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Date: 20000831

Dossiers: 98-427-UI; 98-497-UI; 98-652-UI; 98-654-UI; 98-655-UI; 98-656-UI; 98-658-UI; 98-659-UI

ENTRE :

3193594 CANADA INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus à Montréal (Québec), sur preuve commune, les 27 et 28 avril 2000, dans le but de déterminer si Christiane Gaudry (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 4 au 26 novembre 1996; si Linda Klamensberg (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 11 septembre 1997; si Nadine Mélanie Boileau-Picard (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier au 31 décembre 1996; si Nathalie Freedman (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 11 septembre 1997; si Heidi Muens Lesnow (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 4 mars 1998; si Anna Prugar (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier au 31 décembre 1996; si Martha Rud (travailleuse) a exercé un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 4 mars 1998; enfin si Tony Soupliotis (travailleur) a exercé un emploi assurable du 1er janvier 1996 au 19 mars 1998, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, alors qu'ils étaient tous à l'emploi de 3193594 Canada Inc. (l'appelante).

[2] Par lettres des 6 février, 27 février et 24 mars 1998, l'intimé informa les travailleuses, le travailleur et l'appelante que ces emplois étaient assurables pour la raison qu'il existait une relation employeur/employé entre eux.

Exposé des faits

[3] Les faits sur lesquels s'est basé l'intimé pour rendre ses décisions sont énoncés aux paragraphes 5 des Réponses aux avis d'appel comme suit :

Christiane Gaudry (travailleuse) – 98-427(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) à titre de préposée aux rendez-vous, le travail de l'appelante consistait à convaincre les gens à prendre un rendez-vous avec un consultant de l'entreprise du payeur; (admis)

d) l'appelante travaillait au bureau du payeur; (nié)

e) à sa première journée, elle avait reçu une formation du payeur; (nié)

f) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié)

g) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

h) elle travaillait à temps partiel, soit un maximum de 25 heures par semaine; (nié)

i) elle a été rémunérée au taux de 7 $ de l'heure. (nié)

Linda Klamensberg (travailleuse). – 98-497(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) à titre de préposée aux rendez-vous, le travail de l'appelante consistait à convaincre les gens à prendre un rendez-vous avec un consultant de l'entreprise du payeur; (admis)

d) l'appelante travaillait la majeure partie du temps au bureau du payeur; (admis)

e) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié)

f) elle travaillait selon les directives et sous la supervision de Jay Shapransky; (nié)

g) elle travaillait à temps partiel, soit de 4 à 10 heures par semaine; (admis avec explication)

h) elle a été rémunérée au taux de 7 $ de l'heure. (admis avec explication)

i) sa rémunération hebdomadaire était inférieure à 150 $. (admis)

Nadine Mélanie Boileau-Picard (travailleuse) – 98-652(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) la travailleuse travaillait au bureau du payeur; (nié)

d) à titre de consultante, elle a effectué diverses tâches reliées au service de ventes du payeur; (admis)

e) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié)

f) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

g) elle devait travailler selon un horaire fixe, de 13 h 00 à 21 h 00, 5 jours par semaine; (nié)

h) elle a travaillé de juin 1996 à avril 1997; (admis)

i) elle recevait une rémunération hebdomadaire de 200 $, plus des commissions sur les forfaits qu'elle vendait. (admis avec explication)

Nathalie Freedman (travailleuse) – 98-654(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) à titre de commis de bureau, le travail de la travailleuse consistait à entrer des données dans l'ordinateur; (admis avec explication)

d) elle travaillait à temps partiel, soit 10 heures par semaine; (admis avec explication)

e) la travailleuse travaillait de 6 à 7 heures au bureau du payeur, et le reste chez elle; (nié)

f) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur et utilisait son propre ordinateur lorsqu'elle travaillait chez elle; (nié)

g) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

h) elle était rémunérée au taux de 7 $ de l'heure. (admis)

i) elle a travaillé jusqu'en août 1997. (admis)

