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Date: 19990927

Dossier: 96-4196-IT-G

ENTRE :

CLAIRE JEANNE D'ARC LANDRY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'appel dont il s'agit est interjeté à l'encontre d'une cotisation du ministre à l'égard de l'appelante pour 1992, cotisation dont l'avis est daté du 19 janvier 1996 et porte le numéro 01854. C'est une cotisation de 32 190,50 $ relative au transfert par Leonard Landry à l'appelante, le 24 février 1992 ou vers cette date, d'un intérêt de 50 p. 100 dans la résidence du 824, chemin Radar, Hanmer (Ontario), laquelle cotisation a été établie par le ministre en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) au motif que l'auteur du transfert avait transféré le bien à l'appelante pour une contrepartie nulle ou insuffisante à l'époque où l'auteur du transfert était responsable du paiement d'un montant en vertu de la Loi.

[2] Plusieurs objections préliminaires à l'ouverture du procès ont été soulevées par l'avocate de l'intimée, mais celles-ci ont essentiellement été réglées et le procès a commencé.

[3] On a convenu du fait que les documents figurant aux onglets 9 et 15 et aux pages 2, 3 et 4 de l'onglet 8 du recueil de documents de l'appelante (pièce A-1) avaient été dressés au printemps 1995 ou vers cette époque.

[4] Une ordonnance d'exclusion de témoins a été accordée. La pièce R-2 (le recueil de documents de l'intimée) a été admise, et la pièce R-3 (le recueil de documents supplémentaires de l'intimée) a également été admise en preuve.

[5] Pour commencer, l'avocat de l'appelante a dit que, en 1989, l'appelante avait acquis un intérêt résiduel de 50 p. 100 dans le bien en cause et que ses beaux-parents avaient obtenu un intérêt viager dans le bien. Ce bien a été transféré en 1992. Sa juste valeur marchande était alors nulle, car la valeur nette réelle du bien était nulle en raison du solde dû au titre de deux hypothèques enregistrées à l'égard du bien et en raison de la valeur de l'intérêt viager qu'avaient les beaux-parents de l'appelante dans le bien.

[6] L'avocat soutenait que, en transférant le bien, l'époux de l'appelante avait simplement fait ce qu'il était juridiquement tenu de faire pour l'appelante, à qui il devait une somme d'argent au moins équivalente, puisque l'appelante avait avancé des fonds à une société qu'il contrôlait. Ainsi, en transférant le bien à l'appelante, il s'était simplement acquitté des obligations qu'il avait envers elle.

[7] L'avocat faisait valoir qu'aucune cotisation n'aurait dû être établie en vertu de l'article 160.

Preuve

[8] L'appelante, qui était institutrice, était l'épouse d'un certain Leonard Landry. Elle a dit que Severin et Emma Landry étaient les parents de son époux. Elle vivait au 824, chemin Radar à l'époque du procès et avait précédemment habité au 4595, rue Rita. Cette dernière propriété avait appartenu à ses beaux-parents. À l'onglet 1 de la pièce A-1 figure une convention d'achat-vente concernant le 824, chemin Radar intervenue entre Leonard et Claire Landry et Ronald et Janice Gratton. L'acte de cession du bien-fonds à l'appelante et à son époux figure à l'onglet 2. L'appelante a témoigné que ses beaux-parents avaient vendu leur propriété de la rue Rita et qu'ils avaient fourni 77 500 $ pour l'achat du bien du chemin Radar. Le reste avait été financé par un emprunt hypothécaire de 37 000 $. Cela laissait un surplus d'environ 14 000 $, qui a servi à construire un nouveau logement pour les beaux-parents, qui avaient alors 80 et 83 ans respectivement. Les beaux-parents n'avaient pas d'autre argent. Ils n'avaient pas d'instruction, mais étaient capables de signer leur propre nom.

[9] L'appelante a dit que, lorsque la question de l'achat s'était posée, elle et son époux n'avaient pas 100 000 $ comptant et que les beaux-parents voulaient s'assurer que les 77 500 $ seraient protégés s'ils les mettaient dans la nouvelle propriété. Elle et son époux et ses beaux-parents ont convenu que, s'ils concluaient l'affaire, l'appelante et son époux hébergeraient les beaux-parents gratuitement et, si jamais ils disposaient du bien, ils devraient rendre les 77 500 $ aux beaux-parents. Les beaux-parents de l'appelante avaient leur propre avocat, qui savait qu'ils fournissaient cet argent pour la maison, mais ils sont allés voir un autre avocat, Me Lacroix, pour les questions juridiques touchent l'opération.

