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Date: 19980225

Dossiers: 96-936-IT-G; 96-937-IT-G

ENTRE :

MICHEL LANCTÔT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(lus à l’audience le 21 août 1997 à Sherbrooke (Québec))

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Monsieur Michel Lanctôt interjette appel de cotisations d'impôt sur le revenu établies par le ministre du Revenu national (ministre) pour les années d'imposition 1990 à 1994 inclusivement (période pertinente). La question en litige est de savoir si les revenus de M. Lanctôt au cours des années d'imposition en question provenaient principalement d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source.

[2] Le ministre soutient que le revenu de M. Lanctôt ne provenait pas principalement de l'agriculture et de quelque autre source et, en établissant ses cotisations pour chacune des années en litige, a limité à 8 750 $ les pertes agricoles de M. Lanctôt selon les dispositions de l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi). Tous les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3] Durant la période pertinente, M. Lanctôt exerce la profession de dentiste à Montréal et exploite une entreprise agricole dans la région de Stanstead. Depuis son enfance, M. Lanctôt rêvait de devenir fermier. Son père, un pharmacien, avait acheté une terre à Beloeil où on avait élevé quelques animaux. Durant son adolescence, M. Lanctôt a travaillé dans la ferme d'un oncle et a appris à faire les foins.

[4] En 1953, âgé de 19 ans, il a suivi durant une année un cours de mécanicien; toutefois, son père l'a encouragé à faire plutôt des études universitaires et à exercer une profession qui lui permettrait de gagner plus aisément sa vie. Il est entré à la faculté de médecine à Ottawa mais à mi-chemin s’est réorienté vers le droit.

[5] En août 1958, ayant terminé avec succès des cours du jour, il a reçu un diplôme en radio-électronique de l'Institut Teccart Inc. Il a suivi aussi un cours par correspondance de 15 leçons en éléments de menuiserie et on lui décerne le 31 novembre 1965 une attestation d'études avec grande distinction.

[6] Monsieur Lanctôt a une fois de plus changé son orientation scolaire et il s’est inscrit à la faculté de dentisterie de l'Université de Montréal; il a terminé ses études en 1969 alors qu'il était âgé d'environ 35 ans. Il a par la suite ouvert sa propre clinique tout près de l'Hôtel-Dieu à Montréal.

[7] Même si l’objectif de son père était maintenant réalisé, M. Lanctôt a affirmé qu’il n'avait jamais vraiment voulu devenir dentiste et qu'il n'a jamais aimé cette profession. Par contre, il a toujours conservé son intérêt pour l’agriculture. Il a d’ailleurs continué à visiter régulièrement des expositions agricoles et guettait l’occasion de s’acheter une ferme. Il a continué aussi à prendre des cours qui pouvaient lui être utiles dans l’exploitation d’une ferme. Ainsi, en 1977/1978, il a suivi un cours de 90 heures en électricité de construction.

[8] En 1987, 18 ans après avoir fondé sa clinique, il a accepté une offre d’un collègue pour l’achat de cette clinique pour une cinquantaine de milliers de dollars. Après la vente, cet acheteur lui a offert de travailler pour lui; M. Lanctôt a accepté de travailler quatre jours par semaine. Il avait alors environ 53 ans.

[9] Ne s'étant pas bien entendu avec ce nouveau collègue, il l’a quitté en mars 1988 et est allé exercer sa profession dans une clinique située dans un autre quartier de Montréal. Il y travaillait trois jours par semaine, ce qui représentait environ 32 ou 33 heures de travail par semaine. Il travaillait les mardis et les jeudis de 8 h à 21 h ou 22 h et les vendredis de 8 h à 13 h ou 14 h. Il doit verser 40% de ses honoraires pour le loyer et l'administration générale et assumer ses propres frais de laboratoire.

[10] Quelques mois plus tard, soit en octobre 1988, sa recherche d’une ferme aboutit finalement. Monsieur Lanctôt fait une offre d'acheter une ferme située tout près de Stanstead dans les Cantons de l'Est. On s’entend sur une somme de 152 000 $ et l'acte d'achat est signé le 1er mai 1989.

