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Date: 20000502

Dossier: 1999-2185-IT-I

ENTRE :

RITA RASHID,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1]            Dans le calcul de son revenu pour les années d‘imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelante a déduit des pertes locatives se rapportant à un bien sis au 184, promenade Crocus, et à un autre sis au 623, croissant Daintry, à Cobourg (Ontario). Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de ces trois années, au motif que l'appelante ne pouvait raisonnablement s'attendre à tirer un profit de la location des biens durant les années en cause et que les dépenses en question n'avaient pas été engagées pour tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, mais qu'elles correspondaient plutôt à des frais personnels ou de subsistance.

[2]            Le ministre a également soutenu que l'appelante louait une partie du bien situé sur la promenade Crocus dans le but de payer une fraction des coûts d'entretien de sa résidence principale.

[3]            En cours d'audience, l'avocat de l'appelante a retiré l'appel concernant le bien situé au 184, promenade Crocus. Par conséquent, cet appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée.

Preuve

[4]            Rita Rashid a témoigné que, en 1988, elle résidait au 184, promenade Crocus. En juin 1989, elle a acheté le bien sis au 623, croissant Daintry, à Cobourg. Le contrat de vente a été déposé par consentement sous la cote A-1. Le bien a été acquis par l'appelante et son mari. La pièce A-2 est un contrat de location portant sur ce bien. Il semble que ce contrat ait été en vigueur de 1992 à 1996.

[5]            Un état des rajustements à l'égard du bien, déposé sous la cote A-3, montre que le prix d'achat s'est élevé à 199 990 $. Le témoin a toutefois fait mention de frais additionnels de 30 765 $ et de frais juridiques de 2 509,90 $, ce qui donne un total de 233 264 $.

[6]            L'appelante a précisé qu'un emprunt de 114 111,52 $ garanti par une hypothèque grevant le bien avait été contracté, le solde de 119 152 $ ayant été payé par elle-même et son mari. Elle a soutenu que leur part dans le bien dépassait 51 p. 100. Elle a dit avoir acheté le bien parce qu'elle devait être mutée dans la région en question. L'administration publique a toutefois révisé ses plans, et le déménagement n'a pas eu lieu. S'il avait eu lieu, l'appelante aurait eu à travailler à Bowmanville, à 20 minutes de Cobourg. Elle est cependant demeurée en poste à l'administration centrale et, tout en résidant à Cobourg, elle travaillait à Toronto.

[7]            Elle a fait ce trajet pendant trois ans et demi; en septembre 1993 toutefois, elle en a eu assez; aussi son mari et elle ont-ils décidé de retourner demeurer au 184, promenade Crocus et de louer le bien sis au 623, croissant Daintry. Ils pensaient être en mesure de réaliser un bénéfice au bout de trois ou quatre ans. Ils n'avaient jamais loué le bien situé sur le croissant Daintry auparavant. C'est là qu'elle résidait avec son mari et leurs enfants. Elle a rejeté l'allégation énoncée à l'alinéa 6c) de la réponse, selon laquelle son mari et elle avaient loué une partie du bien situé sur le croissant Daintry et occupé l'autre partie à titre de résidence principale. Elle a ajouté n'avoir jamais résidé dans le bien situé à Cobourg après août ou septembre 1993, lorsqu'ils sont retournés vivre au 184, promenade Crocus.

[8]            Son mari a fait de nombreuses démarches pour trouver des locataires. Il a fait des appels téléphoniques. L'appelante n'a pas dit au vérificateur avoir loué une partie du bien de Cobourg. Elle a rencontré le vérificateur, mais celui-ci n'a pas prêté foi à l'information qu'elle lui a présentée.

[9]            Elle a reconnu la pièce A-4, admise par consentement, soit un état des revenus provenant de biens immeubles à l'égard du bien du 623, croissant Daintry, Cobourg, pour les périodes allant du 1er janvier au 31 décembre 1997, du 1er janvier au 31 décembre 1998 et du 1er janvier au 31 décembre 1999. En 1997, une perte de 3 468,11 $ a été enregistrée, puis des bénéfices minimes, de 126,39 $ et de 31,99 $ respectivement, ont été enregistrés pour 1998 et 1999. L'appelante a également reconnu les pièces A-5, A-6 et A-7, soit des déclarations de revenu pour les années 1997, 1998 et 1999.

[10]          Elle a indiqué que la pièce A-3 faisait état d'un taux d'intérêt de 11,75 p. 100 applicable à l'emprunt hypothécaire pour l'année 1990, et que la pièce A-8 montrait que ce taux avait été ramené à 6,75 p. 100 pour l'année 1999. Le loyer du bien est maintenant fixé à 1 100 $ par mois, alors qu'il était de 900 $ au départ. De plus, leurs locataires actuels sont plus fiables que ceux qu'ils ont eus dans le passé.

