Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980331

Dossier: 96-3693-IT-G

ENTRE :

FLETCHER CHALLENGE INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel qui a été interjeté sous le régime des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). En août 1997, l'intimée a déposé sa déclaration sous serment de documents en vertu de l'article 82, qui prévoit la communication intégrale. En janvier 1998, l'appelante a déposé sa liste de documents en vertu de l'article 81, qui prévoit la communication partielle. Par un avis de requête en date du 24 février 1998, l'intimée a demandé une ordonnance obligeant l'appelante à déposer et à signifier une liste de documents en vertu de l'article 82 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Les parties pertinentes de l'avis de requête se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

LA REQUÊTE VISE À OBTENIR un jugement, fondé sur l'article 82 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), obligeant l'appelante à déposer et à signifier à l'intimée une liste de tous les documents qui sont ou ont été en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de l'appelante et qui portent sur toute question en litige entre les parties à l'appel.

LES MOYENS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE SONT LES SUIVANTS : un procès juste ne serait pas possible et le règlement des questions en litige entre les parties serait entravé ou inutilement différé si l'appelante n'était pas assujettie à la communication intégrale prévue à l'article 82 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

L'intimée a déposé une déclaration sous serment de Steven Morris à l'appui de sa position concernant la requête, et l'appelante a déposé une déclaration sous serment de Patricia Sakai à l'appui de sa propre position. L'article 81 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) prévoit la communication partielle, tandis que l'article 82 prévoit la communication intégrale. Les parties pertinentes de ces deux articles sont les suivantes :

81(1) Dans les trente jours de la clôture des actes de procédure, les parties doivent produire et signifier l'une à l'autre une liste des documents dont chaque partie connaît actuellement l'existence et qui pourraient être présentés comme preuve,

a) soit pour établir ou aider à établir une allégation de fait dans un acte de procédure déposé par la partie;

b) soit pour réfuter ou aider à réfuter une allégation de fait dans un acte de procédure déposé par une autre partie.

81(2) La liste de documents produite en vertu du présent article doit être établie selon la formule 81.

82(1) Les parties peuvent convenir ou, en l'absence d'entente, demander à la Cour de prononcer un jugement obligeant chaque partie à déposer et à signifier à l'autre partie une liste de tous les documents qui sont ou ont été en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de cette partie et qui portent sur toute question en litige entre les parties à l'appel.

82(2) La liste de documents produite conformément au présent article doit décrire, dans des annexes distinctes, tous les documents qui ont trait à une question en litige dans l'appel et qui :

a) se trouvent en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de la partie déposante et à la production desquels elle ne s'oppose pas;

b) se trouvent ou se sont trouvés en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de la partie déposante et à l'égard desquels elle invoque un privilège, avec les moyens qui fondent sa prétention;

c) se sont déjà trouvés en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de la partie déposante, mais ne le sont plus, qu'elle invoque ou non un privilège, avec une déclaration exposant depuis quand et pour quelle raison ils ne se trouvent plus en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde, ainsi que l'endroit où ils se trouvent.

[...]

82(4) Une liste de documents produite sous le régime du présent article doit être attestée par une déclaration sous serment [...]

[2] Eu égard à la jurisprudence citée par l'avocat de l'intimée, il est indubitable que les tribunaux ont appliqué un critère de pertinence de portée très large aux fins des interrogatoires préalables. Dans l'arrêt Everest & Jennings Can. Ltd. c. Invacare Corp., [1984] 1 C.F. 856, la Cour d'appel fédérale a cité avec approbation la décision rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l'affaire Boxer and Boxer Holdings Ltd. v. Reesor, et al. (1983), 43 B.C.L.R. 352. Dans l'affaire Boxer, le juge en chef McEachern (siégeant en chambre) s'était fondé sur les propos bien connus tenus par le lord juge Brett dans l'affaire Cie Financière du Pacifique v. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.) :

[TRADUCTION]

Il me semble que se rapporte aux questions en litige dans l'action tout document qui non seulement constituerait un élément de preuve pertinent relativement à un point en litige, mais qui, il est raisonnable de supposer, contient des renseignements pouvant — et non devant permettre directement ou indirectement à la partie demandant l'affidavit de soutenir sa propre cause ou de miner celle de la partie adverse. Je dis « directement ou indirectement » parce que, me semble-t-il, on peut à juste titre dire d'un document qu'il contient des renseignements qui peuvent permettre à la partie demandant l'affidavit de soutenir sa propre cause ou de miner celle de la partie adverse, si c'est un document pouvant légitimement lancer la partie demandant l'affidavit dans une enquête qui peut avoir l'une ou l'autre de ces deux conséquences [...]

