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Dossier : 2014-3394(IT)G

ENTRE :

ANDREW FOOTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu les 25 et 26 août 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L'honorable juge Patrick Boyle


Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Peter Aprile

Me Yoni Moussadji

Avocat de l'intimée :

Me Amit Ummat

JUGEMENT

  L'appel interjeté relativement à la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 2009 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2017.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


Référence : 2017 CCI 61

Date : 20170421

Dossier : 2014-3394(IT)G

ENTRE :

ANDREW FOOTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Boyle

Aperçu

[1]  La seule question à trancher dans le présent appel consiste à savoir si les gains sur les valeurs mobilières achetées et vendues par l'appelant en 2009 étaient au titre du revenu ou du capital [1] . Pour les raisons qui suivent, j'ai conclu qu'on n'a pas démontré que la nouvelle cotisation établie par l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), qui caractérise les gains en tant que revenus, était incorrecte.

[2]  Il s'agissait d'une audience de deux jours, avec trois témoins. L'appelant a témoigné, tout comme son conseiller en placements, M. Andrew Stiff. L'intimée a convoqué le vérificateur de l'ARC, M. Leszek Gajewski. Des observations écrites ont été reçues après l'audience.

[3]  Monsieur Foote est diplômé de l'université Queen's et analyste financier agréé ou CFA; il est le codirecteur de la négociation institutionnelle chez Raymond James Ltée (« RJL »), une maison de courtage en valeurs mobilières à service complet offrant des services aux particuliers et aux investisseurs institutionnels. M. Foote a obtenu un permis des organismes de réglementation d'un grand nombre de ressorts américains et canadiens, notamment à titre de négociateur et de vendeur. Il avait deux comptes de placement chez RJL : un en dollars canadiens et un en dollars américains.

[4]  Monsieur Foote a déclaré que sa stratégie de placement a toujours consisté à investir dans des valeurs mobilières diversifiées qui, selon lui, peuvent avoir un rendement de 30 %, y compris les distributions et la croissance, à l'intérieur d'un délai qu'il estime raisonnable. Il reconnaît qu'il n'y a aucun document écrit concernant cet objectif.

[5]  Monsieur Foote a également vendu des valeurs à découvert au cours de toute cette période, c'est‑à‑dire qu'il a vendu des valeurs avant de les acheter et qu'il a emprunté les valeurs pour conclure sa vente. Ses positions à découvert ont également passé par ces deux comptes. Les gains et les pertes sur les ventes à découvert ont été déclarés par M. Foote au titre du revenu pendant toute la période pertinente. Tous les autres gains et pertes ont été déclarés au titre du capital pendant cette période. Les gains et pertes de M. Foote sur les ventes à découvert ne sont pas en litige dans le présent appel.

[6]  Au cours des deux premiers mois de 2009, M. Foote a vendu ses actifs dans les deux comptes et les a convertis en espèces. Il a affirmé qu'il l'avait fait parce qu'il avait d'abord eu l'intention de rembourser son hypothèque au moment de son renouvellement.

[7]  Au lieu de cela, M. Foote a vu une occasion sans précédent d'investir dans des actions qui répondaient à ses critères en matière de placement étant donné que plusieurs pensaient que le marché avait atteint son creux pendant la crise financière qui avait commencé à frapper les marchés en 2008. Dans les 10 mois restants de 2009, M. Foote a acheté et vendu des actions de 34 émetteurs qui ont coûté environ 2 500 000 $ [2] . Cela a donné lieu à 38 opérations d'achat et à 50 opérations de vente. Son gain total s'élevait à environ 550 000 $, soit à peu près 23 %. Sa période de détention moyenne des actions d'un émetteur était d'environ 50 jours. Son rendement moyen sur un émetteur donné correspondait à environ 30 %. Au cours de ces 10 mois, les principaux marchés canadiens et américains ont augmenté d'environ 40 %.

[8]  L'appelant a déclaré tous ses gains et ses pertes sur ces positions comme des gains en capital dans sa déclaration de revenus de 2009. L'ARC a établi une nouvelle cotisation afin d'inclure le montant total dans le revenu.

Les faits

[9]  Monsieur Foote est dans le secteur des valeurs mobilières depuis plus de 25 ans. Il a personnellement investi tout au long de cette période. Il a commencé avec le prédécesseur de ce qui est maintenant RBC Dominion valeurs mobilières. Il est demeuré en poste à cette société de courtage pendant 15 ans. On ne m'a pas dit ce qu'il faisait chez RBC Dominion valeurs mobilières; l'hypothèse formulée par l'intimée dans la réponse est qu'il était un [TRADUCTION] « négociateur principal ». De là, il est allé à Marchés mondiaux CIBC inc. vers 2005. Il a expliqué qu'au moment où il a quitté Marchés mondiaux CIBC inc. en 2007, il était le directeur de la négociation institutionnelle. Il s'est joint à RJL en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle. Il continue d'occuper ce poste.

[10]  En qualité de codirecteur de la négociation institutionnelle chez RJL, M. Foote n'intervenait pas dans le commerce de détail. Chez RJL, le groupe de la recherche est également séparé du groupe de la négociation institutionnelle, qui a cependant un accès complet aux recherches.