[10] L'appelante a dit qu'il était entendu que, s'ils vendaient le bien, elle devrait emprunter de l'argent et le remettre à ses beaux-parents et qu'il en serait ainsi également si elle et son époux se séparaient. L'avocat des beaux-parents n'avait dressé aucun document concernant ce transfert, mais l'entente entre l'appelante, ses beaux-parents et son époux a été consignée par écrit, conformément à leur intention. Les 14 000 $ ont servi à rénover le logement destiné aux beaux-parents, et une superficie de 900 pieds carrés, avec fondations, a été ajoutée à la maison. Le logement des beaux-parents a été aménagé, et les beaux-parents avaient accès à toute la maison.

[11] Le témoin a reconnu le document figurant à l'onglet 8 de la pièce A-1. Il s'agissait d'une demande d'enregistrement d'un avis d'un domaine, d'une créance ou d'un intérêt non enregistrés à l'égard du bien en cause dans la présente espèce, laquelle demande est datée du 25 avril 1995. À cette époque, le bien était enregistré au nom de l'appelante seulement.

[12] À l'appui de la créance, il y avait une entente prétendument conclue le 26 mai 1989 entre Severin et Emma Landry et Leonard Michel et Claire Jeanne d'Arc Landry. On a convenu du fait que ce document n'avait pas été signé le 26 mai 1989, mais l'appelante a dit qu'il reflétait l'entente intervenue avant la conclusion de l'opération relative à ce bien. Pour l'essentiel, le document accordait prétendument aux beaux-parents une hypothèque ou charge en equity de 77 500 $ qui grevait le bien et qui devait s'éteindre au décès du dernier vivant de Severin et d'Emma Landry.

[13] Le document figurant à l'onglet 5 de la pièce A-1 est un acte hypothécaire faisant état d'une hypothèque de 32 000 $ sur le même bien. L'appelante a dit que l'argent avait été utilisé pour l'achat, par son époux, d'un camion-grue pour la compagnie qu'il avait. Cet arrangement inquiétait l'appelante, mais elle avait quand même signé le document. L'argent avait été déposé dans son compte, puis elle avait fait un chèque de 32 000 $ à L & H Construction Steelworks Ltd. (la “ compagnie ”). Elle ne jouait aucun rôle dans la compagnie.

[14] L'appelante et son époux avaient convenu après août 1989 (mois où la convention hypothécaire a été conclue) que, s'il arrivait quelque chose à l'entreprise de l'époux, ce dernier signerait un acte cédant la maison à l'appelante. À cette époque, les documents destinés à protéger les beaux-parents de l'appelante relativement au bien n'avaient pas été signés, mais l'appelante leur avait dit qu'elle les protégerait.

[15] Un autre document de garantie figure à l'onglet 12. Il s'agit d'un document en date du 23 janvier 1992, qui a été signé par L & H Construction Steelworks Ltd. et qui cédait prétendument tous les actifs de la compagnie à Claire Jeanne d'Arc et Leonard Michel Landry. L'appelante a dit que cela s'ajoutait au droit qu'elle avait sur la maison.

[16] Un autre document, garantissant les actifs de la compagnie à Leonard Michel Landry et son épouse, figure à l'onglet 13. Ce document en date du 24 février 1992 avait été déposé au bureau provincial compétent. Le témoin a dit que ce document avait été établi pour son propre bénéfice et pour le bénéfice de son époux. Le formulaire 3C figurant à la section 12 est une attestation du dépôt du document daté du 24 février 1992.

[17] Le témoin a dit que, à l'époque, l'entreprise allait vers la faillite. Son époux a signé un document lui cédant la maison. Les finances allaient mal. Son mariage allait mal. Les paiements hypothécaires avaient d'abord été effectués par la compagnie, puis ils ont été effectués par l'appelante elle-même. Elle ne pouvait pas dire quand elle avait commencé à effectuer les paiements hypothécaires et elle n'était parvenue à trouver aucun relevé. Elle pensait avoir commencé à payer 480 $ en août 1991, car c'est à cette époque que la compagnie a fait faillite. Elle effectuait encore des paiements. Il s'agissait de l'emprunt hypothécaire ayant servi à avancer de l'argent pour l'achat du camion-grue. La compagnie n'avait aucun actif quand elle a fait faillite. Le camion avait été saisi par la caisse populaire. Le témoin a dit qu'elle n'avait rien reçu de Leonard Landry ou de la compagnie.

