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Date: 20000322

Dossier: 1999-1108-IT-I

ENTRE :

DENIS ST-LAURENT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels, entendus selon la procédure informelle, de cotisations établies par le ministre du Revenu national (“ Ministre ”) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (“ Loi ”) pour les années d'imposition 1994 et 1995. En calculant son revenu pour chacune de ces années, l'appelant a réclamé des dépenses de location et des dépenses d'emploi. Par ces cotisations, le Ministre a refusé une infime partie des dépenses de location et une partie importante des dépenses d'emploi. A l'audience, l'appelant a dit qu'il ne s'opposait pas aux nouvelles cotisations quant aux dépenses de location refusées. L'appelant conteste les cotisations uniquement en ce qui concerne les dépenses d'emploi. L'appelant avait réclamé à ce titre un montant de 8 268,16 $ en 1994 et de 15 051,14 $ en 1995. Ces montants réclamés ne couvrent que des dépenses de véhicule à moteur et se détaillent comme suit selon l'état des dépenses d'emploi que l'appelant a complété en produisant ses déclarations de revenu (pièce I-1) :

CALCUL DES FRAIS DE VÉHICULE À MOTEUR

1994

1995

Kilomètres parcourus dans l'année d'imposition pour gagner un revenu d'emploi

21 638,00

24 832,00

Total des kilomètres parcourus dans l'année d'imposition

29 544,00

32 681,00

Frais payés pour le véhicule à moteur :

Carburant

2 667,34

3 577,55

Entretien et réparations

1 773,31

2 876,66

Primes d'assurance

496,65

1 200,00

Droits d'immatriculation et permis

240,00

235,00

Déduction pour amortissement

5 526,00

9 036,90

Frais d'intérêt

285,83

2 878,03

Total

11 289,13

19 804,14

Partie des dépenses liées à un emploi

8 268,16

15 051,14

[2] En cotisant l'appelant, le Ministre a refusé des montants de 6 402,98 $ et de 10 194,24 $ au titre des dépenses d'emploi pour chacune des années 1994 et 1995 respectivement. Pour établir ces cotisations, le Ministre s'est appuyé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel :

Dépenses d'emploi

c) durant les années en litige l'appelant a occupé un emploi chez Dessol Paysagiste Limitée (Dessol), dont il est aussi le président; (admis)

d) Dessol opère dans le domaine de l'aménagement paysager et son siège social est à Hull; (admis)

e) l'emploi de l'appelant chez Dessol était saisonnier;

f) l'appelant a reçu des prestations d'assurance-emploi durant les périodes hors saison, soit d'octobre à avril; (admis)

g) l'appelant demeure à Blue Sea Lake, soit à environ 100 kilomètres du lieu d'affaires de Dessol; (admis)

h) selon le formulaire T2200-Déclaration des conditions de travail pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant était tenu de travailler ailleurs qu'à l'établissement de Dessol et était tenu de payer ses propres dépenses relatives à son véhicule; (admis)

i) l'appelant n'a pas tenu de registre convenable concernant ses déplacements et distances parcourus; (admis)

j) les distances parcourues par l'appelant entre sa résidence de Blue Sea Lake et la place d'affaire de Dessol constituent des frais personnels de l'appelant;

k) l'appelant a réclamé des dépenses d'emploi correspondant à 55% et 106% de son revenu d'emploi pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement; (admis)

l) l'appelant a réclamé des dépenses d'utilisation de véhicule pour les mois durant lesquels il recevait des prestations d'assurance-chômage;(admis)

m) au cours des années d'imposition 1994 et 1995, le Ministre estime que l'appelant a été à l'emploi de Dessol 50% de l'année;

n) le Ministre estime, en outre, que durant ses périodes d'emploi chez Dessol, 50% de l'utilisation de son véhicule a été à des fins personnelles;

o) les dépenses d'emploi demandées par l'appelant et refusées par le ministre ne sont pas raisonnables compte tenu du chiffre d'affaires de Dessol et qu'il travaillait chez Dessol qu'environ six mois par année;

p) il n'est pas raisonnable que les dépenses de véhicule moteur demandées par l'appelant et qui ont été refusées par le ministre se rapportent exclusivement à son emploi chez Dessol.