[11]  Le groupe de la négociation institutionnelle est essentiellement responsable du jumelage de clients institutionnels qui veulent vendre des valeurs mobilières qu'ils détiennent avec d'autres clients institutionnels qui veulent acheter ces valeurs, ou inversement. Si un client institutionnel voulait vendre, M. Foote pouvait utiliser l'argent de RJL, ou les valeurs qu'elle détenait, pour effectuer l'opération. Certaines des personnes qui relevaient de lui pouvaient également utiliser les valeurs que détenait RJL. Ces personnes étaient appelées des négociateurs, et celles qui ne pouvaient pas utiliser les valeurs de RJL étaient des courtiers. Tous les négociateurs et les courtiers du groupe de la négociation institutionnelle relevaient de M. Foote. On avait recours aux valeurs que détenait RJL lorsqu'il était nécessaire d'exécuter un ordre de vente et de toucher les commissions sur la vente ou sur les achats par d'autres institutions de la majeure partie des valeurs mobilières. L'utilisation des valeurs de la société suppose qu'on évalue le risque de perte pour la société. Si le groupe de la négociation institutionnelle achète des valeurs pour le compte de RJL elle‑même, il est également responsable de les vendre. Selon M. Foote, cela se produisait tout le temps. En cas de perte, le groupe de la négociation institutionnelle assumait la perte.

[12]  Monsieur Foote a expliqué que le groupe de la négociation institutionnelle fonctionnait de la même manière chez Marchés mondiaux CIBC inc. et chez RJL. M. Foote avait également supervisé tous les négociateurs du groupe de la négociation institutionnelle chez Marchés mondiaux CIBC inc.

[13]  En 2009, le revenu d'emploi de M. Foote provenant de RJL était d'environ 775 000 $. Ce montant était bien inférieur à son revenu d'emploi pour les trois années antérieures, soit environ 2 000 000 $, 2 000 000 $ et 1 000 000 $ respectivement.

[14]  Le secteur du courtage est réglementé. Les employés d'une société de courtage ne sont autorisés à avoir des comptes de placement qu'à leur propre société de courtage. Le service de la conformité surveille les activités de ces comptes afin d'assurer que les valeurs mobilières négociées ne figurent pas sur une liste de restriction où figurent les émetteurs au sujet desquels la société peut disposer d'informations précises non encore rendues publiques [3] .

[15]  Monsieur Foote a établi deux comptes chez RJL lorsqu'il s'est joint à la société, un pour les activités américaines et un pour les activités canadiennes [4] . Il avait le choix d'ouvrir des comptes avec courtier exécutant, qui factureraient une commission de 10 $ par opération, ou des comptes avec courtier à service complet, ce qui lui coûterait une commission de 90 $ par opération. M. Foote a choisi des comptes à service complet qui lui donnaient accès à un conseiller en placement. M. Foote a choisi M. Stiff comme conseiller en placement. M. Stiff gérait les comptes d'environ 18 autres collègues chez RJL. M. Stiff a qualifié ces comptes de comptes de professionnels. M. Foote n'a pas donné à M. Stiff le pouvoir discrétionnaire d'effectuer des opérations sans son approbation.

[16]  Monsieur Stiff a rencontré M. Foote au début de leur relation de gestion de placements. M. Foote était son client à ces fins. Ils ont discuté de l'expérience personnelle de M. Foote en matière de placement, de sa tolérance à l'égard du risque et de sa stratégie de placement, afin que M. Stiff puisse satisfaire à son obligation de connaître son client. M. Stiff a dit qu'il s'était agi de l'une de ses conversations les plus importantes avec M. Foote, comme avec n'importe quel client. Cette discussion a donné lieu à la conclusion de conventions d'ouverture de compte [5] .

[17]  Les conventions d'ouverture de compte de M. Foote avec RJL précisaient ce qui suit :

a)  ses objectifs de placement pour les comptes sont :

(i)  la croissance, à 50 % ([TRADUCTION] « Je mets l'accent sur la réalisation de gains en capital au moyen de placements dans des valeurs mobilières, notamment des actions »),

(ii)  les opérations spéculatives, à 50 % ([TRADUCTION] « Je mets l'accent sur le rendement le plus élevé possible au moyen de placements dans des valeurs mobilières, notamment des actions spéculatives, des options ou des produits à revenu fixe à risque élevé. Je peux également faire des opérations à court terme »);

b)  sa tolérance personnelle au risque concernant les comptes correspond à un risque moyen à 50 % et un risque élevé à 50 %;

c)  son principal usage prévu des comptes est l'augmentation du capital;

d)  ses connaissances en placement sont approfondies;

e)  son expérience en placement à l'égard des 10 catégories de placement énumérées est vaste.

[18]  Cela est conforme à ses relevés mensuels de comptes de placement de RJL de 2009, chacun mentionnant sur la page couverture : (i) ses objectifs de croissance à 50 % et d'opérations spéculatives à 50 %; (ii) sa tolérance au risque : risque moyen à 50 % et risque élevé à 50 %.

[19]  Monsieur Stiff et M. Foote se parlaient habituellement deux ou trois fois par semaine d'opinions et de possibilités d'achat et de vente, ainsi que des marchés et des placements en général. M. Foote a fait environ 60 % de ces appels. Toutes les instructions précises d'achat et de vente de M. Foote avaient eu lieu au cours de ces conversations. L'un et l'autre ont entamé à peu près autant de discussions portant expressément sur les achats et les ventes. M. Stiff examinait au moins rapidement les avoirs de M. Foote dans chaque compte à l'occasion de chaque conversation. Il donnait normalement ses conseils à M. Foote concernant les achats, les ventes et les nouveaux placements prévus par M. Foote. M. Stiff savait que M. Foote suivait les marchés au‑delà de ce qu'il devait faire en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle.