[18] L'onglet 16 renfermait l'acte par lequel son époux cédait le bien à l'appelante, lequel acte a été signé le 28 janvier 1992 et enregistré le 24 février 1992. Encore là, le témoin a dit que la maison lui avait été transférée en raison de l'entente conclue pour protéger ses intérêts et ceux de ses beaux-parents.

[19] Le témoin a fait référence à un billet figurant à l'onglet 9, soit un billet de 32 000 $ de la compagnie et Leonard Landry émise en faveur de Claire Jeanne d'Arc Landry à l'appui du prêt hypothécaire qui devait ultérieurement être obtenu de la caisse populaire. Ce billet est daté du 21 août 1989, mais l'appelante a dit qu'il avait été signé au printemps 1995. De même, la convention figurant à l'onglet 15, qui avait prétendument été signée le 24 février 1992, a été signée en 1995.

[20] L'appelante a dit que cette convention avait été signée en 1995 parce que son époux commençait à recevoir des documents de Revenu Canada et qu'elle voulait protéger ses beaux-parents. Elle a confirmé que l'entente remontait à 1989. Sa belle-mère est décédée en février 1998 et son beau-père en avril 1997. Ils avaient toujours vécu dans la maison gratuitement.

[21] On a attiré son attention sur la date du 24 février 1992, date à laquelle le bien lui a été transféré. On lui a demandé ce qui serait arrivé si elle avait vendu la maison 128 000 $ à cette époque. Elle a dit qu'elle n'aurait pas reçu d'argent, car il lui aurait fallu rendre les 77 500 $ à ses beaux-parents et rembourser le prêt hypothécaire, ce qui aurait dépassé les 128 000 $. Elle a dit qu'elle et son époux avaient vécu avec les parents de ce dernier durant toute leur vie de couple marié.

[22] Au cours du contre-interrogatoire, l'intimée a déposé la pièce R-2 sur consentement, ainsi que la pièce R-3, qui a été admise sous réserve d'une preuve quant aux documents considérés individuellement.

[23] Le témoin a confirmé qu'elle avait acheté le bien du 824, chemin Radar, comme en fait foi l'acte de cession figurant à l'onglet 6 de la pièce R-2. Comme je l'ai déjà mentionné, ce document était daté du 26 mai 1989. L'appelante a dit qu'ils avaient eu besoin d'un prêt hypothécaire de la caisse populaire et qu'ils avaient rencontré un monsieur qui avait approuvé le prêt. On l'a renvoyée à une lettre de la caisse populaire à Me J. Robert LeBlanc, qui portait sur la question de savoir si la caisse populaire était au courant du fait que le produit de 77 500 $ de la vente de la propriété des parents allait être utilisé par les enfants pour l'achat du bien du chemin Radar. La réponse était quelque peu confuse; ce n'était pas simplement oui ou non. De plus, on a renvoyé le témoin à un document de la caisse populaire qui n'indiquait pas que les beaux-parents étaient des créanciers de l'appelante ou de son époux à l'époque de la demande de prêt hypothécaire. On a également renvoyé le témoin à un document se trouvant à la page 13, signé par l'appelante et son époux, qui faisait état d'une série des stipulations standard quant aux charges, qui indiquaient que l'appelante et son époux étaient propriétaires du bien et que celui-ci était franc et quitte de nombreuses charges (y compris les charges en equity). On lui a demandé si elle et son époux disaient la vérité quand ils ont signé ce document, et elle a répondu qu'elle ne comprenait pas le document. Elle ne savait pas ce qu'elle signait. Elle n'était pas inquiète à ce sujet et n'avait pas soumis le document à un avocat. Puis elle a dit qu'elle ne croyait pas avoir même lu le document.

[24] On lui a demandé si le représentant de la société hypothécaire l'avait interrogée sur la question du titre libre, et elle a dit qu'elle n'avait jamais lu le document jusqu'à maintenant. On lui a fait remarquer que le paragraphe 17 du document exigeait que le débiteur hypothécaire avise le créancier hypothécaire de toutes charges subséquentes. L'appelante a dit qu'elle n'était pas au courant de cette disposition. Elle a admis qu'elle n'avait pas dit à la banque que ses beaux-parents avaient un intérêt viager dans le bien. Elle ne savait pas qu'elle devait parler à la banque de cet intérêt. Elle avait appris plus tard ce qu'était un intérêt viager. Elle n'était pas là quand les autres s'étaient réunis avec Me Lacroix.

