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Date: 19990319

Dossier: 96-344-IT-G

ENTRE :

LAC D'AMIANTE DU CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Lac d'amiante du Canada Ltée (New LAQ) en appelle d'un avis de cotisation établi par le ministre du Revenu national (ministre) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) à l'égard de l'année d'imposition 1989. Le ministre a augmenté le produit de disposition de certains avoirs miniers que New LAQ a vendus le 26 juillet 1989 à une société soeur, LAQ Canada Ltd. (LAQ Canada). Au produit de disposition de 6 097 230 $ établi antérieurement, le ministre a ajouté une somme de 2 019 452 $.

[2] New LAQ prétend que cette somme de 2 019 452 $ représente plutôt le produit de disposition d'autres actifs (actifs à court terme) vendus au coût. Par conséquent, il n'y aurait pas lieu d'augmenter son revenu. Le règlement du litige dépend en très grande partie de l'interprétation que l'on doit donner au contrat de vente (entente) du 26 juillet 1989 et, plus particulièrement, de ce sur quoi portait cette entente, c'est-à-dire, quels étaient les actifs que New LAQ a transférés à LAQ Canada et comprenaient-ils les actifs à court terme?

Faits

[3] New LAQ est une société constituée en vertu de la loi québécoise. Au 26 juillet 1989, elle était une filiale en propriété exclusive d'une société américaine, Lac d'amiante du Québec Limitée (Old LAQ). Cette dernière était elle-même une filiale d'une autre société américaine, Asarco Incorporated (Asarco). Tout comme New LAQ, LAQ Canada était une filiale en propriété exclusive de Old LAQ. Malgré l'impression que peut donner sa dénomination sociale, LAQ Canada, à l'instar de Old LAQ, était une société constituée en vertu de la loi américaine.

[4] Avant la vente du 26 juillet 1989, New LAQ exploitait par l'intermédiaire d'une société en commandite une mine d'amiante (mine d'amiante) à Black Lake (Québec). Au moment de la vente, New LAQ possédait aussi d'autres actifs miniers dont une propriété aurifère en Ontario (mine Aquarius). Quoique des états financiers internes pour une période de 8 mois se terminant en août 1989 révèlent des ventes de 3 619 388 $ pour la mine Aquarius, cette mine n'en était pas au stade de la production commerciale mais plutôt à celui de l'exploration.

[5] Sur le site de la mine Aquarius se trouvaient une usine de traitement, de la machinerie et du matériel. Parmi les autres actifs de New LAQ reliés à cette mine, on retrouve les actifs à court terme suivants :

Encaisse

318 277 $

Comptes débiteurs – clients

– autres

884 876 $

4 875 $

Stock

769 453 $

Autres actifs à court terme

20 258 $

Fournitures

21 713 $

TOTAL

2,019 452 $

[6] Le 8 juin 1989, Old LAQ a signé une lettre d'entente avec M. Jean Dupéré confirmant l'intention de ce dernier d'acquérir, soit personnellement ou par l'intermédiaire d'une société, toutes les actions de New LAQ. Toutefois, au moment de cette acquisition, les actifs de New LAQ devaient se limiter à la mine d'amiante. Tous les autres actifs, dont notamment la mine Aquarius, certains avoirs miniers non reliés à la mine d'amiante et les actifs à court terme, devaient être transférés en partie à LAQ Canada et en partie à Old LAQ.

[7] Pour donner suite à cette lettre d'entente, New LAQ, LAQ Canada et Old LAQ ont signé l'entente du 26 juillet 1989. Tous les biens vendus à LAQ Canada sont désignés comme des “ Exploration Properties ” et la liste de chacun de ces biens apparaît dans une annexe à l'entente. Constituent des “ Exploration Properties ” pour les fins de cette entente la mine Aquarius et des avoirs miniers désignés comme des “ Exploration Projects ”.

[8] À l'annexe de l'entente, on retrouve tous les “ Exploration Properties ” listés en deux sections. Dans la première, on fait état des biens constituant la mine Aquarius : ils comprennent l'usine de traitement (9)[1], la machinerie et le matériel (de surface (10) et sous terre (13)) et certaines concessions minières (11). Les actifs à court terme n'y figurent pas. Dans la deuxième section, on énumère les “ Exploration Projects ”, qui comprennent des avoirs miniers (autres que la mine Aquarius) détenus soit directement (29) ou indirectement (9).

