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Dossier : 2002-2186(GST)I

ENTRE :

DAVID D. HAGGART,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 8 janvier 2003 à Nanaimo (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge L.M. Little

Comparutions :

Représentant l'appelant :

Larry K. Myres

Avocat de l'intimée :

Me Michael Taylor

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JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont avis est daté du 27 mars 2001 et porte le numéro 11CU2300070, est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.


Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de mars 2003.

« L.M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2004.

Ginette Côté, trad. a.


Référence : 2003CCI185

Date : 20030331

Dossier : 2002-2186(GST)I

ENTRE :

DAVID D. HAGGART,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Little, C.C.I.

A.       EXPOSÉ DES FAITS

[1]      Haggart Construction Ltd. ( « Construction » ) a été constituée sous le régime de la Company Act de la province de l'Alberta le 31 décembre 1979.

[2]      L'appelant possédait 99 % des actions de Construction et son épouse, le solde.

[3]      Construction était active dans plusieurs phases du secteur de la construction à Fort McMurray (Alberta).

[4]      Construction a obtenu un prêt (le « prêt » ) de la Banque Canadienne Impériale de Commerce( « CIBC » ). Le 15 avril 1989, les dirigeants de la CIBC ont demandé le remboursement du prêt.

[5]      Avant 1991, l'appelant et Construction ont entamé une poursuite judiciaire (la « poursuite judiciaire » ) contre la CIBC devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Ils réclamaient tous les deux des dommages-intérêts pour ce qui suit :

          (i)       la perte de revenu;

          (ii)       perte de revenu ultérieure;

          (iii)      perte sur placements;

          (iv)      dommages-intérêts exemplaires;

(v)       diffamation, car en demandant à tort le remboursement d'un prêt en 1989, la CIBC a forcé Construction à fermer ses portes.

[6]      À l'issue de la poursuite judiciaire, l'appelant et Construction ont obtenu un jugement de la Cour en 1989 ordonnant à la CIBC de leur payer les montants suivants :

(i)        463 200 $ à titre de dommages-intérêts pour la perte de revenu subie dans les années 1989 à 1999;

(ii)        18 500 $ à titre de dommages-intérêts pour la vente forcée des placements;

(iii)       20 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires;

(iv)       368 566,22 $ au titre de l'intérêt couru en vertu de la Judgment Interest Act de l'Alberta.

[7]      Les demandeurs ont également eu droit au remboursement de leurs frais.

[8]      La CIBC a déposé un avis d'appel auprès de la Cour d'appel de l'Alberta, mais elle a abandonné l'appel.

[9]      Bien que Construction ait été forcée de fermer ses portes en 1989, l'appelant a continué d'exploiter une entreprise dans le secteur de la construction. De 1990 à 1996, il a travaillé dans le domaine de la construction en Colombie-Britannique. De 1997 à 2000, il a été actif comme propriétaire unique dans le secteur de la construction à Fort McMurray (Alberta).

[10]     L'appelant était un inscrit en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) depuis le 7 mars 1996.

[11]     En janvier et en avril 2000, l'appelant a produit ses déclarations de taxe sur les produits et services ( « TPS » ) pour les périodes de déclaration du 1er avril 1996 au 31 mars 2000. Il a déclaré un montant de 24 226,36 $ au titre de la TPS, en plus de demander des crédits de taxe sur les intrants de 46 474,51 $ et un remboursement net de 22 248,15 $. Le ministre a refusé la déduction d'un montant de 26 193,24 $ au titre des crédits de taxe sur les intrants. Les crédits qui ont été refusés se rapportaient aux frais juridiques payés dans le cadre de la poursuite judiciaire entamée par l'appelant et Construction contre la CIBC. Les crédits de taxe sur les intrants s'appliquaient expressément aux années 1996 à 2000.

B.       QUESTION

[12]     L'appelant est-il admissible aux crédits de taxe sur les intrants de 26 193,24 $?

C.       ANALYSE

[13]     Le 28 mars 2002, M. Ron H. Brass, chef de l'équipe des appels à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ), a envoyé un avis de décision à l'appelant dans lequel on peut lire ce qui suit :

                   [TRADUCTION]

Après examen de la preuve produite, l'ADRC est d'avis que les frais juridiques n'ont pas été acquis pour « consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de vos activités commerciales » en vertu du paragraphe 169(1). Les frais juridiques ont été acquis relativement à une poursuite judiciaire à l'issue de laquelle vous avez reçu des dommages-intérêts qui ne sont pas réputés être la contrepartie d'une fourniture et ne s'inscrivent donc pas dans le cadre de votre activité commerciale.

[14]     M. Larry Myres, C.A., représentant de l'appelant, a soutenu qu'il y avait lieu d'accorder des crédits de taxe sur les intrants relativement à la TPS payée sur les frais juridiques puisqu'ils se rapportent à des services acquis à des fins commerciales dans le but de recouvrer la perte subie au titre du revenu d'entreprise.

[15]     Me Michael Taylor, avocat de l'intimée, a soutenu que l'appelant n'avait pas droit à des crédits de taxe sur les intrants pour les raisons suivantes :

1.      La poursuite judiciaire n'a pas été entamée dans le cadre d'activités commerciales, mais dans le but d'obtenir un dédommagement.

