Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20001222

Dossier: 1999-3270-EI

ENTRE :

GROUPE DESMARAIS PINSONNEAULT & AVARD INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1]      Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 13 décembre 2000.

[2]      Il s'agit de décider si l'appelante est bien fondée à soutenir qu'au cours de la période en cause, soit du 4 novembre 1997 au 6 novembre 1998, les travailleurs, Claude Desmarais, André Desmarais, Yvon Pinsonneault et André Avard, occupaient un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, lorsqu'à son service.

[3]      Il s'agit aussi de décider si le travail des travailleurs respecte le critère qui est exprimé dans une jurisprudence bien établie et qui tient compte de « l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » , soit le contrôle exercé par l'appelante, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice ou les risques de perte et l'intégration des travailleurs dans l'entreprise de l'appelante. Ces éléments ne sont pas exhaustifs et le poids à leur accorder varie dans chaque cas.

[4]      Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière doit établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) datée du 4 mai 1999 est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5]      Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les présomptions de faits suivantes :

« a)        L'appelante a été constituée en corporation le 1er juillet 1995 suite à une fusion de Groupe Desmarais Inc. et Assurances Pinsonneault, Avard, Paré Inc.;

b)          Le capital-actions de l'appelante est réparti de la façon suivante :

            Gestion A.C.D. Inc. détient 60 % des actions avec droit de vote

            Yvon Pinsonneault détient 20 % desdites actions

            Martin Avard détient 20 % desdites actions;

c)          Le capital-actions de Gestion A.C.D. Inc. est détenu à parts égales par André et Claude Desmarais;

d)          Une convention entre actionnaires de l'appelante stipule que chacun des travailleurs détient une voix au conseil d'administration et les décisions concernant l'appelante sont prises à la majorité des voix;

e)          Le conseil d'administration de l'appelante est composé des 4 travailleurs, mais le quorum est de 3;

f)           Le conseil d'administration se réunit à chaque semaine;

g)          Les sujets discutés sont variés et concernent la bonne marche de l'entreprise incluant éventuellement le rendement insatisfaisant d'un des administrateurs/travailleurs;

h)          L'appelante exploite une entreprise de courtage d'assurances générales, de personnes et des services financiers;

i)           Les tâches des 4 travailleurs consistent à la vente, au service à la clientèle, au suivi après vente et au renouvellement des contrats d'assurances;

j)           En plus de ces tâches, chaque travailleur occupe un poste de direction au sein de l'entreprise;

k)          Claude Desmarais est directeur du département d'administration, finances et ressources humaines de l'appelante;

l)           André Desmarais est directeur du département assurances de personnes et services financiers, des risques spéciaux d'assurances générales et des plans de groupe;

m)         Yvon Pinsonneault est directeur du département des ventes et du marketing et du service à la clientèle;

n)          Martin Avard est directeur du département assurances des particuliers de technologie, organisation et méthode;

o)          Tous les clients appartiennent à l'appelante;

p)          Les 4 travailleurs ont cautionné personnellement la dette de l'appelante;

q)          Bien que les 4 travailleurs soient responsables d'un secteur particulier de l'appelante, le conseil d'administration de l'appelante doit donner son accord sur toutes les décisions importantes;

r)           Les 4 travailleurs sont limités dans les dépenses qu'ils peuvent engager au nom de l'appelante;

s)          Les 4 travailleurs doivent rendre des services à l'appelante à temps plein et en exclusivité;

t)           La pagette, le cellulaire et la boîte vocale sont fournis par l'appelante;

u)          Les 4 travailleurs bénéficient de vacances annuelles payées;

v)          Lors d'absence d'un des 4 travailleurs pour 3 jours consécutifs, l'absent devra se justifier auprès des autres administrateurs;

w)         Les 4 travailleurs sont rémunérés sur une base fixe et annuelle de 52 000 $;

x)          Les 4 travailleurs n'ont à assumer aucune dépense dans l'exercice de leurs fonctions;

y)          Les revenus et les dépenses générés dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de l'appelante appartiennent à cette dernière;

z)          Depuis la constitution de l'appelante, les 4 travailleurs déclarent, dans leur rapport d'impôt, leurs revenus provenant de l'appelante comme étant des revenus d'emploi. »

[6]      À l'audience, le procureur de l'appelante a reconnu les faits allégués aux alinéas a) à c), h) à m), n) tel que modifié, p), r), u) et w) à z) et a nié les faits allégués aux alinéas d) à g), o), q), s) et v).