[9] L'entente stipule que les “ Exploration Properties ” sont vendus pour une somme totale de 9 500 000 $ CAN et que cette somme représente leur juste valeur marchande.

[10] Les biens transférés à Old LAQ sont décrits dans trois alinéas distincts de l'entente : dans les deux premiers, on retrouve des biens précis qui ne sont pas pertinents ici. Par contre, au troisième alinéa, sont visés tous les autres biens que possède New LAQ à l'exception, bien entendu, des “ Exploration Properties ” transférés à LAQ Canada et de la mine d'amiante que conserve New LAQ. L'entente stipule que ces biens sont transférés à Old LAQ à un prix égal à leur valeur comptable.

[11] Vu l'importance de cette entente pour l'issue de cet appel, il est important d'en citer les dispositions les plus pertinentes :

AND WHEREAS pursuant to the letter of Intent New LAQ proposes to sell to LAQ Canada all its right, title and interest in and to its Aquarius mine and the exploration projects described in Schedule A hereto (collectively the "Exploration Properties") and New LAQ proposes to sell to Old LAQ the balance of assets to be sold to Old LAQ pursuant to the Letter of Intent.

NOW THEREFORE in consideration of the foregoing and of the mutual covenants and agreements herein contained, the parties hereby agree as follows:

1. New LAQ hereby sells to LAQ Canada which hereby purchases all New LAQ's right, title and interest in and to the Exploration Properties for C$9,500,000, being the fair market value thereof, such amount being payable at the closing of this agreement, and LAQ Canada hereby assumes all obligations of New LAQ in connection with the Exploration Properties.

2. New LAQ hereby transfers to Old LAQ which hereby accepts the transfer of all New LAQ's right, title and interest in and to:

2.1 [...]

2.2 [...]

2.3 all other assets of New LAQ except the Exploration Properties and New LAQ's right, title and interest in LAB and company, limited, in LAB Chrysotile Inc. and in the Joint Venture Agreement (including the Mining Assets but excluding the assets referred to in 2.1 and 2.2) for a price equal to the book value thereof payable at the closing of this Agreement.

[Je souligne.]

Vérification du ministre

[12] Lors de sa vérification des comptes de New LAQ, le vérificateur du ministre a obtenu de Mme Sally Hunt, une employée d'Asarco, certains renseignements (données de Mme Hunt) relatifs à la ventilation du produit de disposition de 9 500 000 $ tiré de la vente des “ Exploration Properties ” par New LAQ à LAQ Canada. Voici le détail de cette ventilation :

Allocation of Sale Price to Aquarius Assets upon transfer

C$

Cash 318,277 a

Accounts Receivable – Trade 884,876 a

Accounts Receivable – Other 4,875 a

Inventory 769,453 a

Other Current Assets 20,258 a

Mineral Land # 1 3 357,789 b

Mineral Land # 2 2,739,441 b

Building & Equipment 71,213 c

Machinery & Equipment 1,254,292 c

Automobiles    57,813 c

Supplies 21,713 a

9,500,000

[13] Tous ces biens peuvent être regroupés en trois catégories distinctes : i) avoirs miniers, ii) l'usine de traitement, la machinerie et le matériel et iii) les actifs à court terme. Si on regroupe les données de Mme Hunt pour ne présenter que ces trois catégories, on obtient le résultat suivant :

Avoirs miniers (= total des b) 6 097 230 $

Usine/machinerie et matériel (= total des c) 1 383 318 $

Actifs à court terme (= total des a) 2 019 452 $

TOTAL    9 500 000 $

[14] Le vérificateur du ministre a accepté cette ventilation et a procédé à une cotisation en tenant pour acquis que tous ces biens, y compris les actifs à court terme, avaient été vendus à LAQ Canada pour une somme de 9 500 000 $. Le vérificateur n'a pas jugé bon d'obtenir une évaluation indépendante des avoirs miniers vendus par New LAQ à LAQ Canada parce qu'il considérait ces biens comme difficiles à évaluer et que cela aurait entraîné des frais importants.

