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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

98-712(IT)G

 

ENTRE :

 

GLAXO SMITHKLINE INC.,

 

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Requête entendue le 19 septembre 2002, à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions

Avocats de l'appelante :             Me Sébastien Rheault et Me Zoltan Ambrus

Avocate de l'intimée :                Me Karen Janke

 

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête de l'appelante, et vu les documents qui ont été déposés et le témoignage de M. Gordon Fahner, C.M.A.;

 


Et vu les observations des avocats des parties;

 

La Cour ordonne que :

 

1.       Le docteur Barry Sherman fera en sorte qu'une recherche des dossiers d'Apotex Inc. soit effectuée en vue de trouver les documents et les renseignements suivants :

 

i.        toute la correspondance entre Apotex et des fabricants de chlorhydrate de ranitidine ou leurs représentants qui est en la possession d'Apotex et qui se rapporte aux négociations relatives à l'achat de chlorhydrate de ranitidine menées de 1982 à 1995;

 

ii.       le nombre de personnes employées par Apotex dans chacun des services de recherche et de contrôle de la qualité de 1982 à 1993;

 

iii.      tous les certificats d'analyse (établis par Apotex et ses fournisseurs) concernant les lots de chlorhydrate de ranitidine acquis par Apotex de 1989 à 1993;

 

iv.      les prix de gros des produits de chlorhydrate de ranitidine d'Apotex pour chaque année de 1987 à 1995;

 

v.       la valeur des biens gratuits et des rabais accordés par Apotex relativement à la vente de produits de chlorhydrate de ranitidine pour chaque année de 1985 à 1995;

 

vi.      toutes les factures relatives à des achats de chlorhydrate de ranitidine effectués par Apotex de 1989 à 1993;

 

vii.     tous les bons de commande relatifs à des achats de chlorhydrate de ranitidine effectués par Apotex de 1989 à 1993.

 

2.       Des copies des documents trouvés grâce à cette recherche seront immédiatement fournies par le docteur Sherman aux avocats de l'appelante.

 

3.       Puis, à une date convenue, le docteur Barry Sherman comparaîtra pour être soumis à un nouvel interrogatoire préalable concernant les efforts faits pour trouver les documents et renseignements mentionnés au paragraphe 1 ci‑devant, concernant les résultats de ces efforts et concernant les documents et renseignements trouvés grâce à ces efforts. L'interrogatoire aura lieu à une date convenant au docteur Sherman et durera deux jours au plus.

 

4.       Les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause.

 

 

Signé à Ottawa (Ontario), le 8e jour d'octobre 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d'août 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date : 20021008

Dossier : 98-712(IT)G

 

ENTRE :

 

GLAXO SMITHKLINE INC.,

 

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Bowie, C.C.I.

 

[1]     Le 25 février 2002, j'ai rendu une ordonnance en vertu du paragraphe 99(2) des Règles enjoignant au docteur Barry Sherman de comparaître pour être soumis à un interrogatoire préalable par les avocats de l'appelante. Le docteur Sherman est le directeur général d'Apotex Inc., entreprise de fabrication de médicaments génériques, et c'était à ce titre qu'il devait être interrogé. Mon ordonnance avait été rendue sur consentement de l'intimée dans l'appel et du Dr Sherman lui‑même. Elle spécifiait 16 sujets sur lesquels les avocats pourraient poser des questions et elle disposait que le Dr Sherman pourrait se voir demander de trouver des documents pertinents et de revenir pour répondre à d'autres questions liées à ces documents. Elle disposait également que l'interrogatoire ne s'étalerait pas sur plus de deux périodes de deux jours chacune.