[25] On l'a interrogée sur ce qu'elle avait dit lors de l'interrogatoire préalable, notamment en répondant à la question 72, qui concernait le covenant de titre valable. Au cours de cet interrogatoire préalable, on lui avait demandé si elle avait lu ces clauses, et elle avait dit qu'elle les avait probablement lues. Devant la Cour, elle a dit qu'elle était très nerveuse et que, à sa connaissance, les réponses données étaient exactes. Au sujet des questions et réponses 76 et 77 de l'interrogatoire préalable, elle a dit qu'elle avait donné ces réponses, mais, devant la Cour, elle a dit : [TRADUCTION] “ Je les ai données, mais je n'avais pas la moindre idée de ce qu'était une charge. ” Ces questions concernaient également l'obligation de révéler au créancier hypothécaire toutes charges grevant le bien avant la conclusion de la convention hypothécaire.

[26] Devant la Cour, on lui a demandé si elle avait fait savoir à quelqu'un qu'elle ne comprenait pas ce qu'était une charge, et elle a répondu que oui. Elle n'a pas précisé à qui elle avait dit cela ni quand. On l'a renvoyée aux questions 80, 81, 82 et 83, auxquelles elle avait répondu que personne n'avait un intérêt en equity dans le bien. Devant la Cour, elle a dit qu'elle ne savait pas ce qu'était un intérêt.

[27] Elle a dit qu'elle n'avait pas lu les documents au moyen desquels la créance de ses beaux-parents à l'égard du bien a été enregistrée et qu'elle avait simplement signé, sans le lire, le contrat de garantie se trouvant à l'onglet 12 de la pièce A-1, mais elle a admis que ce document avait été signé en 1995 et non pas en 1992 comme le document lui-même semble l'indiquer. Puis elle a dit qu'elle ne l'avait pas lu en 1995, car elle se fiait aux autres. Elle n'avait pas lu les documents avant l'interrogatoire préalable; elle avait reçu les documents relatifs aux charges, mais ne les avait pas lus, et il en avait été de même de la convention hypothécaire qu'elle avait signée à l'appui du prêt pour l'achat du camion-grue. Elle a toutefois signé ces documents. De façon générale, elle disait qu'elle pouvait avoir compris la teneur générale de ces documents et que c'était la raison pour laquelle elle les avait signés. De plus, elle a reconnu qu'elle et son époux étaient tenus de divulguer leurs dettes en demandant le prêt hypothécaire pour l'achat du camion-grue et qu'aucune mention d'une charge quelconque en faveur de ses beaux-parents n'avait été faite. En outre, elle ne se rappelait pas avoir discuté des stipulations standard quant aux charges avant l'obtention du prêt hypothécaire.

[28] Elle a admis que, lorsque l'emprunt hypothécaire de 96 000 $ avait été contracté en août 1992, elle avait des inquiétudes au sujet de la situation de la compagnie. Elle a dit que l'emprunt hypothécaire avait été contracté pour consolider leurs emprunts. Elle a admis qu'elle était tenue de divulguer l'information relative à leurs dettes et qu'elle n'avait toutefois pas révélé l'existence d'une créance potentielle de ses beaux-parents. La convention hypothécaire a été signée après qu'elle eut reçu le contrat de garantie générale de la compagnie et après que la maison eut été transférée pour une contrepartie de 2 $. Elle a dit qu'elle pouvait avoir jeté un coup d'oeil sur ce document. Elle ne savait toujours pas ce qu'était une charge.

[29] À l'époque où elle a signé la convention hypothécaire, elle avait des inquiétudes au sujet des conditions, mais pas au sujet du sens des stipulations standard quant aux charges. Elle pensait avoir mentionné à la caisse populaire que ses beaux-parents avaient un intérêt dans le bien. Elle présumait que la caisse, ayant fait des affaires avec les deux, était au courant. Elle avait probablement dit à ses beaux-parents que, s'ils ne voulaient plus vivre avec eux, elle et son époux leur rendraient leurs 77 500 $. Au bout du compte, elle a indiqué qu'ils avaient conclu une entente morale seulement et non une véritable convention. Elle a dit que ses beaux-parents avaient la vue très faible et ne savaient pas ce qu'ils signaient. Elle a dit qu'il ressortait de l'ensemble de son témoignage que c'était seulement si les parents décédaient que l'argent ne serait pas rendu. Elle croyait que l'entente indiquait la même chose. Elle a témoigné qu'elle se souciait beaucoup de ce qui était consigné par écrit, mais elle a ensuite dit qu'elle ne lisait pas les conventions.