[11]          Lors du contre-interrogatoire, l'appelante a reconnu que, durant les années 1994, 1995 et 1996, son revenu d'emploi était supérieur à 70 000 $. Elle ignorait qu'elle devenait assujettie au taux d'imposition supérieur à partir du moment où son revenu dépassait 60 000 $. Entre 1990 et 1993, elle a résidé à Cobourg. Bien que le taux de chômage ait été élevé dans la région, elle et son mari ont conclu qu'il était préférable de louer le bien de Cobourg, compte tenu des coûts. Ils ont également eu de mauvais locataires au bien situé sur la promenade Crocus. Elle a nié avoir déménagé pour des motifs personnels.

[12]          La pièce R-2 a été déposée par consentement. Il s'agit d'un questionnaire de location que l'appelante a signé, mais elle a toutefois précisé qu'il avait été rempli par son mari. Dans la réponse à la question 2, il était indiqué que le coût du bien de Cobourg s'élevait à 250 000 $. L'appelante a dit qu'il s'agissait d'une erreur, tout comme la réponse à la question 6. Son mari n'a pas écrit le chiffre exact. Ils n'avaient pas les documents avec eux lorsqu'ils ont rempli le questionnaire. D'après la réponse donnée à la question 6, ils avaient pris en charge un emprunt de 125 000 $ assorti d'une hypothèque de premier rang et contracté un emprunt de 56 000 $ assorti d'une hypothèque de deuxième rang.

[13]          Le mari de l'appelante est devenu chômeur en 1992 ou en 1993. Il a recommencé à travailler en 1994 ou en 1995. L'emploi de son mari n'est pas la raison principale qui les a amenés à retourner vivre au 184, promenade Crocus. Les raisons étaient diverses.

[14]          Ils ne se livraient pas à de la spéculation lorsqu'ils ont acheté les deux biens. Ils avaient prévu louer le bien et en tirer un profit. L'appelante n'a pas acheté la maison de Cobourg parce qu'elle était plus grande ou que le marché était en plein essor. Elle n'est pas retournée vivre sur la promenade Crocus parce que la plus grande des deux maisons coûtait trop cher.

[15]          Il a de nouveau été question de l'emprunt hypothécaire présumé de 56 000 $, mentionné dans le questionnaire; l'appelante a précisé qu'il n'y avait pas d'hypothèque de deuxième rang grevant le bien. Elle a de nouveau admis avoir signé le questionnaire, mais elle ne sait pas comment il se fait que ce montant y était inscrit. C'est son mari qui a rempli le questionnaire. Si un emprunt de 56 000 $ assorti d'une hypothèque de deuxième rang avait bel et bien été contracté, cela signifie que l'appelante et son mari n'auraient eu qu'une part de 29 p. 100 dans le bien.

[16]          L'appelante n'a pu dire avec certitude si le bien avait été loué toute l'année en 1995. Elle a convenu que les loyers indiqués sur l'état ne s'élevaient qu'à 9 450 $ pour neuf mois en 1996. On lui a demandé pour quelle raison le bien n'avait pas été loué durant toute l'année; elle a répondu que les locataires s'étaient succédé. Les locataires ne payaient pas le loyer. Elle a toutefois insisté sur le fait que, lors de l'acquisition du bien, son intention était de le louer. Au cours des années 1994, 1995 et 1996, un seul locataire à la fois a occupé le bien.

[17]          Ils n'ont jamais aménagé la maison de Cobourg en deux appartements distincts, malgré sa superficie de 3 000 pieds carrés. À la question de savoir pourquoi le loyer était aussi bas pour un logement aussi grand, l'appelante a répondu qu'il était difficile de trouver des locataires à Cobourg. Il n'y a jamais eu de plainte à propos de la taille de la maison. Il n'a jamais été envisagé de vendre le bien de Cobourg. Ils réalisent désormais un bénéfice. L'appelante a admis qu'aucune déduction pour amortissement n'avait été demandée à l'égard des années en cause.

[18]          On a fait valoir à l'appelante que, si la déduction pour amortissement était appliquée à l'avenir, aucun bénéfice ne serait déclaré pendant une longue période. L'appelante a dit qu'elle n'en savait rien.

[19]          On lui a demandé pourquoi elle avait déclaré 90 p. 100 des pertes, alors que le bien était utilisé de façon égale par son mari et par elle-même. Elle a répondu avoir un document concernant le bien mais n'a pas fourni d'explication quant à la raison pour laquelle elle avait déclaré 90 p. 100 des pertes.

[20]          En réinterrogatoire, l'appelante a déclaré que les chiffres figurant sur la pièce R-3 étaient les mêmes que ceux qui étaient inscrits dans la déclaration de revenu. Elle a répété que, au départ, ils n'avaient pas eu de locataire pour toute l'année. Le locataire actuel a signé un bail à long terme et occupe la maison depuis trois ans et demi.

[21]          L'appelante a répondu à une question de la Cour que des pertes déclarées avant 1994 avaient été rejetées.

[22]          Elle a admis que, pour que l'activité permette de réaliser un bénéfice, il fallait qu'un changement de taille survienne. À ses yeux, ce changement a pris la forme d'une réduction sensible du taux d'intérêt.