Après avoir ainsi cité le lord juge Brett, le juge en chef McEachern a formulé l'observation suivante à la page 359 :

[TRADUCTION]

Les demandeurs ont incontestablement le droit de consulter tout document pouvant légitimement les lancer dans une enquête qui pourra, directement ou indirectement, favoriser leur cause ou nuire à celle du défendeur, particulièrement sur la question vitale de la probabilité que la version du contrat donnée par une partie soit plus exacte que celle de l'autre. Tel étant le cas, il me semble que les demandeurs doivent avoir gain de cause sur certains aspects de la demande. En toute déférence, il me semble par contre qu'ils en demandent trop en ce qui a trait à d'autres aspects de la demande.

[3] Enfin, dans l'affaire Algonquin Mercantile Corporation v. Dart Industries Canada Ltd., 79 C.P.R. (2d) 140, une demande d'ordonnance exigeant la production de documents avait été présentée en vertu de l'article 448 des Règles de la Cour fédérale (article comparable à l'article 82 des règles de notre cour). Dans l'affaire Algonquin, la juge Reed a dit ce qui suit aux pages 143 et 145 :

J'estime donc que la plupart des catégories de documents réclamés sont pertinentes et devraient être produites. En arrivant à cette conclusion, je tiens compte qu'il est préférable, à ce stade des procédures, de se tromper en se prononçant en faveur de la production des documents que d'adopter une attitude trop restrictive.

[...]

[...] Retarder l'émission d'une ordonnance en vertu de l'article 448, en l'espèce, risque davantage de causer un retard que de l'éviter. Il est plus opportun pour la demanderesse d'avoir les documents pertinents en main, avant l'interrogatoire préalable de la défenderesse.

[4] Reconnaissant le principe général selon lequel il est préférable de pécher par la communication plutôt que par la non-communication, je dois examiner les circonstances propres à l'affaire dont je suis saisi. En juillet 1995, l'appelante avait demandé au ministre du Revenu national de déterminer sa perte autre qu'en capital pour son année d'imposition 1987. Par voie d'avis en date du 24 octobre 1995, le ministre a déterminé que la perte autre qu'en capital de l'appelante pour son année d'imposition 1987 était de 118 526 $. L'appelante s'est opposée à cette détermination, que le ministre a toutefois ratifiée par voie de notification en date du 8 juillet 1996. En septembre 1996, l'appelante a déposé un avis d'appel à l’égard de la détermination du ministre et, en décembre 1996, l'intimée a déposé une réponse à cet avis d'appel. La seule question en litige dans cet appel est celle du montant de la perte autre qu'en capital de l'appelante pour son année d'imposition 1987.

[5] Adoptant une vue étroite de la question, le ministre a déterminé que la perte autre qu'en capital de l'appelante pour son année d'imposition 1987 n'était que de 118 526 $. L'appelante soutient que sa perte autre qu'en capital pour 1987 devrait être augmentée d'un montant de 3 722 043 $. D'après l'acte de procédure de l'intimée, le montant total se compose des trois dépenses suivantes :

[TRADUCTION]

Intérêts payés à la Banque Toronto-Dominion 3 597 222 $

Commissions de montage versées à la

Banque Toronto-Dominion 100 000 $

Frais juridiques 24 821 $

TOTAL 3 722 043 $

En termes simplistes, considérée dans sa portée étroite, la question est de savoir si la perte autre qu'en capital de l'appelante pour 1987 est le montant (118 526 $) déterminé par le ministre ou si ce montant doit être augmenté des 3 722 043 $ représentant les dépenses totales déduites par l'appelante.

[6] Dans l’optique d’une vue plus large de la question en litige, il faut considérer les circonstances dans lesquelles les montants en question ont été payés à la Banque Toronto-Dominion ou payés au titre des frais juridiques. Dans l'avis d'appel, les paragraphes 3 à 23 inclusivement contiennent toutes les allégations de fait. Plus précisément, les paragraphes 3 à 17 décrivent les opérations de société ayant conduit aux trois dépenses constituant le montant de 3 722 043 $. Les allégations restantes, soit celles qui figurent aux paragraphes 18 à 23, décrivent les étapes procédurales qui ont mené à cet appel. Il n'est pas nécessaire de citer intégralement les allégations relatives aux opérations de société, mais je me propose d'en présenter un résumé.