Heidi Muens Lesnow (travailleuse) – 98-655(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) la travailleuse travaillait au bureau du payeur; (nié avec explications)

d) elle effectuait diverses tâches reliées au titre de consultante, soit au service des ventes; (admis)

e) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié avec explications)

f) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

g) elle devait travailler selon un horaire fixe, de 13 h 00 à 21 h 00, du lundi au vendredi; (nié)

h) lors de l'enquête de l'agent des appels, le 4 mars 1998, elle travaillait encore pour le payeur; (nié avec explications)

i) elle recevait une rémunération hebdomadaire de 300 $ plus une commission sur les forfaits qu'elle vendait. (admis avec explications)

Anna Prugar (travailleuse) – 98-656(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) la travailleuse travaillait au bureau du payeur; (admis avec explications)

d) elle a effectué diverses tâches reliées au service de ventes du payeur; (admis)

e) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié avec explications)

f) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

g) elle devait travailler selon un horaire fixe, de 12 h 00 à 21 h 00, du lundi au vendredi; (nié)

h) elle a travaillé de février à septembre 1996; (admis)

i) elle recevait une rémunération hebdomadaire de 225 $, plus des commissions sur les forfaits qu'elle vendait. (admis avec explications)

Martha Rud (travailleuse) – 98-658(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) la travailleuse travaillait au bureau du payeur; (admis avec explications)

d) elle effectuait diverses tâches à titre de commis de bureau; (nié)

e) elle travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié avec explications)

f) elle travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky ou de Heidi Muens Lesnow; (nié)

g) elle devait travailler selon un horaire fixe, de 13 h 00 à 21 h 30, du lundi au vendredi; (nié)

h) lors de l'enquête de l'agent des appels, le 4 mars 1998, elle travaillait encore pour le payeur; (nié avec explications)

i) elle recevait une rémunération horaire de 7 $. (admis avec explications)

Tony Soupliotis (travailleur) – 98-659(UI)

a) l'appelante exploite une agence de rencontre; (admis)

b) Jay Shapransky était le président et directeur général du payeur; (admis)

c) le travailleur travaillait au bureau du payeur; (nié avec explications)

d) il effectuait diverses tâches reliées au titre de consultant, soit au service des ventes; (admis)

e) il travaillait avec les équipements et fournitures du payeur; (nié avec explications)

f) il travaillait selon les directives et la supervision de Jay Shapransky; (nié)

g) il devait travailler selon un horaire fixe, de 13 h 00 à 21 h 00, du lundi au vendredi; (nié)

h) lors de l'enquête de l'agent des appels, le 19 mars 1998, il travaillait encore pour le payeur; (nié avec explications)

i) il recevait une rémunération hebdomadaire de 300 $, plus une commission sur les forfaits qu'il vendait. (nié avec explications)

[4] L'appelante a reconnu la véracité des faits allégués aux alinéas des paragraphes 5 des Réponses aux avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés, comme il est indiqué entre parenthèses à la fin de chaque alinéa.

Témoignage de Nathalie Freedman

[5] Le témoin est mère de famille et activiste. Elle travaille pour l'appelante du 1er janvier 1996 au 11 septembre 1997, comme commis de bureau et fixe ses heures de travail, elle-même, le jour ou la nuit, et même en l'absence de Jay Shapransky. Elle bosse de zéro à 10 heures par semaine, parfois chez elle, sans restriction, ni intervention de Jay Shapransky, le directeur de l'appelante, et touche un salaire de 7 $ l'heure, son temps étant noté par elle-même. Elle cesse de travailler en août 1997. Jamais Nathalie ne fournit de rapport concernant son travail. Son travail consiste à faire une variété de tâches pour l'appelante, dont celle de faire des entrées dans l'ordinateur. Elle fournit ses programmes, Day-Time ou Address Book, son ordinateur et ses disquettes à la maison, utilise l'ordinateur et les disquettes de l'appelante au bureau. C'est Jay Shapransky qui fixe son salaire. Nathalie peut faire exécuter son travail par quelqu'un d'autre, à défaut de surveillance et de contrat écrit de travail. Elle ne fut jamais congédiée, ni mise à pied par l'appelante. Elle quitte son emploi quand son beau-père décède, pour prendre soin de la famille. Nathalie prend note de l'heure de ses entrées et sorties, quand elle va faire des travaux pour l'appelante, et remet sa carte de temps au directeur général (pièce I-1). Ce dernier ne lui fait aucune déduction à la source. Nathalie n'impute pas à l'appelante ses frais de transport, ni de téléphone, ni d'électricité, mais elle a suffisamment d'autonomie pour accorder des rabais à ses clients sans avoir à demander l'autorisation de l'appelante.