[23]          Dean Rashid était le mari de l'appelante. Il a rempli la pièce R-2 relativement aux deux biens, et son épouse y a apposé sa signature. Il a convenu que la lettre a) à la question 8 avait trait au bien de Cobourg, et que le loyer actuel est plus élevé que le montant qui y est indiqué. Au sujet des réponses fournies à la question 2, il n'avait pas tous ses documents avec lui lorsqu'il a rempli le questionnaire. Il a inscrit les chiffres qu'il croyait exacts. Il s'agissait seulement de chiffres estimatifs. Les montants exacts étaient indiqués sur le contrat de vente. Le prix de 233 264 $ est exact.

[24]          Concernant la question 6, il a convenu que l'emprunt de 125 000 $ garanti par une hypothèse de premier rang et l'emprunt de 56 000 $ garanti par une hypothèque de deuxième rang qui y étaient mentionnés se rapportaient au bien de Cobourg. Les chiffres figurant sur la pièce R-3 provenaient des déclarations de revenu de son épouse pour les années 1994, 1995 et 1996.

[25]          Il a admis les chiffres figurant sur la pièce R-3, sauf en ce qui a trait à l'entretien et aux réparations pour les années 1995 et 1996.

[26]          Il a reconnu la pièce A-9, admise par consentement. Il s'agissait des dépenses relatives au bien de Cobourg pour 1996. C'est lui qui a préparé le document, et les travaux qui y sont mentionnés ont été effectués sur le bien de Cobourg. Les dépenses en question n'avaient rien d'exceptionnel, et la somme de 2 760 $ avait trait à des travaux de peinture. Il a également remplacé une cuisinière et un réfrigérateur pour la somme de 632,50 $.

[27]          La pièce A-10 a été déposée en preuve par l'intermédiaire du témoin, sous réserve du poids à lui accorder et de sa justification. Le témoin a mentionné les frais de réparation relatifs au bien de Cobourg en 1995. Il a indiqué que le revenu locatif inscrit était de 9 400 $, alors que le montant indiqué sur la pièce R-3 était de 8 500 $. L'emprunt hypothécaire contracté auprès de la Compagnie de Finance Household du Canada était assorti d'un taux d'intérêt de 8,950 p. 100 en 1995. Au départ, le taux hypothécaire dépassait 11 p. 100. Il n'est plus que de 6,5 p. 100. En 1995 et 1996, ils ont remboursé 5 p. 100 du principal.

[28]          La pièce A-11 a également été déposée par l'intermédiaire du témoin. Elle fait état d'une dépense engagée en 1992 et en 1993 pour annoncer la mise en location du bien.

[29]          En 1991, le témoin a été mis à pied. Il résidait à Cobourg. Il a recommencé à travailler en 1996. Il ne pouvait trouver de travail à Cobourg. Lorsqu'il est allé y résider, il avait encore un emploi.

[30]          On lui a demandé pourquoi l'appelante et lui voulaient louer le bien de Cobourg. Il a répondu qu'ils avaient deux maisons. Ils assuraient l'entretien de l'une et de l'autre et prévoyaient être en mesure de réaliser un bénéfice en louant celle de Cobourg. Ils ont commencé à réaliser un bénéfice en 1998 et continueront de le faire désormais.

[31]          En contre-interrogatoire, on a demandé au témoin de se reporter à la question 2 de la pièce R-2, où était inscrit le montant de 250 000 $. Selon lui, il s'agissait simplement d'un chiffre arrondi. Il a reconnu que la lettre a) à la question 6 n'avait pas trait au bien de Cobourg. On lui a rappelé que, dans l'ensemble du questionnaire, il avait mentionné que le point a) désignait le bien de Cobourg. Il affirmait maintenant que ce n'était pas le cas. Au moment de ses rapports avec Revenu Canada, il était pressé et stressé. La question 6 se rapportait au bien de la promenade Crocus. Il n'y avait pas d'emprunt garanti par une hypothèque de deuxième rang sur le bien de Cobourg, mais seulement un emprunt de 114 000 $ assorti d'une hypothèque de premier rang.

[32]          La pièce A-10, qui se rapporte au bien de la promenade Crocus pour 1995, a été préparée avant qu'il produise sa déclaration de revenu. Il ne pouvait dire à quoi correspondait le montant de 833,75 $ inscrit à la page 3. Il n'avait pas de reçus.

[33]          Il s'est reporté à la pièce A-9, soit l'état des dépenses engagées relativement au bien de Cobourg pour l'année 1996, indiquant que le montant de 632,50 $ représentait le coût d'un réfrigérateur d'occasion. On lui a mentionné le montant de 2 760 $, daté du 3 mars 1996, prétendument payé pour des travaux de peinture; le témoin a déclaré que la personne qui lui avait fourni le reçu n'avait pas de nom commercial mais que le reçu n'était pas un faux.