 

[2]     Le docteur Sherman a effectivement comparu et a été interrogé par les avocats de l'appelante pendant moins d'une journée complète. Au cours de cet interrogatoire, il s’était vu demander de produire certains documents que l'on s'attendrait à trouver dans les dossiers d'Apotex Inc. Ses réponses à ces demandes peuvent être résumées comme suit : soit les documents n'existaient plus, soit ils avaient été remisés dans l'une des installations d'entreposage d'un nombre indéterminé, sans avoir été indexés et dans des circonstances qui faisaient que les trouver serait difficile, demanderait du temps et serait donc coûteux. Il avait donc refusé de faire en sorte qu'une recherche de ces documents soit effectuée. La requête dont je suis maintenant saisi a été présentée par suite de cet interrogatoire et notamment parce que le Dr Sherman avait refusé de faire faire une recherche des documents en question, tout en étant incapable de déclarer sans équivoque que ces documents n'existaient pas.

 

[3]     La mesure de redressement précise que demande l'appelante dans son avis de requête est la suivante :

 

[TRADUCTION]

 

[...] une ordonnance en vertu des articles 86, 99 et 110 des Règles enjoignant au Dr Barry Sherman, à titre de représentant d'Apotex Inc. (« Apotex »), de fournir un affidavit confirmant que les documents et renseignements mentionnés ci‑dessous ne sont plus disponibles ou, s'ils le sont, de les fournir et d'être interrogé à cet égard :

 

i.          toute la correspondance entre Apotex et des fabricants de chlorhydrate de ranitidine ou leurs représentants qui est en la possession d'Apotex et qui se rapporte aux négociations relatives à l'achat de chlorhydrate de ranitidine menées de 1982 à 1995;

 

ii.          le nombre de personnes employées par Apotex dans chacun des services de recherche et de contrôle de la qualité de 1982 à 1993;

 

iii.         tous les certificats d'analyse (établis par Apotex et ses fournisseurs) concernant les lots de chlorhydrate de ranitidine acquis par Apotex de 1989 à 1993;

 

iv.         les prix de gros des produits de chlorhydrate de ranitidine d'Apotex pour chaque année de 1987 à 1995;

 

v.         la valeur des biens gratuits et des rabais accordés par Apotex relativement à la vente de produits de chlorhydrate de ranitidine pour chaque année de 1985 à 1995;

 

vi.         toutes les factures relatives à des achats de chlorhydrate de ranitidine effectués par Apotex de 1989 à 1993;

 

vii.        tous les bons de commande relatifs à des achats de chlorhydrate de ranitidine effectués par Apotex de 1989 à 1993.

 

[4]     Un avis de cette requête a été signifié au Dr Sherman. Toutefois, ce dernier a choisi de ne pas comparaître, personnellement ou par l'entremise d'un avocat, et de se fonder sur les observations devant être présentées par l'avocate de l'intimée. Par contre, il a fait en sorte que M. Gordon Fahner, C.M.A., comparaisse. Monsieur Fahner est un employé important d'Apotex et est au courant de la tenue de dossiers de la société. Il a offert de témoigner et, sur autorisation, il a été interrogé devant moi. Son témoignage a éclairci un certain nombre de choses. Apotex Inc. a collaboré avec Revenu Canada à l'époque de la vérification concernant l'appelante. Monsieur Fahner a, dans son propre bureau ou à proximité, gardé des copies de tous les documents fournis à Revenu Canada. Au moins une petite partie de l'information demandée par l'appelante au moyen de la présente requête se trouve dans certains documents de travail relatifs à la vérification de 1993, et ces documents existent encore. Pour ce qui est de certains des dossiers demandés, il faudrait, pour déterminer s'ils existent ou non, effectuer une recherche dans certaines installations d'entreposage tenues par Apotex. En ce qui a trait à d'autres dossiers, seul le Dr Sherman saurait s'ils existent.