[20]  Monsieur Foote a reconnu avoir recueilli de l'information sur les marchés de son travail chez RJL, même s'il n'avait pas nécessairement besoin d'en prendre connaissance pour faire son travail. En outre, il a estimé qu'il consacrait environ 45 minutes par jour à lire et à regarder des nouvelles sur les affaires et les marchés [6] . Il suit également les analystes de marchés et la recherche sur les marchés.

[21]  Selon les relevés de RJL de janvier 2009 de M. Foote, ses [7] deux comptes de placement contenaient des espèces et des valeurs mobilières évaluées à environ 650 000 $. En janvier, M. Foote a vendu environ 100 000 $ de ses avoirs et a laissé ce montant en espèces dans les comptes. À la fin de février 2009, les valeurs mobilières figurant dans les comptes avaient été entièrement vendues, et les comptes affichaient un solde en espèces d'environ 657 000 $.

[22]  Monsieur Foote a expliqué qu'il avait converti ses avoirs en espèces parce qu'une hypothèque de la Banque royale du Canada sur leur maison arrivait à échéance en avril 2009, croyait‑il, et qu'il avait l'intention de la rembourser au lieu de la renouveler. Aucun document relatif à l'hypothèque ou au renouvellement de celle‑ci en provenance de la Banque royale ou de toute autre institution financière, ou aucune correspondance avec ces établissements, n'a été déposé en preuve. M. Foote ne semble même pas les avoir consultés avant l'audience, car il n'était même pas certain que l'hypothèque arrivait à échéance en avril. Il n'y avait aucun élément de preuve démontrant que le produit de l'hypothèque avait été initialement utilisé pour acheter la maison ou à des fins de placement ou à d'autres fins. M. Stiff a affirmé clairement et constamment que M. Foote ne lui avait pas parlé de son intention de rembourser son prêt hypothécaire au moyen du produit des liquidations avant mars 2009 au plus tôt, date à laquelle M. Foote avait déjà renouvelé (ou s'était engagé à renouveler) l'hypothèque et avait commencé son programme de nouveaux placements.

[23]  Monsieur Foote a renouvelé son prêt hypothécaire et a réinvesti dans les marchés en raison du sentiment général que les marchés avaient atteint leur creux au début de mars. M. Foote a dit qu'il en était venu à cette opinion avec M. Stiff et après avoir parlé à sa femme. Il a dit que sa stratégie de placement est restée inchangée par rapport aux années précédentes et qu'il achetait des valeurs mobilières qui présentaient une bonne perspective de rendements globaux de 30 % dans un délai raisonnable et prévisible.

[24]  Les relevés mensuels de 2009 pour les comptes de placement ont été déposés en preuve et sont jugés exacts par l'intimée et la Cour. Lus conjointement avec les autres éléments de preuve, ces relevés démontrent notamment ceci :

a)  M. Foote a terminé la liquidation de ses placements le vendredi 27 février 2009 et a commencé à réinvestir ses liquidités le lundi 2 mars 2009; à la fin mars, 70 % de ses actifs étaient placés dans des valeurs mobilières et 30 % étaient en espèces, contre seulement 40 % environ dans des valeurs mobilières à la fin de 2008.

b)  M. Foote a investi dans des valeurs mobilières de 34 émetteurs. Il n'a réinvesti que dans deux des émetteurs dont il avait liquidé les valeurs mobilières en janvier et en février.

c)  La période de détention moyenne des valeurs mobilières d'un émetteur était d'environ 50 jours. Dans cinq cas, il a vendu durant la semaine suivant l'achat. Dans 10 cas, les ventes ont commencé durant les 30 jours suivant l'achat et dans 20 cas, durant les 60 jours. Dans au moins un cas, Open Text, il a continué d'acheter des valeurs mobilières d'un émetteur après avoir commencé à vendre des actions identiques récemment acquises. Dans au moins un autre cas, Addax Petroleum, il a commencé à vendre le lendemain de l'achat, avant même que son achat ne soit réglé, et ce, pour un gain de moins de 1 %. La plus longue période de détention a été de 274 jours, soit moins de neuf mois. La période de détention la plus longue dans le compte en dollars américains était inférieure à 30 jours.

d)  M. Foote a reçu des distributions ou des dividendes d'environ 18 000 $.

e)  Au total, 38 opérations d'achat ont permis d'investir environ 2 500 000 $, et 50 opérations de vente ont généré environ 3 000 000 $ [8] . Pour certains émetteurs, les actions n'ont pas été achetées au même moment ou ont été vendues à des moments différents.

f)  Le gain sur les titres de chaque émetteur était en moyenne de 30 %, allant de pertes de 4 % à 21 % concernant trois émetteurs à des gains de 2 % à 158 % à l'égard des 31 autres émetteurs.

g)  M. Foote a vendu les titres de 21 des 34 émetteurs pour un taux de rendement inférieur à son taux cible de 30%.

h)  Au début de mars 2009, la valeur des comptes de placement était de 657 000 $. À la fin de décembre 2009, la valeur était de 725 000 $.

i)  La plupart des gains d'environ 550 000 $ provenant des activités de placement de 2009 ont été retirés par l'appelant tout au long de l'année. Les raisons et les buts de ces retraits n'ont pas été énoncés.