[34]          Une perte de 3 468,11 $ a été déclarée en 1997, puis des bénéfices de 126,39 $ et de 31,99 $ en 1998 et en 1999, respectivement. Il a reconnu qu'aucune déduction pour amortissement n'avait été déclarée pour ces années. Il a déclaré des pertes locatives pour les années 1989 à 1993.

[35]          De nombreux facteurs les ont amenés à retourner occuper la maison en 1993. Ils avaient fait des calculs et conclu que la location de la maison de Cobourg serait rentable. Entre 1991 et 1996, sa femme gagnait 70 000 $ par année. Il aurait été difficile d'occuper la maison de Cobourg.

[36]          Au cours du réinterrogatoire, la pièce A-12 a été déposée à des fins d'identification, sous réserve du poids à y accorder et de sa justification. Il s'agissait d'un reçu de 833,25 $ pour les travaux de peinture mentionnés dans la pièce A-10.

[37]          La raison pour laquelle ils ont décidé, en 1993, de retourner résider sur la promenade Crocus était qu'ils avaient intérêt à louer la maison de Cobourg, car ils avaient conclu qu'ils pourraient tirer un bénéfice de cette location au bout de deux ou trois ans. À Toronto, le témoin a pu trouver un emploi. Les personnes qui occupaient la maison de la promenade Crocus n'étaient pas de bons locataires.

Thèse de l'appelante

[38]          L'avocat de l'appelante a soutenu que la seule question en jeu dans l'appel en instance était de savoir s'il existait ou non une attente raisonnable de profit lors des années en cause. Il a fait mention de l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, indiquant que le critère pertinent était un critère objectif selon cet arrêt et selon l'affaire Tonn et al. c. Ministre du Revenu national, [1996] 2 C.F. 73 ((1996) 191 N.R. 182). Concernant la question de savoir s'il existait ou non un élément personnel comme celui dont il est question dans l'affaire Tonn, précitée, il a fait valoir que les appelants avaient une part de 51 p. 100 dans le bien. Ils n'ont pas, avant de le louer en entier, loué une partie du bien alors qu'ils y résidaient encore. Le bien a été loué à des parties n'ayant pas de lien de dépendance avec eux, et l'augmentation du loyer après 1996 était raisonnable.

[39]          Il ne s'agissait pas d'un bien financé intégralement par emprunt — la proportion de financement par emprunt n'était que de 49 p. 100. Le capital investi n'était pas insuffisant. La contribuable assurait l'entretien du bien et a été rapidement capable de trouver de bons locataires. Elle a agi à la manière d'un locateur raisonnable. Elle a gardé la maîtrise des coûts, a remboursé en partie l'emprunt hypothécaire et a fait réduire deux fois le taux d'intérêt applicable.

[40]          L'avocat a admis que l'on pouvait se demander pourquoi le bien avait été acquis. L'appelante a déclaré posséder une résidence personnelle, dont elle a déménagé en raison de son emploi. En bout de ligne, la décision de partir de la maison de Cobourg et de retourner occuper celle de la promenade Crocus a été dictée principalement par des raisons d'affaires. La Cour doit se pencher sur d'autres facteurs, non mentionnés dans l'arrêt Moldowan, précité. De l'avis de l'appelante, il était préférable, étant donné les déplacements qu'elle devait effectuer, de retourner habiter la maison de la promenade Crocus. Il ne s'agissait pas d'une raison d'ordre strictement personnel.

[41]          L'avocat a procédé à un examen approfondi de certaines affaires pertinentes ainsi que de certains extraits de ces jugements cités de façon plus particulière.

[42]          Il a indiqué que, dans l'affaire Mastri c. Canada, [1998] 1 C.F. 66 et [1997] A.C.F. no 880, nos du greffe A-650-96 et A-651-96, la Cour a déclaré que l'arrêt Tonn, précité, confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévu. L'avocat a dit que, dans la présente affaire, des éléments de preuve indiquaient que l'appelante avait considéré la possibilité que le bien puisse être loué à profit.

[43]          Dans l'affaire Patricia Watt c. La Reine, A-332-95, 24 septembre 1997, la Cour d'appel fédérale a indiqué qu'un but lucratif pouvait coexister avec un élément personnel et qu'il fallait accorder un délai de grâce pour le démarrage des nouvelles entreprises. Tout comme dans l'affaire Zahid Mohammad c. La Reine, (C.A.F.), A-652-96, 28 juillet 1997, le caractère raisonnable d'une dépense dans les circonstances n'a pas à être évalué par rapport à la question de savoir si une dépense en particulier, ou les dépenses collectivement, sont considérées comme disproportionnées par rapport aux revenus. La doctrine de l'attente raisonnable de profit et le concept de dépenses raisonnables selon l'article 67 de la Loi doivent s'appliquer indépendamment l'un de l'autre.

[44]          Dans la décision Tarantino c. Canada, [1999] A.C.I. no 928, nos du greffe 98-1215(IT)I et 98-1216(IT)I, datée du 25 novembre 1999, le juge Beaubier de la Cour canadienne de l'impôt a conclu que le problème constituait :

[...] un événement imprévisible indépendant de leur volonté et que les loyers qu'ils ont reçus, lorsqu'ils ont finalement pu mener à bien leurs plans, constituaient des loyers raisonnables qu'ils auraient pu toucher plus tôt n'eût été la catastrophe de Eaton's, qui leur a nui.