[7] L'appelante est une filiale indirecte d'une grande société multinationale diversifiée qui a été constituée en Nouvelle-Zélande et qui y a son siège social. Au printemps 1987, la société mère avait décidé de se procurer des capitaux sur les marchés publics canadiens. Après consultation d'un placeur canadien, il avait été décidé que la société appelante émettrait ses actions en faveur d'investisseurs canadiens conformément à un appel public à l'épargne au Canada. Le placeur canadien avait également exprimé l'avis que les actions de l'appelante seraient plus favorablement accueillies si les actionnaires éventuels pouvaient payer le prix d'achat des actions par versements échelonnés. Cela a entraîné certains problèmes par rapport à la loi pertinente concernant les sociétés, car une société ne peut émettre des actions sans que celles-ci ne soient intégralement payées. Pour contourner ces problèmes, l'appelante avait décidé de suivre un processus plus indirect, décrit ci-dessous.

[8] Une société distincte, appelée dans les actes de procédure Fletcher Challenge Investments (Canada) Limited ( « FCICL » ), s’était engagée à acheter à l'appelante toutes les actions destinées au marché public canadien et à payer ces actions comptant, de manière qu'elles puissent être émises en tant qu'actions intégralement payées. FCICL avait reçu des acheteurs le montant du premier versement, soit environ 100 000 000 $, et avait emprunté environ 100 000 000 $ à la Banque Toronto-Dominion. FCICL avait alors payé le montant total de 200 000 000 $ directement à l'appelante en échange des actions. FCICL avait vendu les actions de l'appelante au public canadien selon la formule suivante : la moitié du prix devait être payée en juin 1987, puis la seconde moitié en novembre 1987. Lorsque FCICL avait reçu le deuxième versement des acheteurs, elle avait remboursé le prêt de la Banque Toronto-Dominion. Dans ce processus, il semble que FCICL ait effectivement fait les trois dépenses consistant dans les 3 597 222 $ d'intérêts payés à la Banque Toronto-Dominion, dans les commissions de montage de 100 000 $ versées à la Banque Toronto-Dominion et dans des frais juridiques de 24 821 $.

[9] Il ne semble y avoir aucun différend entre les parties quant au fait que ces trois dépenses ont d'abord été engagées par FCICL et que celle-ci a ensuite été remboursée par l'appelante. Voici le texte des paragraphes 16 et 17 de l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

16. Au cours du processus consistant à faciliter l'émission, la vente et la livraison au public des 8 510 640 actions échangeables de l'appelante, FCICL a payé des frais (les « frais » ) d'un montant total de 3 722 043 $.

17. En vertu de la convention qu'elle avait conclue avec FCICL, l'appelante devait rembourser les frais à FCICL le 31 décembre 1987. Ainsi, l'appelante, lors du calcul de son revenu pour son année d'imposition se terminant le 31 décembre 1987, a déduit le montant de 3 722 043 $ au titre de l'obligation qu'elle avait de rembourser les frais à FCICL. L'appelante a ainsi augmenté dudit montant de 3 722 043 $ le montant de sa perte autre qu'en capital pour cette année d'imposition.

L'intimée a répondu comme suit aux allégations figurant aux paragraphes 16 et 17 de l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

6. Il admet que, pour les fins de l’achat des actions échangeables à l'appelante et de leur revente au public, FCICL a payé ou engagé des frais d'un montant total de 3 722 043 $, mais il ne sait rien au sujet des autres allégations formulées au paragraphe 16 de l'avis d'appel et n'admet pas ces allégations.

7. Il admet que l'appelante a déduit ledit montant de 3 722 043 $ dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 1987, augmentant ainsi de ce montant sa perte autre qu'en capital pour cette année-là, mais il ne sait rien au sujet des autres allégations formulées au paragraphe 17 de l'avis d'appel et n'admet pas ces allégations.

Dans leurs actes de procédure respectifs, les parties ont exposé ce qu'elles considéraient comme étant le point en litige. Voici ce que disent les paragraphes 24 et 25 de l'avis d'appel et le paragraphe 10 de la réponse de l'intimée à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

Avis d'appel — Questions à trancher

24. Dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition se terminant le 31 décembre 1987, l'appelante pouvait-elle déduire le montant qu'elle avait dû payer pour rembourser les frais à FCICL?

25. Quel était le montant de la perte autre qu'en capital de l'appelante pour son année d'imposition 1987?

Réponse à l'avis d'appel — Question à trancher

10. [...] la seule question à trancher dans cet appel est de savoir si les frais de 3 722 043 $ payés ou engagés par FCICL sont déductibles dans le calcul du revenu de l'appelante, et s’ils peuvent en conséquence être pris en compte dans le calcul de sa perte autre qu'en capital, pour son année d'imposition se terminant le 31 décembre 1987.