[15] Par la suite, le vérificateur du ministre a reçu des renseignements supplémentaires (données de M. Dowd) faisant état de biens dont la nomenclature correspond généralement à celle utilisée à l'annexe de l'entente pour décrire les “ Exploration Properties ” et dont la valeur marchande s'élève à 9 500 000 $. Contrairement à ce qui est le cas dans les données de Mme Hunt, dans les données de M. Dowd les actifs à court terme ne figurent pas parmi les actifs. Il n'est donc pas surprenant de constater que la juste valeur marchande des avoirs miniers, de l'usine, de la machinerie et du matériel y est aussi plus élevée.

[16] Les données de M. Dowd apparaissent sur une télécopie (télécopie de M. Dowd) datée du 19 octobre 1993 et indiquant comme expéditeur M. William Dowd et comme destinataire M. D.P. Morin, contrôleur de New LAQ. Je reproduis ici une partie de ces données :

ASARCO INCORPORATED

Sale of Lac D'Amiante du Canada, Ltée.

Calculation of fair market value

Canadian properties distributed to U.S. shareholder

Mineral Land 1,520,000

Mill 2,100,000[2]

Mining Equipment – Underground 400,0002

- Surface 790,0002

Projects and joint ventures 4,690,000

C$ 9,500,000

Exchange rate at date of transfer 0.847

Fair market value $8,046,500

[17] Si je modifie cette présentation de façon à pouvoir comparer ces données avec celles de Mme Hunt, cela donne ce qui suit :

Selon M. Dowd Selon Mme Hunt Écart

Avoirs miniers

Terrain minier 1 520 000 $ 3 357 789 $[3]

Projets et coentreprises 4 690 000 $ 2 739 441 $[4]

Total partiel (1): 6 210 000 $ 6 097 230 $ 112 770 $

Usine, machinerie et matériel[5]

Usine 2 100 000 $

Matériel minier – souterrain 400 000 $

- de surface 790 000 $ __________

Total partiel (2): 3 290 000 $ 1 383 318 $ 1 906 682 $

Actifs à court terme (3) S/O 2 019 452 $ (2 019 452 $)

TOTAL (1+2+3) 9 500 000 $ 9 500 000 $

[18] En annexe à la télécopie de M. Dowd, on retrouve plusieurs évaluations préparées par du personnel du groupe Asarco. La première traite du terrain minier de la mine Aquarius qui est appelé “ Mineral Land ” dans les données de M. Dowd. Cette évaluation est celle de M. Houtman, directeur de la division Aquarius de New LAQ. Cette évaluation adressée à Asarco est datée du 29 novembre 1988, soit 8 mois avant la vente du 26 juillet 1989. M. Houtman évalue la “ valeur actuelle avant impôt ” de l'avoir minier à 3 040 000 $ et la “ valeur actuelle après impôt ” à 1 520 000 $.

[19] On retrouve aussi une évaluation de la juste valeur marchande de l'usine de traitement comme entreprise distincte. Cette valeur est estimée à 2 100 000 $. Il y a également une évaluation détaillée du matériel souterrain et du matériel de surface. La valeur totale du matériel souterrain (12 éléments ou catégories d'éléments d'actif) était fixée à 400 000 $ et celle du matériel de surface (10 éléments ou catégories d'éléments d'actif) à 790 000 $.

[20] Selon les données de M. Dowd, la juste valeur marchande des biens décrits comme des “ Projects and joint ventures ” s'élève à 4 690 000 $. Toutefois, on ne retrouve pas en annexe tous les documents à l'appui de cette valeur. Seulement une partie de ces biens a été évaluée, par un certain M. Gray, le 22 novembre 1988, soit quelques jours avant l'évaluation de M. Houtman. La juste valeur marchande des biens ainsi évalués se chiffre à 2 567 900 $ U.S. Si l'on utilise le même taux de conversion que celui employé dans les données de M. Dowd, soit 0.847, cela représente 3 031 759 $ CAN.

[21] Il est à noter que cette juste valeur marchande comprend la juste valeur marchande d'un projet qui n'apparaît pas sur la liste des “ Exploration Projects ” à l'annexe de l'entente, soit le projet Ox dont on a estimé la valeur à 15 400 $. De plus, la valeur d'un projet appelé “ Lac Mitaine ” de même que celle de neuf projets désignés par les numéros 21 à 29 sur la liste des “ Direct Projects ” jointe en annexe à l'entente ne sont pas comprises dans l'évaluation de M. Gray.