 

[5]     Avant de traiter de la question particulière qui m'est soumise, il est nécessaire d'insérer la présente requête dans un certain contexte. L'appelante fait partie d'un groupe de sociétés transnationales qui met au point, fabrique et distribue des produits pharmaceutiques. Ses appels devant notre cour sont interjetés à l'encontre de nouvelles cotisations d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1990 à 1993, inclusivement, et partent du principe que, durant ces années‑là, elle a payé un prix excessif à un fournisseur avec lequel elle a un lien de dépendance pour le produit pharmaceutique « ranitidine » devant être utilisé dans la fabrication d'un médicament d'ordonnance. Durant la même période, Apotex Inc. a acheté de la ranitidine pour s'en servir dans la fabrication d'un produit générique concurrentiel. En établissant des cotisations à l'égard de l'appelante, les fonctionnaires de Revenu Canada, nom que ce ministère portait alors, ont obtenu de l'information d'Apotex Inc. quant à ses achats de ranitidine; ils se sont fondés sur cette information en établissant les cotisations contre lesquelles il est maintenant interjeté appel. On ne conteste pas le fait que la méthode du prix comparable non contrôlé (PCNC) servant à établir un prix de pleine concurrence est au moins une méthode appropriée, et peut en fait être la méthode la plus appropriée dans ce cas‑ci[1]. Pour appliquer cette méthode, ou pour établir qu'elle n'est pas appropriée dans un cas particulier, il faut avoir des renseignements complets et exacts concernant non seulement le prix déterminé entre un acheteur et un vendeur sans lien de dépendance, mais aussi les coûts connexes pouvant influer sur le prix. Au sujet des renseignements demandés par l'appelante et figurant dans les documents qui font l'objet de la présente requête, il est dit non pas que ces renseignements ne sont pas pertinents, mais simplement que ce serait trop lourd que d'exiger qu'Apotex trouve ces documents ou établisse avec quelque certitude que ceux‑ci n'existent pas.

 

[6]     Je n'entends pas exposer en détail les questions qui avaient été posées au Dr Sherman et les réponses que ce dernier avait faites et qui ont donné lieu à la présente requête. Deux exemples suffiront pour montrer que le Dr Sherman était réticent à coopérer lors de cet interrogatoire.

 

[TRADUCTION]

 

Q.        Quarante chimistes et techniciens dans ses laboratoires?

 

R.         Eh bien, cela inclurait le contrôle de la qualité. Ainsi, il pouvait y avoir au total cinq à dix personnes qui s'occupaient de recherche.

 

Q.        D'accord. Diriez‑vous que la recherche comprenait la mise au point de ce dont nous venons de discuter, c'est‑à‑dire la méthode analytique, la biodisponibilité, etc.?

 

R.         Oui.

 

Q.        Tandis que vous auriez 35 techniciens et chimistes s'occupant du contrôle de la qualité?

 

R.         Je ne peux vous donner de chiffres aujourd'hui, mais ces chiffres‑là pourraient être à peu près exacts.

 

Q.        Pouvez‑vous vous engager à les confirmer?

 

R.         Non.

 

Q.        Pourquoi?

 

R.         Ce serait trop difficile. Je ne pourrais facilement accéder à des dossiers, pour peu qu'il en existe.

 

[...]

 

Q.        Apotex employait environ 40 techniciens dans le laboratoire à cette époque. Cela semble‑t‑il à peu près exact?

 

R.         Je ne sais pas. J'ignore ce que vous entendez par « le laboratoire ». Voulez‑vous dire le laboratoire de recherche ou tous les laboratoires?

 

[...]

 

Q.        Il ne semble pas qu'il reste à Apotex beaucoup de documents qui remontent à ces années‑là. Est‑ce que c'est à peu près exact comme affirmation générale? Quelle est la politique en matière de conservation de dossiers?

 

R.         Il n'y a pas de politique particulière. Les gens gardent ce qu'ils pensent... qu'il est nécessaire de garder, et la société a grossi énormément. Une foule de documents ont été entreposés. Ils sont difficiles à trouver. Pour peu qu'il y en ait, je ne sais pas ce qu'il y aurait qui serait pertinent, mais...

 

Q.        Avez‑vous conservé des certificats d'analyse?

 

R.         Non.

 

Q.        Concernant la ranitidine? Non pour ce qui est de la ranitidine?

 

R.         Je ne pense pas. Pas des certificats qui remontent à aussi loin. Pas des certificats qui remontent à il y a dix ans, non.