[10] La déclaration sous serment de Steven Morris qui a été déposée à l'appui de la requête de l'intimée dit notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

7. J'ai examiné la liste de documents de l'appelante et j'ai constaté qu'elle semble ne contenir que des documents concernant l'émission des actions de l'appelante — soit un point qui n'est pas en litige dans cet appel — et aucun document concernant le point litigieux, à savoir pourquoi et par qui les frais consistant dans les intérêts, dans les commissions de montage et dans les frais juridiques et totalisant 3 722 043 $ ont été engagés et comment ces frais ont été comptabilisés. Je crois vraiment que des opérations de l'ampleur de celles qui sont en cause en l'espèce sont vraisemblablement bien documentées dans des livres comptables, lettres, notes, mémorandums et autres documents qui sont en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de l'appelante et que la question de la déductibilité desdits frais totalisant 3 722 043 $ ne pourrait être adéquatement débattue ni, à plus forte raison, tranchée sans que ces documents ne soient produits.

8. J'ai également constaté que la liste de documents de l'appelante ne semble contenir aucun document se rapportant aux allégations de l'appelante formulées aux paragraphes 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 14 de l'avis d'appel. L'intimée ne sait rien au sujet de ces allégations, et son avocat m'informe — et je le crois vraiment — que l'intimée ne peut répondre à ces allégations sans avoir accès à tous les documents qui sont en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de l'appelante et qui se rapportent à ces allégations.

9. De plus, l'avocat de l'intimée m'informe — et je le crois vraiment — que la communication intégrale des documents contribuerait en outre à écourter considérablement l'interrogatoire préalable de l'appelante par l'intimée, car on éviterait ainsi les nombreux engagements de rechercher et de produire des documents particuliers, qui pourraient autrement avoir à être pris, et on éviterait également ainsi la tenue d'interrogatoires préalables subséquents concernant de tels documents.

La déclaration sous serment de Patricia Sakai qui a été déposée à l'appui de la position de l'appelante concernant la requête dit notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

3. Au paragraphe 7 de sa déclaration sous serment, M. Morris dit que le point en litige est de savoir « pourquoi et par qui les frais consistant dans les intérêts, dans les commissions de montage et dans les frais juridiques et totalisant 3 722 043 $ (le « montant » ) ont été engagés et comment ces frais ont été comptabilisés » .

4. Je crois que, au paragraphe 6 de la réponse, l'intimée admet que Fletcher Challenge Investments (Canada) Limited ( « FCICL » ) a engagé les frais en question (les « frais » ). Donc, je crois que la question de savoir qui a engagé les frais n'est pas en litige dans cette affaire.

5. L'appelante admettra que les hypothèses de fait du ministre du Revenu national énoncées aux alinéas 9f), 9g) et 9h) de la réponse sont exactes. Donc, la question de savoir comment les frais ont été comptabilisés n'est pas en litige dans cette affaire.

6. J'ai lu le rapport du vérificateur joint à la présente sous la cote « C » . Je crois que le rapport a été établi par et pour Revenu Canada — Douanes, Accise et Impôt. Me fondant sur ce rapport du vérificateur, je crois que le ministre du Revenu national a notamment basé la détermination en litige sur le fait que FCICL avait réclamé les frais à l'appelante et que l'appelante avait, dans le calcul de son revenu pour son année d'imposition 1987, déduit le montant de 3 722 043 $ au titre du remboursement des frais.

[...]

9. En outre, l'avocat de l'appelante m'informe — et je le crois vraiment — que l'intimée n'a pas examiné les documents décrits dans la liste de documents de l'appelante, de sorte que l'intimée n’est pas en mesure de déterminer si les documents décrits dans la liste de documents se rapportent à la question qu'il dit être en litige.

En ce qui concerne le paragraphe 5 de la déclaration sous serment de Patricia Sakai, l'appelante admet maintenant les hypothèses de fait suivantes du ministre du Revenu national qui sont énoncées dans sa réponse:

[TRADUCTION]

9f) que l'appelante a inscrit dans ses livres comptables comme montant payable à FCICL ledit montant total de 3 722 043 $, soit lesdits intérêts de 3 597 222,22 $, lesdites « commissions de montage » de 100 000 $ et les frais juridiques de 24 821,53 $ payés ou engagés par FCICL;

9g) que, dans ses livres comptables, l'appelante a imputé ledit montant total de 3 722 043 $ sur son compte de capital-actions;

9h) que, dans la déclaration de revenus qu'elle a produite pour son année d'imposition se terminant le 31 décembre 1987, l'appelante a déduit ledit montant total de 3 722 043 $ en calculant son revenu pour cette année-là.

