Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990823

Dossier: 97-368-IT-G

ENTRE :

MICHAEL W. TESLUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE

[1] Après un échange au sujet de l'avis d'appel et la production d'une preuve volumineuse concernant les expériences malheureuses de l'appelant, il a été décidé que la question en litige était celle de savoir si, pour les années d'imposition 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, l'appelant avait le droit de déduire des frais de justice, des frais d'intérêt et une perte finale relativement à un bâtiment qu'il a acheté avec son associé pour y établir leur cabinet d'avocats.

[2] Aux termes d'un contrat de vente daté du 11 novembre 1986, l'appelant et J. Paul Fletcher (“ M. Fletcher ”) ont acheté une maison de deux étages qu'ils ont payée 10 000 $. Des pénalités totalisant 8 000 $ pour défaut d'enlever le bâtiment de son emplacement initial ont fait augmenter le coût de la propriété à 18 000 $.

[3] Un document intitulé BAIL FONCIER a été signé le 13 mai 1987. Aux termes de ce document, William George Trip (“ M. Trip ”) louait un bien-fonds à l'appelant et à M. Fletcher, qui prévoyaient y déménager la maison. Après que le bâtiment eut été installé sur le bien-fonds loué, le canton a refusé de délivrer un permis de construire. La procédure judiciaire qui a suivi a débouché sur une ordonnance rendue par la Cour suprême de l'Ontario le 20 décembre 1989 et enjoignant à l'appelant et à MM. Fletcher et Trip d'enlever le bâtiment du lot et leur interdisant d'occuper le bâtiment tant que celui-ci se trouvait sur le lot en question. En outre, un certain nombre de brefs de saisie et de vente ont été délivrés contre l'appelant et M. Fletcher relativement à des frais se rapportant au bâtiment et relativement à un prêt bancaire qui aurait été consenti à des fins d'exploitation.

[4] L'appelant et M. Fletcher ont occupé le bâtiment jusqu'à ce que les services fournis par le canton soient interrompus. Après avoir quitté le bâtiment, ils ont continué à en utiliser une partie pour y entreposer des dossiers, jusqu'à ce que des vandales s'introduisent par effraction et mettent le feu au bâtiment. Toute la partie arrière a été détruite. L'appelant a été incapable de préciser la date de l'incendie. Le bâtiment a été démoli le 28 juillet 1994.

[5] L'appelant a produit des déclarations de revenus pour les années d'imposition 1989 à 1993 inclusivement, toutes datées du 25 janvier 1995. Dans ces déclarations, il a fait les déductions et déclaré les revenus suivants :

1989

Revenu : 35 299,05 $

Déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise relativement au bureau : 35 299,05 $

1990

Revenu : 69 019,45 $

Déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise relativement au bureau : 69 019,45 $

1991

Revenu : 38 953,23 $

Déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise relativement au bureau : 38 953,23 $

1992

Revenu : 41 201 $

Déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise relativement au bureau : 41 201 $

1993

Revenu : 31 958,87 $

Déduction de pertes autres que des pertes en capital des autres années relativement au bureau : 31 958, 87 $

[6] L'appelant a produit en preuve un document rédigé par Manik B. Datta, CMA, intitulé :

[TRADUCTION]

Objet : Votre impôt sur le revenu personnel

1989 à 1993

Calcul des pertes et revenu imposable révisé

Il a déclaré que son recours était fondé sur ce document. Si l'on exclut les feuilles de calcul qui y sont jointes, le document est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

MANIK B. DATTA, CMA

Comptable en management accrédité

M. Michael W. Tesluk, LL.B.

Avocat et procureur

Pickering (Ontario)

11 mars 1999

Objet : Votre impôt sur le revenu personnel

1989 à 1993

Calcul des pertes et du revenu imposable révisé

Pour faire suite à ma lettre du 4 février 1999, veuillez prendre note que j'ai déduit des frais d'intérêt de votre revenu conformément aux renseignements que vous m'avez fournis. Vos revenus imposables révisés sont les suivants :

Revenu de 1989 tel que déclaré 35 299 $

Frais de justice (2 215)

Frais d'intérêt — voir ann. A (741)

32 343

Perte finale (32 343)

Revenu imposable de 1989 néant

Perte autre qu'une perte en capital reportée :

(92 124 $ * - 32 343 $)

*Voir ma lettre du 4 février 1999 59 781 $

Revenu de 1990 tel que déclaré 69 019 $

Frais d'intérêt — voir ann. B (5 523)

Perte autre qu'une perte en capital reportée (59 781)

Revenu imposable révisé — 1990 3 715 $

Revenu de 1991 tel que déclaré 38 953 $

Frais de justice (5 215)

Frais d'intérêt — voir ann. C (14 866)

Revenu imposable révisé — 1991 18 872 $

Revenu de 1992 tel que déclaré 41 201 $

Frais de justice (4 046)

Frais d'intérêt — voir ann. D (17 525)

Revenu imposable révisé — 1992 19 630 $

Revenu de 1993 tel que déclaré 31 958 $

Frais de justice (6 412)

Frais d'intérêt — voir ann. E (21 386)

Revenu imposable révisé — 1993 4 160 $

J'espère que les calculs ci-dessus satisfont à vos exigences. Si vous avez besoin de précisions, n'hésitez pas à m'appeler.

Je vous prie d'agréer mes salutations distinguées.

(Signé) M. B. Datta

Lorsque ce document a été produit en preuve, l'appelant a formulé sa demande à la Cour, comme il est précisé dans la description de la question en litige faite précédemment.