 

Q.        Pouvez‑vous confirmer cela, c'est‑à‑dire que vous n'avez pas les certificats d'analyse pour la période allant de 1990... de 1987 à 1993?

 

R.         Je ne sais pas comment quelqu'un confirmerait cela. Les certificats peuvent être dans des boîtes qui ont été remisées quelque part. Il y a eu tellement de changements de personnel et tellement de changements d'emplacement. Nous avons des entrepôts où se trouvent différents dossiers; personne ne sait même quels dossiers s'y trouvent, et nous devons absolument commencer à jeter des choses qui ont été entreposées. Il peut s'y trouver des registres, mais je ne saurais pas vraiment dire.

 

Q.        Normalement, comme politique, vous gardez des certificats d'analyse, je suppose?

 

R.         Non. Seulement aussi longtemps qu'il est nécessaire de les conserver. Cela veut dire aussi longtemps que le produit auquel ils se rapportent n'est pas périmé. Une fois que les produits sont périmés, il n'est pas nécessaire ni requis de garder les certificats d'analyse.

 

Q.        Une fois que quoi est périmé?

 

R.         Le produit dans lequel les matières premières sont utilisées.

 

Q.        Vous parlez de la durée de conservation?

 

R.         Oui. Je parle de la date de péremption.

 

[7]     La preuve qui m'a été présentée quant à la requête indique bien clairement qu'Apotex a collaboré avec le vérificateur de Revenu Canada, ainsi qu'avec l'intimée dans le présent appel. Le docteur Sherman avait consenti à l'ordonnance initiale prescrivant qu'il soit interrogé, mais les parties de la transcription qui m'ont été présentées indiquent une certaine réticence de sa part à fournir à l'appelante une aide qui soit plus que minime. Il n'a pas comparu pour s'opposer à la présente requête, mais le procureur général l'a fait pour lui avec enthousiasme. À mon avis, l'appelante ne peut avoir un procès équitable sans être assurée d'avoir accès à tous les dossiers pertinents d'Apotex qui existent au sujet de la tarification comparative de la ranitidine et sans recevoir une certaine assurance quant au fait que d'autres dossiers pouvant avoir existé à un moment donné ont été détruits ou sont considérés comme irrémédiablement perdus. Il m'a été démontré lors de l'audition de la requête qu'au moins un document pertinent concernant le nombre de techniciens et de chimistes travaillant pour Apotex dans le domaine du contrôle de la qualité est disponible, quoique le Dr Sherman ait, probablement par inadvertance, dit le contraire au cours de l'interrogatoire. Bon nombre de ses autres réponses m'amènent à croire qu'il peut y avoir d'autres documents et renseignements pertinents qui lui ont été demandés et qu'il n'a pas produits, alors qu'il pourrait le faire. Il ne serait pas efficace d'accorder une mesure de redressement correspondant exactement à ce que l'appelante demande dans son avis de requête, car cela ne permettrait pas de veiller à ce que les dossiers d'Apotex Inc. fassent l'objet d'une recherche appropriée visant à trouver tous les documents pertinents qui existent. J'ordonne donc que le Dr Sherman fasse faire une recherche des dossiers d'Apotex Inc. en vue de trouver les documents et renseignements mentionnés dans l'avis de requête, après quoi il devra fournir aux avocats de l'appelante des copies de tous les documents trouvés, puis comparaître de nouveau pour être interrogé concernant les efforts faits pour trouver les documents et renseignements, concernant les résultats de ces efforts et concernant les documents et renseignements trouvés grâce à cette recherche. L'interrogatoire ne devra pas s'étaler sur plus de deux jours et aura lieu à une date convenant au docteur Sherman. Les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause.

 

 

Signé à Ottawa (Ontario), le 8e jour d'octobre 2002.

 

 

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d'août 2004.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 



[1]           Voir l'affaire SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. La Reine, C.A.F., no A‑86‑01, 31 mai 2002, 2002 CAF 229.

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