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Dossier : 2005-1825(IT)I

ENTRE :

LINDA KIELBINSKI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 28 février 2006 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Louis Sirois

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 sont rejetés. Quant aux pénalités, elles sont confirmées, la preuve ayant démontrée qu'elles étaient bien fondées en faits et en droit.

          Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI161

Date : 20060721

Dossier : 2005-1825(IT)I

ENTRE :

LINDA KIELBINSKI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'appels concernant les années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

[2]      Les points en litige sont les suivants :

a)       Déterminer si l'avis de nouvelle cotisation du 25 février 2005 pour l'année d'imposition 1999 est valide;

b)      Déterminer si les sommes de 26 410 $ pour l'année d'imposition 1999, de 14 226 $ pour l'année d'imposition 2000 et de 15 823 $ pour l'année d'imposition 2001, furent correctement ajoutées dans le calcul du revenu de l'appelante, à titre de revenus d'entreprises non-déclarés;

c)       Déterminer si l'imposition de la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), à l'encontre de l'appelante, pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 était justifiée.

[3]      Au cours des périodes en litige, l'appelante était propriétaire de deux entreprises. L'une oeuvrait dans le domaine de la vente d'articles promotionnels sous la raison sociale de « Médailles et portes clés enr » et l'autre société dont la raison sociale était 9030-6457 Québec inc. faisait des travaux exclusivement pour le compte et bénéfice de la Société canadienne des postes; ces activités consistaient à enlever la neige près des boîtes aux lettres appartenant à la Société et ce, à plusieurs endroits sur un territoire défini.

[4]      Au soutien de son appel, l'appelante a fait témoigner plusieurs personnes: le comptable qui s'occupait de la tenue de ses livres, son conjoint Luc Létourneau ainsi que d'autres personnes dont le but de leur témoignage était de confirmer le contenu de celui de monsieur Létourneau.

[5]      Ce dernier a principalement affirmé qu'il se faisait rémunérer pratiquement toujours en argent lorsqu'il travaillait; d'ailleurs, il a fait entendre un propriétaire immobilier qui a confirmé avoir retenu ses services pour lesquels il l'avait rémunéré en argent.

[6]      L'appelante a aussi fait témoigner un comptable ayant déjà été à l'emploi de Revenu Canada et de Revenu Québec qu'elle avait mandaté pour faire des représentations lors du projet de cotisation et à l'étape de l'opposition.

[7]      De son côté, le ministère a fait entendre la personne responsable de la vérification ainsi que la personne qui a révisé le dossier à la suite de l'opposition.

[8]      Prenant pour acquis l'absence de contrôle interne et l'absence de tenue de livres adéquats, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a utilisé la méthode de l'avoir net pour établir les nouvelles cotisations.

[9]      Les revenus déclarés par l'appelante versus ses besoins financiers se soldaient par un écart considérable. Outre l'imposition des années 2000 et 2001 prévoyant l'ajout de pénalités, le ministre a également imposé l'année 1999 sur la base que l'appelant avait délibérément caché des revenus importants justifiant le ministre de cotiser l'appelante au-delà de la période statutaire de trois ans.

[10]     Le ministre a conclu que des revenus importants avaient été occultés ce qui justifiait de nouvelles cotisations et les pénalités prévues par la Loi, eu égard à l'importance des montants non déclarés.

[11]     Monsieur Létourneau, ex-fonctionnaire engagé à titre de consultant, par l'appelante au moment des discussions lors de la présentation du projet de cotisation a fait valoir auprès de la vérificatrice que l'écart se justifiait par les revenus qu'avait touchés au noir le conjoint de l'appelante d'une part, et d'autre part, par les revenus générés par l'exploitation d'un commerce lié à la contrebande de cigarettes.

[12]     Une partie des explications soumises fût retenue et la cotisation émise a tenu compte de certaines représentations soumises par monsieur Létourneau, représentant de l'appelante. Les mêmes explications furent reprises au stade de l'opposition.

[13]     Au procès, le représentant de l'appelante a, à nouveau, fait valoir les mêmes arguments en y ajoutant un autre élément pour expliquer certaines incohérences au niveau des dépôts. Il a affirmé que le conjoint de l'appelante avait pris l'habitude de négocier les chèques de paye de plusieurs personnes et ceux de son fils et de ses amis ce qui l'obligeait à faire régulièrement des retraits, mais aussi des dépôts.

[14]     Le conjoint de l'appelante a admis avoir déclaré des revenus de 3 257 $ pour l'année d'imposition 1999, de 16 940 $ pour l'année d'imposition 2000 et de 5 106 $ pour l'année d'imposition 2001, alors que les revenus déclarés par l'appelante pour ces mêmes années étaient de 14 558 $ pour l'année d'imposition 1999, de 11 477 $ pour l'année d'imposition 2000 et de 8 043 $ pour l'année d'imposition 2001.

[15]     Le conjoint de l'appelante a affirmé avoir travaillé régulièrement pour différentes personnes et s'être fait payer en argent comptant. Ayant une habileté particulière au niveau de la construction et en mécanique automobile, il prenait régulièrement des contrats et se faisait payer la plupart du temps en argent qu'il ne déclarait pas comme revenus.

[16]     Il a indiqué avoir fait plusieurs démarches pour convaincre ceux qui avaient profité de ses services de venir confirmer, mais la plupart n'était disponible pour toute sorte de raisons, sauf deux qui sont venus dire qu'ils avaient effectivement payé en argent les services obtenus du conjoint de l'appelante.

[17]     Il a aussi affirmé avoir fait le transport de cigarettes de contrebande et avoir touché pour ce travail des montants qui lui étaient toujours versés comptant à raison de 25 $ la caisse.

