent donc pas aux exigences de la définition. Le paiement supplémentaire de 1 000 $, que l'appelant a effectué à titre gracieux le 15 novembre 1998, n'était pas un paiement périodique et n'a pas non plus été effectué conformément à l'ordonnance d'un tribunal ou à un accord écrit.

 

[4]     Il n'y a pas de doute que le montant supplémentaire de 1 000 $ que le docteur Pienaar a volontairement versé en novembre 1998 n'est pas déductible, pour les deux raisons avancées par l'intimée. Il n'y a pas de doute non plus que l'appelant n'est pas en droit de déduire le paiement de 500 $ qu'il a effectué le 2 mars 1998, car rien n'avait alors été mis par écrit. L'appelant arguait toutefois qu'il devrait avoir le droit de déduire tous les paiements périodiques effectués après le 13 mars, car un accord écrit avait alors été conclu.

 

[5]     Le 13 mars 1998, Robert Punnett, avocat de l'appelant, a écrit à Irene Peters, avocate de l'épouse de l'appelant. La partie pertinente de cette lettre est le premier paragraphe, qui dit :

 

[TRADUCTION]

 

J'ai parlé à mon client et je confirme qu'il versera 600 $ par semaine à votre cliente pour ses dépenses habituelles comme les frais de nourriture et les frais personnels.

 

L'autre écrit qu'invoque l'appelant est une lettre de Me Peters à Me Punnett en date du 2 avril. Il s'agit d'une réponse à une lettre du 31 mars, et la partie pertinente est le deuxième paragraphe, dans lequel Me Peters indique certaines demandes pécuniaires de sa cliente et qui se termine par la phrase suivante :

 

[TRADUCTION]

 

De plus, Mme Pienaar recevait, sur l'avoir familial des sociétés par actions, un revenu brut de 2 500 $ par mois; à ce moment, elle ne reçoit que 2 400 $ par mois basé sur l'accord relatif aux 600 $ par semaine.

 

L'appelant n'a pas déposé en preuve la lettre du 31 mars ou d'autres lettres ou documents qui, disait‑il, ne se rapportaient pas à la question de savoir si, avant l'ordonnance du 15 mai, il y avait un accord écrit quant aux paiements de pension alimentaire de 600 $ par semaine. Il a toutefois argué que la lettre du 13 mars, seule ou combinée avec la lettre du 2 avril, est suffisante pour répondre à l'exigence de la définition qu'il y ait « un accord écrit », de manière à rendre déductibles les paiements effectués avant le 15 mai.

 

[6]     Au cours de l'argumentation, l'avocat de l'intimée a reconnu que la règle de droit a été correctement énoncée par le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Foley c. La Reine[1]. Le juge Bowman a statué dans cette affaire que des paiements de pension alimentaire effectués conformément à un accord consistant en lettres échangées par les avocats des conjoints sont des paiements effectués aux termes d'« un accord écrit » aux fins de l'alinéa 60b) de la Loi. Certaines causes antérieures exprimant un point de vue différent ont été tranchées à une époque où la Loi exigeait un accord écrit de séparation et ne s'appliquent pas aux causes relevant du libellé actuel, qui exige seulement un accord écrit quant au paiement d'une pension alimentaire. Je ne doute pas qu'un accord écrit consistant en lettres échangées par des représentants des parties agissant dans le cadre de leur mandat réponde aux exigences du libellé légal actuel.

 

[7]     Dans l'affaire Grant c. La Reine[2], le juge Mogan a conclu qu'il était satisfait à l'exigence relative à un accord écrit en raison des chèques de 1 000 $ par mois signés par l'époux et remis à sa conjointe et en raison d'une lettre de l'avocate de sa conjointe qui disait :

 

[TRADUCTION]

 

Ma cliente souhaite également obtenir une augmentation de la pension alimentaire pour enfants, surtout parce que l'accord qui prévoit un versement de 1 000 $ par mois a été conclu à une époque où seuls deux des trois enfants résidaient à la maison, la troisième y étant revenue peu de temps après.

 

Le juge Mogan estimait qu'il y avait un accord écrit, puisque l'existence d'un accord avait été reconnue par l'avocate de la partie opposée au contribuable dans la cause matrimoniale, ainsi que par le contribuable lui‑même, étant donné qu'il faisait les chèques. On ne peut établir de distinction avec les faits de la présente espèce. La lettre de Me Peters reconnaît l'existence de « [...] l'accord relatif aux 600 $ par semaine ». L'appelant faisait les chèques et les signait. Il est satisfait à l'exigence de la définition, et l'appel doit être admis.

 

[8]     Je ne voudrais pas conclure sans faire observer que l'on n'aurait jamais dû avoir de doute au sujet du droit de l'appelant de déduire ces paiements. La Loi de l'impôt sur le revenu dispose que l'ordonnance alimentaire provisoire peut prévoir que des paiements effectués avant que l'ordonnance soit rendue sont réputés avoir été effectués au titre de l'ordonnance : voir le paragraphe 56.1(3). Cette disposition a été ajoutée à la Loi en 1997 et est applicable aux années d'imposition 1996 et suivantes. Si l'avocat de l'appelant avait veillé à ce que l'ordonnance provisoire contienne une telle disposition, l'appelant n'aurait pas eu à recourir à un procès pour établir son droit à la déduction.

 

[9]     L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de déduire les paiements qu'il a faits à sa conjointe entre le 2 avril 1998 et la fin de l'année 1998, sauf le paiement supplémentaire de 1 000 $, qui n'est pas déductible.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'août 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           C.C.I., n° 1999‑1768(IT)I, 4 août 2000, [2000] 4 C.T.C. 2016.

[2]           C.C.I., n° 2000‑2702(IT)I, 27 mars 2001.

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