[11] Selon M. Lanctôt, l’acquisition de cette ferme allait lui permettre de prendre sa retraite de la pratique dentaire et d'entreprendre une nouvelle carrière. Il est convaincu que son exploitation agricole peut le faire vivre: il croit pouvoir dégager un profit net de 30 000 $ de cette exploitation. Ses enfants sont élevés et travaillent; deux d’entre eux sont des agronomes travaillant comme représentants commerciaux et le troisième est opérateur de machinerie lourde. Monsieur Lanctôt semble avoir mené une vie assez frugale et il me semble qu’il puisse vivre avec un train de vie plus modeste.

[12] La ferme qu'il achète comprend une terre de 482 acres, une modeste maison de ferme de quatre chambres à coucher, une vieille étable de 40' X 150', une longue remise pour le matériel d'exploitation, un silo de 20' X 60' pour l'ensilage d’herbe et un silo plus petit dans l'étable pour l'ensilage de grain. Il acquiert aussi de l'équipement d’occasion pour une somme de 15 000 $. Comme au moment de l'acquisition la ferme n'était plus opérationnelle depuis quelques années, M. Lanctôt doit effectuer beaucoup de réparations aux bâtiments et refaire des clôtures. Son voisin, qui a témoigné, a estimé que M. Lanctôt a installé environ 10 kilomètres de clôtures.

[13] Il débute son exploitation agricole avec l'élevage de veaux/vaches. Il acquiert sept vaches Highland. Ayant constaté que la vente de ces animaux ne produit pas de bénéfices, il achète une dizaine de vaches Salers et augmentera son troupeau en y ajoutant des vaches croisées; son troupeau comptera jusqu'à environ 80 têtes.

[14] Ce type d'exploitation continue jusqu'en 1994 alors qu'il décide de se réorienter vers l'élevage du mouton. Il croit qu'il y a un bon marché pour ce genre d'élevage puisque le Québec ne produit pas tout ce qu'il consomme. Il croit pouvoir mieux réussir dans ce nouvel élevage.

[15] Un technicien du ministère de l'Agriculture et des produits alimentaires du Québec ( MAPAQ) a confirmé qu'il était possible de vivre de l'élevage d’ovins au Québec lorsqu’une ferme atteint une taille suffisante. Dans un document en date du 18 janvier 1994, le technicien a confirmé que la totalité des acres de foin que M. Lanctôt possédait, soit 125 acres, et qu'il projetait d’acheter ou de louer, soit 100 acres additionnels, pouvait lui permettre de nourrir un troupeau d'au moins 600 à 650 brebis, ce qui constitue la grandeur de troupeau que M. Lanctôt désirait acquérir. Il pouvait s'en occuper seul avec de l’aide occasionnelle lors des foins et de l'agnelage.

[16] L'étable de M. Lanctôt lui fournit l'espace voulu pour abriter environ 185 brebis durant la période d'agnelage. Comme les mises bas ne se produisent pas toutes en même temps, il serait possible de faire une rotation et d'occuper la remise qu'il possède. Selon le technicien du MAPAQ, M. Lanctôt aurait besoin d'un abris additionnel d’une superficie de 3,000 pieds carrés, lequel abri n’aurait pas besoin d’ailleurs d'être entièrement enfermé : deux murs seraient suffisants. Le silo à fourrage de M. Lanctôt est aussi suffisant pour un troupeau de 200 brebis.

[17] À partir de 1990, M. Lanctôt s'installe à la ferme tout en conservant sa maison de St-Lambert comme pied-à-terre jusqu’à 1994. Il fait quotidiennement la navette entre Stanstead et Montréal pour se rendre à sa clinique et retourner à la ferme.

[18] Il se lève à cinq heures du matin, fait son « train » et quitte à six heures pour Magog où il prend l'autobus de six heures trente; il peut dormir dans l'autobus pour récupérer son manque de sommeil. Il arrive à Montréal vers neuf heures puis repart en autobus vers dix-neuf heures pour regagner la ferme à dix heures. Son voisin a confirmé l'avoir vu faire ce trajet même dans des périodes de tempête alors que lui-même ne serait pas revenu de Montréal dans de telles conditions.

