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Date: 19980616

Dossier: 96-748-GST-G

ENTRE :

RANDALL J. BROWN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 5 juin 1998. L'appelant a témoigné et a fait comparaître Maurice Jones, c.g.a., soit le comptable qui avait établi les états annuels de l'O.E.M. Hardware Inc. ( « O.E.M. » ). L'appelant avait fait l'objet d'une cotisation l'obligeant à payer les 42 012,52 $ de TPS dus par l'O.E.M. Il a porté cette cotisation en appel.

[2] Les hypothèses se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

6. Dans cette cotisation établie à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait notamment sur les hypothèses suivantes :

a) les faits énoncés et admis ci-devant;

b) l'appelant était, durant toute la période pertinente, un administrateur de l'OEM;

c) l'OEM était un inscrit en vertu de la partie IX de la Loi, avait reçu le numéro de TPS 103957827 et était, durant toute la période pertinente, tenue de percevoir et de verser la TPS sur les fournitures taxables trimestriellement;

d) la TPS à payer par l'OEM, ses crédits de taxe sur les intrants (CTI) et sa taxe nette due pour les périodes en cause étaient les suivants :

FIN DU TRIMESTRE

TPS À PAYER

CTI

TAXE NETTE DUE

Janvier 1991

4 966,62 $

2 612,20 $

2 354,42 $

Avril 1991

15 597,12 $

6 222,35 $

9 374,77 $

Juillet 1991

11 631,44 $

7 181,11 $

4 450,33 $

Octobre 1991

15 436,79 $

5 461,80 $

9 974,99 $

Janvier 1992

10 794,25 $

-359,71 $

11 153,96 $

Avril 1992

10 543,64 $

6 000,45 $

4 543,19 $

Juillet 1992

1 755,07 $

2 899,63 $

-1 144,56 $

70 724,93 $

30 017,83 $

40 707,10 $

Moins « déclaration produite »

4 966,62 $

2 610,10 $

2 356,52 $

TOTAL

65 758,31 $

27 407,73 $

38 350,56 $

e) l’avis de cotisation no 11GU0000009, daté du 22 décembre 1992, a été délivré à l'OEM, soit une cotisation de 44 383,90 $ (la « cotisation établie à l'égard de l'OEM » ) au titre de la taxe nette non versée pour la période de vérification allant du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1992, y compris des pénalités et des intérêts calculés au 16 décembre 1992, soit :

Redressements de TPS

65 758,31 $

Redressements de crédits de taxe sur les intrants

-27 407,73 $

Total des redressements pour la période de cotisation

38 350,58 $

Pénalités

2 739,96 $

Intérêts

3 293,36 $

Autre pénalité

0,00 $

Cotisation totale pour la période

44 383,90 $

f) l'OEM a omis de verser au receveur général une taxe nette de 38 350,58 $, plus des intérêts de 3 293,36 $ et des pénalités de 2 739,96 $ calculés au 16 décembre 1992;

g) un certificat relatif à l'obligation de l'OEM concernant la TPS, les intérêts et les pénalités a été enregistré à la Cour fédérale du Canada le 1er septembre 1994;

h) un bref d'exécution a été délivré le 1er septembre 1994 et n'a pas été exécuté le 13 octobre 1994;

i) l'appelant n'a pas, pour prévenir le manquement à l'obligation que l'OEM avait de verser ladite somme, exercé le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans les mêmes circonstances.

[3] L'O.E.M. n'a produit une déclaration de TPS et payé de la taxe que pour la fin de son premier trimestre, soit le 31 janvier 1991, qui était la fin de son exercice.