[30] En ce qui a trait à l'emprunt de 32 000 $ contracté afin d'acheter le camion-grue pour la compagnie, elle a dit qu'elle ne connaissait pas très bien l'entreprise et ne s'en souciait pas à cette époque. Elle présumait que la compagnie allait bien. Avec le temps, elle s'était mise à s'inquiéter de ce qui arriverait s'ils ne pouvaient rembourser le prêt garanti par hypothèque grevant la maison. En 1991, elle s'était rendu compte que la compagnie avait de la difficulté à effectuer les paiements hypothécaires relatifs à la maison. Elle était au courant du fait que la garantie qu'elle avait donnée à l'égard de la compagnie avait été enregistrée et elle savait que le camion-grue était également couvert par la garantie. Elle ne savait pas si son époux avait donné une garantie personnelle à la caisse pour l'argent dû par la compagnie.

[31] Elle a admis que les trois documents ayant été établis en 1995 l'ont été parce que Revenu Canada envoyait des lettres à son époux au sujet de l'impôt qu'il devait. Elle n'était pas sûre s'il s'agissait d'impôt personnel, d'impôt foncier ou d'autre chose. Les documents avaient été dressés non pas pour assurer une protection contre la créance de Revenu Canada relative à l'impôt, mais pour protéger l'intérêt de ses beaux-parents. Elle a dit au sujet de ces documents : [TRADUCTION] “ il y avait longtemps qu'ils auraient dû être dressés ”. On lui a demandé pourquoi elle pensait que la signature des documents à ce moment-là protégerait l'intérêt de ses beaux-parents, mais elle n'a pas répondu.

[32] On lui a demandé pourquoi le billet en date du 21 août 1989 avait été signé en 1995, et elle a dit que cela avait été fait pour protéger son intérêt et celui de ses beaux-parents et non parce que Revenu Canada s'en mêlait. Jusque-là, il n'y avait rien eu d'écrit à ce sujet. Elle ne savait pas pourquoi le document n'indiquait pas des modalités de remboursement. Il n'y a eu aucune réponse quant à savoir pourquoi le document ne faisait pas mention de la maison ou pourquoi il portait 1989 comme date, mais elle a témoigné qu'elle croyait que les documents disaient que Leonard Landry lui devait 32 000 $. Il lui a été demandé pourquoi elle avait reçu un billet à son nom seulement et pas au nom de ses beaux-parents. Elle a répondu que son époux savait qu'elle s'occuperait d'eux. On lui a demandé pourquoi elle avait pris le billet si elle était prête à honorer l'intérêt de ses beaux-parents. Aucune explication n'a été donnée à ce sujet. Elle n'avait pas calculé ce qu'était l'intérêt de son époux dans la maison lorsqu'elle a reçu le transfert de celle-ci. Elle a dit : [TRADUCTION] “ Je voulais simplement que la maison soit à mon nom. ”

[33] Elle a admis que la maison avait été transférée le 24 février 1992 et que le contrat de garantie avait été enregistré le 24 février 1992 et, quand on lui a demandé pourquoi, elle a dit qu'elle l'ignorait. Elle ne savait pas si le document de garantie avait été supprimé du registre une fois la maison transférée. Elle ne savait pas ce qu'elle recevait quand elle a reçu le contrat de garantie relatif aux actifs de la compagnie; elle comprenait seulement que le bien lui était cédé.

[34] Les rapports qu'elle a eus avec Revenu Canada au sujet de la dette de son époux peuvent l'avoir incitée à signer le billet et l'entente afin de se protéger, mais ce n'est pas la raison pour laquelle elle l'a fait. L'entente avait été conclue verbalement avant qu'aucun document ne soit dressé.

[35] Le 9 octobre 1998, elle a pu faire supprimer du registre la prétendue charge en equity en faveur des Landry, ses beaux-parents étant décédés.

[36] Lors du réinterrogatoire, elle a confirmé qu'elle croyait que la caisse populaire était au courant de la participation de ses beaux-parents. Elle a dit qu'elle ne savait pas à quoi rimaient les questions 72, 73 et 74 et qu'elle ne comprenait pas le terme utilisé. Elle a dit que Me Lanteigne avait agi pour eux dans l'achat-vente de la propriété du chemin Radar ainsi que dans l'établissement de la convention hypothécaire lorsqu'ils avaient emprunté de l'argent pour la compagnie. Elle n'avait indiqué à Me Lanteigne aucun chiffre quant à l'intérêt de ses beaux-parents, mais elles avaient parlé du fait qu'ils échangeaient leur maison. Elle ne se souvenait pas que Me Lanteigne ait discuté en 1989 des obligations que l'appelante avait en vertu des hypothèques. Il était peu probable que les beaux-parents déménagent et réclament leur argent.

