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Dossier : 2016-3868(IT)I

ENTRE :

NATHALIE FISET,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 2 et 3 mars 2017, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable Robert N. Fournier, juge suppléant


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Amélia Fink

 

JUGEMENT

        La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels concernant les nouvelles cotisations datées du 18 juillet 2016 établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi), pour les années d’imposition 2008 et 2009 est accueillie et ces appels sont annulés.

        La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels concernant les cotisations supplémentaires datées du 8 octobre 2014 établies en vertu de la Loi, pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2011 est rejetée.

        La requête de l’intimée afin de faire annuler l’appel concernant la cotisation initiale datée du 28 juillet 2011 établie en vertu de la Loi, pour l’année d’imposition 2010 est accueillie et cet appel est annulé.

        La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels des cotisations établies en vertu de la Loi, concernant les années d’imposition 2012 à 2015 inclusivement est accueillie et ces appels sont annulés.

        L’appel de la nouvelle cotisation datée du 18 juillet 2016 établie en vertu de la Loi, pour l’année d’imposition 2011 est accueilli en partie et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de permettre la déduction de dépenses locatives additionnelles de 26 936,65 $.

        Les appels des cotisations supplémentaires datées du 8 octobre 2014 établies en vertu de la Loi, pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 sont accueillis et les cotisations supplémentaires sont annulées.

        Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’avril 2017.

« Robert N. Fournier »

Juge suppléant Fournier

 


Référence : 2017 CCI 63

Date : 20170421

Dossier : 2016-3868(IT)I

ENTRE :

NATHALIE FISET,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Fournier

I. Introduction & contexte factuel

[1]             À toutes fins utiles jusqu’en 2015, Mme Nathalie Fiset avait des revenus de profession en tant que médecin de famille et produisait ses déclarations de revenus fédérales et provinciales annuellement. Aussi, elle possédait des immeubles à revenus au Québec, lorsqu’en septembre 2005 elle faisait l’acquisition d’une autre propriété locative aux États-Unis en tant qu’investissement. En 2010, elle en achetait une deuxième et en 2011 une troisième, toutes en Floride, où elle engageait une compagnie de gestion afin de louer ses propriétés à court terme à des locateurs pour ainsi rentabiliser ses investissements. Il semblerait qu’au cours de la période entre les années 2005 et 2013, l’appelante demandait régulièrement au comptable qui préparait ses déclarations de revenus, si elle devait déclarer les maisons qu’elle possédait en Floride. Ce dernier l’avisait que tant qu’elle n’en tirait pas de revenus, ceci n’était pas nécessaire, avis sur lequel Mme Fiset a continué à se fier à chaque année.

[2]             En 2013, l’appelante lui a demandé s’il lui était permis de réclamer les pertes qu’elle avait encourues dans les dernières années, reliées aux dites propriétés en Floride. Cette fois, son comptable lui répondait par l’affirmative, mais qu’il lui faudrait déposer une demande de redressement d’une déclaration de revenus auprès de Revenu Québec (ARQ) ainsi qu’un bilan de vérification du revenu étranger auprès de l’Agence du revenu Canada (ARC). Il lui expliquait cependant que ce processus ne pouvait être invoqué que pour les années remontant jusqu’à 2008, ce que l’appelante a accepté de faire. Après quelques recherches, Mme Fiset se dit rassurée devant les engagements de service de l’ARQ et les énoncés d’intégrité publiés par l’ARC. Elle dépose donc les dites demandes au mois d’août 2013, dans l’espérance que si ces modifications sont acceptées, le montant net de remboursement d’impôt en vaudra bien la peine d’après son comptable.

