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Date: 19980618

Dossier: 96-397-IT-I

ENTRE :

MARLENE BARKER et

GEORGE WILLIAM BARKER,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Cet appel, qui est régi par la procédure informelle, a été entendu à Cranbrook (Colombie-Britannique) le 9 juin 1998. L'avocat de la Couronne a appelé l'appelante à témoigner. Le représentant de Marlene Barker a appelé George William Barker à témoigner. M. Barker a été nommé à titre de partie dans l'appel interjeté par Marlene Barker en vertu d'une ordonnance fondée sur l'article 174 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2] Les paragraphes 6 et 7 de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

6. En établissant la nouvelle cotisation de l'appelante pour l'année d'imposition 1993, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a inclus dans le calcul du revenu un dividende imposable de 68 117 $ et a admis un crédit d'impôt pour dividendes de 9 082,26 $.

7. En établissant ainsi la nouvelle cotisation de l'appelante, le Ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait ci-après énoncées :

a) en septembre 1990, l'appelante et son conjoint, George William Barker (ci-après appelé « M. Barker » ), se sont séparés;

b) M. Barker était titulaire de la seule action émise (l' « action » ) de W. Barker Contracting Ltd. (la « société » ), constituée en vertu de la Companies Act de la Colombie-Britannique;

c) par une ordonnance enregistrée au greffe de Cranbrook le 29 octobre 1992, (l' « ordonnance » ), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré que l'action était un avoir familial et a en outre déclaré qu'au 30 novembre 1990, l'action valait 220 000 $;

d) dans l'ordonnance, il était en outre ordonné que l'action ou les actifs de la société soient vendus et que le produit net de la vente soit divisé à parts égales entre l'appelante et M. Barker;

e) M. Barker a fait en sorte que les actifs de la société soient vendus dans l'année d'imposition 1993 et le produit net de la vente a été déposé dans un compte en fiducie en mars 1993;

f) le 12 décembre 1993, la société a déclaré un dividende payable à l'appelante et à M. Barker;

g) le solde de 108 988,72 $ qui était dans le compte en fiducie mentionné à l'alinéa 7e) des présentes, a été versé à titre de dividende, dans l'année d'imposition 1993 et l'appelante et M. Barker ont chacun touché 54 494,36 $;

h) il a été déterminé que le dividende imposable versé à l'appelante représentait 125 p. 100 de la somme de 54 494,36 $ et s'élevait donc à 68 117 $;

i) en vertu de la Family Relations Act de la Colombie-Britannique, l'appelante est devenue propriétaire bénéficiaire de la moitié (1/2) de la seule action émise de la société; les droits qu'elle avait sur cette action pouvaient être exercés en vertu de l'ordonnance mentionnée à l'alinéa 7c) des présentes.

[3] Les faits énoncés aux alinéas 7a), b), c), e), f), g), et h) sont exacts. Les faits énoncés à l'alinéa d) sont mieux expliqués dans les paragraphes suivants de l'ordonnance que le juge Melnick, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a rendue les 31 janvier et 26 février 1992, laquelle a été enregistrée le 29 octobre 1992 au greffe de Cranbrook :

[TRADUCTION]

CETTE COUR DÉCLARE EN OUTRE que l'action que le défendeur George William Barker détenait dans la compagnie défenderesse W. Barker Contracting Ltd. (l' « action » ) est un avoir familial;

CETTE COUR DÉCLARE EN OUTRE qu'au 30 novembre 1990, l'action valait 220 000 $;

[...]

CETTE COUR ORDONNE EN OUTRE que tous les autres avoirs familiaux, à savoir la propriété Wasa, la maison de Cranbrook, le compte chez Midland et l'action ou les actifs de la compagnie défenderesse, W. Barker Contracting Ltd. (les « actifs de la compagnie » ), soient vendus et que le produit net de la vente soit divisé à parts égales entre les parties;

[...]

CETTE COUR DÉCLARE EN OUTRE que le défendeur George William Barker est exclusivement chargé de liquider tous les autres biens dont la vente est ordonnée, y compris la maison de Cranbrook, le compte chez Midland et l'action ou les actifs de la compagnie;

[...]

CETTE COUR DÉCLARE EN OUTRE que le défendeur George William Barker n'a pas à rendre compte des gratifications que la compagnie défenderesse W. Barker Contracting Ltd. lui a versées depuis la date de la séparation et que la demande d'indemnisation y afférente de la demanderesse Marlene Gwen Barker est par les présentes rejetée;

CETTE COUR ORDONNE EN OUTRE par les présentes le rejet de la demande d'indemnisation que la demanderesse Marlene Gwen Barker a présentée contre le défendeur George William Barker par suite de la perte d'utilisation des actifs de la compagnie défenderesse W. Barker Contracting Ltd.; [...]