[25]  Environ un tiers des émetteurs étaient dans des secteurs dont M. Foote était principalement responsable chez RJL. Cela est compatible avec le fait qu'il soit responsable chez RJL de secteurs comprenant environ un tiers du marché. Sa description de sa stratégie et de ses activités de placement n'était pas différente en ce qui concerne ses placements dans ces secteurs.

[26]  Les valeurs que M. Foote a achetées et vendues en 2009 se composaient d'actions de premier ordre et d'actions de tout premier ordre versant des dividendes et d'actions à risque moyen et à risque élevé. M. Foote et M. Stiff ont tous deux témoigné en ce sens, bien qu'ils n'aient pas toujours attribué le même degré de risque à certains émetteurs. M. Foote n'a pas dit qu'il traitait ses placements de premier ordre différemment de ses placements à risque moyen ou élevé.

[27]  Je n'ai pas reçu d'éléments de preuve détaillés concernant les placements de M. Foote au cours d'années antérieures. Ses gains totaux réalisés relativement à ses activités de placement en 2006, 2007 et 2008 ont été respectivement d'environ 5 000 $, 10 000 $ et 35 000 $ [9] .

Le droit

[28]  Les deux parties ont avancé le même critère juridique à appliquer en l'espèce. Elles se réfèrent toutes les deux à la décision de notre Cour dans l'affaire Rajchgot c. La Reine, 2004 CCI 548 (confirmée par la Cour d'appel fédérale). Dans cette affaire, l'ancien juge en chef Rip s'est largement inspiré de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, Vancouver Art Metal Works Limited c. Canada, [1993] 2 C.F. 179.

[29]  Dans la décision Rajchgot, le critère dans un cas comme l'espèce est clairement défini, à savoir si les titres donnant lieu à la perte ou au gain découlaient d'une entreprise ou d'un projet comportant un risque ou d'une affaire de caractère commercial.

[30]  Dans la décision 1338664 Ontario Limited c. La Reine, 2008 CCI 350, la juge Woods a écrit :

5  En général, la question qu'il faut se poser pour savoir si des opérations sur titres peuvent être qualifiées d'exploitation d'une entreprise consiste à se demander si le contribuable a un plan lucratif visant la réalisation d'un bénéfice ou si le bénéfice obtenu est une simple plus‑value : Irrigation Industries Ltd. v. M.N.R., 62 DTC 1131 (C.S.C.), Hawa c. La Reine, 2006 CCI 612, 2007 DTC 28.

[31]  Dans la même veine, dans la décision Hawa c. La Reine, 2006 CCI 612, l'ancien juge en chef Bowman a écrit :

13  L'avocat a renvoyé à plusieurs décisions, dont Rajchgot et al. v. The Queen, 2004 DTC 3090 (C.C.I.) conf. par 2005 DTC 5607 (C.A.F.); McGroarty v. The Queen, 94 DTC 6276 et Sandnes v. The Queen, 2004 DTC 2466. Toutes ces décisions concernent des cas d'espèce et elles illustrent l'importance du fondement factuel qui sous‑tend une conclusion selon laquelle une personne a franchi la ligne de démarcation qui existe entre l'investissement et la négociation. En l'espèce, le volume des opérations, la vitesse des échanges et le témoignage de l'appelant lui‑même voulant qu'il achetât et vendît des actions pour réaliser un profit indiquent que l'activité concertée de l'appelant était sans l'ombre d'un doute l'exploitation d'une entreprise. Il est utile de répéter ci‑dessous ce que le lord juge Clerk de la Court of Exchequer (Écosse) a dit dans la décision Californian Copper Syndicate (Limited and Reduced) v. Harris, (1904) 5 T.C. 159, à la page 165 :

[traduction]

C'est un principe bien établi quand il s'agit de questions de cotisations d'impôt sur le revenu que, lorsque le propriétaire d'un placement ordinaire décide de le réaliser et obtient un prix plus élevé que le prix d'acquisition, la hausse du prix ne constitue pas un bénéfice assujetti à l'impôt sur le revenu au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de 1842. Mais il est également bien établi que les plus‑values résultant de la réalisation ou de la conversion de titres peuvent aussi être soumises à l'impôt, lorsqu'il ne s'agit pas simplement d'une réalisation ou d'un changement de placement mais d'un acte fait dans le cadre de ce qui constitue véritablement la poursuite ou l'exploitation d'une entreprise. L'exemple le plus simple est celui d'une personne ou d'un groupe de personnes qui achète et revend des biens immobiliers ou des titres à des fins spéculatives pour réaliser un bénéfice, qui effectue ces placements dans le cadre d'une entreprise et qui cherche ainsi à en tirer un profit. Il existe de nombreuses entreprises qui sont créées expressément à cette fin et, dans ces cas, il ne fait aucun doute que, lorsqu'elles tirent un bénéfice de la réalisation d'un placement, ce bénéfice est susceptible d'être assujetti à l'impôt sur le revenu.

La ligne de démarcation entre les deux situations peut être difficile à établir, et chaque affaire doit être examinée à la lumière des circonstances qui l'entourent; il s'agit de répondre à la question : le bénéfice obtenu est-il une simple plus-value due à la réalisation d'un titre, ou est-ce un bénéfice obtenu dans le cadre d'une entreprise en mettant à exécution un plan élaboré dans un but lucratif?