[3] J'ai entendu les témoignages de l'appelant et de sa mère, Huguette St-Laurent. L'appelant a reçu un revenu d'emploi de son employeur, Dessol Paysagiste Limitée, (“ l'employeur ”) au cours de la période estivale (six mois) durant les années 1994 et 1995. Il a expliqué que cette entreprise était la propriété de ses parents et qu'il était payé 15 $ l'heure. Il a déclaré des revenus d'emploi totalisant 15 036 $ en 1994 et 14 109 $ en 1995.

[4] L'appelant a également reçu des revenus provenant de l'assurance-emploi au cours de l'hiver, totalisant 8 388 $ en 1994 et 13 460 $ en 1995. L'appelant a cependant précisé qu'il faisait des contrats de déneigement pour son employeur au cours de l'hiver. Il aurait été rémunéré 30 $ de l'heure et aurait déclaré ses revenus pour les fins de l'assurance-emploi. Bien que l'appelant ait déposé en preuve des factures démontrant que l'employeur avait signé des contrats de déneigement avec divers clients, aucun livre de paie ou autre document n'a été déposé pour démontrer que l'appelant avait été rémunéré par son employeur au cours de cette période. De plus, la preuve ne me permet pas de vérifier si l'appelant a réellement déclaré ces revenus de déneigement, s'il en est, au Centre d'emploi du Canada au cours de la période où l'appelant encaissait ses chèques d'assurance-emploi.

[5] Selon le témoignage de l'appelant, il avait sa propre voiture sport pour faire tous ses déplacements personnels. Il se servait généralement de son camion pour tous les déplacements reliés à son emploi. Selon l'appelant, il utilisait son camion pour ses fins personnelles au cours de l'été dans une proportion de cinq à dix pour cent de son utilisation totale. L'appelant a dit qu'il avait calculé le kilométrage parcouru pour les fins de son emploi en tenant aussi compte du temps consacré à faire des estimations pour différents clients, et pour lequel il n'était pas rémunéré par l'employeur.

[6] Il a également expliqué qu'au cours de ses périodes de travail, il logeait chez sa mère, dans la ville de Hull, où se situait le siège social de l'employeur. Il ne se rendait à Blue Sea Lake qu'une fois par semaine. Madame Huguette St-Laurent a corroboré ceci.

[7] Par ailleurs, l'appelant a reconnu qu'il ne tenait pas de registre de bord au cours des années en litige. Ce n'est qu'au moment de la vérification, alors qu'on lui a fait part de l'importance de tenir un tel registre, qu'il a tenté de reconstituer son kilométrage, de façon approximative, pour les années en litige. Selon ces registres reconstitués, l'appelant a établi qu'il se déplaçait dans les régions de Hull, Aylmer et Gatineau. Selon ces registres, l'appelant aurait utilisé son camion dans une proportion de 55 pour cent du temps en 1994 et de 60 pour cent en 1995 pour les fins de son emploi. Il a expliqué qu'il faisait aussi de l'excavation à l'extérieur de la ville, ce qui lui occasionnait des déplacements pour le transport de matériaux.

[8] L'appelant a ajouté qu'il tient maintenant régulièrement son registre de bord et que pour la dernière année, il a utilisé son camion dans une proportion de 75 pour cent pour son travail. Il a également mentionné toutefois que les revenus de l'employeur avaient considérablement augmenté au cours des dernières années.

[9] A l'audience, l'appelant a mentionné qu'il serait prêt à considérer qu'il n'aurait utilisé son camion que dans une proportion de 50 pour cent dans le cadre de son emploi au cours des années en litige.

[10] L'appelant a reconnu de plus qu'il avait réclamé un trop gros montant au titre de l'amortissement. Selon une lettre d'explication donnée à l'appelant par Revenu Canada en date du 18 avril 1997 (pièce I-5), un montant de 4 110 $ a été attribué à l'amortissement pour l'année 1994 et de 6 987 $ en 1995, (au lieu des montants de 5 526 $ et de 9 036 $ initialement réclamés par l'appelant pour chacune de ces années respectivement) desquels montants une proportion de 25 pour cent a été accordée comme dépense à l'appelant pour chacune de ces années.