   (Pièce R-1)

[4] Il y a en outre un document intitulé « Rapport et recommandation » du protonotaire Joyce, daté du 9 novembre 1993 (pièce R-3), qui a minutieusement été examiné à l'audience. Les paragraphes 7, 8 et 13 à 17 inclusivement, ainsi que le paragraphe 19, traitent de la société, compte tenu des dispositions de l'ordonnance du juge Melnick.

[5] M. Barker détenait l'unique action en circulation de la société. Le juge Melnick a déclaré qu'il s'agissait d'un avoir familial. Le juge a ensuite ordonné la vente de l'action ou des actifs de la société et a en outre ordonné que le produit net de la vente soit divisé à parts égales entre les parties. En outre, M. Barker était l'unique administrateur de la société.

[6] Les actifs de la société ont été vendus. L'appelante a obtenu la moitié du produit net. Le paragraphe du procès-verbal du conseil d'administration daté du 12 décembre 1993 dans lequel le dividende qui devait être versé à l'appelante était déclaré se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Il est par les présentes résolu de déclarer un dividende de 109 092,59 $ payable à George William Barker et à Marlene Gwen Barker, en leur qualité de propriétaires légaux et de propriétaires bénéficiaires de l'action de la compagnie, lequel doit être versé comme suit : 54 494,36 $ à Marlene Gwen Barker et 54 494,36 $ à George William Barker, ces montants devant être payés le 12 décembre 1993, conformément à l'ordonnance rendue par Monsieur le juge Melnick les 21 janvier et 26 février 1993 et à la directive donnée par le protonotaire Joyce le 9 novembre 1993.

   (Pièce A-1)

[7] En vertu des articles 43 et 45 de la Family Relations Act de la Colombie-Britannique, l'action qui, selon l'ordonnance du juge Melnick, était un avoir familial appartenait à M. et Mme Barker en leur qualité de tenants communs. L'ordonnance conférait légalement à Mme Barker la moitié de l'action (article 51 et alinéa 52(2)a)). Les dispositions de cette loi sont ainsi libellées :

[TRADUCTION]

43. (1) Sous réserve de la présente partie, chaque conjoint a un intérêt dans les biens familiaux à compter du 31 mars 1979 s'il existe :

a) un accord de séparation;

b) un jugement déclaratoire rendu en vertu de l'article 44;

c) une ordonnance de dissolution du mariage ou de séparation judiciaire; ou

d) une ordonnance déclarant le mariage nul et non avenu.

(2) Chaque conjoint possède, en vertu du paragraphe (1), une moitié indivise des biens familiaux à titre de tenant commun.

(3) L'intérêt prévu au paragraphe (1) est assujetti :

a) à toute ordonnance rendue en vertu de la présente partie; ou

b) au contrat de mariage ou à l'accord de séparation, le cas échéant.

(4) Cette disposition s'applique à tout mariage, quelle que soit la date à laquelle il a été contracté.

45. (1) Sous réserve de l'article 46, la présente disposition définit ce qu'est un bien familial pour l'application de la présente loi.

(2) Un bien qui appartient à un conjoint ou aux deux conjoints et qui est habituellement utilisé par l'un des conjoints ou par un enfant mineur à des fins familiales est un bien familial.

(3) Sans restreindre le caractère général du paragraphe (2), font partie des biens familiaux :

a) losqu'une société ou une fiducie possède un bien qui serait un bien familial s'il appartenait à un conjoint :

(i) une action dans la société; ou

(ii) un intérêt dans la fiducie

appartenant au conjoint;

b) lorsqu'un bien serait un bien familial s'il appartenait à un conjoint :

(i) le bien sur lequel le conjoint a, seul ou avec une autre personne, un pouvoir de désignation qu'il peut exercer en sa faveur; ou

(ii) le bien que le conjoint a aliéné, mais à l'égard duquel il a, seul ou avec une autre personne, le pouvoir de révoquer la disposition ou d'utiliser ou d'aliéner le bien;

c) l'argent qu'un conjoint a dans un compte auprès d'une institution d'épargne lorsque cet argent est habituellement utilisé à des fins familiales;

d) le droit qu'un conjoint possède en vertu d'une rente ou d'une pension, d'un régime d'épargne-logement ou d'un régime d'épargne-retraite; ou

e) le droit, la participation ou l'intérêt qu'un conjoint possède relativement à une entreprise à laquelle de l'argent ou une valeur équivalente a directement ou indirectement été versé par l'autre conjoint ou pour le compte de l'autre conjoint.

(4) La définition de « bien familial » s'applique à tout mariage contracté et à tout bien acquis avant ou après le 31 mars 1979.