[19] Monsieur Lanctôt peut travailler jusqu'à minuit à s’occuper de ses moutons et, dans les périodes de mise bas, il y consacre une bonne partie de la nuit. Au cours de la période pertinente, ses heures de clinique vont diminuer de 30 ou 32 heures par semaine à environ 20 ou 22 heures, réparties sur les mardis et les jeudis.

[20] Monsieur Lanctôt estime qu’il consacrait de 60 à 66 heures environ par semaine à sa ferme. Même s'il n'a pas eu de formation en agriculture, il a appris, comme il l’a dit, sur le tas, et toutes ses autres connaissances, soit ses connaissances médicales et celles de différents métiers, lui servent dans l'exploitation de sa ferme. Il est membre de l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est, région où l'on retrouve d'ailleurs les plus importants éleveurs du Québec. Il détient aussi sa carte de producteur forestier et agricole.

[21] Ses revenus nets tirés de l'exercice de la dentisterie pour les années 1990 à 1996 sont les suivants:

Dentisterie

AnnéeRevenu net

1990 79 518,28 $

1991 42 235,04 $

1992 53 340,04 $

1993 53 293,04 $

1994 54 597,54 $

1995 44 612,26 $

1996 49 756,97 $

[22] En plus de consacrer de loin la plus grande partie de son temps à sa ferme, il y a investi la plupart de ses ressources financières. Il a hypothéqué sa maison de St-Lambert pour garantir un prêt de 154 000 $ utilisé pour financer l’achat de la ferme. Cette maison sera vendue en décembre 1994. Il a aussi vendu, en 1993, un édifice industriel dont la valeur nette réelle de 60 000 $ a été aussi réinvestie dans sa ferme.

[23] En établissant la cotisation de M. Lanctôt en 1994, le vérificateur du ministre a reconnu qu’il exploitait une entreprise. Toutefois, le vérificateur ne croyait pas que cette entreprise représentait la principale source de revenu de M. Lanctôt. Il a accordé beaucoup d'importance au fait que M. Lanctôt avait réalisé des revenus bruts modestes et des pertes d'opération à répétition. Il ne croyait pas que la ferme puisse devenir le gagne-pain de M. Lanctôt.

[24] Voici les montants des revenus bruts et des pertes agricoles pour les années 1990 à 1996:

Année Revenus Pertes

1990 0 57 283,29 $

1991 11 793,38 $ 71 103,00 $

1992 12 275,22 $ 53 607,78 $

1993 43 705,56 $ 58 319,64 $

1994 7 347,47 $ 36 715,55 $

1995 21 722,90 $ 27 067,95 $

1996 11 594,24 $ 21 312,68 $

[25] Pour établir la rentabilité de son exploitation agricole, M. Lanctôt a produit une projection des revenus bruts que l'exploitation d'un troupeau de 260 brebis pourrait produire à compter de 1995; cette étude avait été préparée en vue de ces appels. Les projections sont basées, selon M. Lanctôt, sur des hypothèses prudentes et ne supposent qu’une croissance naturelle du troupeau tout en tenant compte des pertes normales d'animaux.

[26] En 1995, M. Lanctôt possédait environ 165 brebis et il projetait d’en acquérir 100 autres. Selon lui, une telle exploitation devait devenir rentable et, vers 1998/1999, produire suffisamment de profits pour le faire vivre. Il estime ses dépenses à environ la moitié des recettes provenant de la vente des agneaux et des agnelles.

[27] Tel qu’il est mentionné plus haut, M. Lanctôt désirait acheter une terre de 100 acres contiguë à la sienne et acheter d’autres brebis. Toutefois, les nouvelles cotisations du ministre ont apeuré ses bailleurs de fonds, soit les institutions financières, qui lui ont refusé les sommes nécessaires pour financer l’achat de la terre voisine et d’autres brebis. Les institutions financières lui refusaient des fonds tant que son problème fiscal ne serait pas réglé.

