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Date: 19990511

Dossier: 97-230-UI; 97-231-UI; 97-238-UI; 97-232-UI; 97-234-UI; 97-553-UI

ENTRE :

2741-4150 QUÉBEC INC.

O/S LES GOUTTIÈRES DU ROY ENR.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

YVES MICHAUD,

intervenant.

ET

ENTRE :

2741-4150 QUÉBEC INC.

O/S LES GOUTTIÈRES DU ROY ENR.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

ET

ENTRE :

2741-4150 QUÉBEC INC.

O/S LES GOUTTIÈRES DU ROY ENR.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

SÉBASTIEN MOREAU,

intervenant.

ET

ENTRE :

2741-4150 QUÉBEC INC.

O/S LES GOUTTIÈRES DU ROY ENR.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CLAUDE ROY,

intervenant.

ET

ENTRE :

JEANNOT LAMOTHE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Garon, C.C.I.

[1] Dans cinq des six dossiers devant la Cour, l'appelante est la société 2741-4150 Québec Inc. (le payeur), qui faisait affaires sous la raison sociale Les Gouttières du Roy Enr. Chacun de ces cinq appels porte sur l'assurabilité de l’emploi exercé par l'un des cinq travailleurs ci-après mentionnés durant la ou les périodes qui sont indiquées ci-après. Ces périodes se situent au cours des années 1990 à 1995.

[2] L’appel du payeur portant le numéro 97-230(UI) a trait à l’emploi de monsieur Yves Michaud et les périodes en litige sont les suivantes :

du 4 février 1990 au 22 décembre 1990; et

du 24 mars 1991 au 3 novembre 1991.

[3] L’appel du payeur portant le numéro 97-231(UI) concerne l’emploi de l’appelant, monsieur Jeannot Lamothe, et les périodes en causes sont indiquées ci-après :

du 20 mars 1992 au 27 décembre 1992;

du 28 mars 1993 au 26 décembre 1993; et

du 10 avril 1995 au 11 août 1995.

[4] L’appel du payeur portant le numéro 97-232(UI) se rapporte à l’emploi de monsieur Sébastien Moreau. Les périodes qui font l’objet de contestation sont celles ci-après mentionnées :

du 4 février 1990 au 22 décembre 1990;

du 24 mars 1991 au 3 novembre 1991;

du 20 mars 1992 au 26 décembre 1992; et

du 28 mars 1993 au 26 décembre 1993.

[5] L’appel du payeur portant le numéro 97-234(UI) met en cause l’emploi de monsieur Claude Roy et la période concernée a débuté le 27 février 1994 et s'est terminée le 10 décembre 1994.

[6] L’appel 97-238(UI) met en cause l’emploi de monsieur Carl Girard durant les périodes qui suivent :

du 27 mai 1991 au 8 novembre 1991;

du 1er juin 1992 au 30 octobre 1992; et

du 30 mai 1994 au 4 novembre 1994.

[7] En plus des cinq appels du payeur concernant l’emploi des travailleurs susmentionnés, l’un de ces travailleurs s’est prévalu de son droit d’appel. Il s’agit de l’appelant, monsieur Jeannot Lamothe. Dans ce dernier cas, les périodes en litige sont celles indiquées antérieurement en ce qui concerne l’appel du payeur portant le numéro 97-231(UI) touchant l'emploi de l’appelant monsieur Jeannot Lamothe.

[8] Dans chacun des six appels, la décision du ministre du Revenu national (ministre) concernant l’emploi de chacun de ces travailleurs indique que le travailleur en question n’exerçait pas un emploi assurable au motif qu’il n’existait pas de véritable contrat de louage de services entre le payeur et la personne dont l’emploi est en cause. Le ministre, en rendant les décisions dont il est ici question concernant les cinq travailleurs susmentionnés, s’était fondé sur des allégations de même nature formulées dans chacune des Réponses aux avis d'appel. À titre d’exemple, je me réfère aux allégations figurant au paragraphe 6 de la Réponse à l’avis d’appel dans le dossier 97-232(UI) concernant l'emploi de monsieur Sébastien Moreau :

h) le 28 septembre 1993, l’appelante a émis un relevé d’emploi au travailleur indiquant que celui-ci avait travaillé pendant 13 semaines entre le 21 septembre 1992 et le 24 septembre 1993 pour une rémunération assurable de 6 760,00 $;

i) ces relevés d’emploi sont faux et ne reflètent pas la réalité tant en ce qui a trait aux périodes travaillées qu’à la rémunération réellement reçue;

j) l’appelante et le travailleur ont conclu un arrangement pour permettre à celui-ci de retirer des prestations d’assurance-chômage supérieures à ce qu’il aurait normalement eu droit;

k) au cours des périodes en litige, il n'existait pas de véritable contrat de louage de services entre l'appelante et le travailleur.

[9] Ces six appels furent entendus sur preuve commune avec quatre autres appels dont trois de ces appels avaient été interjetés par le payeur et avaient trait à l'assurabilité des emplois de deux vendeurs au service du payeur, messieurs Raymond Dallaire et Yvon Gaudreault et de deux autres employés du payeur, messieurs Gilles Gagnon et Richard Bradette. Le quatrième appel avait été interjeté par l'un de ces employés, monsieur Richard Bradette. Ces quatre appels ont été l’objet d’un consentement à jugement de la part de l’intimé à la fin des plaidoiries lors de l'audition commune de ces dix appels où l'intimé a reconnu l'assurabilité de l'emploi de chacun de ces employés.

Monsieur Marcel Tremblay

[10] Tout d'abord, le président et actionnaire unique du payeur, monsieur Marcel Tremblay, a donné des renseignements généraux sur le payeur et la gestion de son entreprise. En plus de ses intérêts dans l'entreprise du payeur, monsieur Marcel Tremblay possédait quelques immeubles à logement, un restaurant, un bar et un magasin de meubles. Il témoigne qu’il était associé en affaires dans quelques-unes de ces entreprises avec monsieur Serge Tremblay et ils s'échangeaient souvent des services. Le payeur exploitait une entreprise d'installation de gouttières dans des bâtiments commerciaux et résidentiels. Dans le cas de cette dernière entreprise, c'est monsieur Serge Tremblay qui s’occupait souvent de sa gestion et, en particulier, du traitement des factures et de la paie des employés. Quand monsieur Marcel Tremblay n’était pas disponible, c’était monsieur Serge Tremblay qui prenait la relève et s'occupait de la gestion des employés. L'entreprise du payeur bénéficiait des services d'un comptable. C’était monsieur Serge Tremblay qui préparait les horaires de travail des employés.