Témoignage de Heidi Muens Lesnow

[6] Cette personne est consultante et travaille pour l'appelante du 1er janvier 1996 au 4 mars 1998, pour un salaire hebdomadaire de 300 $ et commission. Elle effectue ses travaux à plusieurs endroits, même si elle possède la clé du bureau de l'appelante. Ses tâches sont reliées au titre de consultante et au service des ventes. Elle utilise un bureau, un pupitre et une chaise n'importe où dans le local de l'appelante, pour effectuer sa rencontre avec ses clients. Le directeur, Jay Shapransky, étant absent la plupart du temps, Heidi travaille seule et sans surveillance aucune. Ces entrevues pouvaient avoir lieu n'importe où, même en dehors du bureau de l'appelante. Heidi se fait aider par ses enfants, à la maison, pour compléter ses tâches, mais sans rémunération pour eux. Ils font habituellement des appels téléphoniques. Heidi n'a pas d'heures fixes : elle effectue son travail à toute heure du jour et n'importe quel jour de la semaine, selon son gré. Seul le résultat compte : plus d'heures elle bosse, plus d'argent elle gagne. Pour attirer sa clientèle, elle fait de la publicité sous le nom de Mélissa Levy (pièce A-2), invite ses clients au restaurant, assume ses frais de transport, paye ses comptes de téléphone. Elle peut embaucher d'autres personnes pour l'aider dans ses fonctions. Elle n'est sous les ordres de personne et n'a pas de comptes à rendre. Heidi envoie à l'appelante une facture pour exiger le paiement de ses honoraires (pièce A-3). Par contrat sous seing privé en date du 3 janvier 1996, l'appelante et Heidi ont conclu une entente par laquelle cette dernière loue ses services à l'appelante pour une période de trois mois pour un salaire hebdomadaire de 300 $ et autres considérations (pièce A-4). Le contrat est renouvelé et elle travaille pour l'appelante durant deux ans.

Témoignage de Jay Shapransky

[7] Président de 3193594 Canada Inc., Jay Shapransky embauche tous et chacun des travailleurs énumérés ci-dessus pour effectuer des travaux de leur choix, aux jours, heures et endroits qu'ils choisissent, sans jamais exercer quelque forme de contrôle que ce soit. L'appelante n'a pas d'états financiers pour les années 1996 à 1999; n'a jamais produit de déclaration de revenus et de prestations et n'a jamais eu d'employés au sens strict du mot. En 1996, la compagnie a émis des formules T4 pour la seule et première fois. Toutes ces personnes qui ont travaillé pour l'appelante étaient payées au taux horaire de 7 $, plus un bonus. Jay Shapransky connaissait mesdames Freedman, Lesnow, Klamensberg et monsieur Soupliotis, avant leur embauche, mais non mesdames Gaudry, Boileau-Picard, Prugar et Rud. Linda Klamensberg a signé un contrat d'engagement comme madame Lesnow. Madame Gaudry n'en a pas signé, ni madame Boileau-Picard, ni madame Freedman, ni madame Prugar, ni madame Rud, ni monsieur Soupliotis. Avec ou sans contrat écrit, chaque travailleur avait conclu verbalement avec l'appelante de travailler pour un salaire horaire de 7 $ ou autre salaire hebdomadaire. En outre, un bonus de 50 $ par semaine était payé par madame Lesnow. Nathalie Freedman, Martha Rud et tous les autres, sauf Nadine Mélanie Boileau-Picard, réclamaient leur salaire au moyen d'une facture, qui n'avait aucun sens pour Jay Shapransky. Tous les travailleurs étaient payés par chèque hebdomadaire. Le travailleur devait rembourser à chaque client qui annulait son contrat d'appartenance une partie de sa cotisation.