[28] Considérant l'achat de la terre voisine à 30 000 $ comme une bonne affaire, M. Lanctôt a jugé qu'il valait mieux vendre son troupeau de brebis en 1996 et effectuer l'achat de cette terre le 30 mai 1997. Il n'a pourtant pas abandonné son projet d'élever des moutons et a l'intention de s’adresser à nouveau aux institutions financières.

[29] Présentement, M. Lanctôt continue à pratiquer la dentisterie à raison de deux jours et demi par semaine; il dit qu'il lui serait difficile de revenir à plein temps à cette profession.

Analyse:

[30] La question en litige dans cette affaire n’est pas de savoir s'il existait une source de revenu ou s'il existait une entreprise. La question est plutôt de savoir si l'entreprise agricole constituait une source principale de revenu.

[31] Les tribunaux ont énoncé à plusieurs reprises l'approche qui doit les guider dans cette détermination. Dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, à la page 487, Monsieur le juge Dickson s’exprimait comme suit :

Il est clair que le mot « combinaison » utilisé à l'art. 13 ne vise pas la simple addition des deux sources de revenu d'un contribuable. En ce cas en effet, un contribuable pourrait combiner les pertes provenant de son exploitation agricole et sa plus importante source de revenu, constituant de ce fait sa principale source. Je ne pense pas que ce soit la bonne interprétation du par. 13(1). En réalité, cela signifierait que la limite prévue à cet article ne serait jamais applicable et que, dans chaque cas, le contribuable pourrait déduire l'intégralité des pertes provenant de son exploitation agricole.

A mon avis, la Loi de l'impôt sur le revenu envisage dans son ensemble trois catégories d'agriculteur:

(1) le contribuable qui peut raisonnablement s'attendre à tirer de l'agriculture la plus grande partie de son revenu ou à ce que ce soit le centre de son travail habituel. Ce contribuable, dont l’agriculture est le gagne-pain, est exempté de la limite imposée par le par. 13(1) pour les années où il subit des pertes provenant de son exploitation agricole;

(2) le contribuable qui ne considère pas l'agriculture, ou l'agriculture et une source secondaire de revenu, comme son gagne-pain mais pour qui l'exploitation d'une ferme est une entreprise secondaire. Ce contribuable a droit aux déductions prévues au par. 13(1) au titre des pertes provenant d'une exploitation agricole;

(3) le contribuable qui ne considère pas l'agriculture, ou l'agriculture et une source secondaire de revenu, comme son gagne-pain et qui poursuit une activité agricole comme passe-temps. Les pertes de ce contribuable provenant de son exploitation agricole qui ne constitue pas une entreprise, ne sont pas déductibles.

Le paragraphe 13(1) suppose l'existence d'un contribuable qui tire son revenu de l'agriculture et de quelqu’autre [sic] source et il renvoie donc à la 1re catégorie. Il vise une personne dont l'agriculture est la préoccupation majeure, tout en tenant compte de ses autres intérêts pécuniaires, comme un revenu provenant d'un investissement, d'un emploi ou d'une entreprise secondaire. L'article prévoit que ces intérêts subsidiaires ne placent pas le contribuable dans la 2e catégorie: le montant déductible pour perte n'est donc pas limité à $5,000. Bien que la proportion du revenu provenant de l'agriculture soit pertinente, elle n'est pas en elle-même décisive. Le test est à la fois relatif et objectif et on peut utiliser les critères indicatifs de la principale « source » de revenu pour discerner s'il s'agit ou non d'un intérêt auxiliaire. Une personne qui a exploité une ferme toute sa vie ne cesse pas d'appartenir à la 1re catégorie uniquement parce qu'elle reçoit un héritage. D'autre part, une personne qui change de travail et concentre ses forces et ses capitaux dans l'agriculture avec l'espoir d'en tirer son revenu principal ne perd pas son droit de déduire la totalité de ses frais d'établissement.

[32] Dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Benoît Poirier, A-132-86, décision rendue le 25 mars 1992, le juge MacGuigan ajoutait :

[...] Il est également bien établi, désormais, que pour pouvoir statuer que le revenu d'un contribuable provient principalement de l'agriculture, il faut pouvoir conclure que l'agriculture a plus d'importance que l'autre source de revenu; les critères à examiner sont notamment le temps consacré, les capitaux engagés et la rentabilité présente et future [...]