[22] Quant à la juste valeur marchande du “ Mineral Land ” indiquée dans les données de M. Dowd, le vérificateur du ministre a estimé qu'elle était erronée. Selon lui et les experts en évaluation de son ministère qu'il a consultés, il aurait fallu utiliser la valeur actuelle avant impôt de 3 040 000 $ et non la valeur actuelle après impôt de 1 520 000 $. Si on utilise la valeur de 3 040 000 $ au lieu de 1 520 000 $, la valeur totale des avoirs miniers vendus par New LAQ à LAQ Canada s'élèverait à 7 730 000 $ au lieu de 6 210 000 $. Si à cette somme on ajoute la valeur de 3 290 000 $ pour l'usine de traitement, la machinerie et le matériel, la valeur totale des “ Exploration Properties ” vendus à LAQ Canada se monterait à 11 020 000 $.

[23] À la suite de la réception des données de M. Dowd, le vérificateur du ministre a décidé d'établir une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que les “ Exploration Properties ” ne comprenaient pas les actifs à court terme et que la juste valeur marchande des avoirs miniers de 6 097 230 $ (établie lors de la cotisation précédente) devait être augmentée à 8 116 682 $, ce qui représente une hausse de 2 019 452 $. Ce dernier montant est égal à celui que Mme Hunt avait indiqué comme la valeur des actifs à court terme.

[24] Pour conclure que les “ Exploration Properties ” vendus à LAQ Canada ne comprenaient pas les actifs à court terme, le vérificateur du ministre s'est fondé sur les termes de l'entente. Aucun des actifs à court terme n'apparaît parmi les biens décrits à l'annexe de l'entente. Selon le vérificateur, ils faisaient plutôt partie des biens vendus par New LAQ à Old LAQ.

[25] Même s'il aurait pu augmenter la valeur des “ Exploration Properties ” à 11 020 000 $, le vérificateur a accepté de la limiter à 9 500 000 $, soit la valeur indiquée dans l'entente. Il a modifié la ventilation de Mme Hunt, qu'il avait d'abord acceptée, en excluant la valeur des actifs à court terme et en la réattribuant en totalité aux avoirs miniers. Il a ainsi conservé la valeur de 1 383 318 $ indiquée par Mme Hunt pour l'usine, la machinerie et les véhicules et, par conséquent, il a écarté la juste valeur marchande de 3 290 000 $ apparaissant dans les données de M. Dowd relatives à ces biens. Le vérificateur du ministre a donc supposé que New LAQ avait sous-évalué la valeur des avoirs miniers vendus à LAQ Canada et non pas celle de l'usine, de la machinerie et du matériel.

Arguments de New LAQ

[26] Les avocats de New LAQ contestent cette cotisation du vérificateur du ministre. Ils prétendent que New LAQ a vendu à LAQ Canada non seulement les biens qui sont explicitement mentionnés à l'annexe de l'entente mais aussi les actifs à court terme parce que, selon eux, il s'agit de biens utilisés dans l'exploitation de la mine Aquarius. Il aurait été illogique, prétendent-ils, que New LAQ ait transféré à Old LAQ ses actifs à court terme, dont notamment les stocks, alors que la mine Aquarius a été vendue à LAQ Canada.

[27] Avant d'étudier le bien-fondé des arguments de New LAQ, il est important de souligner que ses avocats ont eu des problèmes à faire leur preuve. Ils ont eu, en effet, de la difficulté à avoir accès aux documents pertinents que détenait le groupe Asarco, y compris ceux qui concernaient New LAQ. Il faut rappeler qu'au moment où la vente a été effectuée, New LAQ était une filiale de Old LAQ. Elle faisait donc partie du groupe Asarco. Au moment de la cotisation, New LAQ n'en fait plus partie. De plus, depuis la vente du 26 juillet 1989, les relations entre d'une part New LAQ et d'autre part le groupe Asarco, y compris Old LAQ et LAQ Canada, se sont détériorées de façon importante. Des poursuites judiciaires ont même été intentées de part et d'autre.

[28] À part le vérificateur du ministre, le seul témoin que New LAQ a assigné à comparaître est M. William Dowd, un citoyen américain qui, au moment de son témoignage, était le contrôleur d'Asarco et le président de Old LAQ. M. Dowd a refusé de venir témoigner au Canada et j'ai dû rendre une ordonnance de commission rogatoire pour que son interrogatoire ait lieu à New York. La Cour suprême de l'État de New York a donné force exécutoire à cette ordonnance. En raison d'une contestation tardive de la part des avocats d'Asarco et de M. Dowd, la première audience de la commission rogatoire a eu lieu sans la présence de M. Dowd. Par la suite, M. Dowd a accepté de comparaître devant moi en ma qualité de commissaire le 1er décembre 1998 à New York.

