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Date: 20001128

Dossier: 1999-4891-IT-I

ENTRE :

CDD-REM PROCESS, VACUUM TECHNOLOGY CORP.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Comparutions

Représentant de l'appelante : M. James A. Deacur

Avocat de l'appelante : Me Howard Morton

Avocate de l'intimée : Me Sointula Kirkpatrick

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario), le 24 octobre 2000.)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Je remercie les avocats pour l’attention toute particulière qu’ils ont portée à la présente affaire. Je remercie les témoins qui, de l’avis de la Cour, ont déposé d’une manière très honnête et directe.

[2] La cause de l’appelante comporte certaines faiblesses; il n’y a aucun doute à ce sujet.

[3] Le fait d’établir régulièrement des factures pour le travail accompli aurait représenté une pratique commerciale plus sage, particulièrement pour une compagnie qui était conseillée par des experts et des comptables. La Cour ne dispose que du témoignage du principal actionnaire de l’une des compagnies qui offraient le service. Selon son explication, on n’a pas établi de facture parce qu’on avait une pratique en place selon laquelle on effectuait des retraits et qu’on ne croyait pas qu’il était nécessaire d’établir des factures.

[4] Cela peut très bien être le cas, mais le fait d’établir des factures de manière appropriée aurait constitué une bien meilleure pratique. Sur recommandation de ses comptables, la compagnie décidait de la meilleure façon de faire. Toutefois, la meilleure façon de procéder aurait été d’établir une facture pour le travail au fur et à mesure qu’il était accompli ou dans un court délai par la suite, en précisant le travail effectué et les frais relatifs à celui-ci. Le vérificateur de l’intimée aurait alors eu la documentation qu’il cherchait.

[5] La Cour ne reproche pas à ce dernier d’avoir cherché de la documentation. Elle a pu constater immédiatement, lorsqu’il a commencé à témoigner, ce qu’il avait à l’esprit en examinant le présent dossier. Il l’abordait du point de vue d’un vérificateur, ce qu’il est censé faire. Où se trouve la preuve selon laquelle la somme d’argent demandée représentait des dépenses pour la recherche et le développement (“ dépenses de R & D ”)? Il avait le droit de faire cela. Qu’il en soit arrivé à la bonne méthode ou non est une question à laquelle la Cour répondra dans un instant.

[6] En tant que bon vérificateur, il avait le droit de signaler le fait que le montant demandé était ou non attesté par des documents, des renseignements et une preuve à un degré tel que le bien-fondé de la demande était établi.

[7] Si l’unique preuve présentée à la Cour provenait d’un représentant du contribuable affirmant : “ Oh oui! Nous avons versé l’argent : c’est ce à quoi il était destiné, la recherche et le développement! ”, sans plus, l’appelante aurait de la difficulté à obtenir gain de cause en l’espèce. Si la preuve produite représentait un élément qui ne pouvait être accepté ou cru ou si les témoins n’avaient aucune crédibilité, l’appelante éprouverait beaucoup de difficultés. Toutefois, cela n’a pas été le cas.

[8] Il y avait cependant une erreur flagrante : la documentation était faible. Le vérificateur de l’intimée s’en est donc saisi. Cela ne signifie pas qu’une simple facturation aurait nécessairement suffi, mais elle aurait été utile. Le vérificateur a indiqué dans son témoignage qu’elle n’aurait peut-être pas prouvé le bien-fondé de la demande relative à la recherche et au développement de façon satisfaisante, mais il a affirmé qu’elle aurait été utile.

[9] La Cour se permet de formuler une remarque, comme elle a le droit de le faire, sur la crédibilité qu’elle accorde à la preuve présentée par ceux qui ont témoigné. La présente cour, comme le vérificateur lui-même, a été favorablement impressionnée par la nature de la preuve présentée par les personnes qui ont témoigné. Bien que son opinion sur les témoins ne soit pas concluante en l’espèce, il a été intéressant de constater que le vérificateur a affirmé qu’il pouvait très bien croire ce que les personnes de la compagnie lui avaient dit. Ces personnes comptent parmi les témoins qui ont témoigné devant la Cour aujourd’hui.