[11] Selon le volume de travail, de cinq à huit employés travaillaient à l'époque pertinente pour le payeur. Les activités du payeur étaient saisonnières. L’entreprise employait des vendeurs itinérants qui allaient solliciter des clients. Dans certains cas, monsieur Marcel Tremblay ou monsieur Serge Tremblay se rendaient eux-mêmes chez les clients. Durant les périodes bien occupées, c’est souvent le vendeur qui fait la visite du client. Le payeur obtenait également des contrats par l'entremise d’autres entrepreneurs ou par des contacts et références. Monsieur Marcel Tremblay relate qu’il observait la construction de nouveaux bâtiments pour ensuite approcher les propriétaires au sujet de l'installation de gouttières. Il communiquait l’adresse de ces bâtiments à ses vendeurs. Après la signature des contrats d'installation de gouttières, monsieur Serge Tremblay assignait le travail aux travailleurs.

[12] Monsieur Marcel Tremblay était familier avec les travaux de nature physique liés à l’installation de gouttières. Il affirme qu'il était capable lui-même d’en installer; de fait, il dit avoir installé des gouttières en moyenne pendant environ une dizaine de jours par année durant la période en cause. Parfois, s’il n’y avait pas assez d’employés, il allait lui-même participer à la pose de gouttières. Il ne s’occupait pas des opérations comptables de l'entreprise. Monsieur Marcel Tremblay apposait toutefois sa signature sur les chèques émis pour le compte du payeur. Il connaissait aussi chacun des employés et les périodes durant lesquelles ils effectuaient leurs travaux.

[13] Monsieur Marcel Tremblay confirme qu'il n'était pas un salarié du payeur. Il se consacrait surtout à la vente et, à l’occasion, à l’installation de gouttières. Il admet que quoiqu’il eût confiance en monsieur Serge Tremblay, il vérifiait quand même certaines données comptables relatives à l'entreprise de même que le degré de satisfaction des clients. Il mentionne qu'il n'avait aucune idée de la rémunération des travailleurs. Jusqu’au moment de la vente de son restaurant en novembre 1992, monsieur Marcel Tremblay partageait son temps entre ce restaurant et l’entreprise du payeur. Les décisions quotidiennes relatives à la gestion de l'entreprise du payeur étaient prises soit par monsieur Marcel Tremblay soit par monsieur Serge Tremblay. Les relevés d’emploi ainsi que la tenue des livres étaient effectués par un comptable agréé, monsieur Alain Drolet. Ce dernier s'occupait également de la tenue des livres comptables du restaurant pendant que monsieur Marcel Tremblay en était le propriétaire. C’était monsieur Serge Tremblay qui fournissait les informations voulues au comptable afin de permettre à ce dernier de préparer la documentation nécessaire au sujet des paies des poseurs.

[14] La pose de gouttières était normalement faite par une équipe de deux personnes. Dans certains cas, un poseur pouvait travailler seul. Parfois, une équipe de trois poseurs pouvait être nécessaire s'il s'agissait d'un bâtiment de dimensions importantes. Après 1993, messieurs Marcel et Serge Tremblay faisaient eux-mêmes la promotion de l'entreprise du payeur. Le payeur ne possédait qu’un seul camion. Comme les poseurs travaillaient en équipe de deux, il ne pouvait y avoir en même temps que deux poseurs au service du payeur. Ainsi les noms d’au moins deux poseurs devaient figurer pour la même période dans les livres de paie. Monsieur Marcel Tremblay a cependant précisé que si normalement deux employés travaillaient ensemble, il pouvait y avoir des exceptions. Par exemple, monsieur Marcel Tremblay pouvait remplacer un travailleur en congé de maladie. Dans un tel cas, le nom de monsieur Marcel Tremblay n'aurait pas été inscrit au livre de paie puisqu’il n’était pas un salarié du payeur, comme cela a été indiqué antérieurement.

[15] Dans sa « déclaration statutaire » à la Commission du Développement des ressources humaines (pièce I-5), monsieur Marcel Tremblay avait déclaré qu’il ne pouvait expliquer les divergences entre les semaines où les employés avaient reçu des prestations d'assurance-chômage ou celles où ils avaient travaillé selon le livre de paie tenu par le payeur. Au procès, monsieur Marcel Tremblay affirme que sa « déclaration statutaire » était valable.

[16] Monsieur Marcel Tremblay ajoute que les périodes durant lesquelles les vendeurs travaillaient étaient différentes de celles des poseurs. Il se peut bien que des contrats d’installation de gouttières soient conclus sans qu’il y ait au même moment des poseurs au service du payeur. Les gestionnaires du payeur attendaient d’avoir un nombre suffisant de contrats avant d’engager des poseurs. En cas d'urgence, monsieur Marcel Tremblay a lui-même fait des travaux d'installation de gouttières.

Monsieur Serge Tremblay

[17] Pour le compte du payeur, c'est le témoignage de monsieur Serge Tremblay qui fournit le plus de renseignements sur les modalités de gestion du payeur durant les périodes en cause. Monsieur Serge Tremblay se déclare homme d’affaires qui gère des entreprises lui appartenant ou appartenant à monsieur Marcel Tremblay. Il affirme qu’il s’occupait en particulier de la gestion du payeur. Il ne possédait aucune action du capital-actions du payeur. C'est vers le mois de septembre 1989, selon monsieur Serge Tremblay, que monsieur Marcel Tremblay a assumé la direction générale de l'entreprise du payeur. Messieurs Serge et Marcel Tremblay ont simplement continué l'exploitation de cette entreprise durant l’année 1989.

[18] En 1990, certaines nouvelles dispositions ont été mises en place par messieurs Marcel et Serge Tremblay. Ces derniers ont décidé d’engager un vendeur à temps plein, monsieur Raymond Dallaire. Celui-ci avait beaucoup d’expérience dans la vente de gouttières et au niveau du fonctionnement d’une entreprise d'installation de gouttières. En effet, monsieur Raymond Dallaire avait travaillé depuis 1978 pour une firme d'installation de gouttières. Chez le payeur, monsieur Raymond Dallaire planifiait le travail des poseurs et discutait des stratégies de marketing avec messieurs Serge et Marcel Tremblay. En se joignant à l’entreprise du payeur, monsieur Raymond Dallaire a apporté une certaine clientèle. La pièce I-9 comprend plusieurs factures et contrats d’installation de gouttières que monsieur Raymond Dallaire avait signés. Or, ces contrats datent dans bien des cas des premiers mois de l'année 1990, bien avant que monsieur Raymond Dallaire soit au service du payeur. Ces contrats provenaient de l'ancien employeur de monsieur Raymond Dallaire et furent remis au payeur dès son entrée en fonction chez le payeur. Monsieur Raymond Dallaire a dû quitter son emploi chez le payeur pour cause de maladie à la fin de l'année 1990.

[19] Monsieur Raymond Dallaire a été remplacé comme vendeur par monsieur Yvon Gaudreault qui a commencé à travailler pour le payeur à compter de juillet 1991. Monsieur Yvon Gaudreault travaillait aussi avec les poseurs. Si, par exemple, un travail était urgent et que les poseurs étaient dans le voisinage, monsieur Yvon Gaudreault demandait à ces derniers de faire le travail requis. Monsieur Yvon Gaudreault a quitté le payeur en septembre 1993 pour occuper un emploi chez une compagnie d’assurance.

