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Date: 20000111

Dossier: 1999-261-IT-I

ENTRE :

MANON LACOMBE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel selon la procédure informelle concernant l'année d'imposition 1997. La question en litige est de savoir si pour l'année d'imposition 1997, l'appelante doit inclure dans son revenu les arrérages de pension alimentaire reçus durant l'année 1997, alors que ces montants étaient dus pour 1996.

[2] L'appelante dans son Avis d'appel soutient que des arrérages pour l'année 1996 devraient être imposés dans son revenu de cette année et non l'année 1997, l'année de réception.

[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s'est fondé pour établir sa cotisation sont décrits au paragraphes 4, 5, 8 et 9 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”).

4. Par lettre datée du 13 août 1998, l'appelante demandait au Ministre de reporter à l'année d'imposition 1996 une somme de 3 432 $, reçue et déclarée dans l'année d'imposition 1997 au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement.

5. Le 9 septembre 1998, le Ministre avisa par écrit l'appelante qu'il ne pouvait pas redresser les déclarations de revenus de 1996 et 1997 à l'égard de la pension alimentaire parce que, selon la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la “Loi”), une somme est imposable dans l'année où elle est reçue.

...

8. Pour établir l'avis de cotisation datée du 11 août 1998, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) l'appelante a fait l'admission d'être bénéficiaire d'une pension alimentaire;

b) l'appelante a déclaré dans sa déclaration de revenus une somme de 6 668 $ au titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement.

9. Pour maintenir l'avis de cotisation datée du 11 août 1998, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) par l'intermédiaire du Service de perception des pensions alimentaires, l'appelante a reçu pendant l'année d'imposition 1997 une somme de 6 668 $ qui se ventilait comme suit :

i) arrérages de pension alimentaire (avant 1996) 357 $

ii) arrérages de pension alimentaire (1996) 2 731 $

iii) pension alimentaire (1997) 3 580 $

6 668 $

b) la somme de 6 668 $ est imposable dans l'année de réception.

[4] Les faits et moyens invoqués par l'appelante sont décrits à son Avis d'appel comme suit :

Je considère “très injuste” qu'on applique la loi, sans égard aux circonstances, qu'elles soient fondées ou non.

Brièvement, je vous dirai que je suis le soutien d'une famille monoparentale avec 1 enfant considéré “handicapé” puisqu'il doit prendre une médication quotidienne, s'il veut être capable de suivre le même rythme (ou relativement le même) que les autres enfants de son âge, à l'école. Il est âgé de onze ans (bientôt 12 ans).

Pour ce faire, je dois être capable de défrayer le coût de cette médication, et tout ce que ça implique.

...

En 97, à son retour, il me paya les 2 années (soit celle de 96 et celle de 97) qu'on se refuse à répartir, comme ce qui aurait dû être, en réalité, malgré que j'en ai fait la demande antérieurement.

Analyse

[5] L'alinéa 56(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) et les définitions de “pension alimentaire”, “pension alimentaire pour enfants” et “date d'exécution” au paragraphe 56.1(4) se lisent comme suit :

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

...

b) Pension alimentaire — * le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A – (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l'année d'une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu'il a incluse dans son revenu pour une année d'imposition antérieure;

(Le souligné est de moi)

56.1(4) “ pension alimentaire ” Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

pension alimentaire pour enfants ” Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

date d'exécution ” Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

[6] L'alinéa 56(1)b) a été modifié en 1998, applicable aux montants reçus après 1996 pour exclure du calcul du revenu les pensions alimentaires pour enfants. Pour les ordonnances, jugements ou accords antérieurs à mai 1997, ces dispositions nouvelles ne s'appliquent pas à moins que les modalités décrites à l'alinéa b) de la définition de “date d'exécution” ne s'appliquent à ces ordonnances, jugements ou accords.

[7] Selon la pièce A-1, qui est un document intitulé : “Registre des pensions alimentaires, Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, (1995, c. 18)”, on voit que la date de l'ordonnance est le 23 janvier 1989. Il n'y a pas eu de choix conjoint présenté au Ministre aux termes de l'alinéa (i) de la définition de “date d'exécution”. Donc, il n'y a que le montant de pension alimentaire qui soit en cause et non celui de pension alimentaire pour enfants, car l'alinéa 56(1)b) exige un accord ayant la date d'exécution requise pour que la portion “pension alimentaire pour enfants” s'applique.