[29] M. Dowd n'a toutefois pas été en mesure de m'éclairer beaucoup sur les transactions intervenues en 1989. Par contre, il faut signaler que ce dernier n'avait été impliqué ni dans leur élaboration ni dans leur réalisation. D'ailleurs, au moment de la vente du 26 juillet 1989 cela ne faisait qu'un mois qu'il travaillait pour Asarco. À cette date, M. Dowd était contrôleur adjoint responsables des questions fiscales pour Asarco et n'exerçait pas d'autres fonctions au sein des filiales d'Asarco.

[30] En ce qui concerne plusieurs questions, M. Dowd a été évasif ou incapable de répondre. Son témoignage a même été contradictoire. À un moment donné, il a affirmé que, selon sa compréhension, tous les actifs ayant trait à la mine Aquarius avaient été transférés à LAQ Canada. À un autre moment, il a été incapable de confirmer à qui l'encaisse et les comptes débiteurs compris dans les actifs à court terme avaient été transférés.

[31] À l'appui de ses arguments, New LAQ a produit des feuilles de travail décrivant le traitement comptable des actifs par New LAQ et, prétend-elle, par LAQ Canada. Sur une de ces feuilles de travail apparaissent des données tirées de l'état de balance de vérification de New LAQ, dont notamment des écritures comptables découlant de la vente, le 26 juillet 1989, des différents éléments d'actif de la mine Aquarius. Cette feuille de travail n'indique pas à qui les actifs de la mine Aquarius ont été transférés.

[32] La feuille de travail de même que les états financiers de New LAQ révèlent que la valeur comptable (avant épuisement et amortissement) des avoirs miniers (qui y sont décrits comme Mineral land #1 et Mineral land #2) s'élève à un total de 15 515 392 $ et qu'après épuisement, amortissement et ajustement pour refléter la disposition de ces avoirs miniers, cette valeur a été rajustée à la baisse, entraînant une perte de 6 702 301 $ que New LAQ a passée en charges dans son état des revenus et dépenses. Comme valeur des actifs à court terme, la feuille de travail de New LAQ indique la même que celle établie par Mme Hunt dans ses données.

[33] Un autre document (pièce A-2) présente les écritures comptables suivantes :

JOURNAL ENTRY FOR SALE OF AQUARIUS TO LAQ CANADA LTD.

DEBIT CREDIT

INTERCOMPANY ACCOUNT – LAQ 7,056,538

ACCUM DEP'N – B & E 27,534

ACCUM DEP'N – M & E 310,943

ACCUM DEP'N – AUTOS 44,538

ACCUM DEPL. MINERAL LAND #1 1,281,644

ACCUM DPEL. MINERAL LAND #2 1,045,701

ACCRUED EXPENSES 5,501

INTERCOMPANY ACCOUNT 21,540,865

LOSS ON AQUARIUS TRANSFER 6,702,301

INTERCOMPANY ACCOUNT – FMC 17,917,966

SUBSIDIARIES CAPITAL 1,199,437

CASH 318,277

ACCOUNTS RECEIVABLE – TRADE 884,876

ACCOUNTS RECEIVABLE – OTHER    1,502

INVENTORY 769,453

OTHER CURRENT ASSETS    20,258

MINERAL LAND #1 8,544,439

MINERAL LAND #2 6,970,953

BUILDING & EQUIPMENT    71,213

MACHINERY & EQUIPMENT 1,254,292

AUTOMBILES    57,813

SUPPLIES    21,713

ACCOUNTS PAYABLE    3,373

Tout comme sur la feuille de travail de New LAQ, on peut voir ici les actifs à court terme, dont la valeur comptable totale se chiffre à 2 019 452 $.

[34] Quand M. Dowd a été interrogé sur la pièce A-2, il a été incapable de m'indiquer par qui elle avait été établie, quand elle l'avait été et si elle provenait de LAQ Canada. De plus, il a été incapable de produire à l'audience les états financiers de LAQ Canada, même après s'être engagé à les rechercher dans ses archives chez Asarco.