[7]      L'appelante a été constituée en corporation en 1995 à la suite de la fusion de deux entreprises d'assurances existantes qui appartenaient aux quatre travailleurs; les actions du payeur étaient réparties entre les deux frères Desmarais, lesquels détenaient chacun 30 % des actions, alors que Yvon Pinsonneault et Martin Avard en possédaient chacun 20 %.

[8]      Après la constitution de l'appelante en corporation, les travailleurs ont effectué leurs tâches quotidiennes sans supervision, à titre de partenaires égaux, chacun se spécialisant dans les domaines établis aux paragraphes k), l), m) et n) mentionnés ci-dessus. Les travailleurs n'avaient pas d'horaire de travail fixe, mais se réunissaient au besoin, de façon informelle, pour prendre des décisions importantes au nom de l'appelante, telles celles relatives aux dépenses et à la politique de l'appelante. Chacun d'eux exécutait ses tâches quotidiennes de façon autonome. Si l'un d'eux s'absentait du travail durant une période prolongée, il s'arrangeait de façon informelle pour qu'un des trois autres assure le service auprès de ses clients durant son absence. Chacun des quatre travailleurs recevait une rémunération annuelle fixe de 52 000 $; si l'appelante réalisait un profit à la fin de l'année, les travailleurs se réunissaient pour décider des montants appropriés de dividendes à déclarer ou de primes à payer. Chaque travailleur était personnellement responsable de toute perte subie par l'appelante ainsi que de tout emprunt bancaire ou dette de cette dernière.

[9]      Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, notamment les témoignages, les aveux et la preuve documentaire à la lumière de la jurisprudence bien établie, la Cour est convaincue que l'appelante a réussi dans son fardeau d'établir, selon la prépondérance de la preuve, qu'un véritable contrat de louage de services résultant en une relation employeur/employé n'existait pas entre elle et les quatre travailleurs pendant la période en litige. Les quatre travailleurs étaient plutôt des associés qui travaillaient d'une façon indépendante sans lien de subordination avec le payeur.

[10]     Le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé ainsi dans la cause de Fournier c. Canada (ministre du Revenu national), [1997] A.C.F. no 211 :

            « Les critères énoncés dans Wiebe Door peuvent servir de guide seulement dans les cas où la Cour est appelée à décider si les relations entre un payeur et un travailleur découlent d'un contrat de service ou d'un contrat d'entreprise. Toutefois, dans beaucoup de cas, dont celui en l'espèce, la tâche première de la Cour n'est pas de distinguer entre ces deux sortes de contrat, mais plutôt de déterminer si les relations entre les parties sont réellement contractuelles. Autrement dit, il n'est nullement nécessaire de conclure à l'existence d'un contrat d'entreprise pour exclure l'existence d'un contrat de service et d'une relation employeur-employé. »

[11]     En conséquence, l'appel est admis et la décision rendue par le Ministre est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 2000.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :       1999-3270(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc.

                                                          et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 13 décembre 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        l'honorable juge suppléant D.R. Watson

DATE DU JUGEMENT :                    le 22 décembre 2000

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :               Me Rock Guertin

Avocat de l'intimé :                    Me Dany Leduc

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                   Nom :           Me Rock Guertin

                   Étude :                   Doyon, Guertin, Montbriand & Plamondon

                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimé :                            Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada


1999-3270(EI)

ENTRE :

GROUPE DESMARAIS PINSONNEAULT & AVARD INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 13 décembre 2000 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant D.R. Watson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                           Me Rock Guertin

Avocat de l'intimé :                                                 Me Dany Leduc

JUGEMENT MODIFIÉ

          ATTENDU QUE la Cour d'appel fédérale a déclaré dans un jugement en date du 18 avril 2002 ce qui suit :

« La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens, la décision de la Cour canadienne de l'impôt est infirmée et l'affaire lui est renvoyée pour qu'elle la décide de nouveau en tenant pour acquis que les travailleurs en cause occupaient un emploi assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi pendant la période pertinente. »

          En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon la décision de la Cour d'appel fédérale.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mai 2002.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.

1999-3270(EI)

ENTRE :

GROUPE DESMARAIS PINSONNEAULT & AVARD INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Appel entendu le 13 décembre 2000 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge suppléant D.R. Watson

Comparutions

Avocat de l'appelante :                                           Me Rock Guertin

Avocat de l'intimé :                                                 Me Dany Leduc

JUGEMENT

          L'appel est admis et la décision rendue par le Ministre est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 2000.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.


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