[32]  Les avocats de l'appelant ont également avancé le critère décrit par le professeur Krishna dans l'ouvrage intitulé Fundamentals of Canadian Income Tax (2014), soit : [TRADUCTION] « Le contribuable avait-il l'intention d'effectuer des opérations (faire des affaires) ou d'investir (détenir des biens)? »

[33]  Dans la décision Rajchgot, précitée, l'ancien juge en chef Rip a poursuivi :

16  Dans l'arrêt in [sic] La Reine c. Vancouver Art Metal Works Limited, la Cour d'appel fédérale a énoncé les facteurs pertinents pour déterminer si le contribuable exerce un commerce ou une entreprise de valeurs mobilières :

Je ne doute aucunement que le contribuable dont la profession ou l'entreprise consiste à acheter et à vendre des valeurs mobilières est un commerçant ou un courtier en valeurs mobilières au sens de l'alinéa 39(5)a) de la Loi. Comme l'a dit le juge Cattanach dans l'arrêt Palmer, MA c. La Reine, [1973] CTC 323 (C.F. 1re inst.), « [o]n reconnaît qu'une personne qui accomplit de manière habituelle des actes susceptibles d'engendrer des bénéfices s'est engagée dans un commerce ou une entreprise » [...] Id., à la p. 325. La question de savoir si une série d'actes équivaut à l'exploitation d'un commerce ou d'une entreprise constitue toutefois une question de fait. Chaque cas sera jugé selon les faits qui lui sont propres. Il est évident que les facteurs tels que la fréquence des opérations, le temps pendant lequel les valeurs ont été conservées, (pour réaliser un bénéfice rapide ou pour en faire un placement à long terme, par exemple), l'intention d'acheter pour revendre à profit, la nature et la quantité des valeurs mobilières détenues ou qui font l'objet de l'opération, le temps consacré à l'activité en question, sont tous des facteurs pertinents et qui aident à déterminer si une personne exerce un commerce ou une entreprise de courtage.

17  Le facteur décisif pour déterminer si le contribuable a acquis un bien à des fins d'investissement ou commerciales est son intention au moment de l'acquisition du bien. Il faut déterminer cette intention en se fondant sur l'ensemble de la conduite de l'appelant.

18  Pour conclure que M. Rajchgot (et sa femme) ont été des entrepreneurs ou que les achats et les ventes des actions étaient de nature commerciale, je dois déterminer quelle était l'intention de M. Rajchgot lorsqu'il a acquis ces actions eu égard à sa conduite. Les parties conviennent que l'intention de Mme Lacey était celle de son mari. Pour déterminer l'intention de M. Rajchgot, les facteurs tels que la fréquence des opérations, le temps pendant lequel les valeurs ont été conservées, (pour réaliser un bénéfice rapide ou pour en faire un placement à long terme, par exemple), la nature et la quantité des valeurs mobilières détenues ou qui font l'objet de l'opération, le niveau de financement des valeurs mobilières, le temps consacré à l'activité en question, ses motifs et ses connaissances particulières, tout cela doit être pris en considération. Ce n'est ni l'absence ni l'existence de l'un au moins de ces critères qui permet de déterminer si une opération est imputable au capital ou au revenu; c'est l'effet combiné de tous ces facteurs qui est important. Il n'y a pas de formule magique pour déterminer quels sont les facteurs qui sont plus ou moins importants. Certains facteurs se complètent. Chaque cas est différent. Le juge doit soupeser tous ces facteurs. Pour statuer sur les appels dont je suis saisi, il faut au moins examiner les facteurs suivants : [...]

L'ancien juge en chef Rip a ensuite examiné les faits et analysé la question de l'intention sous les rubriques suivantes :

a)  La fréquence des opérations

b)  Le temps pendant lequel les valeurs ont été conservées

c)  La nature et la quantité des valeurs mobilières détenues

d)  Le temps consacré à l'activité en question

e)  Le financement

f)  Ses connaissances particulières

[34]  Les mémoires des deux parties suivaient en grande partie ces rubriques. L'appelant en a ajouté une intitulée [TRADUCTION] « Déclarations de façon uniforme », qui a été examinée dans d'autres décisions. L'intimée a ajouté la rubrique [TRADUCTION] « Intention d'acheter pour revendre à profit (motif) », qui est mentionnée dans la décision Vancouver Art Metal Works, précitée, et jugée comme un facteur décisif dans la décision Rajchgot, précitée, ainsi que par le professeur Krishna.

[35]  L'intimée affirme, subsidiairement, que même si M. Foote avait l'intention d'acquérir l'une ou l'autre des valeurs au titre de placement de capitaux, il avait également l'intention secondaire de les négocier lors d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Elle renvoie aux propos suivants du juge Nadon dans l'arrêt Canada Safeway Limited c. Canada, 2008 CAF 24 :

61  On peut dégager de ces décisions quelques principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit. Premièrement, il n'est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d'une foule de facteurs, et notamment de l'intention du contribuable au moment de l'acquisition du bien en litige. Deuxièmement, pour que l'opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu'au moment de l'acquisition, le contribuable ait eu à l'esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu'une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c'est toute la conduite du contribuable qu'il faut apprécier. Troisièmement, en ce qui concerne l'« intention secondaire », celle‑ci doit aussi avoir existé au moment de l'acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l'intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait. Quatrièmement, le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soit [sic], pour conclure à l'existence d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Dans leur ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law, précité, les éminents auteurs expriment l'avis, dans leur analyse du critère applicable en ce qui a trait à l'existence d'une « intention secondaire », que [traduction] « les critères de la doctrine de l'intention secondaire ne seront respectés que si la perspective de revente à profit a joué un rôle important dans la décision d'acquérir le bien » (à la page 337). Je souscris entièrement à cette proposition. Cinquièmement, le témoignage du contribuable au sujet de son intention n'est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l'ensemble des circonstances.