Analyse

[35] Au moment de la vente des “ Exploration Properties ” par New LAQ à LAQ Canada, il existait entre ces deux sociétés un lien de dépendance : elles étaient toutes deux filiales de Old LAQ. En vertu de l'article 69 de la Loi, toute personne qui a disposé d'un bien en faveur d'une autre avec laquelle elle avait un lien de dépendance est réputée avoir reçu une contrepartie égale à la juste valeur marchande du bien.

[36] Ici le ministre a établi cette valeur pour les avoirs miniers à 8 116 682 $. Quant à elle, New LAQ prétend qu'elle s'élevait plutôt à 6 097 230 $. Pour démontrer cette valeur, New LAQ aurait pu présenter une preuve d'expert. Si elle avait réussi dans cette démarche, New LAQ aurait eu gain de cause. Pour des motifs qui n'ont pas été révélés, New LAQ n'a pas retenu cette stratégie mais a plutôt choisi de s'y prendre d'une autre manière.

[37] Elle a préféré faire cette preuve de façon indirecte. Dans sa cotisation, le ministre avait reconnu que la juste valeur marchande totale des “ Exploration Properties ” s'élevait à 9 500 000 $, que celle de l'usine de traitement, de la machinerie et du matériel se montait à 1 383 318 $, et que celle des actifs à court terme se chiffrait à 2 019 452 $. New LAQ a donc tenté de démontrer la valeur de 6 097 230 $ des avoirs miniers en soustrayant de la valeur de 9 500 000 $ pour les “ Exploration Properties ”, la valeur de tous les autres biens.

[38] Toutefois pour réussir dans cette démarche, New LAQ devait s'assurer que la valeur des actifs à court terme pouvait être déduite des 9 500 000 $. Comme ce chiffre provient de l'article 1 de l'entente, il est essentiel de déterminer si cette valeur comprend celle des actifs à court terme. Pour répondre à cette question, il faut d'abord déterminer si les actifs à court terme font partie des “ Exploration Properties ”.

[39] Que comprennent ces biens? La meilleure preuve dont je dispose pour trancher cette question est l'entente elle-même. Une lecture attentive de celle-ci révèle clairement que les actifs à court terme ne font pas partie des “ Exploration Properties ” telle que cette expression est définie dans l'entente. Les “ Exploration Properties ” sont les biens qui sont décrits dans l'annexe à l'entente. Or aucune mention n'y est faite des actifs à court terme. Même M. Dowd a reconnu lors de son témoignage que les actifs à court terme ne sont pas décrits à cette annexe.

[40] Est-il possible que l'entente reflète mal l'accord des parties ou qu'une erreur se soit glissée dans la description des biens vendus par New LAQ à LAQ Canada? Pour contredire un accord écrit dont le libellé est clair, la charge dont doivent s'acquitter les contribuables est lourde. Ce n'est que de façon exceptionnelle que les tribunaux qui entendent une affaire fiscale acceptent d'écarter une entente dûment signée. Cela pourrait se produire, par exemple, si l'on établissait que les parties avaient volontairement mal décrit l'objet d'un contrat.

[41] Lors de l'audience aucune preuve n'a été présentée qui pourrait appuyer une telle hypothèse. Aucun des dirigeants de New LAQ, de LAQ Canada ou de Old LAQ qui ont apposé leur signature à cette entente ou qui ont été impliqués dans l'élaboration et la réalisation des transactions visées par l'entente n'est venu témoigner pour établir quelle était l'intention véritable des parties à cette entente. Le seul employé du groupe Asarco qui a témoigné est M. Dowd et, malheureusement, il n'a joué aucun rôle dans ces transactions et n'en avait donc aucune connaissance directe.

[42] Le seul élément de preuve factuelle qui pourrait appuyer les assertions de New LAQ est la pièce A-2. Ce document donne l'impression que LAQ Canada a acquis les actifs à court terme mais, à mon avis, on ne peut lui accorder aucune valeur probante. L'auteur de ce document n'a pas témoigné. Son témoignage aurait été important pour établir notamment si le document se rapporte à la vente du 26 juillet 1989 ou à un autre transfert qui aurait pu avoir lieu à une date subséquente. M. Dowd ne savait même pas qui avait dressé ce document ni à quel moment. Il n'était même pas en mesure de confirmer s'il provenait de LAQ Canada. M. Dowd a aussi été incapable de produire les états financiers de LAQ Canada qui auraient pu confirmer - à tout le moins d'un point de vue comptable[6] - que les actifs à court terme se trouvaient au bilan de LAQ Canada.