[20] Au cours du mois d’avril de chaque année, le payeur recevait des communications téléphoniques au sujet de travaux d’installation de gouttières. La période la plus occupée se situait entre le mois de mai et la fin du mois de septembre. Parfois, des travaux d’installation se faisaient après cette période à cause d'un surplus de contrats. Cependant, Monsieur Serge Tremblay témoigne qu’il essayait toujours de regrouper les contrats à être exécutés dans un territoire donné afin de réduire les frais de transport relatifs à ces contrats.

[21] Les tâches des poseurs étaient simples : ils ne faisaient qu’installer les gouttières. C'est monsieur Serge Tremblay qui déterminait les travaux qu'ils devaient exécuter. Il planifiait leur journée ou leur semaine, en tenant compte du volume de travail et des contrats disponibles. Il vérifiait aussi le travail des poseurs. Toutefois, les poseurs décidaient du moment où ils devaient commencer leurs travaux eu égard à la température. À la fin de la journée, monsieur Serge Tremblay vérifiait l'état des travaux effectués par les poseurs afin de pouvoir préciser leurs tâches pour le lendemain. Dans bien des cas, le suivi auprès des clients quant à leur degré de satisfaction par rapport aux travaux qui avaient été accomplis était fait par le vendeur. Si un client était insatisfait, le vendeur en discutait avec monsieur Serge Tremblay.

[22] Les poseurs travaillaient généralement en équipe de deux. En 1990, il y avait deux poseurs au service du payeur, messieurs Yves Michaud et Sébastien Moreau, et un vendeur, monsieur Raymond Dallaire, comme je viens de l'indiquer. Monsieur Serge Tremblay affirme que messieurs Yves Michaud et Sébastien Moreau ont commencé et terminé leur période d'emploi en même temps, c’est-à-dire du 8 avril 1990 au 19 août 1990. À ce moment-là, c'est monsieur Raymond Dallaire qui assignait les tâches aux poseurs, mais il consultait monsieur Serge Tremblay au sujet des différentes questions relatives à l'exécution de ces contrats. En 1992, messieurs Jeannot Lamothe et Sébastien Moreau ont exécuté leurs travaux pour le payeur ensemble du 5 avril au 5 décembre 1992. Ces mêmes poseurs ont également travaillé en équipe en 1993, soit du 5 avril au 21 octobre. Enfin, en 1994, messieurs Claude Roy et Richard Bradette ont accompli leurs travaux durant la période du 7 mai au 24 novembre 1994.

[23] Dans le cas de monsieur Sébastien Moreau, on y voit de petits montants inscrits dans le livre de paie à l'égard de certaines semaines au cours de l'année 1991, par exemple. Monsieur Serge Tremblay explique que souvent les paies comportant des montants peu élevés se rapportaient à des périodes où un travail urgent était nécessaire. Il s’engageait ainsi à trouver d’autres contrats de courte durée pour combler la semaine de travail comme le nettoyage des gouttières ou simplement l'enlèvement de vieilles gouttières. Les poseurs étaient payés pour leurs travaux par chèque.

[24] Quant à monsieur Yves Michaud, selon monsieur Serge Tremblay, il a travaillé en 1990 et en 1991 comme poseur chez le payeur comme cela est indiqué sur les relevés d’emploi et les extraits du livre de paie (pièce A-9). Il faisait les mêmes tâches que monsieur Sébastien Moreau et était rémunéré de la même façon. D'après monsieur Serge Tremblay, monsieur Jeannot Lamothe a été au service du payeur comme poseur chez le payeur durant les années 1992, 1993 et 1995, tel qu’il appert des pièces A-4 et A-10.

[25] À l’égard de l’emploi de monsieur Carl Girard, monsieur Serge Tremblay explique que celui-ci faisait divers genres de travaux. Selon ce dernier, monsieur Carl Girard était assez talentueux. En 1994, par contre, il a travaillé comme poseur de gouttières chez le payeur à la suite d'un accident de travail dont avait été victime un autre travailleur. À part l’année 1994 où il a travaillé comme poseur, monsieur Carl Girard faisait toutes sortes de réparations, installait des gouttières lorsque le payeur n'avait pas suffisamment d’employés ou lorsqu’il y avait un surplus de travail.

[26] Depuis 1990, le contenu des factures du payeur était semblable. Messieurs Serge et Marcel Tremblay, Raymond Dallaire, Yves Michaud et Sébastien Moreau avaient des factures en leur possession dans le but de vendre des contrats. En fait, ces factures sont plutôt des « contrats de soumission » , explique monsieur Serge Tremblay. Il explique la raison pour laquelle les numéros des factures ne se suivaient pas. Seules les factures attestant une vente étaient conservées. Sur ces factures, le nom, l’adresse, le numéro de téléphone, la signature du client, si possible, de même que les travaux à effectuer, le choix des couleurs de gouttières et les prix y étaient inscrits. Cependant, il arrivait parfois que la description des petits travaux ne figurait pas sur la facture. À part les factures, des états de compte étaient expédiés à chaque mois aux clients qui n'avaient pas payé.

[27] Sur ces mêmes factures, on pouvait constater si le prix des travaux avait été versé ou s’il y avait un solde. De même, la date de livraison des travaux y était indiquée. Il arrivait souvent que le travail n’était pas effectué au moment de la vente, soit que le client n’était pas prêt, soit que le payeur n'avait pas assez de travaux à exécuter pour contacter les poseurs. Les factures pouvaient même être préparées après l’installation de gouttières. Elles n’indiquaient pas la date à laquelle les poseurs avaient accompli leurs travaux. Les poseurs remettaient les factures à Monsieur Serge Tremblay lorsque les travaux avaient été exécutés.

[28] Les poseurs étaient payés au nombre de pieds de gouttières qu'ils avaient installées. Ce nombre était alors multiplié par un facteur. Aussi, le nombre de pieds de vieilles gouttières ainsi que le nombre d’heures de travail étaient pris en compte lors du calcul de la paie.

[29] Un rapport était remis à monsieur Serge Tremblay par l'un des deux poseurs de l'équipe pour la semaine en question comprenant le nombre d'heures de travail ainsi que le nombre de gouttières installées. Les poseurs pouvaient ne pas avoir achevé à la fin d'une semaine donnée tout le travail qui leur avait été assigné au début de la semaine. Ils pouvaient continuer leurs travaux la semaine suivante. À partir de ces informations, monsieur Serge Tremblay déterminait la paie et communiquait avec le comptable, monsieur Drolet, pour que celui-ci prépare les chèques de paie requis. Ensuite, les chèques étaient remis soit par monsieur Marcel Tremblay soit par monsieur Serge Tremblay aux poseurs.