[11] Par ailleurs, l'avocate de l'intimée a déposé en preuve deux déclarations des conditions de travail (formulaires T2200 déposés sous la pièce I-4) signées pour l'année 1994 par madame Huguette St-Laurent. Ces deux déclarations, indiquant le nombre de kilomètres parcourus par l'appelant avec son véhicule à moteur au cours de toute l'année 1994, ont été signées le 17 mars 1994. L'une de ces déclarations indique une période d'emploi du 21 avril 1994 au 31 décembre 1994, alors que la deuxième déclaration indique une période d'emploi du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1994.

[12] L'appelant a indiqué que la première déclaration était erronée. La deuxième déclaration ainsi que celle envoyée pour l'année 1996 ont été reçues par Revenue Canada le 6 avril 1998.

Analyse

[13] La déduction permise pour frais afférents à un véhicule à moteur engagés par un employé, est prévue aux alinéas 8(1)h.1) et 8(1)j) de la Loi. Ces alinéas se lisent comme suit :

ARTICLE 8: Éléments déductibles.

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

48(1)(h.1)3

h.1) Frais afférents à un véhicule à moteur – dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas :

(i) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

(ii) demandé une déduction pour l'année en application de l'alinéa f);

48(1)j)3

j) Frais afférents à un véhicule à moteur ou à un aéronef – lorsqu'un montant est déductible en application des alinéas f), h) ou h.1) dans le calcul du revenu que le contribuable tire d'une charge ou d'un emploi pour une année d'imposition :

(i) les intérêts payés par le contribuable au cours de l'année soit sur de l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un véhicule à moteur utilisé dans l'exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi ou un aéronef nécessaire à cet exercice, soit sur un montant payable pour l'acquisition d'un tel véhicule ou aéronef,

(ii) la déduction pour amortissement pour le contribuable, autorisée par règlement, applicable, selon le cas :

(A) à un véhicule à moteur utilisé dans l'exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi,

(B) à un aéronef qui est nécessaire à l'exercice de ces fonctions.

[14] Le paragraphe 8(10) de la Loi prévoit que l'employeur doit compléter un formulaire prescrit (formulaire T2200) pour que l'employé puisse avoir droit à cette déduction. Il se lit comme suit :

48(10)3

(10) Attestation de l'employeur. Un contribuable ne peut déduire un montant pour une année d'imposition en application des alinéas (1)f), h) ou h.1) ou des sous-alinéas (1)i)(ii) ou (iii) que s'il présente, en même temps que sa déclaration de revenu pour l'année en vertu de la présente partie, un formulaire prescrit, signé par son employeur, qui atteste que les conditions visées à cette disposition ont été remplies quant au contribuable au cours de l'année.

[15] Dans le cas présent, l'appelant n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités qu'il recevait une rémunération de son employeur pendant la période hivernale. Il a été établi toutefois qu'il recevait de l'assurance-emploi au cours de cette période. En conséquence, je conclus que l'appelant n'était pas à l'emploi de Dessol Paysagiste Limitée pendant la période où il recevait de l'assurance-emploi, soit une période de six mois au cours de chacune des années en litige. Les dépenses qu'il a engagées relativement à son véhicule à moteur au cours de cette période ne peuvent donc pas être déduites à l'encontre de son revenu d'emploi.

[16] Par ailleurs, les documents soumis en preuve ne me permettent pas de déterminer de façon adéquate le nombre de kilomètres parcourus par l'appelant avec son camion pour les fins de son emploi.

[17] Dans un premier temps, les formulaires T2200 indiquent que le véhicule à moteur a été utilisé par l'appelant dans une proportion d'environ 75 pour cent pour les fins de son emploi.