[18]     Il a aussi indiqué qu'à une certaine époque, alors que son fils âgé d'une vingtaine d'années, leur avait prêté de l'argent et qu'il avait payé une pension étant donné qu'il était barman à Montréal et qu'il venait souvent passer les fins de semaine chez lui à Québec.

[19]     Je n'ai strictement rien cru des explications verbales soumises par le conjoint de l'appelante; la plupart farfelues et tout à fait invraisemblables notamment au niveau de la pension que son fils aurait payée.

[20]     Il a fait état qu'il avait tenté d'obtenir la collaboration des nombreuses personnes ayant été associées à ses différentes activités, mais qu'il n'avait pas réussi; ses explications allant de l'impossibilité à les rejoindre, à l'auto qui ne partait pas, en passant par la maladie et ainsi de suite.

[21]     La preuve a révélé qu'il avait toujours un compte bancaire, où il était le seul à pouvoir y faire des transactions. Il n'a pas été en mesure de produire quelque document que ce soit pour valider ses affirmations.

[22]     Je ne retiens donc absolument rien de ce témoignage puisqu'il n'est ni fiable, ni crédible. Certaines explications me sont apparues loufoques, d'autres tout à fait invraisemblables. Quant à l'explication voulant qu'il négocie les chèques pour du comptant, ce qui expliquait les nombreux retraits et dépôts, je crois qu'il s'agit là d'une pure invention en ce qu'il a sans doute exagéré considérablement quelques transactions isolées.

[23]     De son côté, l'appelante a témoigné et expliqué que la vérificatrice était arrivée à la conclusion que sa comptabilité relative à l'exploitation de la société qui avait un seul client, soit la Société canadienne des postes, était correcte.

[24]     En ce qui concerne la société ou le commerce ayant trait aux portes-clés et médailles, l'appelante a expliqué que ses clients étaient principalement des associations, des municipalités et différents organismes. Elle a affirmé avoir été seule responsable de la gestion et de l'administration de ces deux entités. À une question, elle a même ajouté qu'elle ne se fiait pas à son conjoint ayant manifestement peu ou pas confiance en ce dernier. Elle voudrait cependant que le Tribunal lui fasse confiance.

[25]     Elle a dit avoir remis au comptable, dont elle avait retenu les services, la totalité des pièces justificatives ayant trait aux revenus et dépenses conséquentes à l'exploitation de ses deux entreprises desquelles elle tirait les revenus qu'elle a déclarés.

[26]     L'écart entre les revenus déclarés et les revenus nécessaires, pour le train de vie du couple, établi à partir des réponses fournies sur le formulaire transmis par le ministère, était à ce point important et qu'il est tout à fait invraisemblable que l'appelante ne puisse l'avoir constaté et se rendre compte que ses revenus déclarés ne permettaient pas d'avoir le niveau de vie qu'était le sien.

[27]     Un tel écart générait ainsi une réalité incontournable, à savoir que la cellule familiale bénéficiait de revenus beaucoup plus importants que ceux déclarés; le ministre a tenu pour acquis que les revenus non déclarés provenaient de diverses activités économiques auxquelles les époux étaient associés.

[28]     À partir de cette conclusion et de l'établissement de la cotisation en conséquence, il en revenait à l'appelante, à qui incombait le fardeau, de réfuter de telles prétentions par le biais d'explications raisonnables, vraisemblables, appropriées et documentées.

[29]     Pour ce faire, l'appelante a soumis quelques explications; ses seules explications ont été qu'elle avait déclaré la totalité de ses revenus et que sa comptabilité était impeccable, elle a essentiellement fait valoir que les écarts très importants entre les revenus déclarés et le coût de vie s'expliquaient des revenus non déclarés de son conjoint.

[30]     Pour les raisons déjà mentionnées, je n'accorde aucune crédibilité aux explications soumises par le conjoint de l'appelante. Le seul témoignage de l'appelante n'est pas suffisant pour conclure qu'elle a relevé le fardeau de la preuve qui lui incombait. De plus, elle n'était pas sans savoir que les revenus qu'elle déclarait étaient tout à fait insuffisants pour expliquer ou justifier le train de vie auquel elle était associée.

[31]     En effet, l'écart était considérable; accepter les explications simplistes soumises aurait pour effet d'accepter comme valable et raisonnable une version des faits qui constitue un véritable aveuglement volontaire. Donc, à défaut d'avoir relevé le fardeau de la preuve, je confirme le bien-fondé des cotisations.

[32]     Quant aux pénalités, eu égard au fait que l'écart entre les revenus déclarés et les revenus à l'origine de leur train de vie était important au point que toute personne normalement raisonnable aurait dû comprendre et surtout constater l'impossibilité mathématique de déclarer des revenus aussi modestes eu égard aux dépenses encourues pour assurer leur train de vie.

[33]     Il en est ainsi au niveau de la cotisation pour l'année 1999, en principe prescrite. Comment une personne raisonnable peut-elle déclarer des revenus d'environ 15 000 $ et combler des besoins nécessitant des revenus bruts supérieurs à 50 000 $?

[34]     Seules l'indifférence totale, l'insouciance équivalant à une faute lourde et l'aveuglement volontaire évident peuvent expliquer une telle réalité, ce qui en soi est insuffisant pour justifier la cotisation et les pénalités pour l'année d'imposition 1999.

[35]     Pour ces raisons, les appels sont rejetés; les cotisations et les pénalités inhérentes sont donc confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2006CCI161

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-1825(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Linda Kielbinski et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 28 février 2006

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 juillet 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Louis Sirois

Pour l'intimée :

Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Louis Sirois

Étude :

Barbeau & Associées

Québec (Québec)

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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