[30] C’était monsieur Serge Tremblay qui décidait du début et de la fin de saison, en fonction de la température et des contrats obtenus. Monsieur Serge Tremblay commençait à engager des poseurs lorsque des travaux d'une durée d'au moins deux semaines étaient prévus. C'est lui qui assignait les travaux aux travailleurs. Quant à l’horaire pour la journée, les poseurs décidaient l’heure de départ pour l’installation des gouttières. Monsieur Serge Tremblay établissait pour les poseurs les objectifs de la journée. De plus, soit au début ou à la fin de la saison, une semaine était consacrée à mettre l’équipement et l’inventaire en ordre; on faisait alors les réparations nécessaires. Monsieur Serge Tremblay traitait aussi des commandes ainsi que des achats. À compter de 1994, il n’y avait plus de vendeur au service du payeur et messieurs Marcel et Serge Tremblay s’occupaient eux-mêmes de la vente des contrats d'installation de gouttières.

[31] Monsieur Serge Tremblay relate qu'à un certain moment, monsieur Maltais, enquêteur pour le ministère du Développement des Ressources humaines, a communiqué avec les employés du payeur au sujet de l'assurabilité de leurs emplois. Quelques mois après, monsieur Maltais a eu des discussions avec monsieur Serge Tremblay sur le même sujet. Ce dernier lui a fourni les documents demandés et, par la suite, il a eu une entrevue durant laquelle il a été interrogé. Il a aussi fait une déclaration écrite. Messieurs Marcel et Serge Tremblay se sont rendus à Sherbrooke pour rencontrer les agents de Revenu Canada mêlés à cette enquête pour fournir toutes les explications nécessaires. Selon monsieur Marcel Tremblay, ils n’ont pas réussi à persuader les agents de Revenu Canada parce qu’ils n’étaient pas suffisamment préparés et n’étaient pas accompagnés d’un avocat. En somme, monsieur Serge Tremblay mentionne que les agents et enquêteurs du Gouvernement du Canada responsables des dossiers dont il est présentement question et des dossiers connexes reprochaient aux gestionnaires du payeur d’avoir fabriqué de faux relevés d’emploi et d’avoir prétendu engager des employés qui n’avaient pas été véritablement au service du payeur.

[32] Selon monsieur Serge Tremblay, l’enquêteur, monsieur Maltais, lui avait fourni de vagues explications quant à la raison pour laquelle l’emploi des poseurs n’était pas assurable. Celui-ci avait fait des calculs et avait rédigé un document de travail. Il a indiqué à monsieur Serge Tremblay qu’il y avait certaines semaines où aucun travail n'avait été fait alors que des chèques de paie avaient été émis. Selon monsieur Serge Tremblay, ce document de monsieur Maltais avait été préparé à partir des factures et des livres de paie et ne reflétait pas la réalité.

[33] Au moment de l’enquête, monsieur Serge Tremblay ne pouvait pas expliquer les dates qui étaient inscrites sur les factures. Il témoigne qu’après réflexion, il est d’avis qu’il était probable que les dates étaient indiquées pour les fins de la garantie dont bénéficiaient les clients. Monsieur Serge Tremblay avait préparé un tableau semblable à celui de monsieur Maltais dans lequel il avait divisé les factures de l’année 1992 en deux catégories. La pièce A-5 représente les factures portant des dates pour des contrats dont le total des montants se chiffrait à 46 459,48 $. La pièce A-6 est un tableau des factures non datées pour des contrats dont les montants au total s'élevaient à 36 166,80 $. Monsieur Serge Tremblay a fait valoir dans son témoignage que s’il adoptait l'approche de monsieur Maltais, cela signifierait que la somme de 36 166,80 $ représentant le total des montants figurant sur les factures non datées portant sur les installations de gouttières ne correspondait à aucune réalité et que les gouttières n’auraient pas été installées. Il explique aussi qu’il y a des cases dans les tableaux où le montant est 0,00 $. Ce sont en fait des « soumissions » où le client a décidé de ne pas contracter pour l’installation de gouttières. Monsieur Serge Tremblay a choisi l’année 1992 pour fins d'illustration, car en 1993 aucune date n'était inscrite sur les factures. D’ailleurs, si, par exemple, on prenait le mois de juillet 1992, une période très active pour le payeur en ce qui concerne les travaux d’installation de gouttières, le total des sommes figurant sur les factures portant une date s'élevait à 2 800 $ alors qu’en réalité, les ventes de contrats d'installation de gouttières se chiffraient à 9 021 $ et qu'une somme de 4 600 $ à titre de salaire fut déclarée pour le même mois. Donc, selon monsieur Serge Tremblay, il serait illogique que le total des salaires soit aussi élevé pour le mois de juillet 1992 par rapport au total des montants figurant sur les factures qui portent des dates. Il indique aussi que le payeur n’était pas tenu de cesser son exploitation durant les vacances des employés du secteur de la construction.

[34] Monsieur Serge Tremblay est convaincu que l’enquêteur du ministère du Développement des ressources humaines, monsieur Maltais, ainsi que les agentes de Revenu Canada de la ville de Sherbrooke, madame Francine Sévigny et madame Johanne Nicol, se sont basés sur les factures comme éléments de preuve pour arriver à la conclusion que les relevés d'emploi étaient faux et que par conséquent les emplois des employés du payeur n’étaient pas assurables.

[35] Au cours du contre-interrogatoire, monsieur Serge Tremblay explique aussi les divergences qui existent entre les relevés d’emploi et le tableau figurant à la pièce A-4. Par exemple, le relevé d’emploi de monsieur Sébastien Moreau (pièce A-8) indique que son dernier jour de travail fut le 25 août 1991. Cependant, le tableau n’indique nulle part cette date. Selon monsieur Serge Tremblay, il est possible qu'il n'y avait plus de travail vers le mois d’août mais que par la suite, le payeur a pu obtenir des contrats et que le travailleur ait été réengagé, ce qui avait pour effet de retarder la date de la fin de l'emploi. Dans l'intervalle, le travailleur recevait un relevé d’emploi afin de réclamer des prestations d’assurance-chômage. Donc, la fin pour une année donnée de la période de travail véritable d'un travailleur, qui survenait après l’émission du relevé d'emploi, ne paraissait pas au relevé d'emploi.

[36] De plus, les relevés d’emploi ne se rapportaient qu'à une période de vingt semaines assurables. Ainsi, monsieur Serge Tremblay indique que seules les vingt semaines assurables y étaient inscrites dans les relevés d'emploi. Sur les relevés d'emploi, deux années civiles peuvent chevaucher. Dans certains cas, comme dans le cas de monsieur Sébastien Moreau, où ce dernier n'avait pas travaillé vingt semaines assurables dans une année civile, monsieur Serge Tremblay incluait les semaines qui n’ont pas été incluses dans le relevé d’emploi précédent.