[8] Les bureaux de l'appelante étaient divisés en sept pièces, dont deux grandes et cinq petites. Dans la plus grande pièce, il y avait six pupitres avec une possibilité de dix. La plupart des employés avaient une clé des bureaux et chaque bureau contenait quelques téléphones. Le bureau du patron est situé dans une petite pièce fermée. Madame Freedman, ainsi que tout autre employé peut employer son ordinateur personnel ou celui de la compagnie à son choix. Celle-là ne rédigeait aucun rapport à Jay Shapransky, mais produisait une carte de temps à chaque semaine pour faciliter la préparation de son chèque de paye.

Témoignage de Linda Klamensberg

[9] Linda travaille pour l'appelante à temps partiel et le directeur est satisfait de ce régime. Elle est libre de bosser où et quand elle le désire, sauf à vérifier les rendez-vous des autres pour ne pas créer de pagaye dans les cahiers d'entrevues. Elle peut aussi faire son travail à la maison, à l'occasion. Linda est célibataire et mère d'un enfant et ce régime lui permet de s'occuper de sa fille. Shapransky lui demande d'améliorer sa technique des ventes. Linda demande à l'appelante le paiement de son salaire au moyen d'une facture. Elle ne reçoit aucun service médical ou dentaire. Linda travaille pour l'appelante du 1er janvier 1996 au 11 septembre 1997. Elle travaillait pour Agence Together auparavant et a continué de le faire pour le payeur, à la demande de Jay Shapransky. L'appelante et Linda ont conclu un contrat écrit signé par Shapransky et cette dernière au bureau du payeur. Ce document expliquait les devoirs de Linda et indiquait qu'elle devait réclamer le paiement de ses heures de travail au moyen d'une facture. Le taux horaire indiqué était de 7 $ ou 8 $, soit le salaire payé auparavant par Agence Together, et un boni de 4 % pour les nouveaux membres. Les fonctions de Linda consistaient à recruter de nouveaux clients, par téléphone ou par la voie d'annonces dans les journaux. Toutes ses heures de travail sont réclamées par une carte de temps, comptabilisées et payées par chèque. Linda utilise son appareil téléphonique et en impute le coût à l'appelante.

Témoignage de Martha Rud

[10] Enseignante au primaire et préscolaire, madame Rud a vu une annonce dans le journal Voir et s'est rendue au bureau de l'appelante en tant que cliente, parce qu'elle voulait rencontrer un mari. Elle a rencontré Gerry, un employé de l'appelante, et après une attente de quatre ou cinq heures, elle fut engagée par Jay Shapransky pour travailler pour la compagnie. Elle commence à travailler le 1er janvier 1996 et termine le 4 mars 1998, pour taper des lettres, des entrées de données, de la comptabilité ainsi que de la publicité, appeler les journaux, faire des dessins publicitaires et même laver la vaisselle. Madame Rud fut engagée par contrat verbal pour travailler de 13 h à 21 h 30 tous les jours, au tarif horaire de 6 $ - 6,50 $, c'est-à-dire cinq jours par semaine. Madame Rud utilisait l'ordinateur, le logiciel, la papeterie, les crayons, l'agenda, le fax et le téléphone de l'entreprise. Tous les employés doivent remplir une carte de temps pour permettre de préparer leur chèque de paye, aux deux semaines (pièces I-3 et I-4). Christiane Gaudry était une amie de madame Rud et devait remplir les mêmes cartes de temps; mesdames Klamensberg, Boileau-Picard, Freedman, Lesnow, Prugar et monsieur Soupliotis aussi. Jay Shapransky et madame Lesnow étaient de bons amis et sortaient ensemble. L'horaire de travail des autres employés était plutôt flexible, la plupart d'entre eux travaillant le soir. Heidi Lesnow, alias Mélissa Levy, était constamment présente, parce qu'elle agissait comme seconde contremaîtresse durant les absences de Jay Shapransky. Elle était le bras droit de ce dernier.