La crédibilité et les conclusions de fait

[36]  L'intention d'un contribuable est subjective, et le témoignage d'un contribuable est évidemment intéressé en grande partie, sinon entièrement. La mesure dans laquelle un contribuable est considéré comme crédible et la mesure dans laquelle son témoignage est corroboré sont des considérations très pertinentes lorsque la Cour doit déterminer l'intention d'un contribuable lorsqu'il a fait quelque chose.

[37]  Je n'admets pas le rejet par M. Foote de son expérience personnelle en matière de placement, de sa tolérance au risque et de ses stratégies de placement comme elles sont consignées dans ses conventions d'ouverture de compte de placement et ses relevés de RJL. J'admets plutôt la version de M. Stiff quant à la façon dont ces documents sont généralement remplis et à la façon dont ils l'auraient été dans le cas de M. Foote. Ces conventions et relevés de compte sont les seuls éléments de preuve autres que le témoignage de M. Foote au sujet de son expérience de négociation d'actions et de ses objectifs, et il a tenté de les écarter avec insouciance. Les relevés de compte d'années antérieures ne m'ont pas été présentés. Les conventions d'ouverture de compte et les relevés sont des éléments de preuve pertinents sur les questions clés à considérer dans le présent appel. M. Foote voudrait faire croire à la Cour que les nouvelles conventions établies avec les clients étaient toujours préparées afin de protéger les gestionnaires de placements et les sociétés de courtage de leurs clients. Il a déclaré que, dans son cas, elles ne reflétaient nullement son expérience personnelle en matière de placement, sa stratégie de placement ou sa tolérance à l'égard du risque. Je suis certain que sa version gênante décevra considérablement à la fois RJL et les organismes de réglementation. Il a également dit qu'il avait signé les conventions d'ouverture de compte et les avait oubliées; cette affirmation serait incompatible avec le fait que les conventions d'ouverture de compte sont renouvelées au moins tous les deux ans et que les renseignements essentiels figurent bien en évidence sur la page couverture de chaque relevé mensuel de chaque compte. Je ne suis pas convaincu que ces documents ne décrivent pas, dans l'ensemble, l'expérience personnelle de M. Foote en matière de placement, sa tolérance au risque et ses stratégies aussi bien qu'on puisse le faire, en attribuant des pourcentages à des mots et à des expressions, en créant des diagrammes circulaires, et ainsi de suite. Je conclus qu'ils décrivent tout cela.

[38]  Cela a pour effet supplémentaire de compromettre la crédibilité et l'importance à accorder aux autres éléments de preuve de M. Foote sur des points clés qui ne sont pas cohérents ou corroborés. Cela s'ajoute à mes préoccupations quant à sa crédibilité au moment où il a fait beaucoup de difficultés et s'est révélé très pointilleux lorsqu'on lui a demandé de confirmer les données ou les autres éléments de preuve. Par exemple, il a déclaré que certaines données étaient entièrement fausses, mais sa seule préoccupation tenait au fait qu'il n'aimait pas ce que les données servaient à démontrer dans le tableau. Il était très intentionnellement évasif et pointilleux à propos d'énoncés clairs dans une lettre de son comptable.

[39]  Je ne suis pas non plus convaincu, selon la prépondérance des probabilités, de ses intentions de rembourser intégralement l'hypothèque en avril 2009. Ni sa femme de l'époque ni personne chez la Banque royale n'a corroboré ce fait, et aucun document de la Banque royale montrant quand il s'était engagé à renouveler l'hypothèque n'a été produit en preuve. Un tel document aurait pu être présenté à l'appui de cet aspect clé de sa position à l'audience, mais ce ne fut pas le cas. Même M. Stiff, qui aurait vu une croissance importante des espèces dans les comptes de M. Foote chez RJL en janvier et février 2009, qui aurait reçu ses ordres de vente sans ordres d'achat correspondants et qui a dit qu'il examinait les positions des comptes de M. Foote à l'occasion de chaque conversation avec ce dernier, n'a été informé par M. Foote de son intention de rembourser intégralement son hypothèque que lorsque cela n'était plus son intention. C'est très étrange. De plus, je remarque que le revenu d'emploi de M. Foote a chuté de plus de 50 % en 2008 et qu'il a baissé encore de 25 % en 2009. Enfin, je demeure troublé par la liquidation qu'il a faite jusqu'au vendredi 27 février 2009 et par le fait qu'il a commencé son nouveau programme de placements le lundi 2 mars 2009 : la fin de semaine a dû être mémorable, mais cela n'a pas été expliqué.

[40]  Je suis également incapable de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la stratégie de placement de M. Foote en 2009 était inchangée par rapport aux années précédentes, car on m'a donné très peu d'éléments de preuve au sujet d'autres années qui auraient pu le prouver. Je conclus qu'à tout le moins, bien avant les derniers mois de 2009, le temps prévu pour atteindre le rendement cible global de 30 % était considérablement plus court que, disons, le délai de deux ans et demi qui était prévu avant 2009. Il a continué d'acheter jusqu'en décembre 2009, longtemps après avoir vendu plusieurs actions après de très courtes périodes de détention. Sûrement, à un certain moment durant la première partie de ses activités de nouveaux placements en 2009, il s'est rendu compte qu'il choisissait des titres pour le rendement cumulatif cible le plus rapide. Il se serait également rendu compte du fait que les distributions n'allaient plus contribuer à son rendement cible de 30 %. Ses opérations en 2009 étaient le triple de celles des années précédentes. Ses transactions de 2010 sont restées à peu près au même niveau, même si le rendement qu'il a obtenu en 2009 était moindre que le rendement du marché.