[37] Selon monsieur Serge Tremblay, il est tout à fait normal qu’un employé qui travaille à temps partiel reçoive des prestations d’assurance-chômage durant les semaines où il ne travaille pas. S’il travaille durant une semaine, il n’a qu’à déclarer son revenu pour cette semaine sur une « carte » qu’il reçoit hebdomadairement. La semaine pendant laquelle il ne travaille pas sera alors admise aux fins du calcul des prestations d'assurance-chômage. En somme, si un arrêt de travail survenait après plusieurs semaines consécutives de travail, le payeur émettait alors un relevé d’emploi. Par la suite, le payeur pouvait réengager la même personne au besoin. Par conséquent, les dates indiquées au tableau de la pièce A-4 couvrent toute la période où un employé a travaillé durant une année civile, même s'il y a eu au cours de cette période des interruptions.

[38] Monsieur Serge Tremblay indique également que dans de nombreux cas, un employé peut avoir travaillé en majeure partie pour le payeur mais aussi pour les autres entreprises appartenant soit à lui-même ou à Monsieur Marcel Tremblay. Lorsque des travaux étaient effectués par les travailleurs du payeur pour des entreprises appartenant soit à monsieur Marcel Tremblay ou monsieur Serge Tremblay, ces employés étaient payés par l'entreprise concernée si elle détenait un numéro d’employeur. Il mentionne que l'entreprise Immeubles S.M.T. ne détenait pas de numéro d'employeur. À cet égard, monsieur Serge Tremblay a d’ailleurs souligné que les démarches relatives à l'obtention d'un numéro d’employeur pour des entreprises comme Immeubles S.M.T. qui n'ont pas souvent besoin des services d'employés, comportent des frais élevés. Au surplus, les firmes qui possèdent un numéro d'employeur doivent remettre une déclaration à chaque mois et cette exigence, selon lui, est fastidieuse.

[39] Monsieur Serge Tremblay a aussi informé le tribunal que le Bar Une Pierre Deux Coups, dont Monsieur Marcel Tremblay était propriétaire, détenait un numéro d’employeur. Si un employé du payeur faisait des travaux pour le Bar Une Pierre Deux Coups, il était presque toujours payé par ce dernier, puisqu’il possédait un numéro d’employeur. Par exemple, monsieur Carl Girard a travaillé à la fois pour le payeur et pour le Bar Une Pierre Deux Coups.

[40] Monsieur Serge Tremblay ajoute également qu’il n'a lui-même rempli que très rarement les documents contractuels relatifs aux installations de gouttières et il donne à ce sujet les explications relatives à son incapacité physique de procéder à cette opération. Ces factures étaient remplies soit par le vendeur, soit par le poseur, parfois par la personne qui accompagnait monsieur Serge Tremblay lors de la vente de contrats d'installation de gouttières ou même par le client lui-même. Il affirme aussi que monsieur Raymond Dallaire l'accompagnait régulièrement pour l’aider à mesurer la longueur des gouttières nécessaires, même après qu’il eut cessé de travailler pour le payeur.

[41] Le revenu du payeur pour chaque mois correspondait au total des montants figurant sur les factures relatives aux installations de gouttières pour le mois en question même si le prix indiqué sur ces factures n’avait pas été payé.

[42] Enfin, monsieur Serge Tremblay a reconnu avoir discuté de cette enquête avec tous les employés qui figuraient aux livres de paie. Ce n’est que lorsque les employés se sont vus imposer des pénalités que messieurs Serge et Marcel Tremblay ont décidé d’interjeter appel des décisions en question.

[43] Je vais maintenant aborder les témoignages de quatre des cinq travailleurs dont l'assurabilité de leur emploi est l'objet du présent litige. Il s'agit de messieurs Yves Michaud, Jeannot Lamothe, Sébastien Moreau et Carl Girard. Le cinquième travailleur, monsieur Claude Roy, n'a pu témoigner étant à l'extérieur du pays au moment de l'audition de ces appels.

Monsieur Yves Michaud

[44] Monsieur Yves Michaud, dans son témoignage, affirme qu'il a travaillé pour le payeur durant les années 1990 et 1991 comme poseur de gouttières avec monsieur Sébastien Moreau. Toutefois, durant une période d'un mois en 1991, il a reçu en raison d'un accident de travail une indemnité de la CSST et monsieur Carl Girard l'a remplacé durant cette période comme poseur de gouttières. Monsieur Yves Michaud affirme ne pas avoir vu monsieur Carl Girard en 1990 ni ne l'a revu en 1991 pendant le reste de l'année. Il n'est pas au courant si d'autres poseurs ont fait des travaux en 1990 et 1991 pour le payeur. Toutefois, il a mentionné dans sa « déclaration statutaire » faite lors d'une entrevue avec monsieur Maltais que le payeur n'avait qu'un camion et une seule équipe de poseurs en 1990 et en 1991.

[45] Monsieur Yves Michaud relate qu'il allait chercher les factures le matin, posait les gouttières, puis remettait généralement ces documents à monsieur Serge Tremblay ou à monsieur Marcel Tremblay à la fin de la journée. La date sur le contrat pouvait être soit la date de la pose soit la date où le contrat a été conclu; cette date pouvait avoir été inscrite par le comptable ou monsieur Serge Tremblay.

[46] Monsieur Yves Michaud a été mis à pied en 1990 et en 1991 à cause d'un manque de travail. Selon monsieur Yves Michaud, il y avait « cumul du travail » , mais pas « cumul d'heures » . Il discutait avec monsieur Serge Tremblay dans certains cas de l'à propos ou de la rentabilité d'un déplacement pour procéder à des installations de gouttières. Il était payé pour poser des gouttières et non pour faire de la publicité en utilisant le camion du payeur. Il affirme qu'il n'aurait pas parcouru, par exemple, une distance de 60 kilomètres pour l'exécution d'un travail d'une durée de deux heures. Par contre, il pouvait effectuer une seule pose à un endroit déterminé durant toute une journée.

[47] La rémunération était en fonction du nombre de pieds de gouttières qui avaient été installées. À cet égard, il ajoute que dans une semaine de travail une équipe de poseurs pouvait installer 2 000 pieds de gouttières. Dans une bonne journée de travail, on pouvait faire 500 ou 600 pieds de pose de gouttières. Monsieur Yves Michaud mentionne qu'il était rémunéré à l'heure s'il s'agissait d'enlever des gouttières, faire l'inventaire de l'entrepôt ou réparer le camion. Il était payé par chèque la semaine suivant celle où il avait travaillé.

[48] Selon monsieur Yves Michaud, monsieur Serge Tremblay était son patron. Les véhicules et outils utilisés pour effectuer la pose de gouttières appartenaient au payeur.

[49] Monsieur Yves Michaud a mentionné qu'il n'était pas au courant à l'époque du nombre requis de semaines pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage.

Monsieur Jeannot Lamothe

[50] Monsieur Jeannot Lamothe indique dans son témoignage qu'il a travaillé pour le payeur en 1992, 1993 et 1995 et il témoigne avoir travaillé avec monsieur Sébastien Moreau en 1992 et 1993. Il se souvient d'avoir travaillé en 1995 avec un certain monsieur Jackie Paul. Il ne se souvient pas s'il y avait d'autres poseurs en 1995. Il ne pense pas avoir travaillé avec monsieur Carl Girard.