L'avocat n'a pas précisé quels événements imprévisibles et indépendants de la volonté des appelants étaient en jeu dans le présent appel.

[45]          L'avocat s'est également fondé sur l'affaire Costello c. Canada, [1998] A.C.I. no 16, no du greffe 97-407(IT)I, datée du 8 janvier 1998, dans laquelle la Cour a autorisé les déductions bien que le ministre ait rejeté les dépenses au motif qu'il n'existait pas d'attente raisonnable de profit et qu'il n'ait pas procédé à une analyse des pertes en cause, même si une partie des dépenses déduites pouvait avoir été constituée de dépenses en capital.

[46]          L'avocat a également fait mention de l'affaire Aziz c. Canada, [2000] A.C.I. no 57, no du greffe 98-2428(IT)G, où la Cour formulait la conclusion suivante : " En règle générale, aucun facteur unique n'est déterminant. Tous les facteurs doivent être pris en considération et se voir attribuer l'importance qui leur revient dans le contexte de l'affaire dans son ensemble. Dans certains cas, un facteur peut l'emporter sur tous les autres, et dans d'autres cas, ce facteur peut être d'une importance relativement faible. " Dans cette affaire, la Cour a fait mention de l'affaire David Kaye c. La Reine, C.C.I., no 97-2772(IT)I, 9 avril 1998 (98 DTC 1659), dans laquelle la Cour a préféré formuler ainsi la question : " Y a-t-il une entreprise véritable? "

[47]          Dans l'affaire Aziz, précitée, la Cour a conclu que le refus de la déduction des pertes était justifié et que l'appelant n'avait pas pu démontrer que cette décision était erronée.

[48]          L'avocat n'estimait pas que les faits dans l'appel en instance étaient similaires à ceux de l'arrêt Goldstein c. Canada, [1997] A.C.I. no 275, DRS 97-09336, no du greffe 96-1676(IT)I, daté du 4 avril 1997, dans lequel le juge Taylor a conclu que les dépenses en cause se rapportaient à la résidence personnelle du contribuable. La présente affaire diffère également de l'arrêt Bell c. Canada, [2000] A.C.I. no 36, no du greffe 98-2804(IT)I, daté du 24 janvier 2000, dans lequel la Cour a conclu qu'aucun plan financier n'avait été dressé, que les dépenses de l'appelant ont continuellement été supérieures aux revenus provenant de ses ventes et qu'on aurait dû attirer son attention sur un défaut capital de son entreprise. De même, l'arrêt Sherry c. Canada, [1999] A.C.I. no 257, no du greffe 97-2820(IT)G, daté du 10 mai 1999, ne s'applique pas aux faits révélés par la preuve dans l'affaire en instance.

[49]          On peut faire une distinction entre la présente affaire et le jugement Alidor Bokuluta et Mary-Jeanne Bokuluta c. La Reine, Cour canadienne de l'impôt, 15 avril 1997 (nos du greffe 94-1371(IT)G et 94-1372(IT)G), dans lequel la Cour a conclu que, dès le départ, tous les projets rattachés à des biens locatifs étaient sous-capitalisés. Les tentatives des appelants de mettre fin aux pertes locatives se sont révélées inefficaces parce qu'ils n'avaient pas suffisamment de marge de manoeuvre pour effectuer des rajustements, sans compter qu'il existait un lien de dépendance entre les parties à l'une des opérations.

[50]          Au contraire, dans la présente affaire, l'appelante a pris les mesures requises pour gérer l'opération à la façon d'une entreprise. L'élément personnel en jeu était peu marqué; il existait une attente raisonnable de profit; l'opération est rentable désormais et le restera. L'appel devrait être admis, avec dépens.

Thèse de l'intimée

[51]          L'avocat de l'intimée a soutenu qu'il existait un élément personnel important dans la présente affaire. La maison de la promenade Crocus était de plus petite taille. De façon générale, le prix des maisons grimpait en flèche. La maison de Cobourg était beaucoup plus grande, et c'est à des fins de spéculation que l'appelante et son mari l'ont acquise. Ils n'avaient pas l'intention d'en faire un bien locatif. En 1992, le mari a perdu son emploi, et le revenu de son épouse, qui était d'environ 70 000 $, est devenu le seul revenu familial. Le couple n'avait pas les moyens d'occuper la maison de Cobourg, aussi est-il retourné occuper celle plus petite sise au 84, promenade Crocus.

[52]          Lorsque l'appelante a emménagé dans la plus grande maison, ses motifs étaient d'ordre spéculatif, tandis que le retour à la maison de la promenade Crocus était dicté par des motifs d'ordre personnel. La décision de louer la maison de Cobourg n'était pas dictée par des raisons d'affaires.