[10] La Cour a été impressionnée par la nature de la preuve présentée par les témoins. Cette preuve a beaucoup aidé la Cour à décider si les demandes étaient valides. Cela ne signifie pas que le ministre n’avait pas le droit de chercher plus d’éléments de preuve que ceux dont il disposait afin d’établir le bien-fondé de la demande.

[11] La Cour a été impressionnée par les témoins. Elle a cru ce qu’ils ont affirmé.

[12] Le comptable qui a témoigné était très bien informé et il possédait une riche expérience, et ses connaissances relatives à ce type de demande étaient à jour. Il avait lui-même travaillé pour Revenu Canada, et la nature de son témoignage a été très utile à la Cour. Cette dernière accepte ce qu’il avait à dire, mais pas nécessairement son interprétation du droit.

[13] L’avocat de l’appelante a soutenu que la Cour devait admettre l’appel et conclure que, pendant l’année 1993, le salaire en litige de 22 782 $ et, pendant l’année 1994, le salaire en litige de 37 155 $ devaient constituer des montants que l’appelante avait le droit de déclarer dans le calcul du crédit de R & D.

[14] Il a affirmé que l’on pouvait croire les personnes qui ont témoigné au nom de l’appelante, y compris M. Gordon et M. Deligiannis, que leur témoignage était crédible et honnête. Ces derniers ont produit les états financiers et les registres de la compagnie pour les années 1993 et 1994, lesquels ont confirmé le montant qui a été payé par l’appelante aux deux compagnies contrôlées par les deux actionnaires susmentionnés.

[15] Selon les témoins, les montants demandés ont été payés au cours des années en litige et les chèques ont été émis à l’ordre des compagnies bénéficiaires de ces montants. On ne semble pas avoir contesté la prétention selon laquelle les montants en litige ont été effectivement payés.

[16] L’avocat a de plus soutenu que l’article 67 ne s’appliquait pas parce que la preuve indiquait que l’appelante aurait pu exiger un prix beaucoup plus élevé, pour les services rendus par ces deux actionnaires, qu’elle ne l’a fait en réalité.

[17] En 1993, elle n’a déclaré que 25 p. 100 du montant dépensé pour leur salaire. En 1994, elle en a déclaré 30 p. 100. Ce montant était raisonnable, selon l’avocat de l’appelante, et devrait être admis.

[18] Il a en outre soutenu que rien ne pouvait permettre au vérificateur d’examiner le feuillet de renseignements T4 des deux bénéficiaires du salaire afin de tenter de déterminer quel montant aurait dû être accordé pour la recherche et le développement.

[19] La situation en l’espèce n’a rien à voir avec les activités internes des autres compagnies qui exerçaient leurs activités sans lien de dépendance entre l’une et l’autre. Ce renseignement n’est pas pertinent et ne fournit pas au ministre la méthode sur laquelle il peut se fonder pour déterminer quel montant a été consacré à la recherche et au développement. Le droit des sociétés permet aux compagnies d’être constituées de façon indépendante.

[20] Chacun des deux actionnaires prenait ses propres décisions quant à ce qu’il devait faire dans sa compagnie. Il ne s’agissait pas de sociétés de portefeuille. Ce terme a été utilisé, mais la Cour devrait conclure qu’il ne s’agissait pas de sociétés de portefeuille. Elles étaient des compagnies contrôlées par les particuliers eux-mêmes, qui en étaient les actionnaires. De toute évidence, ils décidaient de ce que faisaient les compagnies, mais elles n’étaient pas des sociétés de portefeuille.