[51] Il exécutait cinq ou six contrats dans une journée à la demande de monsieur Serge Tremblay et faisait rapport à ce dernier à la fin de la journée. En général, monsieur Sébastien Moreau s'occupait de rencontrer monsieur Serge Tremblay durant les années 1992 et 1993. Selon monsieur Jeannot Lamothe, la méthode de travail a changé en 1995; le suivi est devenu plus rigoureux. Il mentionne aussi que dans certains cas, il posait des gouttières et le contrat était préparé plus tard. Les gouttières n'étaient pas installées durant l'hiver. De plus, il ne travaillait pas durant les journées de pluie ou lorsque le vent était fort. En moyenne, il posait entre 1 500 et 2 000 pieds de gouttières par semaine. Il dit être d'accord avec le témoignage de monsieur Yves Michaud selon lequel dans une bonne semaine de travail une équipe pouvait installer jusqu'à 2 000 pieds de gouttières.

[52] Monsieur Jeannot Lamothe avait demandé à monsieur Serge Tremblay s'il pouvait « cumuler ses paies, pour faire des grosses semaines » ; sa demande fut refusée le lendemain. Il conteste dans une certaine mesure le rapport de la conversation téléphonique qu'il a eue avec une employée du ministère selon laquelle il « cumulait ses paies » .

[53] Il était payé par chèque la semaine suivant celle où il avait travaillé. Il mentionne que les dates sur les factures n'étaient pas inscrites par lui. À l'égard de sa « déclaration statutaire » où il avait déclaré que les dates de pose de gouttières étaient indiquées sur les factures, il soutient que cela ne veut pas dire que ces dates avaient été écrites par lui.

[54] Il a été mis à pied en raison d'un manque de travail.

[55] Les outils et le véhicule appartenaient au payeur.

[56] Monsieur Jeannot Lamothe affirme ne pas avoir été au courant du nombre de semaines nécessaires pour être admissible aux prestations d'assurance-chômage.

Monsieur Sébastien Moreau

[57] Monsieur Sébastien Moreau relate dans son témoignage qu'il a travaillé pour le payeur comme poseur de gouttières en 1990, 1991, 1992 et 1993. Ses compagnons de travail étaient monsieur Yves Michaud pour les années 1990 et 1991 et monsieur Jeannot Lamothe pour les années 1992 et 1993. Il n'est pas au courant si durant ces années il y avait d'autres personnes qui effectuaient des poses de gouttières pour le compte du payeur.

[58] Monsieur Sébastien Moreau se souvient que monsieur Carl Girard est venu l'aider, mais il ne se rappelle pas des dates. À sa connaissance, durant chacune des années 1990, 1991, 1992 et 1993, il faisait les poses de gouttières avec une autre personne, parce que ce travail nécessitait les services d'une équipe de deux personnes. Chaque semaine, les contrats d'installation de gouttières étaient remis à monsieur Serge Tremblay comme rapport de travail. Il est possible que lorsqu'il avait des contrats en main, il travaillait un plus grand nombre d'heures durant une semaine donnée pour accroître sa rémunération. Les dates sur les factures pouvaient représenter la date prévue pour la pose, la date de la vente ou la date relative au point de départ de la garantie. Il explique que la date relative à la garantie pouvait avoir été déterminée de façon à permettre à un client de bénéficier en réalité d'une plus longue période de garantie.

[59] Monsieur Sébastien Moreau reconnaît en particulier que durant la période du 8 avril au 27 octobre 1990, il y a eu des semaines où il n'a pas travaillé à cause d'un manque de travail comme dans le temps de la chasse ou durant les vacances des employés de la construction. Ainsi, s'il travaillait une journée ou une demi-journée il recevait une paie qui correspondait à ses heures de travail.

[60] Les outils dont il se servait ne lui appartenaient pas.

[61] Monsieur Sébastien Moreau déclare qu'il était payé à l'heure et suivant le nombre de pieds de gouttières installées. Les poseurs étaient payés durant la semaine suivant la semaine où ils avaient fait leur travail.

[62] Monsieur Sébastien Moreau a quitté son emploi chez le payeur en 1994 à cause d'un manque de travail puis il a emménagé par la suite dans une autre région. Il a retourné plus tard à Roberval le 5 août 1996 et exploite actuellement une entreprise de gouttières dont il est à la fois propriétaire, vendeur et poseur.

Monsieur Carl Girard

[63] Monsieur Carl Girard témoigne qu'il a travaillé pour monsieur Marcel Tremblay entre 1990 à 1994 dont une année pour une entreprise qui n'était pas celle du payeur. Il ne traitait qu'avec messieurs Marcel et Serge Tremblay et n'était pas au courant s'il y avait des vendeurs au service du payeur dans les années en cause.

[64] En 1992, il a travaillé pour le payeur et pour le Bar Une Pierre Deux Coups, « six semaines à un endroit, quatre semaines à l'autre; six semaines comme poseur, quatre semaines comme homme de maintenance » . Ce total correspondait au nombre minimum de semaines pour être admissible aux prestations d'assurance-chômage.

[65] Monsieur Carl Girard indique dans son témoignage que l'employeur « accumulait son ouvrage » et qu'il n'a pas fait durant les périodes concernées du « cumul d'heures » . Il recevait des prestations d'assurance-chômage lorsqu'il ne travaillait pas durant des semaines de travail complètes. Il travaillait souvent seul, parfois avec monsieur Marcel Tremblay avec les outils du payeur au taux horaire de 8,00 $. On lui donnait une cessation d'emploi lorsqu'il n'y avait plus de travail.

[66] Lors de ses périodes d'emploi durant les années 1991, 1992 et 1994, il affirme avoir connu le nombre requis de semaines pour être admissible aux prestations d'assurance-chômage.

[67] Je me réfère maintenant brièvement aux témoignages de trois employés au service du payeur durant les années en cause. Ces témoignages font partie de la preuve commune recueillie lors de l'audition des présents appels et de quatre autres appels concernant ces employés. L'assurabilité de l'emploi de ces derniers fut reconnue par l'intimé à la fin de l'audition de l'ensemble de ces appels, comme je l'ai indiqué au début de ces motifs.

Monsieur Raymond Dallaire

[68] Selon monsieur Raymond Dallaire, vendeur de contrats d'installation de gouttières, au service du payeur en 1990, les poseurs de gouttières n'ont probablement pas manqué de travail pendant l'été de l'année 1990.

[69] Monsieur Raymond Dallaire témoigne aussi que le vendeur, le poseur, monsieur Serge Tremblay ainsi que le comptable pouvaient faire des inscriptions sur les factures. D'après lui, ces factures devaient contenir les renseignements nécessaires. Selon lui, le poseur indiquait probablement la date de la pose des gouttières.