[53]          En 1993, le marché de l'immobilier était déprimé. L'appelante et son mari ne voulaient pas vendre le bien de Cobourg, préférant le conserver jusqu'à ce que sa valeur marchande ait augmenté. Il s'agissait d'une maison de grande taille, difficile à louer, d'autant plus que les locataires étaient rares dans la région; des gens d'affaires raisonnables n'auraient pas acquis ce bien pour des raisons d'affaires.

[54]          L'appelante et son mari n'ont pas subdivisé le bien pour pouvoir en tirer un revenu locatif plus élevé, et ce, parce qu'ils voulaient conserver cette grande maison à des fins de placement.

[55]          Les témoignages de l'appelante et de son mari au sujet de l'emprunt garanti par une hypothèque de deuxième rang sur le bien de Cobourg n'étaient pas crédibles. L'examen du questionnaire montre que l'utilisation des lettres a) et b) pour désigner les deux biens n'engendre aucune confusion. Si l'on se fie au questionnaire, un emprunt de 56 000 $ garanti par une hypothèque de deuxième rang avait été contracté à l'égard du bien de Cobourg.

[56]          Par l'application de la déduction dont il est question ici, le revenu de l'appelante cessait d'être assujetti au taux supérieur d'imposition. Cela représente un net avantage pour elle. Il existait un élément personnel important relativement au bien en question.

[57]          De toute manière, l'affirmation selon laquelle ils avaient une attente raisonnable de profit est sujette à caution, étant donné qu'ils n'ont même pas pensé à tenir compte de la déduction pour amortissement lorsqu'ils ont calculé les profits ou les pertes pour les années en cause. Pour 1998, le revenu locatif net était de 126,39 $ seulement. En 1999, le revenu locatif net n'a été que de 31,99 $. Or, l'appelante n'a pas demandé de déduction pour amortissement à l'égard de l'une ou l'autre de ces années. De la sorte, même si l'on accepte les chiffres de l'appelante, le bénéfice réalisé était infime.

[58]          Les faits dans cette affaire situent cette dernière carrément à l'intérieur des paramètres de l'arrêt Moldowan, précité. À la lumière de l'affaire Tonn, précitée, il existait un élément personnel, et l'arrêt Moldowan doit être apprécié en conséquence. La déduction pour amortissement représente un facteur important, et toute personne raisonnable aurait conclu au vu des faits qu'il n'existait pas d'attente raisonnable de profit.

[59]          L'avocat a fait mention de l'affaire Brian J. Stewart c. La Reine, 18 février 2000, dossier A-337-98, en particulier à la page 3, où la Cour d'appel fédérale a jugé que la portée de l'arrêt Moldowan ne devait pas être limitée aux affaires où les biens comportaient un élément d'usage personnel. La Cour a réaffirmé ce qui suit :

Le principe de l'arrêt Moldowan veut que pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une attente raisonnable de profit. Aucun arrêt ultérieur de la Cour suprême n'a modifié ce principe.

La Cour a déclaré ensuite :

Lorsqu'il y a réclamation de perte découlant d'une entreprise ou d'un bien, if faut se demander si une entreprise ou un bien constitue une source de revenu. Dans le cas où la personne en cause possède un bien immobilier qui lui procure un revenu de location mais ne lui permet jamais de réaliser un profit sur une période de conservation projetée, la question se savoir si la personne en cause a acquis ou conserve ce bien pour un objectif autre que la réalisation d'un profit se pose. Il peut être conclu que l'objectif consiste en un quelconque usage personnel, mais il peut s'agir aussi d'un objectif tout autre que l'intention de réaliser un profit. Dans un tel cas, les pertes ne peuvent être déduites vu que le bien en cause ne constitue pas une source de revenu.

Il y a lieu d'appliquer ce principe dans la présente affaire, ce qui devrait amener la Cour à conclure qu'il n'existait pas d'attente raisonnable de profit.

[60]          L'avocat a soutenu que, même à l'heure actuelle, l'appelante n'essaie pas de gérer son affaire à la manière d'une entreprise, étant donné qu'elle n'a pas pris en compte la déduction pour amortissement.

[61]          Cependant, si la Cour devait conclure qu'il existait une attente raisonnable de profit, l'appelante ne devrait être autorisée à déclarer que la moitié des pertes, puisque les biens appartenaient de toute évidence à la fois à son mari et à elle.

[62]          De plus, concernant les années 1995 et 1996, les dépenses d'entretien et de réparations ne devraient pas être admises, étant donné l'absence de pièces justificatives suffisantes.

[63]          En réplique, l'avocat de l'appelante a dit qu'aucun élément de preuve n'avait été produit concernant la valeur des maisons sur le marché de l'immobilier. En outre, seules les dépenses se rapportant à l'année 1996 n'avaient pas été établies dans les règles, et ces dépenses totalisaient 614,40 $ seulement.

[64]          L'avocat a convenu que les dépenses devaient être réparties de façon égale entre l'appelante et son mari.