[37] Elle croyait que, d'après la lettre figurant à l'onglet 7 de la pièce R-3, à S-7, Revenu Canada ne lui réclamerait plus rien au titre de l'impôt de son époux en vertu de l'article 160. À cette époque-là, elle n'avait pas été l'objet d'une cotisation en vertu de cet article.

[38] André Lacroix était avocat et, à l'instigation de Me Lanteigne, avait vu Severin et Emma Landry, qui envisageaient d'emménager chez leur fils et leur belle-fille et devaient fournir de l'argent. Ils avaient discuté avec Me Lacroix d'une entente pour protéger leur intérêt, mais ont décidé de faire ce qu'ils avaient prévu et de ne pas obtenir d'entente.

[39] Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu'il ne se souvenait pas de tous les points dont il avait discuté avec eux. Il n'avait pas ouvert de dossier. Ils avaient leur propre avocat, et leur idée était faite.

[40] Nellie Lanteigne était avocate. Elle agissait pour les Landry en 1989 et avait agi pour eux depuis 1958. Elle vivait à côté de chez eux. Elle a agi pour eux relativement au bien du chemin Radar et relativement à la vente de la propriété de la rue Rita. Elle connaissait bien la vente mentionnée précédemment ainsi que l'hypothèque qui avait été accordée à la caisse populaire.

[41] Elle avait assurément des préoccupations quant au fait que les beaux-parents fournissaient le capital pour la nouvelle propriété et que celle-ci devait être au nom du fils et de la belle-fille. Elle leur avait demandé d'obtenir un avis juridique indépendant et de tenir compte de ses recommandations. Elle ne voulait pas qu'ils fassent l'objet d'un abus d'influence ou qu'une pression soit exercée sur eux. Elle se souciait de ce qu'ils soient protégés pour le reste de leur vie, mais, si aucune charge grevant le titre n'était enregistrée, il n'y aurait rien pour les protéger. Elle croyait que leur fils s'occuperait d'eux, mais, s'ils déménageaient, il faudrait qu'ils soient indemnisés pour l'argent qu'ils avaient fourni. Elle leur avait dit de s'adresser à Me Lacroix.

[42] On a renvoyé Me Lanteigne au document se trouvant à l'onglet 8 de la pièce A-1, et elle a dit qu'il reflétait assez fidèlement ce dont il avait été convenu en 1989. Severin et Emma Landry avaient convenu en effet d'emménager dans la propriété du chemin Radar et d'y avoir un logement à eux. Elle leur avait demandé ce qu'ils feraient si Claire et Leonard déménageaient. Ils lui avaient répondu que le logement devait être fourni gratuitement. Tous les soins devaient être prodigués gratuitement, et on n'avait pas discuté de la question de savoir qui paierait la nourriture. Ils ne croyaient pas qu'ils seraient admissibles à contracter un prêt et, même si la maison devait être au nom de Claire et Leonard, c'était la leur en réalité. Elle n'était pas particulièrement au courant de l'hypothèque de 30 000 $ dont le bien avait par la suite été grevé, sauf qu'elle savait que cela avait été fait pour l'entreprise de Leonard. Elle a dit que Claire n'en était pas très contente et que cela la contrariait.

[43] Au cours du contre-interrogatoire, Me Lanteigne a dit que le document figurant à l'onglet 8 de la pièce A-1 reflétait de façon générale l'entente verbale. Les beaux-parents n'avaient pas convenu de mettre en place l'hypothèque en equity mentionnée au paragraphe 2 de l'entente. Que cela ne se fasse pas ne les inquiétait pas. Elle ne pouvait dire s'ils avaient discuté de la possibilité que tous les noms figurent sur le titre.

[44] Elle avait dû mentionner aux Landry que, s'ils n'enregistraient pas leurs droits, d'autres créanciers pourraient avoir priorité. Ils étaient conscients du fait qu'ils auraient pu tout perdre. Elle avait dressé l'attestation en date du 21 août 1989 signée par Claire Jeanne d'Arc Landry, qui figure à la page 12 de l'onglet 14 de la pièce R-2. Elle l'avait expliquée à Mme Landry. Me Lanteigne a ensuite dit qu'elle avait dû lui en parler.