[18] Pour l'année 1994, ce formulaire a été complété à deux reprises et indiquait des périodes d'emploi différentes. Ces deux formulaires ont été signés au mois de mars 1994 par madame Huguette St-Laurent au nom de l'employeur, alors qu'il restait encore neuf mois à courir au cours de cette même année. Il est difficile de concevoir que les informations y contenues, y compris le kilométrage indiqué, sont exactes dans les circonstances.

[19] Dans un deuxième temps, les formulaires signés pour les années 1994 et 1995 ont été envoyés à Revenu Canada le 6 avril 1998 alors qu'ils auraient dû être produits en même temps que les déclarations de revenu de l'appelant aux termes du paragraphe 8(10) de la Loi.

[20] Dans un troisième temps, l'appelant a modifié le calcul du nombre de kilomètres parcourus dans le cadre de son emploi, en soumettant des agendas dans lesquels il a tenté de reconstituer ce kilométrage par suite de la vérification de Revenu Canada. Dans ces agendas reconstitués, il estimait le pourcentage d'utilisation de son véhicule à moteur pour fins d'emploi à environ 60 pour cent.

[21] Finalement, lors de l'audience, l'appelant a dit qu'il était prêt à considérer qu'il n'avait utilisé son camion que dans une proportion de 50 pour cent pour son emploi.

[22] Le Ministre a accordé à l'appelant 1 865 $ en 1994 et 4 857 $ en 1995 pour ses dépenses de véhicule à moteur. Selon la pièce I-5, le Ministre a recalculé la dépense totale d'amortissement à 4 110 $ pour l'année 1994 et à 6 987 $ pour l'année 1995. Selon cette pièce I-5, le montant des dépenses d'emploi accordé était de 25 pour cent du montant des dépenses totales pour l'année (en prenant pour acquis que le camion n'était utilisé que six mois dans l'année, et ce dans une proportion de 50 pour cent, pour les fins de son emploi). Si l'on tient compte du calcul de l'amortissement corrigé, le montant des dépenses accordées représente un pourcentage de 19 pour cent des dépenses totales en 1994 (soit 1 865 $ sur des dépenses totales de 9 873 $) et de 27 pour cent en 1995 (soit 4 857 $ sur des dépenses totales de 17 755 $) attribué à l'utilisation du véhicule à moteur par l'appelant pour les fins de son emploi.

[23] Étant donné la preuve, je considère, quant à l'année 1995, que le Ministre a été juste dans son approche, compte tenu des montants déraisonnables et injustifiés qui avaient été réclamés au tout début par l'appelant en comparaison de ses revenus et de ses périodes d'emploi. Toutefois, en ce qui concerne l'année 1994, je note que le Ministre n'a accordé que 19 pour cent des dépenses totales alors que le revenu d'emploi de l'appelant était sensiblement plus élevé qu'en 1995. Je serais donc d'avis d'accorder à l'appelant au moins 25 pour cent des dépenses totales engagées pour l'utilisation du camion pour les fins de son emploi, afin d'être consistant avec la position adoptée par le Ministre dans la pièce I-5 et dans la Réponse à l'avis d'appel (paragraphes 6m) et n)). Dans les circonstances, j'accorderais un montant de 2 468 $ (soit 25 pour cent x 9 873 $) comme dépenses engagées par l'appelant pour les fins de son emploi en 1994.

[24] Je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que l'excédent des dépenses qui lui sont maintenant accordées (soit 25 pour cent des dépenses totales) puisse se justifier à titre de dépenses d'emploi. L'appelant n'ayant tenu aucun registre de bord précis au cours de ces années, il doit subir les conséquences de sa propre négligence. Compte tenu de la preuve, je ne suis pas en mesure d'intervenir davantage pour modifier la décision du Ministre.

[25] En conséquence, l'appel de la cotisation établie pour l'année d'imposition 1994 est admis sans frais et la cotisation est déférée au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit de déduire de ses revenus des dépenses d'emploi, relativement à l'utilisation de son véhicule à moteur, jusqu'à concurrence de 2 468 $. L'appel de la cotisation établie pour l'année d'imposition 1995 est rejeté et la cotisation est maintenue.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2000.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

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