Analyse et décision

[65]          Quiconque se demanderait dans quelle mesure l'arrêt Moldowan, précité, et les principes qui y sont énoncés demeurent pertinents — la Cour n'ayant pour sa part aucun doute à ce sujet — trouverait la réponse à cette question dans la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Brian J. Stewart, précitée.

[66]          Ainsi que l'avocat de l'intimée l'a fait remarquer à juste titre lorsqu'il a fait mention de cet arrêt, la Cour a déclaré :

L'appelant soutient que l'arrêt Moldowan ne s'applique pas à moins que l'activité ou le bien en cause n'ait un élément d'usage personnel. Nous n'estimons pas que l'application de cet arrêt est ainsi restreinte. Le principe de l'arrêt Moldowan veut que pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une attente raisonnable de profit. Aucun arrêt ultérieur de la Cour suprême n'a modifié ce principe.

Notre cour a toujours estimé que l'objet principal de la décision rendue dans l'affaire Tonn, précitée, était d'indiquer que, dans les cas où une entreprise comporte un élément personnel, les tribunaux doivent faire preuve de prudence lorsqu'ils examinent les principes énoncés dans l'arrêt Moldowan, précité, et qu'ils doivent interpréter les faits de manière plus rigoureuse à la lumière de ces principes. L'existence d'un élément personnel n'est pas déterminant en soi dans ce genre d'affaires; il s'agit simplement de l'un des facteurs devant être examinés de façon objective afin de déterminer s'il existait une source de revenu, et donc une entreprise, justifiant la déduction des dépenses déclarées.

[67]          Certes, certains peuvent juger plus utile de formuler la question autrement : au lieu de se demander s'il existait une attente raisonnable de profit, on pourrait se demander : " Y a-t-il eu une entreprise véritable? ", comme on l'a fait dans l'affaire Kaye, précitée, et ainsi que le mentionnait le juge Bowman dans l'affaire Aziz, précitée :

On ne peut considérer le caractère raisonnable de l'attente de profit de façon isolée. Il faut se demander : " Est-ce qu'une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d'entreprise affirmerait qu'il s'agit bien d'une entreprise? " Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l'activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

[...]

En règle générale, aucun facteur unique n'est déterminant. Tous les facteurs doivent être pris en considération et se voir attribuer l'importance qui leur revient dans le contexte de l'affaire dans son ensemble. Dans certains cas, un facteur peut l'emporter sur tous les autres, et dans d'autres cas, ce facteur peut être d'une importance relativement faible.

Dans l'affaire Aziz, le juge Bowman a poursuivi en concluant que les faits révélés par la preuve allaient à l'encontre de l'assertion selon laquelle l'activité exercée était une véritable activité commerciale. Certains des facteurs pris en compte revêtent de l'importance dans la présente affaire, entre autres le fait que le montant des intérêts hypothécaires était supérieur au loyer brut. D'autres facteurs étaient également similaires. Ainsi que le juge Bowman l'a fait observer :

L'un ou l'autre de ces facteurs en lui-même n'aurait peut-être pas justifié le refus de la déduction des pertes. Pris ensemble, toutefois, ils présentent un obstacle insurmontable empêchant l'appelant de démontrer que les cotisations sont erronées.

[68]          L'examen des affaires pertinentes permet de constater que la question peut être envisagée de différentes manières mais que, en bout de ligne, pour que les dépenses soient déductibles, la Cour doit être convaincue que le contribuable était raisonnablement fondé à conclure qu'il existait une activité commerciale véritable, qu'il y avait bel et bien une attente raisonnable de profit, après avoir pris en compte les facteurs mentionnés dans l'arrêt Moldowan et les avoir appliqués à la preuve présentée dans l'affaire en question.

[69]          Dans l'appel en instance, la Cour conclut qu'il y avait un élément personnel en jeu par rapport au bien en cause. Au départ, le bien a été acquis en vue de servir de résidence à l'appelante et à son mari. La Cour n'est pas convaincue que le motif réel de l'acquisition du bien était d'ordre commercial; la Cour est plutôt convaincue que des fins commerciales qui auraient peut-être été envisagées l'ont effectivement été après que l'appelante et son mari ont décidé d'acquérir le bien, et que la décision de le louer n'a été prise que lorsqu'ils ont constaté que l'appelante ne serait pas mutée à l'extérieur de la région de Toronto dans le cadre de son travail.

[70]          La Cour est également convaincue que la décision de louer le bien n'était pas strictement une décision d'affaires, mais qu'elle a plutôt été prise parce qu'il était plus pratique pour l'appelante et son mari de retourner occuper le bien de la promenade Crocus. Les locataires de ce bien ne veillaient pas à son entretien; par ailleurs, il était plus difficile de trouver des locataires dans la région de Cobourg; la Cour est convaincue, à la lumière de la preuve, que l'appelante et son mari avaient conclu qu'il était plus avantageux de conserver le bien de Cobourg à titre de placement plutôt que de le vendre à ce moment-là. Lorsqu'ils ont décidé de louer le bien, ce n'est pas parce qu'ils avaient conclu qu'ils seraient en mesure d'en tirer un bénéfice. L'intention de réaliser un bénéfice était, au mieux, secondaire.