[43] Faute d'arguments factuels, les avocats de New LAQ se sont repliés sur un argument rationnel. Ils prétendent qu'il aurait été illogique de disposer de la mine Aquarius en faveur de LAQ Canada tout en transférant les actifs à court terme à Old LAQ. Comme on le sait, ces actifs à court terme, dont notamment les stocks, étaient utilisés dans l'exploitation de la mine Aquarius. Par exemple, pourquoi New LAQ aurait-elle transféré la mine Aquarius à LAQ Canada et les stocks de cette mine à Old LAQ?

[44] Tout d'abord, un tel argument n'est pas suffisant en soi pour contredire le libellé clair d'une entente comme celle que nous avons ici. Il ne s'agit pas en l'occurrence d'une entente écrite à la main sur le coin d'une table par des personnes qui n'ont pas l'habitude de rédiger de tels documents. Au contraire, l'entente a été rédigée avec soin et professionnalisme. Prenons par exemple le libellé de l'article 2.3 de l'entente :

2.3 all other assets of New LAQ except the Exploration Properties and New LAQ's right, title and interest in LAB and company, limited, in LAB Chrysotile Inc. and in the Joint Venture Agreement (including the Mining Assets but excluding the assets referred to in 2.1 and 2.2) for a price equal to the book value thereof payable at the closing of this Agreement.

[Je souligne.]

Lorsqu'ils stipulent que tous les autres actifs de New LAQ sont transférés à Old LAQ, les parties prennent soin d'exclure les “ Exploration Properties ” de même que les actifs reliés à la mine d'amiante. De plus, lorsqu'ils font référence au “ Joint Venture Agreement ”, ils prennent soin d'inclure les “ Mining Assets ” et d'exclure les actifs qui sont décrits aux paragraphes 2.1 et 2.2 de l'entente.

[45] De plus, il ne faut pas perdre de vue le contexte dans lequel cette entente est intervenue. Quoiqu'au moment de la vente New LAQ et LAQ Canada fussent toutes deux filiales de Old LAQ, cette vente s'effectuait dans le but de donner suite à la lettre d'entente en vertu de laquelle Old LAQ cédait le contrôle de New LAQ à un nouvel acquéreur. Il était donc important de préciser quels étaient les actifs que New LAQ vendait à LAQ Canada et à Old LAQ. Rien de surprenant, en conséquence, à ce qu'on fournisse dans une annexe une liste détaillée des biens transférés à LAQ Canada.

[46] Finalement, il est loin d'être certain qu'il ait été illogique que Old LAQ, la société mère de New LAQ et de LAQ Canada, ait préféré acquérir elle-même les actifs à court terme de New LAQ. Plusieurs indices m'incitent à croire le contraire. Tout d'abord, dans le préambule de l'entente, on décrit succinctement un autre transfert, qui est survenu le 18 juin 1986. À cette date, Old LAQ a vendu à New LAQ tous ses intérêts dans sa mine d'amiante. Voici le passage en question :

AND WHEREAS by Agreement ("Asset Sale Agreement") dated June 18, 1986, Old LAQ sold to New LAQ all its right, title and interest in and to all of its asbestos-related and other mining and mill properties, building, structures, machinery, equipment, accounts receivable, inventories, all of its rights under the Joint Venture Agreement and all other assets of any kind whatsoever as at the close of business on June 30, 1986 (with the exception only of shares it held in the capital stock of Francomet), the whole including all its right, title and interest in and to the Mining Property and all buildings, structures, machinery, equipment and other assets, (except inventories) used in connection with the Mining Property (collectively "Mining Assets").

[Je souligne.]

[47] Deux points méritent d'être soulignés. Le premier se présente comme suit : lorsqu'en 1986 Old LAQ a vendu à New LAQ tous ses actifs reliés à l'exploitation de sa mine d'amiante, elle a stipulé que cela comprenait non seulement tous les bâtiments, la machinerie et le matériel, mais aussi les comptes débiteurs, les stocks de même que tous ses autres actifs, ce qui peut comprendre les autres actifs à court terme. Le deuxième point est encore plus important que le premier : lorsque Old LAQ a transféré sa concession minière située à Black Lake (le “ Mining Property ”), elle a exclu expressément ses stocks. Ce fait confirme donc non seulement qu'il n'est pas toujours illogique de transférer une mine sans ses stocks, mais il révèle que Old LAQ l'a effectivement fait en 1986.