[21] On a également fourni l’argument selon lequel l’appelante elle-même était exploitée indépendamment de ces deux personnes et prenait ses propres décisions. Par conséquent, ces compagnies ne pouvaient être réputées avoir exercé leurs activités avec un lien de dépendance en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Ensuite, dans les faits, elles n’agissaient pas avec un lien de dépendance.

[22] Les appels devraient être admis avec dépens.

[23] L’avocate de l’intimée a affirmé que la question consistait à savoir si l’appelante avait le droit de demander des montants excédant ceux accordés par le ministre lorsqu’elle a demandé ses montants de R & D pour les années en litige.

[24] Ensuite, le crédit d’impôt a-t-il été correctement calculé par le ministre? Elle a renvoyé au paragraphe 37(1) de la Loi.

[25] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait droit aux montants qu’elle demandait. Elle n’a pas démontré que la cotisation du ministre était erronée. Elle n’a pas démontré qu’elle avait droit à d’autres crédits pour la recherche et le développement que ceux accordés par le ministre.

[26] Elle a renvoyé au paragraphe 127(9) et a soutenu que les travailleurs, soit les deux actionnaires, n’ont pas été payés pour la recherche et le développement. Aucun élément de preuve n’a indiqué que les montants demandés étaient liés aux services qu’ils offraient à l’appelante. Ils n’exploitaient pas l’entreprise sans lien de dépendance avec la payeuse. Il n’y a eu aucun élément de preuve établissant l’obligation de la compagnie appelante de payer aux deux prétendus bénéficiaires les montants qu’on cherchait à déduire en l’espèce.

[27] Elle a soutenu que la méthode choisie par le ministre était correcte, à savoir l’utilisation des renseignements des feuillets T4. Il s’agissait de la méthode la plus précise à utiliser. Il n’est que raisonnable que la Cour doive examiner le montant qui a été payé aux deux particuliers selon les feuillets T4 lorsqu’elle tente de calculer le montant qui devrait être consacré à la recherche et au développement. Le fondement du calcul devrait être le montant indiqué sur les feuillets T4 de M. MacPherson et de M. Deligiannis.

[28] Il s’agissait d’une situation avec lien de dépendance en vertu de l’alinéa 251.1b) de la Loi.

[29] De plus, comme il s’agit d’une opération ou d’une situation avec lien de dépendance, la Cour devrait avoir le droit de regarder au-delà de l’exploitation légale de la compagnie pour voir qui étaient les actionnaires. Elle devrait regarder au-delà des aspects légaux et observer la manière dont les actionnaires ont interagi avec la compagnie appelante. En faisant cela, il faut conclure que le montant demandé pour la recherche et le développement constituait un montant qu’il était déraisonnable de leur part de demander pour les années en litige. Il faut regarder au-delà de la structure de la société.

[30] Les appels devraient être rejetés.

[31] En réponse, l’avocat de l’appelante a déclaré que Revenu Canada ne pouvait imposer à des compagnies la manière dont elles devaient s’occuper de leurs affaires.

[32] On a prétendu qu’en fin de compte, même si les actionnaires étaient payés par chèque par l’appelante pour leurs services en matière de recherche et de développement, ce n’était pas nécessairement tout ce qu’ils recevaient de l’appelante. Il pouvait y avoir eu d’autres avantages. Néanmoins, cela ne regarde que la compagnie. Ce que l’appelante a fait de l’argent qu’elle a reçu, même si cet argent représentait un montant trois fois et demie supérieur à ce qu’elle avait payé aux fournisseurs de services, est sans rapport avec la question qui doit être tranchée en l’espèce.

[33] L’avocat a répété son argument au sujet du lien de dépendance de fait et en vertu de la Loi.

Analyse et décision

[34] La Cour a déjà déclaré qu’elle acceptait la preuve des témoins appelés au nom de l’appelante. Elle considère que leur témoignage est très crédible.