Témoignage de Jean-Pierre Houle

[11] Agent au bureau des litiges de Revenu Canada, monsieur Houle était agent des oppositions dans les présentes causes en appel depuis 1995. Au cours d'une conversation téléphonique avec madame Freedman, en date du 4 mars 1998, cette dernière a répondu à monsieur Houle que c'était monsieur Shapransky qui l'avait embauchée, pour faire des entrées de données sur ordinateur. Elle travaillait dix heures par semaine, soit les lundis, mercredis et vendredis avant-midi. Elle avait la clé du bureau du payeur. Son travail était exécuté selon les directives et sous la supervision de Jay Shapransky, qui déterminait son horaire de travail une semaine à l'avance selon ses disponibilités. Madame Freedman remettait une feuille de temps au payeur chaque semaine. Elle était payée au taux horaire de 6,50 $ - 7 $, par chèque et sans déductions à la source.

[12] Le 4 mars 1998, monsieur Houle parle avec madame Lesnow qui décrit ses tâches et son statut d'employée sous la supervision de Jay Shapransky. Cette dernière, contrairement aux autres travailleurs, se considère comme une travailleuse autonome, parce qu'elle n'a pas d'horaire de travail, peut travailler quand elle veut bien, 35 à 45 heures par semaine à raison de 65 % chez le payeur et le reste sur la route pour rencontrer des clients. Monsieur Houle détermine que son travail est assurable parce que :

l) le payeur soutient que cette entreprise fonctionne sans aucun employé;

2) madame Lesnow était la maîtresse de Jay Shapransky, selon les informations obtenues.

[13] Le 18 février, monsieur Houle a parlé à madame Klamensberg au cours d'une conversation téléphonique et à Martha Rud, le 4 mars 1998.

[14] L'appelante a négligé de faire témoigner Christiane Gaudry, Nadine Mélanie Boileau-Picard, Anna Prugar et Tony Soupliotis.

Analyse des faits en regard du droit

[15] Il y a lieu maintenant de déterminer si l’activité des travailleurs est incluse dans la notion d’emploi assurable, c’est-à-dire s’il existe un contrat de travail ou non entre eux et l'appelante

[16] La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et 4) le risque de perte. La Cour d’appel fédérale y a ajouté le degré d’intégration dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, mais cette énumération n’est pas exhaustive.

[17] Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par les travailleurs l'était sous la direction de Jay Shapransky ou Heidi Muens Lesnow et qu’il existait un lien de subordination entre eux et l'appelante; que le témoignage de Shapransky et certains témoins contient de nombreuses contradictions et que Gaudry, Boileau-Picard, Prugar et Soupliotis ne sont pas venus témoigner.

[18] Dans l'ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases (Toronto : Butterworths, 1974), les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l'omission de faire comparaître un témoin :

(Traduction)

“Dans l'affaire Blatch c. Archer (1774), 1 Cowp. 63, p. 65, Lord Mansfield a déclaré :

Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l'une des parties était en mesure de produire et que l'autre partie était en mesure de réfuter.

L'application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d'élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l'omission a été attribuée.”

[19] En conséquence, les appels sont rejetés et les décisions rendues par le Ministre sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada ce 31e jour d'août 2000.

“ G. Charron ”

J.S.C.C.I.

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