[48] Old LAQ aurait donc pu répéter le même scénario lors de la vente du 26 juillet 1989. Elle était alors toujours la société mère de New LAQ et il est raisonnable de croire que Old LAQ a joué un rôle déterminant dans l'élaboration de cette vente. Il est par conséquent tout à fait vraisemblable que Old LAQ a eu l'intention véritable d'acquérir elle-même les actifs à court terme reliés à l'exploitation de la mine Aquarius, y compris les stocks. Il faut se rappeler que la mine Aquarius n'avait pas encore atteint le stade de la production commerciale et qu'un programme d'exploration était en cours. Il n'est pas invraisemblable que Old LAQ ait cru que la mine Aquarius n'atteindrait pas à court ou à moyen terme le stade de la production commerciale et qu'il était plus approprié, d'un point de vue commercial, de transférer à Old LAQ les actifs à court terme de cette mine.

[49] Même si New LAQ avait pu établir qu'elle avait eu l'intention véritable de transférer ses actifs à court terme à LAQ Canada, il aurait fallu aussi déterminer si la juste valeur marchande de 9 500 000 $ indiquée à l'article 1 de l'entente incluait la valeur des actifs à court terme. C'est là que devait se trouver finalement la résolution du litige compte tenu de la position de New LAQ. En effet, même si on avait établi que les actifs à court terme avaient été omis par erreur de la définition des “ Exploration Properties ”, il aurait fallu prouver que la valeur stipulée à l'entente comprenait bien celle des actifs à court terme.

[50] Or on peut douter qu'une telle preuve ait pu être faite. Si on tient pour fondée l'opinion des experts en évaluation consultés par le vérificateur du ministre, opinion selon laquelle la valeur de l'avoir minier, appelé le “ Mineral Land ” dans les données de M. Dowd, s'élève à 3 040 000 $ plutôt qu'à 1 520 000 $, et si on ajoute cette valeur à celle des “ Projects and Joint Ventures ”, soit 4 690 000 $, alors la valeur corrigée des avoirs miniers s'élèverait à 7 730 000 $. Si on y ajoute la valeur de l'usine, de la machinerie et du matériel selon les données de M. Dowd, la valeur totale des “ Exploration Properties ” se monterait à 11 020 000 $. Compte tenu de cette valeur totale, il est invraisemblable que la valeur des actifs à court terme ait été comprise dans le chiffre de 9 500 000 $ indiqué à l'article 1 de l'entente.

[51] À mon avis, New LAQ a échoué dans sa tentative de démontrer que la cotisation du ministre est erronée. Non seulement New LAQ n'a-t-elle pas établi que la valeur des actifs à court terme était comprise dans celle des “ Exploration Properties ”, mais elle n'est même pas parvenue à prouver que les actifs à court terme faisaient partie des “ Exploration Properties ” vendus à LAQ Canada. N'ayant fourni aucune preuve que la juste valeur marchande de 8 116 682 $ que le ministre a attribuée aux avoirs miniers est erronée, New LAQ ne peut réussir dans sa contestation de la cotisation.

[52] Pour tous ces motifs, l'appel de New LAQ est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de mars 1999.

“ Pierre Archambault ”

J.C.C.I.



[1] Le chiffre entre parenthèses indique le nombre d'éléments ou de catégories d'éléments d'actif qui sont listés pour chacun des postes.

[2] La valeur totale de ces trois biens s'élève à 3 290 000 $.

[3] Madame Hunt appelle cet avoir minier “ Mineral Land # 1 ”.

[4] Madame Hunt appelle cet avoir minier “ Mineral Land # 2 ”.

[5] Madame Hunt décrit ces biens comme “ Building & Equipment ” (71 213 $), “ Machinery & Equipment ” (1 254 292 $) et “ Automobiles ” (57 813 $).

[6] Je m'empresse d'ajouter que je suis loin d'être convaincu que ces états financiers, même s'ils avaient été produits, auraient été suffisants pour établir sans autre preuve que les actifs à court terme faisaient partie des “ Exploration Properties ”.

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