[3]             Dès le commencement, elle constate que son comptable a fait plusieurs erreurs, mais elle s’informe sur la procédure pour l’application de pénalités pour productions tardives et par l’entremise de son comptable, elle dépose volontairement les informations qui se rapportent aux années fiscales 2008, 2009, 2010 et 2011. Il faut souligner que l’appelante n’a jamais reçu aucune requête de ce faire, n’ayant d’après elle jamais caché volontairement quoi que ce soit en tant qu’information. Et par la suite, elle soutient qu’elle n’a jamais refusé de fournir les informations demandées et qu’elle a toujours coopéré avec les autorités. Suite à sa réponse à une demande d’information supplémentaire, l’appelante reçoit un premier avis de cotisation daté du mois de janvier 2014, lui signifiant des dépôts directs dépassant 18 000 $.

[4]             Cependant, le 19 septembre 2014, l’ARC lui communique de nouveaux avis de cotisation pour ces mêmes années, lui demandant effectivement de retourner une somme excédant 10 000 $. Et pour rajouter l’insulte à l’injure semble-t-il, le 8 octobre 2014 le ministre lui émet des avis de cotisations supplémentaires, relativement à l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) pour les années d’impositions 2008, 2009, 2010 et 2011 en vertu d’une production tardive du fameux formulaire T1135 (Bilan de vérification du revenu étranger) pour les années mentionnées ci-dessus. Pendant les trois années qui suivent sa demande de redressements, l’appelante témoigne qu’elle n’a pas eu la vie facile et qu’elle a subi des revers aux mains de l’ARC qu’elle qualifie de « coup de massue ». Sans entrer dans les détails de ses expériences désagréables, il suffit de dire qu’à toutes fins pratiques, le ministre a finalement émis de nouveaux avis de cotisation en date du 28 juillet 2014 pour ce qui a trait aux années d’imposition en question. Évidemment, l’appelante n’était toujours pas d’accord avec les décisions du ministre, ce qui a précipité les procédures au milieu desquelles on se retrouve aujourd’hui dans cette affaire.

II. Dispositions législatives et analyse

[5]             En ce qui a trait aux années d’imposition 2008 et 2009, il faut se rappeler que l’avis de nouvelle cotisation a été émis le 28 juillet 2014, en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi et que par conséquent, les oppositions de l’appelante sont effectivement invalides en vertu du paragraphe 165(1.2) de la Loi qui prévoit qu’aucune opposition ne peut être faite à une cotisation établie en application du paragraphe 152(4.2). Et conséquemment, la Cour n’est pas valablement saisie des appels à l’encontre des nouvelles cotisations du 28 juillet 2014 pour les années 2008 et 2009. Ces appels sont donc annulés. Effectivement, il en est de même en ce qui a trait à l’année 2010, principalement parce que le ministre n’a jamais émis de nouvelle cotisation en date du 28 juillet 2014 pour cette année d’imposition. Il semblerait que les corrections apportées à la perte locative nette ont été annulées par une réduction équivalente de la déduction pour amortissement (DPA) initialement réclamée par l’appelante – ce qui explique l’absence d’un nouvel avis de cotisation dans les circonstances. De plus, l’appelante n’a pas interjeté opposition à l’encontre de la cotisation qui date effectivement du 28 juillet 2011, dans le délai imparti par le paragraphe 165(1) de la Loi, lequel venait à échéance le 15 juin 2012. Conformément au paragraphe 166.1(7) aucune prorogation de délai ne pouvait lui être accordée, puisque la date limite pour présenter une telle demande se terminait le 15 juin 2013. Et même si le ministre avait jugé bon d’émettre un avis de cotisation pour l’année 2010 comme lui reprochait l’appelante, le résultat final en aurait été de même, en vertu du paragraphe 152(4.2) ci-dessus cité. L’appel en ce qui a trait à l’année fiscale 2010 est donc annulé aussi.