2.      S'il est déterminé que la poursuite judiciaire a été entamée dans le cadre d'activités commerciales, lorsque la poursuite a été entamée les activités commerciales n'étaient pas celles de l'appelant, mais celles de Construction, une entité juridique distincte.

3.      Si la poursuite judiciaire a été entamée dans le cadre d'activités commerciales et si vous concluez que ce sont des activités commerciales de l'appelant, le ministre fait valoir que l'appelant ne peut pas demander des crédits de taxe sur les intrants parce que les services juridiques n'ont pas été acquis afin d'effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie.

[16]     Au soutien du point 3 qui précède, Me Taylor a renvoyé à un certain nombre de décisions de la Cour. Dans l'affaire Two Carlton Financing Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 447, le juge Rip fait observer ce qui suit au paragraphe 37 :

Conformément au paragraphe 169(1) de la Loi, les CTI sont accordés si la taxe sur des intrants relativement à une fourniture devient payable ou est payée par une personne inscrite.    Le recouvrement de la taxe payée est limité dans la mesure où les intrants ont été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cours d'activités commerciales de la personne. [...]

[17]     Le juge Rip cite ensuite une décision rendue par le juge Garon (devenu juge en chef) dans l'affaire Nineteen Ninety Clothing Co. Inc. c. La Reine, C.C.I. no 94-1698(TPS)I, le 14 décembre 1994 ([1994] G.S.T.C. 89, à la page 89-5), à la page 7, où il fait observer ce qui suit :

[...] l'acquéreur d'une fourniture taxable a droit à un crédit de taxe sur les intrants et peut recouvrer auprès de l'État la taxe qu'il a payés dans la mesure où il utilise le bien ou le service dans la production d'autres fournitures taxables. [...]

[18]     Dans l'affaire Two Carlton Financing Ltd., le juge Rip déclare aussi au paragraphe 37 :

[...] Les CTI ne sont accordés que si les intrants pour lesquels ils sont demandés ont servi à la production d'autres fournitures taxables. [...]

(Nota : Dans l'affaire qui nous occupe, M. Haggart n'a pas produit d' « autres fournitures taxables » . À l'issue de la poursuite judiciaire (eu égard à laquelle l'appelant demande des crédits de taxe sur les intrants relativement aux frais juridiques), M. Haggart a obtenu ou reçu des « dommages-intérêts » ).

[19]     L'avocat de l'intimée a aussi renvoyé à la décision rendue dans l'affaire Blanchard (c.o.b. Four Pillar Financial) c. Canada, [2001] A.C.I. no 484. Dans cette affaire, le juge Bowie a fait observer ce qui suit au paragraphe 19 :

[19]       La conclusion selon laquelle il n'y a qu'une seule entreprise a pour résultat que le droit à des CTI doit être déterminé en vertu des articles 169, 141 et 141.01 de la Loi. Bien qu'ils soient complexes, ils peuvent être résumés ainsi. Le droit à des CTI ne survient que dans la mesure où une taxe sur les produits et services a été payée relativement à des biens ou à des services qui ont été acquis afin d'effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie. [...]

[20]     J'estime qu'il convient de reproduire un passage d'une décision rendue pas l'ADRC le 14 mars 1996 (voir le no 96 GT1 447), même si elle n'a pas force de loi. La décision se rapporte à la question de savoir si un inscrit en vertu de la Loi (un agent de placement à son compte) pouvait demander des crédits de taxe sur les intrants sur la TPS payée relativement aux frais juridiques engagés dans le cadre d'une poursuite judiciaire entamée à la suite d'un accident d'automobile. (Nota - l'agent de placement a obtenu des dommages-intérêts à l'issue de la poursuite.)

[21]     Les explications suivantes sont fournies dans la décision :

                   [TRADUCTION]

En vertu du paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d'accise (Loi), un inscrit aux fins de la TPS a le droit de demander le remboursement, à titre de CTI, de la TPS payée ou payable sur les biens ou les services personnels (par exemple les services juridiques) dans la mesure dans laquelle le bien ou le service est acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. En outre, au paragraphe 141.01(2) de la Loi, il est précisé que la personne qui acquiert un bien ou un service est réputée l'acquérir pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales dans la mesure où elle l'acquiert afin d'effectuer une fourniture taxable. (je souligne)

Par conséquent, afin d'être admissible à un CTI relativement à la TPS payée sur les services juridiques, ces services doivent être acquis par vous dans le but d'effectuer une fourniture assujettie à la TPS. Dans le contexte que vous avez décrit, il n'y a aucune preuve qui permette de relier l'acquisition des services juridiques à une fourniture assujettie à la TPS (que ce soit un bien ou un service) que vous avez effectuée ou avez l'intention d'effectuer.

Par conséquent, nous sommes d'avis que vous n'avez pas droit à des CTI relativement à la TPS payée sur les services juridiques.

[22]     En prenant en considération l'application de l'article 169 de la Loi, je ne crois pas qu'on puisse dire que l'appelant a entamé la poursuite judiciaire ou payé les frais juridiques afin d'effectuer ou de produire des fournitures taxables.

[23]     J'ai dès lors conclu que l'appelant n'était pas admissible à des crédits de taxe sur les intrants relativement à la TPS payée sur les frais juridiques.

[24]     L'appel est rejeté, sans frais.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 31e jour de mars 2003.

« L.M. Little »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de janvier 2004

Ginette Côté, trad. a.

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