[45] Leonard Landry a dit qu'ils voulaient acheter le bien du chemin Radar et que ses parents avaient à cette fin mis en vente leur propriété de la rue Rita. C'est les Gratton qui ont acheté la maison de ses parents. Il a confirmé la preuve présentée précédemment par Mme Landry au sujet de l'obtention des fonds et au sujet de l'hypothèque grevant le bien. Il a dit que son père ne savait ni lire ni écrire et que sa mère savait écrire un peu, mais seulement en français. Ni l'un ni l'autre ne comprenaient des documents écrits en anglais. Avant l'achat du bien du chemin Radar, ses parents lui avaient dit que, s'ils mettaient autant d'argent dans cet achat, il devrait prendre soin d'eux pour le reste de leur vie. [TRADUCTION] “ Ils ne cracheraient pas un sou. ” Me Lanteigne en avait discuté avec eux et avait envoyé Leonard Landry voir Me Lacroix. Celui-ci avait expliqué ce qui se passait et avait dit qu'ils devraient conclure une entente pour démontrer que, si quelque chose arrivait, ses parents récupéreraient leur argent. Ils n'ont pas signé d'entente. Ils se sont simplement serré la main. Son père et sa mère lui faisaient confiance.

[46] C'était son épouse qui avait fait la demande du prêt de 33 700 $ et aussi du prêt hypothécaire suivant. Son crédit à lui n'était pas très bon, mais son épouse avait un bon travail et une bonne cote de solvabilité. Ultérieurement, le prêt pour l'achat du camion a été obtenu par son épouse. Un chèque a été fait à l'ordre de son épouse, l'argent a été déposé dans le compte de celle-ci, et elle a ensuite fait un chèque de 32 000 $ à l'ordre de la compagnie. Ses parents faisaient des affaires avec la caisse populaire depuis des années. Il a confirmé ce qu'avait dit Mme Landry concernant l'obtention et le déboursement de fonds et concernant la construction de l'annexe pour ses parents.

[47] Il a reconnu le document, signé par lui et son épouse, consentant une hypothèque à la caisse populaire afin d'obtenir l'argent nécessaire à l'achat du camion-grue pour sa compagnie. D'après lui, on n'aurait pas prêté d'argent à la compagnie. Ils avaient grevé le bien d'une hypothèque de second rang. Il a confirmé les autres documents pertinents, y compris le billet de la compagnie et lui en faveur de son épouse, le chèque relatif au camion-grue, le dépôt du produit à la banque, ainsi que le contrat de garantie générale figurant à l'onglet 12, mais il a dit qu'il ne comprenait pas ce document. Il a également reconnu les documents se trouvent aux onglets 13, 15 et 16 et a dit qu'il avait signé la convention effectuant le transfert de sa part du bien à son épouse le 24 février 1992 parce que le mariage n'allait pas bien et que son épouse effectuait les paiements depuis quatre ans; il avait donc accepté de transférer le bien. À part cela, il n'y a eu aucune autre contrepartie pour le transfert, sauf la somme de 2 $ mentionnée dans le document. Son épouse devait s'occuper de ses parents ou leur rendre leur argent. Il y avait encore de l'argent qui était dû à la caisse populaire, et Claire a effectué les paiements.

[48] Lorsqu'il a transféré le bien, soit le 24 février 1992, la valeur nette réelle du bien était nulle, car le montant du prêt hypothécaire à rembourser s'élevait à environ 68 000 $, et ils devaient à ses parents 77 000 $. La maison valait seulement 130 000 $. Ses parents ont célébré leur 70e anniversaire de leur mariage dans la maison et y ont vécu jusqu'à leur mort. Ils ne payaient rien pour y vivre. Le père est décédé en 1997 et la mère en 1998.

[49] Au cours du contre-interrogatoire, Leonard Landry a dit qu'il n'avait pas la copie du chèque de la caisse à l'ordre de son épouse, mais il pensait l'avoir remise à son avocat. Son nom et celui de son épouse étaient sur le titre, et il avait seulement signé comme garant quand il avait reçu le prêt de 37 000 $. Il avait signé comme garant parce qu'on lui avait demandé de signer. On lui a montré la convention hypothécaire relative au prêt de 37 000 $, et il a convenu que ce document indiquait qu'il était emprunteur principal et non pas garant. De même, la convention hypothécaire se rapportant au prêt de 32 000 $ indiquait qu'il était emprunteur principal. Il avait également signé les clauses relatives aux charges dans la convention hypothécaire et avait signé comme débiteur principal relativement au prêt pour l'achat du camion-grue. Il a déclaré qu'il avait signé cela au mauvais endroit, puis il a déclaré qu'il n'avait jamais lu les documents.