[4] L'O.E.M. avait été constituée en personne morale sous le régime des lois fédérales en 1980. Elle avait été enregistrée aux fins de l'exploitation d'une entreprise en Colombie-Britannique le 15 août 1983. M. Brown a été administrateur et président de l'O.E.M. du 24 janvier au 10 novembre 1980. À partir du 31 janvier 1988 et jusqu'à ce que l'O.E.M. soit dissoute, il a encore une fois été administrateur et président de l'O.E.M., et également secrétaire. M. Brown a témoigné qu'il avait résigné ses fonctions d'administrateur après juillet 1992, mais le registre de la société ne fait pas état de cette démission. Il est ou a été membre de la direction d'un certain nombre d'autres sociétés. Il est âgé de 47 ans et n'a pas fait d'études secondaires. Après avoir exercé divers emplois, il est devenu représentant de commerce et a travaillé en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie Britannique. Il a fini par opter pour le domaine des attaches industrielles et a fondé l'O.E.M. Au cours des périodes en question, l'O.E.M. effectuait des ventes dans ce domaine. L'appelant participait activement à tous les aspects de la société, mais a fini par se concentrer sur la commercialisation. En 1990, l'O.E.M. avait 12 employés; en 1991, elle en avait six et, en 1992, elle en avait également six. À l'époque pertinente, c'est Mme Gill qui tenait les livres de la société. Au cours des périodes en question, M. Brown était le seul administrateur et l'actionnaire majoritaire de l'O.E.M.

[5] Au cours de son exercice se terminant le 31 janvier 1991, l'O.E.M. était rentable et, pour cette période, elle a payé de l'impôt sur le revenu. À la succursale de la Banque Toronto-Dominion (la « Banque T-D » ) située sur la rue Georgia, à Vancouver, elle avait une ligne de crédit de 150 000 $, qui était entièrement garantie et à l'égard de laquelle M. Brown s'était personnellement porté garant. En février 1990, M. Brown avait demandé à la Banque T-D de porter la ligne de crédit à 200 000 $ ou 210 000 $. L'agent de la Banque T-D qui s'occupait du compte était positif et avait consenti des découverts supplémentaires à l'O.E.M. pendant que la demande était traitée. L'O.E.M. avait exécuté ses plans d'expansion aux États-Unis en attendant l'approbation officielle de la demande. Au cours de l'automne 1990, la Banque T-D avait officiellement rejeté la demande visant l'augmentation de la ligne de crédit. L'O.E.M. était alors 40 000 $ au-dessus de sa limite, et la Banque T-D avait exigé que ce dépassement soit réglé sur-le-champ. L'O.E.M. avait fermé son entrepôt de Blaine (État de Washington) et avait commencé à mettre à pied du personnel, à percevoir des comptes clients et à réduire son inventaire. Elle avait ralenti ses paiements aux fournisseurs. Après le 31 janvier 1991, l'O.E.M. avait aussi arrêté de payer la TPS et de produire des déclarations de TPS.

[6] De l'automne 1990 jusqu'en février 1991, M. Brown avait été tenu de communiquer à la Banque T-D le montant de chaque chèque émis, ainsi que, parfois, le nom du bénéficiaire. Après le début de février 1991, il avait dû donner à la Banque T-D tous les détails relatifs à chaque chèque fait par l'O.E.M. Parfois, la Banque T-D refusait d'autoriser la compensation d'un chèque de paye de M. Brown. M. Jones a témoigné qu'il établissait non seulement les états annuels de l'O.E.M., mais aussi ses états mensuels. Au cours de son deuxième trimestre de 1990 (se terminant le 30 avril), il avait dit à M. Brown de payer la TPS et lui avait par la suite périodiquement répété cet avertissement.