51. Lorsque les dispositions relatives au partage des biens entre les conjoints prévues à l'article 43 ou leur contrat de mariage, le cas échéant, seraient inéquitables compte tenu des circonstances suivantes :

a) la durée du mariage;

b) la période pendant laquelle les conjoints ont vécu séparés l'un de l'autre;

c) la date à laquelle le bien a été acquis ou aliéné;

d) la mesure dans laquelle le bien a été acquis par un conjoint par succession ou par donation;

e) la nécessité pour chaque conjoint de devenir ou de rester autonome sur le plan financier; ou

f) toute autre circonstance relative à l'acquisition, à la préservation, à l'entretien, à l'amélioration ou à l'utilisation d'un bien ou à la capacité ou aux obligations d'un conjoint,

la Cour suprême peut, sur demande, ordonner que les biens visés par l'article 43 ou par le contrat de mariage, le cas échéant, soient partagés de la façon dont elle l'ordonne. De plus, ou subsidiairement, la Cour peut ordonner que les autres biens d'un conjoint non visés par l'article 43 ou par le contrat de mariage, le cas échéant, soient dévolus à l'autre conjoint.

52. (1) Dans des procédures engagées en vertu de la présente partie ou sur demande, la Cour suprême peut statuer sur toute question relative à la propriété, au droit de possession ou au partage des biens en vertu de la présente partie, y compris l'octroi d'un bien en vertu de l'article 51, et peut rendre toute ordonnance nécessaire, raisonnable ou accessoire pour donner effet à sa décision.

(2) En rendant l'ordonnance prévue au paragraphe (1), la Cour peut notamment prendre une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) déclarer qui est propriétaire du bien ou qui a un droit de possession sur le bien; [...]

[8] L'ordonnance du juge Melnick prévoyait la vente de l'action ou des actifs. Le juge envisageait les problèmes pratiques que pouvait poser la vente de la seule action d'une petite compagnie de construction située à Cranbrook de sorte qu'il a, à titre de solution de rechange, ordonné la vente des actifs de la société et le partage du produit net. Les actifs ont été vendus. Mme Barker a touché la moitié du produit de la vente des actifs. Elle a déclaré dans son témoignage que le fait qu'il ne s'agissait pas de la moitié du montant de 220 000 $ et que le montant lui avait été versé à titre de dividende se rapportant à une action dont M. Barker était titulaire la décevait. M. Barker a déclaré que le fait que l'appelante avait insisté pour que la vente soit conclue rapidement, ce qui l'empêchait d'obtenir le meilleur prix possible, le décevait. Il a également déclaré que la société avait offert à Mme Barker ou à son avocat une action ou une demi-action au nom de l'appelante et que l'offre avait été refusée. Je crois toutes ces déclarations. Cela montre jusqu'à quel point l'ordonnance du juge Melnick était sensée.

[9] Mme Barker s'est vu conférer la moitié de la seule action de la société. Elle avait le droit de toucher la moitié du dividende relatif à cette action. Elle était donc actionnaire au sens de l'article 247 de la Loi. La société a vendu ses actifs conformément à l'ordonnance du juge Melnick. Le produit a été versé à titre de dividende. Mme Barker a touché la moitié du produit. Un dividende a été à juste titre déclaré et payé et il a été reçu et accepté par Mme Barker. La société a envoyé au comptable de l'appelante un feuillet T-5 à l'égard du dividende; le comptable a retourné le feuillet en disant que le produit n'était pas un dividende.

[10] L'appelante a interjeté appel contre la cotisation en se fondant sur la Charte des droits et libertés (la « Charte » ) et sur le fait qu'elle ne détenait pas d'actions d'O.E.M . et qu'elle n'avait pas touché un dividende d'O.E.M.

[11] La partie de l'appel qui est fondée sur la Charte est rejetée. Il porte en premier lieu sur les ordonnances relatives aux biens matrimoniaux et sur les effets de ces ordonnances, lesquels ont donné lieu au présent appel et, en second lieu, sur la cotisation établie conformément à la Loi. Ces deux mesures et les dispositions législatives sur lesquelles elles sont fondées ne vont pas à l'encontre de la Charte. L'appelante n'a pas non plus démontré que la cotisation en question ou l'audience qui a eu lieu devant cette cour portaient atteinte à l'un de ses droits.

[12] En ce qui concerne la cotisation établie à l'égard de l'appelante et le renvoi effectué en vertu du paragraphe 174(1) de la Loi en vue d'une décision, la Cour tire les conclusions ci-après énoncées :

a) Marlene Barker a acquis, pour la moitié, un intérêt dans l'action de W. Barker Contracting Ltd. en vertu de l'ordonnance rendue par le juge Melnick les 21 janvier et 26 février 1992 et s'est vu conférer, pour la moitié, un intérêt dans l'action en sa qualité de tenant commun, l'autre tenant étant George William Barker.

b) La somme de 54 494,36 $ que Marlene Barker a touchée était un dividende.

c) Le dividende est inclus dans le revenu de Marlene Barker conformément au paragraphe 82(1) de la Loi.

[13] L'appel interjeté par Marlene Barker est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de décembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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