[8] Dans cette affaire, le litige est donc essentiellement de savoir si les arrérages de pension alimentaire payés en 1997 doivent être inclus dans le calcul du revenu de l'appelante en l'année 1997. La première question que l'on peut se poser à cet égard est de savoir si un contribuable doit inclure dans son revenu les montants de pension alimentaire payés en retard et non en conformité avec le jugement ou l'accord écrit? Est-ce qu'il ne va pas à l'encontre du but de la Loi d'obliger le récipiendaire à cette inclusion et de permettre au payeur cette déduction, alors que ce que la Loi semble envisager c'est de faciliter le paiement périodique d'une pension alimentaire pour subvenir aux besoins contemporains et immédiats du récipiendaire? Cette question a été tranchée par la Cour d'appel fédérale dans La Reine c. Sills, [1985] 2 C.F. 200. Cette décision a renversé les jugements de la Commission de révision de l'impôt et la Cour fédérale de première instance. Elle est à l'effet que la nature des paiements de pension alimentaire ne change pas parce qu'ils n'ont pas été faits à temps et payés périodiquement, tel que requis par le jugement ou l'entente, en vertu desquels les paiements sont payables. Je cite le juge Heald à la page 204 :

Sans hésiter, je viens à la conclusion que la Commission de révision de l'impôt et le juge de première instance se sont tous deux trompés dans leur interprétation des dispositions de l'alinéa 56(1)b) et dans l'application de celles-ci aux faits de l'espèce. L'analyse de cet alinéa fait ressortir les exigences suivantes (relativement aux faits en l'espèce) :

(A) les sommes reçues par le contribuable dans l'année à l'étude doivent être reçues en vertu des conditions stipulées à l'accord de séparation;

(B) elles doivent être reçues à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement;

(C) elles doivent être payables pour subvenir aux besoins de leur bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage; et

(D) le bénéficiaire doit en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation vivre séparé du conjoint ou de l'ex-conjoint tenu de faire le paiement à la date où le paiement a été reçu et durant le reste de l'année.

(page 205)

... Ainsi que le stipulait l'accord de séparation, tout cet argent était payable mensuellement. À mon avis, l'erreur du juge de première instance consiste à n'avoir pas accordé toute l'importance qui se devait à l'emploi du mot “payable” dans l'alinéa en question. Pourvu que l'accord prévoie que les montants d'argent sont payables périodiquement, l'exigence contenue à l'alinéa est respectée. Les paiements ne changent pas de nature pour la seule raison qu'ils ne sont pas effectués à temps. ...

[9] Donc les paiements de pension alimentaire ne changent pas de nature au sens de la Loi parce qu'ils ne sont pas effectués à temps, ils demeurent des montants représentant une pension alimentaire. La deuxième question qui s'ensuit est de savoir dans quelle année ces paiements doivent être inclus dans le calcul du revenu du récipiendaire. L'avocat de l'intimée s'est référé à une décision que j'ai rendue dans Poulin c. Canada, [1998] A.C.I. No 36, où je fais état de la jurisprudence pertinente au paragraphe 15 :

La notion de la réception d'une somme et de l'année d'imposition pertinente a déjà été étudiée dans la jurisprudence et je me réfère notamment à Vegso c. M.R.N., 56 DTC 173, M.R.N. c. Claude Rousseau, 60 DTC 1236 et à la décision citée par le représentant de l'intimée soit Archambault c. M.R.N., 88 DTC 1714. La jurisprudence est constante. Quand la législation prévoit qu'une somme reçue doit être incluse dans le calcul du revenu de l'année, c'est dans l'année de la réception de la somme qu'elle doit l'être et non dans les années pour lesquelles elle est versée.

[10] Donc, quand la Loi prévoit qu'une somme reçue doit être incluse dans le calcul du revenu d'une année, c'est dans cette année de réception qu'elle doit être incluse. Lisant ensemble, comme il se doit, la partie introductive du paragraphe 56(1) et l'alinéa 56(1)b), ci-devant cités, on constate que le montant de la pension alimentaire reçu avant la fin de l'année doit être inclus dans le calcul du revenu pour l'année d'imposition. L'alinéa 56(1)b) de la Loi indique qu'il faut inclure le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçu après 1996 et avant la fin de l'année. Tel que mentionné précédemment, l'alinéa 56(1)b) de la Loi a été modifié en 1998 applicable aux montants reçus après 1996, ce qui explique pourquoi le texte actuel mentionne “après 1996”. Toutefois, l'obligation d'inclure le montant de pension alimentaire reçu a toujours été là.

[11] En conclusion, les paiements de pension alimentaire même s'ils sont effectués en retard ne changent pas de nature et ils doivent être inclus dans le calcul du revenu du récipiendaire, dans l'année de réception et non dans l'année où ils sont devenus payables ou dus.

[12] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier, 2000.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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