[6]             Pour ce qui en est de l’année d’imposition 2011, la Cour est valablement saisie de l’appel à l’encontre des nouvelles cotisations en date du 28 juillet 2014. Dans ce dossier, le ministre avait diminué la déduction pour amortissement (DPA) que l’appelante avait réclamée lors de la production de sa déclaration initiale de revenus. L’appelante contestait aussi plusieurs dépenses qui lui avaient été refusées lors de cette dernière cotisation. Heureusement pour tous, les parties se sont entendues sur plusieurs des dépenses initialement contestées, de sorte que la Cour a pu rendre une décision effectivement par consentement, concernant l’année d’imposition 2011. Sauf pour les dépenses de « commission », les parties étaient plus ou moins d’accord qu’un « tableau » produit par l’avocate de l’intimée pourrait servir de guide en ce qui concerne les détails de leur entente.

[7]             En résumé et relativement à l’immeuble situé au 602 Hillcrest Drive, Davenport, Floride, l’intimée a accordé des concessions supplémentaires de 2 466 $ US (entretien & réparation) et de 6 074 $ US (services publics) pour un total concédé de 8 540 $ US. Pour ce qui est de l’immeuble situé au 1943 Southern Dunes, Haines City, Floride, l’intimée a accordé 1 200 $ US (frais de gestion), 3 353 $ US (entretien & réparation) et 6 804,09 $ US (services publics) pour un total concédé de 11 357,09 $ US à cet égard. Finalement, en ce qui concerne l’immeuble situé au 307 Villa Sorrento, Haines City, Floride, encore une fois l’intimée lui a concédé 500 $ US (frais de gestion), 1 425 $ US (entretien et réparation), 2 004 $ US (services publics) 214,95 $ US (frais HOA) et 2 290 $ US (« closing costs ») en vertu de l’alinéa 20(1)e) de la Loi pour un total concédé de 6 433,95 $ US à cet égard. Lors de l’audience, il a été convenu que le taux de conversion en dollars canadien serait de 1.023, pour un total de 26 936,65 $ CAN. L’appelante aurait voulu qu’on lui accorde ses réclamations pour « commissions » et bien que ces montants me semblent raisonnables dans les circonstances, je les ai tout de même rejetés. L’intimée s’y objectait vu que Mme Fiset n’était pas en mesure de fournir une preuve documentaire suffisante ou justificative. Dans ce contexte, le ministre se basait sur les énoncés que l’on retrouve dans les arrêts Transocean Offshore Ltd. v. R.[1] au paragraphe 35 et House v. R.[2] au paragraphe 80.

III. Traitement des pénalités – Formulaire T1135

[8]             D’abord, j’aimerais souligner que les paragraphes 162(7) et 233.3(3) de la Loi sont à la fois très clairs et très sévères. Comme l’exprimait succinctement le juge Favreau dans l’affaire Leclerc v. R., « L’intention recherchée par le législateur est d’inciter les contribuables ayant des biens étrangers déterminés de plus de 100 000 $ à déclarer leurs revenus de source étrangère »[3]. Aussi, comme le soulignait Mme Fiset lors de son témoignage, elle n’avait jamais eu l’intention de cacher quelque revenu étranger que ce soit. Il ne s’agissait surtout pas de fraude, mais plutôt d’une omission plus ou moins involontaire. Bien que l’appelante admette ne pas avoir coché la case appropriée dans ses déclarations de revenus, indiquant qu’elle possédait des biens étrangers, il semblerait que dans les premières années, elle ne recevait aucun revenu. D’ailleurs, à tous les ans, elle questionnait son comptable à savoir si elle devrait les déclarer; ce dernier l’avisait toujours que ce n’était pas nécessaire dans les circonstances. Aussi, il n’avait jamais été question de fournir ce fameux formulaire T1135. Or, si l’appelante avait commis une erreur, il est évident que c’en était une de bonne foi, bien que possiblement elle fût mal informée.