[11] L'avis d'appel décrit les opérations de société par lesquelles FCICL a facilité la vente des actions de l'appelante au public, et l’intimée admet que ces opérations ont eu lieu. En invoquant ces opérations, l'appelante les a rendues pertinentes aux fins de l'interrogatoire préalable. Le fait que ces opérations soient invoquées et qu'elles soient pertinentes aux fins de l'interrogatoire préalable ne signifie pas nécessairement que l'appelante est tenue à une communication intégrale concernant ces opérations alors qu’elles ne sont pas en litige ni même au coeur du différend entre les parties. D'après l'acte de procédure de l'intimée elle-même, la seule question est de savoir « si les frais de 3 722 043 $ payés ou engagés par FCICL sont déductibles dans le calcul du revenu de l'appelante » .

[12] La pièce « C » annexée à la déclaration sous serment de Patricia Sakai est un rapport de vérification, établi par D. E. Harder de Revenu Canada, concernant l'année d'imposition 1987 de l'appelante. Je ne trouve rien dans ce rapport qui indique que Revenu Canada s'intéresse à la façon dont l'appelante a utilisé les 200 000 000 $ qu'elle a reçus au moment de l'émission de ses actions. Revenu Canada semble s'intéresser plutôt à la question de savoir si certains frais de FCICL remboursés par l'appelante peuvent être déduits dans le calcul du revenu de l'appelante. Lors de l'interrogatoire préalable, l'intimée pourra s’enquérir des circonstances dans lesquelles FCICL a engagé certains frais et de la raison pour laquelle l'appelante a remboursé ces frais à FCICL.

[13] À mon avis, la question de savoir si une partie est tenue à une communication intégrale en vertu de l'article 82 dépend des questions de fait soulevées dans les actes de procédure et de la nature des faits en litige. Eu égard aux faits admis par l'intimée dans sa réponse et aux faits maintenant admis par l'appelante, soit ceux énoncés aux alinéas 9f), 9g) et 9h) de la réponse de l'intimée, je conclus qu'il reste peu de faits en litige. En vérité, je crois qu’il est fort possible que, après des interrogatoires préalables complets, cette cause soit débattue à partir d’un exposé conjoint des faits.

[14] L'article 82 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) dit que « les parties peuvent [...] demander à la Cour » une ordonnance obligeant chaque partie à déposer, etc. Cet article ne dit pas que la Cour « doit rendre » une telle ordonnance, et l'avocat ne m'a renvoyé à aucun jugement dans lequel il a été statué qu’une telle ordonnance doit être accordée. Autrement dit, la Cour semble avoir un certain pouvoir discrétionnaire quant à la question de savoir si une telle ordonnance sera rendue.

[15] Dans les circonstances particulières de l'espèce, peu de faits restant en litige, je ne suis pas convaincu que l'intimée a établi le bien-fondé d'une communication intégrale. À ce stade de l’instance, je n'imposerai pas à l'appelante le fardeau d'une communication intégrale sous le régime de l'article 82. Pour que l'intimée ait certains renseignements précis avant les interrogatoires préalables, je rendrai une ordonnance restreinte obligeant l'appelante à une communication intégrale concernant les points suivants :

1. Tous les frais d'intérêt payés par FCICL à la Banque Toronto-Dominion sur de l'argent emprunté relativement à la mise en circulation, par l'appelante, d'actions dans le public. Si ces frais d'intérêt dépassent 3 597 222 $, comment la partie de ces frais qui a été « refusée » se distingue-t-elle du reste?

2. Toutes les commissions de montage versées par FCICL à la Banque Toronto-Dominion au titre de l'argent emprunté relativement à la mise en circulation, par l'appelante, d'actions dans le public.

3. Tous les frais juridiques payés par FCICL relativement à la mise en circulation, par l'appelante, d'actions dans le public. Si ces frais juridiques dépassent 24 821 $, comment la partie de ces frais qui a été « refusée » se distingue-t-elle du reste?

[16] L'intimée pourra évidemment présenter une nouvelle demande en vertu de l'article 82 à un stade ultérieur de l’instance. Personnellement, je n'accorderais aucune autre mesure de redressement à l'intimée en vertu de l'article 82 à moins d'être convaincu que l'avocat de l'intimée a lu attentivement les documents sur la liste de l'appelante qui ont déjà été déposés en vertu de l'article 81. Je voudrais aussi que l'avocat de l'intimée spécifie les questions de fait qu'il considérait comme non réglées.

[17] Les frais de cette requête suivront l'issue de la cause.

Signé à Calgary (Alberta), Canada, ce 1er jour d'avril 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de juillet 1998.

Erich Klein, réviseur

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