Il poursuit à la page 3 :

Il faut se rappeler que tous les facteurs doivent être appréciés dans leur ensemble et qu'il n'y a pas lieu de les dissocier.

[33] Ici, je crois que, si on apprécie tous ces facteurs dans leur ensemble, il faut conclure que M. Lanctôt a changé le centre de ses préoccupations en 1990, que l'agriculture était devenue sa préoccupation majeure et que sa pratique de la dentisterie était devenue secondaire.

[34] Si on analyse les différents facteurs pertinents, dont le premier est celui du temps, on constate que M. Lanctôt consacrait de 60 à 66 heures par semaine à l'exploitation de sa ferme alors qu’il ne consacrait que 20 ou 22 heures à la pratique de la dentisterie. Il faut aussi ajouter que M. Lanctôt habitait à Stanstead et qu'il devait voyager quotidiennement en autobus pour se rendre à Montréal pour y exercer sa profession de dentiste les mardis et jeudis.

[35] Quant au deuxième facteur, celui du capital, la preuve a révélé que M. Lanctôt a investi pratiquement toutes ses ressources financières disponibles dans l'acquisition et l'exploitation de sa ferme. Il a d'ailleurs vendu sa maison de St-Lambert en 1994, laquelle il avait grevée d’une importante dette hypothécaire pour financer l’acquisition et l’exploitation de sa ferme. Il a aussi disposé d'un autre actif, soit un immeuble industriel dont il a investi la valeur nette réelle dans la ferme.

[36] Quant à sa pratique de la dentisterie, il convient de faire remarquer que M. Lanctôt a vendu sa propre clinique en 1987 et qu'à partir de cette année-là il a assumé des frais de loyer et de gestion en remettant 40 % de ses honoraires à la clinique où il travaillait. Il n'y a donc aucune preuve établissant qu’à partir de 1988 il a investi du capital dans l'exercice de sa profession de dentiste.

[37] Quant au troisième facteur, celui de la rentatiblité, la preuve a révélé que M. Lanctôt s'est lancé dans l’exploitation agricole en diminuant considérablement ses activités dans le domaine de la dentisterie et qu'il a investi toutes ses énergies et ses capitaux dans la rentabilisation de son exploitation agricole. Il l'a fait en croyant qu'il pouvait dégager de cette activité suffisamment de revenus pour le faire vivre. Je crois au bien-fondé de cette conviction de M. Lanctôt.

[38] Monsieur Lanctôt a fourni des projections de revenus et de dépenses relativement à l'exploitation d'élevage des moutons. J'aurais aimé une preuve plus claire en ce qui a trait à la rentabilité de cette activité; toutefois, les projections de revenus et de dépenses n'ont pas été mises en doute par le ministre. De plus, le vérificateur ne met pas en doute la crédibilité de M. Lanctôt. J’estime d'ailleurs qu’en cela le vérificateur a raison.

[39] Le fait que M. Lanctôt n'a jamais aimé exercer sa profession, le fait qu'il a vendu sa clinique en 1987 et le fait qu'il menait une vie assez frugale me permettent de croire que son exploitation agricole allait devenir pour lui sa source principale de revenu et qu’il allait abandonner sa pratique de la dentisterie. Je note aussi que ce changement de carrière de M. Lanctôt est survenu vers l'âge de 53 ans, un âge où certains décident de prendre leur retraite. Monsieur Lanctôt a aussi indiqué qu'il avait l'intention de s'impliquer dans l'exploitation de sa ferme pendant encore de très nombreuses années, peut-être même jusqu'à l'âge de 80 ans, pourvu que sa santé le lui permette.

[40] Donc, appréciant l'ensemble des facteurs conformément aux propos du juge MacGuigan dans l'affaire Benoît Poirier, je crois qu'à partir de 1990, l'exploitation agricole de M. Lanctôt était devenue sa préoccupation majeure et, combinée avec ses autres sources de revenu, dont notamment ses revenus tirés de la dentisterie, sa source principale de revenu.

[41] Pour toutes ces raisons, les appels de M. Lanctôt sont admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 1998.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.

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