Monsieur Yvon Gaudreault

[70] Quant à monsieur Yvon Gaudreault qui fut vendeur de contrats d'installation de gouttières au service du payeur durant les années 1991, 1992 et 1993, il affirme qu'il y avait des périodes durant lesquelles il ne travaillait pas à cause, par exemple, de la pluie durant les années 1991 à 1993. Il s'occupait de la vente, de la perception des comptes et de la surveillance de la pose de gouttières.

[71] À l'automne et en particulier au mois de septembre de chaque année, d'après monsieur Yvon Gaudreault, le travail diminuait à cause du frimas sur les couvertures. De plus, le volume de contrats d'installation de gouttières était en baisse après les vacances des employés de la construction, les clients éventuels ayant moins de ressources financières.

[72] Ce vendeur affirme aussi qu'il a surveillé les travaux effectués par messieurs Sébastien Moreau et Jeannot Lamothe; ce dernier a remplacé pendant un certain temps monsieur Yves Michaud. Il mentionne aussi qu'il n'a pas vu monsieur Gilles Gagnon, ni monsieur Carl Girard, ni monsieur Émilien Guay. Il ajoute que si monsieur Carl Girard avait été poseur durant ces années de service, il l'aurait vu. Il explique aussi qu'une même facture pouvait passer entre les mains du vendeur, des poseurs, de monsieur Serge Tremblay ou de monsieur Marcel Tremblay et du comptable.

[73] Monsieur Yvon Gaudreault a quitté le service du payeur en 1993 pour occuper un emploi qui lui permettrait de travailler douze mois par année. Selon lui, la période de travail la plus intense chez le payeur durant ces trois années se situait entre les mois de mai et septembre.

Monsieur Richard Bradette

[74] Quant à monsieur Richard Bradette, il déclare qu'il a travaillé avec monsieur Claude Roy en 1994, peut-être avec monsieur Carl Girard. Il ne croit pas qu'il y avait d'autres poseurs durant cette même année.

Madame Johanne Nicol

[75] Madame Johanne Nicol, agente de Revenu Canada, a traité principalement des dossiers de cinq personnes au service du payeur, soit messieurs Raymond Dallaire, Yvon Gaudreault, Gilles Gagnon, Claude Roy et Richard Bradette. Les appels touchant quatre de ces cinq travailleurs ont été l'objet d'un consentement à jugement de la part de l'intimé. L'assurabilité de l'emploi du cinquième travailleur, monsieur Claude Roy, est l'un des cas visés par le présent litige. Une autre agente, madame Francine Sévigny, a traité des autres dossiers. Il y a lieu de noter toutefois que les Rapports sur une demande ou un appel préparés par madame Francine Sévigny touchant chacun des travailleurs suivants, messieurs Jeannot Lamothe, Yves Michaud et Sébastien Moreau sont à toutes fins pratiques identiques aux Rapports concernant les personnes mentionnées ci-dessus.

[76] Selon l'analyse de madame Johanne Nicol, les relevés d'emploi ne représentent pas la réalité. Le tableau de monsieur Maltais, l'enquêteur du ministère du Développement des ressources humaines, a servi en grande partie à l'analyse faite par madame Johanne Nicol. Son analyse est aussi basée sur les revenus déclarés à chaque mois, les « déclarations statutaires » , et sur le fait que certains travailleurs avaient déclaré ne pas avoir vu un travailleur donné pendant certaines périodes. Les revenus gagnés par les employés ne représentaient que quelques semaines de travail alors que l'entreprise était active durant dix mois par année. Elle a traité de la même façon tous les employés du payeur y compris les quatre employés, messieurs Raymond Dallaire, Yvon Gaudreault, Richard Bradette et Gilles Gagnon, dont l'assurabilité de leur emploi n'est plus en litige, en croyant à l'existence d'un arrangement entre les employés et le payeur. Elle s'est appuyée notamment sur le fait que certaines factures portent les mentions « posé telle date » et « installé telle date » , et sur le fait que les services des poseurs ne sont pas comptabilisés dans le livre de paie pour les semaines correspondantes.

[77] Selon madame Johanne Nicol, les motifs du refus d’assurabilité s'appuient principalement sur les « déclarations statutaires » qui se contredisent, les rapports TPS et TVQ et les dates apposées sur certaines factures. En ce qui concerne les contradictions qu'elle a notées dans les « déclarations statutaires » , madame Johanne Nicol mentionne que des travailleurs ignoraient l’existence de certaines autres personnes supposément au service du payeur, alors qu’il n’y avait qu’une seule équipe de poseurs et qu’un seul camion. Elle donne comme exemple de contradictions dans ces déclarations statutaires, la déclaration de monsieur Yvon Gaudreault qui mentionnait qu’il n’avait pas vu monsieur Gilles Gagnon ni monsieur Carl Girard, ni monsieur Émilien Guay en 1990 ou 1991 et celle de monsieur Jeannot Lamothe qui affirmait ne pas avoir vu monsieur Carl Girard.

[78] Madame Johanne Nicol prétend que le comptable Drolet lui a mentionné au téléphone que les revenus correspondaient aux poses effectuées alors qu'il y avait des mois pour lesquels des revenus étaient déclarés sans qu'il y ait des poseurs de gouttières au service du payeur.

[79]Au cours du contre-interrogatoire, elle reconnaît que les périodes d'emploi de deux poseurs au service du payeur, messieurs Yves Michaud et Sébastien Moreau, étaient les mêmes pour les années 1990 et 1991; par rapport à l'année 1990, elle ajoute qu'il s'agissait des même dates du début et de la fin de leur emploi mais « pas nécessairement toutes les semaines » . Elle admet également que monsieur Jeannot Lamothe et monsieur Sébastien Moreau ont travaillé pour le payeur en 1993 durant les mêmes périodes d'emploi[1].

Analyse

[80]La principale prétention de l'intimé quant aux faits lui permettant de conclure que l'emploi des cinq travailleurs susmentionnés n'était pas assurable porte sur l'allégation formulée dans les Réponses aux avis d'appel que les relevés d'emploi émis par le payeur à l'égard de chacun de ces cinq travailleurs étaient faux et ne reflétaient pas la réalité concernant les périodes de travail et la rémunération reçue. Dans les Réponses aux avis d'appel, l'intimé s'appuyait aussi sur l'hypothèse générale que le payeur avait conclu un arrangement permettant au travailleur de retirer des prestations d'assurance-chômage supérieures à celles auxquelles il aurait normalement eu droit. De l'ensemble de la preuve et de la plaidoirie de l'avocat de l'intimé il semble clair que cette hypothèse générale n'aurait pas été retenue si l'intimé n'avait pas conclu que les relevés d'emploi étaient faux.

[81]Il n'est pas superflu de mentionner pour les fins de l'appréciation de la preuve dans son ensemble qu'il n'avait pas de lien de dépendance entre les représentants du payeur, messieurs Marcel Tremblay et Serge Tremblay[2] d'une part et d'autre part les poseurs dont l'assurabilité de l'emploi fait l'objet du présent litige.