[41]  Aucune explication n'a été fournie quant à la raison pour laquelle M. Foote devait vendre ses actions d'Open Text avant d'avoir fini d'en acheter davantage compte tenu de sa stratégie d'investissement énoncée. Il ne s'agissait pas de ventes à découvert. Il a acheté des actions, puis les a vendues le mois suivant; il en a acheté un peu plus la semaine suivante, puis a tout vendu trois jours plus tard. Lors de l'interrogatoire principal, il a déclaré qu'au moment où il a acheté les actions d'Open Text, il croyait qu'à long terme, il pourrait atteindre son objectif de rendement de 30 %.

[42]  D'après l'ensemble des éléments de preuve, je conclus qu'au moment de ses achats de valeurs mobilières en 2009, M. Foote avait l'intention de les vendre dès qu'il pourrait réaliser un gain raisonnable sur les marchés en vigueur, et qu'il s'attendait à ce que ce soit un court délai dans les circonstances.

[43]  Le fait que je ne suis pas en mesure de conclure que la stratégie d'investissement de M. Foote était inchangée en 2009, ou qu'il a procédé à une liquidation au début de 2009 afin de rembourser son hypothèque, et le fait que je n'ai pas reçu d'éléments de preuve détaillés concernant les années antérieures, fait qu'en grande partie, je ne peux que tenir compte de l'activité réelle dans ses comptes en 2009.

[44]  Je n'admets pas non plus que l'expertise et l'expérience de M. Foote ne s'étendaient pas à ce qu'il considérait comme de véritables activités de négociation, comparativement à son rôle d'intermédiaire en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle, puisqu'il a passé 15 ans chez RBC Dominion valeurs mobilières, et je n'ai reçu aucune information au sujet de ce qu'il a fait chez cette entreprise. On peut supposer qu'il a bien gravi les échelons chez RBC Dominion valeurs mobilières, puisqu'il était devenu directeur de la négociation institutionnelle chez Marchés mondiaux CIBC inc. lorsqu'il est parti. On pourrait raisonnablement en déduire qu'il possédait une expérience considérable et fructueuse du courtage à la fin de ses 15 années chez cette entreprise.

[45]  Même son explication sous‑jacente selon laquelle, en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle, il ne faisait pas vraiment de négociation de valeurs mobilières est trop simpliste. Il a expliqué qu'il aidait la négociation et qu'il ne gère pas d'argent. Il a expliqué qu'il négocie au jour le jour en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle que parce qu'il presse l'icône [TRADUCTION] « jumeler ». Cela revient à dire que le courtier immobilier est différent de l'agent immobilier, qui est différent du courtier hypothécaire ou de l'auxiliaire juridique au bureau d'enregistrement ou de celui qui a ouvert une session sur le site Web du bureau d'enregistrement. Le fait est qu'il a gagné sa vie tout au long de sa carrière professionnelle chez des sociétés qui tiraient une grande partie de leurs revenus de la négociation de valeurs pour le compte de leurs clients et pour leur propre compte. Il était un dirigeant de haut rang dans un service faisant partie intégrante de ces entreprises. Il n'était pas vice‑président des ressources humaines ou des services informatiques. Il était codirecteur de la négociation institutionnelle. Il supervisait tous les négociateurs du service de la négociation institutionnelle. Pour toutes ces raisons, M. Foote, dans le langage courant et selon la description générale dans les marchés où il travaille, comme l'ont expliqué M. Stiff et lui‑même, est un négociateur.

[46]  Même si les activités de négociation de valeurs mobilières de M. Foote en 2009 n'ont peut‑être pas atteint le point où il exploitait une entreprise de négociation de valeurs mobilières, elles semblent facilement satisfaire à toutes les exigences pour être considérées comme une entreprise ou un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, ce qui, selon la définition du terme « commerce » à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu, fait que les gains sont des revenus.

[47]  Je conclus qu'au cours des 10 derniers mois de 2009, M. Foote avait eu l'intention première de négocier activement des valeurs à des fins lucratives lors de tous les achats effectués dans ses comptes de placement (autres que ceux visant à liquider ses ventes à découvert). Si je me trompe à cet égard, c'est au moins une intention secondaire qui a motivé de manière significative ses achats.

[48]  La longue carrière professionnelle de M. Foote dans des sociétés de courtage de premier plan, carrière qui est importante et couronnée de succès, est une considération pertinente en l'espèce. J'admets entièrement qu'il doit être raisonnablement possible pour un négociateur en valeurs mobilières ou un dirigeant principal d'une société de courtage de réaliser des gains en capital et non des revenus lors de l'achat et la vente de valeurs mobilières. Cependant, M. Foote n'a pas pu me convaincre que, d'après les faits mis en preuve, il s'agit d'un tel cas. Il n'est pas traité différemment ou ciblé de façon particulière parce que ses placements étaient dans des valeurs mobilières. Un antiquaire ou un cadre supérieur chez un antiquaire, un négociateur en numismatique ou en philatélie, un collectionneur de véhicules d'époque, un courtier immobilier ou un vendeur aux enchères dans des circonstances comparables pourrait raisonnablement s'attendre à un résultat similaire.