[35] La Cour tire une conclusion selon laquelle la méthode employée par le vérificateur dans le cas présent était probablement dictée par le fait qu’il n’avait pu trouver la documentation qu’il cherchait. En effet, dans certaines situations, cela aurait pu être fatal à la cause de l’appelante. Une documentation qui inclut l’utilisation de factures, lesquelles sont précises et sont émises à des moments appropriés et indiquent que le travail a été effectué, ce à quoi les frais se rapportent, quelle est la quantité de travail qui a été effectuée et quelle est la somme d’argent qui a été payée, représente une meilleure façon de procéder.

[36] Toutefois, sur la foi des témoignages entendus, la Cour est convaincue qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une omission fatale à la position de l’appelante.

[37] Après avoir entendu tous les témoignages des témoins, portant sur les documents déposés en preuve, les lettres, les états financiers, le témoignage du comptable agréé et celui des actionnaires qui se sont présentés devant la Cour, et avoir accordé une grande crédibilité à leur témoignage, la Cour est convaincue qu’elle peut accepter ce qu’ils avaient à dire.

[38] La Cour est convaincue que l’appelante a établi, selon la prépondérance des probabilités, avoir payé à ces deux compagnies le montant en question. De toute façon, le montant ne semble pas être en litige.

[39] La principale question est la suivante : la compagnie a-t-elle payé ce montant pour la recherche et le développement? Compte tenu de tous les éléments de preuve présentés, la Cour est convaincue qu’elle l’a fait. Quand la Cour prend en considération la crédibilité des témoins, examine le contenu des documents qui lui sont présentés et applique les dispositions appropriées de la Loi à la preuve, elle est convaincue que pendant les années d’imposition 1993 et 1994, les salaires en litige, soit les sommes de 22 782 $ et de 37 155 $ respectivement, ont également été payés par la compagnie appelante pour la recherche et le développement.

[40] Sans les témoignages de vive voix des personnes qui ont témoigné et en l’absence de la documentation appropriée, ce résultat n’aurait pu être produit. Si la Cour ne croyait pas ce que les témoins avaient à dire, elle ne pourrait parvenir à ce résultat.

[41] Pour autant que les feuillets T4 sont concernés, la Cour est convaincue que le fait de les examiner pour savoir ce que les deux actionnaires ont reçu à la fin de l’année et ont déclaré aux fins de l’impôt sur le revenu ne constitue pas une méthode qui convient pour calculer les montants appropriés dépensés pour la recherche et le développement.

[42] La Cour est convaincue que le vérificateur de l’intimée n’avait pas de mauvaise motivation pour agir de la sorte. Il cherchait une méthode pour déterminer des montants appropriés que, selon lui, la compagnie avait le droit de demander. Il a utilisé ce qui était à sa disposition. Il a examiné les feuillets T4 afin de voir combien les travailleurs recevaient de l’appelante, et c’est le chiffre qu’il a utilisé.

[43] La Cour est convaincue que cette méthode n’était pas appropriée en l’espèce et que les montants présentés dans ces feuillets T4 ne permettent pas de calculer sur une base correcte le montant des paiements effectués pour la recherche et le développement qui ont été dépensés dans le cas qui nous occupe.

[44] Encore une fois, la Cour est convaincue qu’en fin de compte, ces compagnies exerçaient leurs activités sans lien de dépendance entre l’une et l’autre. Elles n’exerçaient pas leurs activités avec un lien de dépendance, que ce soit en vertu de la Loi ou selon les faits. La Cour ne peut pas tirer de conclusion défavorable contre elles dans ces circonstances. Elle est convaincue que le ministre a fait les mauvais calculs.

[45] La Cour est convaincue que les appels devraient être admis avec dépens et la question, déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que la compagnie appelante, en 1993, aurait dû pouvoir déclarer le montant de salaire en litige de 22 782 $ dans le calcul de son crédit de R & D et, en 1994, le montant de 37 155 $ dans son calcul, en plus de tout autre montant déjà autorisé par le ministre pour ces années. L’appelante a droit à ses frais, qui seront taxés.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 28e jour de novembre 2000.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

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