[82]L'allégation que les relevés d'emploi étaient faux est à son tour fondée sur le fait que les factures[3] contiennent dans certains cas des mentions de dates.

[83]Il y a lieu de considérer la preuve sur ce sujet.

[84]La preuve établit que sur un certain nombre de factures y figuraient certaines mentions comme « posé » à une certaine date. Ces factures passaient entre les mains du vendeur, d'un poseur, de monsieur Serge Tremblay et du comptable externe. Ces mentions pouvaient être écrites par l'une quelconque de ces quatre personnes. Dans certains cas, la date qui y est mentionnée pouvait se référer au point de départ de la période de garantie d'après certains témoignages non contredits. Il est également en preuve que dans un grand nombre de cas aucune mention de date ne figurait sur ces factures.

[85]Certains travailleurs ont témoigné que les dates sur les factures ne signifiaient rien pour eux. Monsieur Serge Tremblay a confirmé que les dates sur les factures n'avaient pas d'importance, du moins, il semble dans la majorité des cas.

[86]Sur cette question de la signification et de l'importance des dates figurant sur les factures, le poids de la preuve me paraît favoriser nettement l'appelante et l'appelant. Les travailleurs, notamment monsieur Sébastien Moreau, m'ont paru être des témoins honnêtes et fiables. Je retiens aussi le témoignage de monsieur Serge Tremblay qui m'a paru véridique.

[87]L'absence de signification des dates figurant sur les factures est confirmée dans un sens, comme l'a remarqué l'avocate du payeur, par le fait que près de la moitié des factures ne portaient pas de date. Si ces mentions de dates étaient si importantes, comment expliquer l'existence d'un grand nombre de factures qui n'avaient pas de dates? Dans le cas des factures où aucune date n'est indiquée, l'intimé n'a pas prétendu que les travaux d'installation de gouttières n'ont pas été faits. Au contraire, l'intimé semble avoir pris pour acquis que les travaux décrits sur les factures non datées ont été réellement effectués.

[88]En outre, du côté de l'intimé on n'a pas fourni d'explications au sujet de l'absence de dates sur un grand nombre de factures. Si des explications avaient été données elles auraient pu rendre invraisemblables les affirmations de plusieurs témoins pour le compte du payeur selon lesquelles les mentions des dates sur les factures n'avaient pas de signification particulière. Des témoignages de monsieur Serge Tremblay et de certains travailleurs, il est implicite que l'absence de mention de dates sur les factures n'avait pas non plus d'importance.

[89]Madame Johanne Nicol dans son témoignage s'est appuyée sur l'analyse faite par monsieur Maltais du ministère du Développement des ressources humaines. Je note que ce dernier n'a pas témoigné. Au cours de sa déposition, madame Johanne Nicol m'a paru vouloir justifier à tout prix la position de l'intimé. Son témoignage touchant la fausseté des relevés d'emploi n'est pas crédible.

[90]Au surplus, madame Johanne Nicol n'était pas en mesure de fournir beaucoup de renseignements sur quatre des cinq travailleurs susmentionnés, dont l'assurabilité de l'emploi est présentement en cause, la partie de ces Rapports (sur une demande ou un appel) traitant particulièrement de ces quatre cas ayant été rédigée par madame Francine Sévigny.

[91]Aucune preuve directe n'a été faite par l'intimé tendant à établir l'inexactitude des livres de paie. On n'a pas, par exemple, démontré que la rémunération versée à ces cinq travailleurs n'a pas été encaissée dans un délai raisonnable suivant l'émission des chèques ou que cette émission des chèques n'a pas eu lieu environ une semaine après la fin de la semaine de travail à laquelle se rapportait la rémunération.

[92]Les « déclarations statutaires » des travailleurs dont l'emploi est en cause de même que celles de messieurs Marcel et Serge Tremblay ne contiennent pas d'éléments de contradiction par rapport à leurs témoignages à l'audience sur des points essentiels.

[93]Certains travailleurs, tels que messieurs Yves Michaud et Jeannot Lamothe, ont témoigné qu'ils ne se souviennent pas d'avoir travaillé avec certains autres employés du payeur durant les périodes concernées. Il ne me semble pas réaliste d'attacher trop d'importance à ce manque de précision à cause de l'écoulement d'une période substantielle de temps entre ces déclarations de la part des travailleurs et les événements eux-mêmes. La confusion entre des périodes de temps de la part de ces travailleurs est sans aucun doute une réelle possibilité, dans les circonstances.

[94]En évaluant la crédibilité des témoignages de Messieurs Marcel et Serge Tremblay, j'ai tenu compte du fait de leur entière collaboration avec les représentants du Gouvernement au cours de l'enquête menée par ces derniers. Cette collaboration a été reconnue par l'intimé. Ils ont fourni toute la documentation nécessaire aux autorités gouvernementales et ont parcouru, par exemple, une distance relativement grande pour se rendre à Sherbrooke pour fournir des explications aux agents de Revenu Canada.

[95]Les agents de Revenu Canada en particulier se sont appuyés principalement sur un élément, à savoir les factures, et n'ont pas tenu compte de certaines autres données importantes de ces dossiers. Par exemple, l'affirmation des travailleurs et des représentants du payeur que les premiers ont été payés par chèque n'a pas été contredite. Cette façon de procéder n'est pas celle qu'on voit normalement dans le cas où il existe un arrangement spécial entre le payeur et un travailleur donné pour contourner la Loi sur l'assurance-chômage, comme le prétend l'intimé dans le cas actuel.

[96]Pour le compte de l'intimé, on n'a pas soutenu que les emplois n'étaient pas assurables si j'en venais à la conclusion que les travailleurs en question étaient effectivement au service du payeur durant les périodes indiquées dans les relevés d'emploi.

[97]J'en viens donc à la conclusion que selon la prépondérance de la preuve, les travailleurs en question ont travaillé durant les semaines en litige et qu'ils ont reçu la rémunération qui figure aux relevés d'emploi.

[98]L'emploi exercé par chacun des employés susmentionnés était assurable durant les périodes qui concernent chacun d'eux, à savoir les périodes décrites au début de ces motifs.

[99]En conséquence, les cinq appels du payeur sont admis et les emplois des cinq travailleurs sont assurables durant les périodes ci-dessus mentionnées. L'appel de l'appelant, monsieur Jeannot Lamothe, est également admis. Son emploi était assurable durant les trois périodes mentionnées au début de ces motifs de jugement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de mai 1999.

« Alban Garon »

J.C.A.C.C.I.



[1] Je fais abstraction de la différence de deux jours quant au point de départ des périodes d'emploi de ces deux individus.

[2] Il n'y avait pas de lien de parenté entre les deux représentants du payeur.

[3] Les factures sont, à proprement parler, des contrats relatifs à la vente et à l'installation de gouttières mais sont généralement décrits dans la preuve comme des factures.

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