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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20020724

Dossier: 1999-3569(IT)G

ENTRE :

JACK D. HOLDER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel découle de dispositions législatives concernant la suppression de l'exemption pour gains en capital dans le cas de gains provenant de dispositions effectuées après le 22 février 1994. Le paragraphe 110.6(19) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») a été édicté pour permettre à des particuliers de choisir de prendre en compte, aux fins de l'exemption, des gains au 22 février 1994 sur des immobilisations dont il n’est disposé qu'à une date ultérieure.

 

[2]     La disposition législative portant sur le choix figure au paragraphe 110.6(19) de la Loi. Il y est dit que, dans le cas où un particulier fait un choix, sur formulaire prescrit, pour que les dispositions de ce paragraphe s'appliquent à une immobilisation dont le particulier est propriétaire à la fin du 22 février 1994, l'immobilisation est réputée :

 

a)       avoir fait l'objet d'une disposition par l'auteur du choix à ce moment pour un produit de disposition déterminé par une formule;

 

b)      avoir été acquise de nouveau immédiatement après ce moment à un coût déterminé également en conformité avec le paragraphe 110.6(19).

 

[3]     Le paragraphe 110.6(21) de la Loi prévoit des dispositions législatives spéciales dans le cas de choix selon le paragraphe 110.6(19) concernant un bien qui est un « immeuble non admissible », soit une expression définie au paragraphe 110.6(1). En l'espèce, l'appelant, qui est un homme d'affaires, a établi sa déclaration de revenu pour 1994 sans aide professionnelle. Il a inclus dans sa déclaration un formulaire T664, « Choix de déclarer un gain en capital sur un bien possédé en fin de journée le 22 février 1994 ». Le formulaire mentionnait seulement un bien, soit la 835130 Ontario Ltd.[1] (la « 835130 »), et indiquait que le prix de base rajusté était de 10 $ et que la juste valeur marchande à la fin du 22 février 1994 était de 50 010 $.

 

[4]     Malheureusement, l'appelant s'était, de façon bien innocente, égaré dans des sables mouvants. Les actions mentionnées dans le formulaire T664 relatif au choix représentaient un « immeuble non admissible » au sens du paragraphe 110.6(1) parce que leur juste valeur marchande tenait principalement à un immeuble. Cet immeuble était un petit mail linéaire situé à London (Ontario). Il n'était pas utilisé dans une entreprise exploitée activement par la 835130.

 

[5]     En juin 1996, un comptable engagé par M. Holder a écrit à Revenu Canada (le « ministère ») pour demander la révocation du choix. La lettre disait en partie :

 

[TRADUCTION]

Les actions de la 835130 ont été acquises en mai 1993, de sorte que tout gain en capital provenant de la disposition d'actions de la 835130 est entièrement inadmissible aux fins de l'exemption pour gains en capital.

 

Le formulaire T664 original concernant le choix en matière d'exemption pour gains en capital indiquait un montant brut de 50 000 $ (montant imposable de 37 500 $) comme gain en capital sur les actions de la 835130. Toutefois, comme aucun gain en capital pouvant donner lieu à une déduction en vertu du paragraphe 110.6(3) n'a été créé par suite du choix, le paragraphe 110.6(20) rend le choix nul et non avenu.

 

[6]     La demande voulant que l'appelant soit autorisé à révoquer le choix a été présentée en vertu du paragraphe 110.6(25) de la Loi, qui se lit comme suit :

 

Sous réserve du paragraphe (28), l'auteur du choix peut révoquer le choix fait en application du paragraphe (19) en présentant au ministre un avis écrit à cet effet avant 1998.

 

[7]     Le ministère a ensuite commencé à faire des volte‑face.

 

[8]     Par une lettre en date du 18 juillet 1996, le ministère indiquait qu'il entendait établir une nouvelle cotisation d'impôt pour l'année d'imposition 1994 de l'appelant en se fondant sur le fait que, en raison du paragraphe 110.6(28) de la Loi, le choix ne pouvait être révoqué parce que le montant indiqué dans le choix concernant les actions dépassait 11/10 de la juste valeur marchande des actions à la fin du 22 février 1994.

 

[9]     Par voie d'avis de nouvelle cotisation en date du 3 septembre 1996, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a accepté la révocation du choix. Malheureusement, l'histoire ne s'arrête pas là.

 

[10]    Le ministère a par la suite changé d'idée. Bien qu'il ait précédemment accepté la révocation, il a décidé de se fonder sur l'alinéa 110.6(28)a) de la Loi. Cette disposition législative se lit en partie comme suit :

 

Le choix fait en application du paragraphe (19) ne peut être révoqué ni modifié si le montant indiqué dans le formulaire concernant le choix dépasse 11/10 de l'un des montants suivants :

 

a) si le choix vise un bien autre qu'une  participation dans une société de personnes, la juste valeur marchande du bien à la fin du 22 février 1994; [...]

 

[11]    Le 10 novembre 1997, le ministre a établi la cotisation qui est maintenant en appel. Il a inclus dans le revenu un gain réputé en vertu du paragraphe 40(3) être réalisé lorsque les montants qui, en vertu du paragraphe 53(2), doivent être retranchés dans le calcul du prix de base rajusté d'un bien dépassent le coût de ce bien et certaines sommes. En l'espèce, le ministre a inclus, dans les montants devant être retranchés en vertu du paragraphe 53(2), des sommes visées aux sous‑alinéas 53(2)u) et v). Ces sommes sont, respectivement, des sommes qui, en vertu de l'alinéa 110.6(21)b) et du paragraphe 110.6(22), doivent être déduites dans le calcul du prix de base rajusté du bien.