[7] En mars 1992, M. Brown et M. Jones s'étaient entretenus avec des agents de la Banque T-D, dans les locaux de la succursale de la rue Georgia, à Vancouver. La Banque T-D avait proposé que M. Brown injecte plus d'argent dans l'O.E.M. ou trouve une autre banque ou liquide la société. Le 5 février 1991, M. Brown avait prêté 10 000 $ à l'O.E.M. et, le 19 août 1991, il lui avait prêté 14 000 $. Il ne lui avait pas prêté d'autres sommes d’argent, mais la Banque T-D avait refusé à l'O.E.M. le droit de faire certains chèques de paye à M. Brown. L'O.E.M. avait présenté des demandes à deux autres banques pour le transfert de son compte et avait essuyé des refus. M. Brown avait trouvé un nouvel investisseur, M. Lantry, qui avait offert 120 000 $ contre une participation majoritaire dans l'O.E.M., mais la Banque T-D avait refusé de maintenir les prêts consentis à la compagnie. Le 23 juillet 1992, la Banque T-D avait exigé le remboursement des prêts accordés à l'O.E.M. Le 5 août 1992, des séquestres nommés par la Banque T-D avaient cherché à mettre la main sur les actifs de l'O.E.M., mais M. Brown s'était opposé à eux. L'O.E.M. a fermé en août 1992. Le 16 octobre 1992, les avocats de la Banque T-D ont officiellement exigé de M. Brown qu'il honore la garantie qu'il avait donnée à l'égard de l'O.E.M.; les poursuites qui s'ensuivirent se sont réglées le 16 novembre 1993. Le 7 juin 1994, l'O.E.M. a été radiée du registre et, le 29 août 1994, elle a cessé d'exploiter son entreprise en Colombie-Britannique.

[8] La preuve indique clairement que l'O.E.M. se finançait en partie en omettant de faire des versements de TPS, au vu et au su de M. Brown. Ce dernier dirigeait l'exploitation de cette très petite entreprise et était parfaitement au courant de cette façon de procéder de l'O.E.M. C'est lui qui signait tous les chèques de l'O.E.M. M. Brown a témoigné qu'il ne pouvait allouer de fonds pour les paiements, vraisemblablement sans l'approbation de la Banque T-D. Il a dit qu'il n'avait jamais reçu l'approbation de la Banque T-D pour le paiement de la TPS.

[9] La thèse de M. Brown n'est pas aussi solide que celle de l'appelant dans l'affaire Harvey Kalef v. The Queen (C.A.F.), 96 DTC 6132. Dans cette affaire, un séquestre avait été nommé, et M. Kalef n'avait aucun pouvoir sur les actifs de l'entreprise. Malgré cela, la Cour d'appel fédérale avait conclu que M. Kalef était responsable des retenues en tant qu'administrateur. Dans le cas de l'O.E.M., M. Brown avait permis une expansion de l'entreprise sans attendre l'approbation de la Banque T-D concernant la ligne de crédit supplémentaire. En tant que seul administrateur de l'O.E.M., il aurait pu faire en sorte que l'O.E.M. acquitte la TPS à mesure que celle-ci était due et aurait pu attendre l'approbation de la Banque T-D avant de permettre l'expansion de l'entreprise. Au lieu de cela, il s'est servi de l'argent de la TPS de l'O.E.M. pour financer l'expansion de l'O.E.M. Même après le refus de la Banque T-D, à l'automne 1991, il aurait pu faire en sorte que l'O.E.M. soit liquidée immédiatement et que la TPS impayée soit acquittée. Non seulement l'O.E.M. n'a pas acquitté la TPS impayée, mais elle s'est endettée davantage. M. Brown a toujours su qu'il y avait de la TPS qui n'avait pas été versée.

[10] M. Brown était le directeur de l'exploitation et le seul administrateur de l'O.E.M. à l'époque pertinente aux fins du présent appel. Il a sciemment fait en sorte que l'O.E.M. finance ses activités avec l'argent de la TPS. M. Brown n'a pas simplement omis de prévenir le manquement de l'O.E.M. à l’égard du paiement de la TPS. Il a fait en sorte que l'O.E.M. n'acquitte pas la TPS à mesure que celle-ci était due.

[11] Le témoignage de l'appelant n'a pas permis de réfuter les hypothèses.

[12] C'est sur ce fondement que je rejette son appel. L'intimée se voit adjuger des dépens entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de janvier 1999.

Isabelle Chénard, réviseure

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