[7] La prétention de l'appelant relative à la déduction d'une “ perte finale ” ne peut être retenue. Aux termes des deux paragraphes 20(16) et 13(21) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”), il y a perte finale à la fin d'une année d'imposition lorsqu'un contribuable a une fraction non amortie du coût en capital relativement à un bien amortissable d'une catégorie appropriée et qu'il ne possède plus de biens de cette catégorie. La preuve a indiqué que le prix d'achat du bâtiment par l'appelant et M. Fletcher, ainsi qu'il a été mentionné précédemment, avait été de 18 000 $.

[8] L'appelant a expliqué qu'un montant supplémentaire de 74 124 $ devait être ajouté au total du coût en capital du bâtiment, qui s'élèverait ainsi à 92 124 $. La somme de 74 124 $ se compose des montants suivants :

25 000 $ : montant accordé à 376314 Ontario Limited dans une ordonnance de la Cour de l'Ontario (Division générale) et payable par l'appelant et M. Fletcher;

12 402,16 $ : montant accordé à la Banque Canadienne Impériale de Commerce par la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) et payable par l'appelant et M. Fletcher;

25 299,45 $ : montant accordé à la Banque Royale du Canada en application d'une ordonnance judiciaire, et payable par l'appelant et M. Fletcher;

11 422,35 $ : montant accordé à la Banque Royale du Canada en application d'une ordonnance judiciaire, et payable par l'appelant et M. Fletcher.

[9] L'appelant allègue que la somme de 25 000 $ susmentionnée se rapportait à un prêt que lui et M. Fletcher avaient contracté aux fins principalement de déplacer le bâtiment. L'appelant n'a pu confirmer le montant exact de l'emprunt en question et aucune documentation à cet égard n'a été produite. Il a reconnu aussi que tout montant excédant les paiements faits pour déplacer le bâtiment était inclus dans les comptes généraux de leur cabinet d'avocats.

[10] L'appelant allègue que l'exécution ordonnée en faveur de la Banque Canadienne Impériale de Commerce se rapportait à un emprunt fait pour payer une commission à un courtier en immeubles aux fins de l'achat du bâtiment et de la négociation du bail du bien-fonds sur lequel le bâtiment avait été installé. L'appelant n'a pu confirmer le montant exact de l'emprunt ou de la commission, et il n'a fourni aucune documentation à cet égard.

[11] L'appelant et M. Fletcher ont confirmé que les deux exécutions ordonnées en faveur de la Banque Royale du Canada se rapportaient à un prêt d'exploitation et à un découvert pour leur cabinet d'avocats, et n'avaient donc rien à voir avec le coût du bâtiment.

[12] L'appelant allègue que le bâtiment a été vendu en 1989 et que c'est donc en 1989 qu'une perte finale a été subie. Aucune preuve n'a été produite concernant la valeur du bâtiment dans l'année en question et aucune preuve n'a été produite pour indiquer que le bâtiment n'avait pas été utilisé par l'appelant et son associé cette année-là.

[13] Les sommes susmentionnées ne pouvaient pas toutes être ajoutées au coût du bâtiment. En outre, l'appelant détenait la moitié seulement du bâtiment, de sorte que, même ayant subi une telle perte finale, il aurait droit à la moitié de celle-ci seulement.

[14] La preuve a indiqué que, même après que les appelants eurent cessé de pratiquer dans le bâtiment en question, ils ont continué à en utiliser une partie, à l'étage, pour entreposer des dossiers clos de leur cabinet jusqu'à ce qu'une partie du bâtiment soit endommagée par le feu. Ni le témoignage de l'appelant ni celui de M. Fletcher n'a permis de déterminer la date ou l'année de l'incendie. Il n'est donc pas certain que le bâtiment a été vendu avant sa démolition en 1994. Par conséquent, il n'a pas été établi qu'une perte finale avait été subie au cours de l'une ou l'autre des années visées par l'appel, et la déduction de cette perte finale est donc refusée.

[15] L'appelant a demandé également la déduction des montants suivants au titre des frais de justice et des frais d'intérêt :

Année Frais de justice Frais d'intérêt

1989 2 215 $ 0

1990 0 5 523 $

1991 5 215 14 866

1992 4 047 17 525

1993 6 412 21 383

Total 17 888 $ 59 297 $

[16] L'appelant a expliqué que ces frais de justice se rapportaient à des jugements rendus contre lui et M. Fletcher. Tous deux ont reconnu que les intérêts n'avaient pas été payés. L'alinéa 20(1)c) de la Loi prévoit que, dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien, peut être déduit un montant payé au cours de l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée pour calculer le revenu) en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. L'appelant n'a pas réussi à établir que sa méthode de comptabilisation permettait la déduction des intérêts selon le système de l'exercice. En outre, l'appelant n'a pas établi quelle proportion des frais d'intérêt indiqués ci-dessus était payable par lui. Par conséquent, aucune déduction n'est permise relativement aux intérêts en question.

[17] L'appelant a témoigné que les frais de justice n'avaient pas été payés. Abstraction faite du fait qu'il n'a pas établi que ces dépenses avaient été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, l'appelant n'a pas fait la preuve qu'il utilisait une méthode de calcul du revenu pouvant permettre la déduction en question selon le système de l'exercice. En outre, il semble que sa portion des frais en question ne puisse pas dépasser 50 p. 100 de toute façon.

[18] En conséquence, les trois déductions faites par l'appelant sont refusées et l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'août 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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