[9]             Ce n’est qu’en août 2013, lorsqu’elle prit la décision de faire une demande pour des redressements afin de réclamer des pertes relativement à ses immeubles aux États-Unis que le tout s’est déclaré, alors qu’aucune signification de mise en demeure ne lui avait été communiquée. Aussi, il est évident que l’appelante aurait peut-être pu éviter toutes ces pénalités, si seulement elle s’était munie des provisions qui lui étaient disponibles par le biais du Programme des divulgations volontaires. Par conséquent, elle se faisait imposer une pénalité maximale dans l’instance pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011, ce qui lui a apporté une facture excédant les 11 000 $. Et si elle ne l’a pas fait, c’est qu’encore une fois, elle n’était pas au courant. En fin de ligne, je reconnais que Mme Fiset a fait preuve de diligence raisonnable au cours de cette affaire, malgré son omission de produire le formulaire T1135.

[10]        Dans l’affaire Douglas c. R.[4], la juge Woods avait annulé une pénalité dans de telles circonstances disant : « Il serait injuste de pénaliser M. Douglas pour le non-respect d’un délai de production dans ces circonstances ». Il faut dire qu’en l’espèce, j’aurais fait de même, n’eut été du fait que l’intimée a annulé les pénalités dans cette affaire, après avoir entendu le témoignage de l’appelante. Dans ce contexte, il faut reconnaître que le ministre du Revenu national (ou son représentant) a le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités ou intérêts imposés au titre de la Loi (paragraphe 220(3.1). Il s’agit là d’une disposition d’équité. À mon avis, insister à ce que l’appelante subisse les conséquences d’une erreur commise de bonne foi ne pourrait pas profiter à l’administration publique, ni renforcer la confiance envers l’ARC. Heureusement qu’en fin de ligne, il y a eu entente ou consentement entre les parties en ce qui a trait aux « pénalités » imposées en vertu du paragraphe 162(7) et que celles-ci sont annulées.

IV. Conclusion

[11]        Pour ces motifs :

A.               La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels concernant les nouvelles cotisations datées du 18 juillet 2016 établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi), pour les années d’imposition 2008 et 2009 est accueillie et ces appels sont annulés.

B.               La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels concernant les cotisations supplémentaires datées du 8 octobre 2014 établies en vertu de la Loi, pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2011 est rejetée.

C.               La requête de l’intimée afin de faire annuler l’appel concernant la cotisation initiale datée du 28 juillet 2011 établie en vertu de la Loi, pour l’année d’imposition 2010 est accueillie et cet appel est annulé.

D.               La requête de l’intimée afin de faire annuler les appels des cotisations établies en vertu de la Loi, concernant les années d’imposition 2012 à 2015 inclusivement est accueillie et ces appels sont annulés.

E.                L’appel de la nouvelle cotisation datée du 18 juillet 2016 établie en vertu de la Loi, pour l’année d’imposition 2011 est accueilli en partie et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de permettre la déduction de dépenses locatives additionnelles de 26 936,65 $.

F.                Les appels des cotisations supplémentaires datées du 8 octobre 2014 établies en vertu de la Loi, pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 sont accueillis et les cotisations supplémentaires sont annulées.

[12]        Le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’avril 2017.

« Robert N. Fournier »

Juge suppléant Fournier

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 63

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-3868(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

NATHALIE FISET c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 mars 2017

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable Robert N. Fournier, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 avril 2017

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Amélia Fink

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Transocean Offshore Ltd. v. R., 2 C.T.C. 183, paragraphe 35 - Le juge des faits est habilité à tirer une conclusion défavorable à l’égard d’une partie qui possède ou peut raisonnablement être présumée posséder des éléments de preuve ayant trait aux faits contestés, mais ne les produit pas.

[2]           House v. R., 1 C.T.C. 13, paragraphe 80 - Ces décisions appuient la proposition voulant que, selon les circonstances de l’affaire, un contribuable puisse être tenu de présenter, outre son témoignage de vive voix, des documents justificatifs.

[3]           Leclerc v. R., 2010 CCI 99, paragraphe 15.

[4]           Douglas c. R., 2012 CCI 73, paragraphe 13.

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