 

[12]    L'avocat de l'appelant arguait que le choix était nul dès le début. Il a fait remarquer, à juste titre, que l'appelant ne savait pas qu'il faisait un choix relatif à un bien qui était un immeuble non admissible. Cela ressort des renseignements que l'appelant a donnés dans le formulaire en matière de choix qu’il a rempli. L'avocat a également fait remarquer que l'appelant ne comprenait pas que son « gain admissible sur immeuble » — au sens du paragraphe 110.6(1) — provenant de la disposition des actions ne pouvait qu'être nul dans les circonstances. Ce résultat découlait du fait que la 835130 n'avait acquis le mail linéaire qu'en avril 1992 et que le montant B dans la formule prévue au paragraphe 110.6(1) était donc égal à zéro. La position de l'avocat était que, comme le choix était destiné à faciliter l'utilisation, par le contribuable, de l'exemption pour gains en capital et que, dans les circonstances, le choix ne pouvait permettre de réaliser cela, ce n'était absolument pas un choix.

 

[13]    L'avocat de l'appelant a admis avec franchise qu'il était incapable de citer une source à l'appui de sa position, et je n'en connais aucune. L'esprit de l'article 110.6 n'indique pas que sont nuls les choix qui n’entraînent pas les conséquences prévues par le contribuable qui fait ces choix.

 

[14]    L'avocat de l'appelant arguait en outre que, si le choix était valable, le ministre avait eu tort d'appliquer à la fois la déduction prévue à l'alinéa 110.6(21)b) et la déduction prévue au paragraphe 110.6(22) dans le calcul du prix de base rajusté du bien faisant l'objet du choix. L'avocat disait que le ministre, ce faisant, avait contrevenu au paragraphe 4(4) de la Loi (qui a été abrogé relativement aux années d'imposition se terminant après le 19 juillet 1995). Cette disposition se lisait comme suit :

 

Sauf intention contraire évidente, les dispositions de la présente partie n'ont pas pour effet d'exiger l'inclusion ou de permettre la déduction, directement ou indirectement, d'une somme dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition ou du revenu ou de la perte du contribuable pour une année d'imposition, provenant d'une source déterminée ou de sources situées dans un endroit déterminé, dans la mesure où cette somme a été incluse ou déduite, directement ou indirectement, dans le calcul de ce revenu ou de cette perte pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure, en application d'une autre disposition de la présente partie.

 

[15]    À mon avis, le paragraphe 4(4) ne s'applique pas en l'espèce. Comme l'indique le début de ce paragraphe, celui‑ci s'applique « Sauf intention contraire évidente ». Essentiellement, l'appelant argue que l'on a contrevenu au paragraphe 4(4) parce que, lorsque les montants visés aux alinéas 53(2)u) et 53(2)v) sont inclus dans le total qui est le montant visé à l'alinéa 40(3)a), la même somme est incluse en vertu de chacune des deux dispositions distinctes. Je ne suis pas d'accord. À mon avis, les deux montants ne représentent pas la même somme. Le paragraphe 53(2) les considère comme différents et indique donc une « intention contraire » qui rend le paragraphe 4(4) inapplicable. De plus, le simple fait que les deux montants résultent du choix fait selon le paragraphe 110.6(19) n'amène pas à la conclusion qu'il s'agit de la même somme et que s'applique donc le paragraphe 4(4).

 

[16]    Je ne peux conclure que la Loi a été mal appliquée et je dois donc rejeter l'appel. Je me sens toutefois obligé d'ajouter que l'appelant semble être victime d'un excès sous la forme de deux réductions du prix de base rajusté des actions faisant l'objet du choix. L'appelant a établi sa déclaration de revenu et fait le choix sans l'aide d'un professionnel. Il semble regrettable que lui soient imposées de lourdes conséquences découlant de dispositions législatives obscures et pratiquement incompréhensibles.

 

[17]    Il ne faut pas oublier que l'appelant a essayé de révoquer le choix et qu'il n'a cependant pu le faire à cause de la règle des 11/10 qui est prévue au paragraphe 110.6(28). La marge d'erreur permise par cette règle est bien mince. Au sujet de la valeur, on ne m'a présenté aucune preuve qui pourrait m'avoir permis d'examiner la question de savoir si le ministre avait à bon droit rejeté la demande de l'appelant visant la révocation du choix. Il n'est pas trop tard pour que les parties discutent de la question et pour que le ministre reconsidère sa position. En l'espèce, la règle a été appliquée relativement à des actions dont la valeur dépendait de la valeur d'un immeuble. La valeur d'un immeuble, notamment dans le cas d'un immeuble plus ou moins unique en son genre comme le mail linéaire, est difficile à déterminer avec précision. Dans les circonstances, je vais différer mon jugement jusqu'au 31 octobre 2002 pour donner aux parties l'occasion de discuter de la question de savoir si elles peuvent arriver à un consentement à jugement donnant un résultat plus juste. S'il n'y a pas de consentement, je devrai rendre un jugement rejetant l'appel, mais, si je le fais, il n'y aura aucune allocation de frais.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juillet 2002.

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur



[1] Cela a été considéré comme désignant les actions de la société.

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