[49]  Ce n'est pas une réponse complète de dire qu'il ne négociait pas en fonction d'informations privilégiées précises et que ses décisions d'achat et de vente étaient fondées sur de l'information qu'aurait pu compiler tout membre du public disposant de suffisamment de temps, faisant preuve de diligence, bénéficiant d'un accès suffisant, possédant des ressources et déployant les efforts nécessaires.

Conclusion

[50]  Compte tenu des éléments de preuve relatifs à l'ensemble de ces considérations et de mes constatations qui précèdent, je conclus que M. Foote négociait des valeurs mobilières en tant qu'activité commerciale, ou du moins achetait et vendait les valeurs lors d'une affaire de caractère commercial. Voici les considérations clés en l'espèce pour arriver à cette décision :

1.  J'ai déjà conclu que son intention première lors de l'achat des valeurs était de les vendre à profit dès qu'un rendement raisonnable dans les circonstances du marché de l'époque pouvait être réalisé. Ce faisant, j'ai expressément rejeté son témoignage au sujet de son intention.

2.  M. Foote a passé beaucoup de temps chaque jour à surveiller les marchés au‑delà de ce qu'il a dit être nécessaire pour son emploi. En outre, il a recueilli de l'information pertinente sur les marchés lors de son travail quotidien en tant que codirecteur de la négociation institutionnelle chez un important courtier en valeurs mobilières. Cela lui a également donné un accès à l'information publique sur les marchés bien au‑delà de la moyenne, et il a profité de cet accès et de cette information.

3.  La nature des gains réalisés par M. Foote en achetant et en vendant des valeurs dans ses comptes de placement est très semblable à ce qu'il fait depuis des décennies dans ses postes de courtier en valeurs mobilières. Il a acquis une expertise considérable et accumulé des connaissances importantes à ce sujet.

4.  M. Foote achetait et vendait régulièrement tout au long de l'année.

5.  Les périodes de détention de M. Foote étaient manifestement courtes, et souvent très, très courtes.

[51]  L'appel est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2017.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 61

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-3394(IT)G

 

INTITULÉ :

ANDREW FOOTE c. LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 25 et 26 août 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 avril 2017

 

 

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

 

Avocats de l'appelant :

Me Peter Aprile

Me Yoni Moussadji

 

Avocat de l'intimée :

Me Amit Ummat

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

 

Pour l'appelant :

Me Peter Aprile

Me Yoni Moussadji

 

Cabinet :

Counter Tax Lawyers

Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] L'appelant a abandonné au début de l'audience son appel relativement à la méthode appropriée de conversion de devises pour les opérations en dollars américains.

[2] Les relevés eux‑mêmes ont été déposés en preuve. Les chiffres cumulatifs et moyens selon les parties ne correspondent pas toujours. La différence n'est pas importante en ce qui concerne ma décision. Je n'ai pas calculé ces chiffres moi‑même.

[3] L'ARC ou l'intimée n'ont jamais laissé entendre que M. Foote a réalisé l'un de ses gains à l'aide d'une telle information privilégiée, et rien dans la preuve n'a donné à le penser.

[4] M. Foote avait également un compte pour ses placements enregistrés, lequel n'est pas pertinent dans le présent appel.

[5] Les conventions d'ouverture de compte doivent être renouvelées tous les deux ans. Les versions de 2012 ont été déposées en preuve. M. Stiff a déclaré que celles‑ci n'étaient pas différentes de façon importante par rapport à celles préparées au début de la relation et à celles en vigueur en 2009.

[6] Cela peut avoir inclus un certain temps dans les pages des sports.

[7] Il s'agissait de comptes conjoints avec sa femme de l'époque, en 2009. Cependant, les parties conviennent qu'il était entièrement responsable de l'activité, des gains et des pertes.

[8] Les relevés montrent avec précision chaque ordre d'achat et de vente ainsi que le nombre de transactions effectuées avec des parties contractantes distinctes pour exécuter l'ordre. Par contre, l'ARC a comptabilisé les opérations selon le nombre de feuillets de renseignements T5008 qu'elle a reçus concernant M. Foote, ce qui aurait reflété le nombre de transactions distinctes et non le nombre d'ordres d'achat et de vente aux comptes de M. Foote, que je considère comme pertinent. Bien que cela ait suscité beaucoup d'inquiétude et de confusion au cours de l'audience, il a finalement été convenu que cela ne changerait rien car, en moyenne, en 2009 et les années avant et après pour lesquelles on m'avait donné des renseignements, la moyenne était toujours d'environ trois transactions avec différentes parties contractantes pour remplir et exécuter un ordre de vente ou d'achat. En d'autres termes, le nombre d'opérations d'achat et de vente selon l'ARC aurait toujours été environ trois fois le nombre d'opérations selon M. Foote et RJL. M. Foote n'a payé qu'une seule commission de 90 $ pour chaque ordre d'achat et de vente, indépendamment du nombre d'opérations avec des parties contractantes nécessaires, ce que les relevés permettent de constater facilement.

[9] Ces chiffres proviennent de l'annexe A de la réponse, que l'appelant a examinée en contre‑interrogatoire. Il n'a pas exprimé de préoccupation quant à ces chiffres. Sa seule préoccupation était qu'il pensait que la présentation induisait en erreur parce que la dernière rangée du tableau montrait les ventes en fonction du revenu d'emploi au lieu de montrer son gain lors des ventes en fonction du revenu d'emploi.

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