[71]          Si l'appelante avait tenu raisonnablement compte de tous les facteurs requis pour que le bien locatif soit rentable, elle aurait conclu qu'il était impossible de réaliser un bénéfice de façon continue, à moins de prendre des mesures pour accroître considérablement le revenu locatif tiré du bien, par exemple en transformant ce dernier en immeuble à logements multiples. De cette manière, son mari et elle auraient pu en tirer un revenu locatif plus élevé. L'appelante aurait peut-être pu démontrer que, même en tenant compte du coût des rénovations requises, un revenu suffisant aurait pu être gagné après une période raisonnable pour que le bien soit rentable. Toutefois, l'appelante elle-même a déclaré qu'il n'avait jamais été question de transformer le bien afin d'y aménager des logements multiples.

[72]          La Cour conclut que, de toute évidence, l'appelante avait conclu qu'il était plus raisonnable, dans l'optique de son placement, de conserver le bien sous forme de résidence unifamiliale de grande superficie et d'attendre le moment où il serait possible de le vendre un prix plus élevé.

[73]          Le témoignage de l'appelante et celui de son mari sont les seuls éléments venant corroborer la thèse de l'appelante selon laquelle ils pouvaient raisonnablement s'attendre à tirer un profit de la location du bien et qu'il s'agissait là d'un des facteurs dont ils avaient tenu compte lorsqu'ils avaient acheté le bien. Toutefois, ni l'un ni l'autre n'a pu produire d'éléments de preuve sous la forme d'un plan montrant des prévisions raisonnables de revenu et de dépenses à partir desquelles la Cour pourrait déterminer s'il existait ou non une attente raisonnable de profit.

[74]          Les faits dans cette affaire ne permettent pas d'établir que nous sommes en présence d'une situation où l'appelante pouvait raisonnablement s'attendre à réaliser un profit durant les années en cause mais où elle en a été empêchée par certains événements imprévus. Il ne s'agit pas de l'une de ces affaires où des événements imprévus sont survenus, où les faits produits à l'audience permettent d'expliquer pourquoi un bénéfice n'a pas été réalisé lors des années en cause et où, en l'absence des événements imprévus en question, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les choses soient différentes dans l'avenir.

[75]          Ce n'est pas non plus une affaire où le contribuable pouvait s'attendre à réaliser un bénéfice après une période de démarrage raisonnable, ni une affaire où le contribuable n'a pu réaliser un bénéfice lors des années en cause parce qu'il aménageait le bien à titre de logement locatif et que, une fois les dépenses initiales prises en considération, la voie serait toute tracée pour réaliser un bénéfice dans l'avenir.

[76]          En réponse à une question posée par la Cour, l'appelante a admis n'avoir pris, lors des années en cause, aucune mesure qui aurait pu permettre de renverser la situation financière. De fait, les seules mesures prises pour améliorer la situation financière ont consisté à réduire l'emprunt hypothécaire. Or, les chiffres de l'appelante elle-même montrent que, même après cela, le revenu n'a dépassé les dépenses qu'en 1998, cet excédent n'étant que de 126,39 $; en 1999, l'excédent du revenu total sur les dépenses s'est chiffré à 31,99 $. À l'égard de ces deux années, l'appelante n'a pas pris en compte la déduction pour amortissement, qui constitue l'un des facteurs mentionnés dans l'arrêt Moldowan, précité.

[77]          Il est des affaires où il semble évident, au vu de la situation, qu'une entreprise ne peut donner lieu à une attente raisonnable de profit, étant donné la nature du bien, l'étendue des dépenses et le revenu pouvant être tiré du bien. La Cour est convaincue que les faits en l'espèce permettent de classer le bien en question dans cette catégorie. Cela ressort des chiffres figurant dans la pièce R-3, qui montrent que, au cours des années en question, le loyer brut a été nettement moins élevé que les seuls intérêts hypothécaires et que ce n'est qu'en 1997 que le montant des intérêts est devenu moins élevé que le revenu brut. Rappelons que, même lors des années 1997, 1998 et 1999, l'appelante n'a pas pris en compte la déduction pour amortissement.

[78]          L'avocat de l'intimée a soutenu que le témoignage de l'appelante et celui de son mari étaient contradictoires et n'étaient pas crédibles. La Cour est d'avis que certaines des divergences révélées lors des contre-interrogatoires n'ont pas reçu d'explication satisfaisante.

[79]          Compte tenu de l'ensemble de la preuve, la Cour n'est pas convaincue que l'appelante a établi l'existence d'une attente raisonnable de profit durant les années en cause relativement à la location de son bien. Si la Cour n'en était pas arrivée à cette décision, elle aurait conclu que l'appelante n'avait droit qu'à la moitié des déductions; toutefois, étant donné la décision de la Cour, cette question est sans objet.

[80]          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2000

" T. E. Margeson "

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de juillet 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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