[50] Quand on lui a fait remarquer qu'aucun des documents n'indiquait que ses parents avaient un intérêt dans le bien, il a dit : [TRADUCTION] “ Oui, nous ne voulions pas brouiller les cartes. La caisse était au courant de nos affaires. ” Il avait signé la convention hypothécaire relative au prêt de 96 000 $ comme conjoint en 1992, c'est-à-dire en août 1992. Puis on l'a renvoyé aux pages 25, 26 et 27 en lui faisant remarquer qu'il avait signé comme emprunteur principal et qu'il n'avait révélé aucun intérêt de ses parents.

[51] Il a dit que le billet en faveur de son épouse avait été signé en 1989, comme il était indiqué sur le document. On lui a fait remarquer qu'il avait déjà été admis que ce document n'avait été signé qu'en 1995, mais il a dit qu'il ne savait pas. Il ne savait pas pourquoi ce document aurait été établi en 1995, si c'est effectivement en 1995 que cela a été fait.

[52] Il n'avait jamais lu le document de garantie du 23 janvier 1992, soit la garantie donnée par la compagnie à son épouse. Cela avait été fait parce qu'il devait de l'argent à son épouse, que la compagnie était en difficulté et que, s'il restait quoi que ce soit, son épouse allait l'obtenir. Encore une fois, il a dit qu'il n'avait pas lu ce document et qu'il ne s'y était pas intéressé. Il a dit que la date du 23 janvier 1991 figurant au verso du document était erronée et qu'il aurait fallu inscrire 1992.

[53] La maison n'était pas mentionnée dans le document de garantie, car celui-ci traitait seulement de biens détenus par la compagnie. Il a admis que l'autre actionnaire n'y avait été pour rien dans l'établissement de ce document et n'était pas au courant du fait qu'il avait été signé, bien que détenant une participation de 50 p. 100 dans la compagnie. Il y avait des difficultés entre lui et l'autre actionnaire. Il essayait de protéger les 32 000 $ investis dans la compagnie pour l'achat du camion-grue.

[54] On lui a demandé pourquoi le document du 24 février 1992 avait été établi à cette date-là, et il a dit que ce document aurait dû être établi lorsqu'ils ont acheté le bien, mais tel n'avait pas été le cas. Il ne se rappelait pas quand le document avait été établi. Il ne l'avait jamais lu. Il ne savait pas pourquoi cela avait été fait. Il a fait référence à l'acte par lequel il cédait le bien-fonds en cause à son épouse, lequel acte indiquait que la contrepartie était une somme de 2 $, plus l'amour et l'affection naturels. Il a dit qu'il s'était fié à ce que Me LeBlanc lui avait dit.

[55] Il avait des problèmes avec Revenu Canada depuis quelque temps. Il n'avait pas produit sa déclaration de revenu pour 1989 à temps et n'avait produit qu'en 1992 ses déclarations de revenu pour 1990, 1991 et 1992. On lui avait imposé une amende de 1 000 $ pour omission de produire et lui avait enjoint de produire des déclarations de revenu avant mars 1994. Il ne savait pas si les déclarations avaient été produites avant l'établissement de la cotisation.

[56] Il ne se rappelait pas que le représentant de Revenu Canada soit allé le voir. Il se pourrait qu'il se soit entretenu avec quelqu'un au téléphone et qu'il ait dit à cette personne que la compagnie allait s'éteindre et qu'il n'y avait plus d'actifs. En fait, le seul actif restant était une camionnette, qui a été vendue à Mme Landry. Il a nié que la maison ait été transférée à peu près à la même date pour la protéger contre Revenu Canada.

[57] Au cours du réinterrogatoire, la pièce A-1 a été prouvée.

[58] M. Laurent Larocque était un vérificateur de Revenu Canada. Il avait effectué une vérification de la paye de la compagnie en 1992. Il avait examiné soigneusement un livre de paye pour 1991 pour voir s'il y avait des arriérés, avait déterminé qu'il y en avait et avait essayé de les recouvrer. Il avait examiné les livres de paye à la résidence de Leonard Landry et avait traité avec ce dernier en personne. Il avait communiqué son rapport au service de recouvrement. Il avait essayé de recouvrer la somme due. Il avait discuté des actifs de la compagnie avec M. Landry. Il ne restait que des biens personnels. M. Landry lui avait dit que la propriété du chemin Radar appartenait à son épouse.

[59] On avait dit à M. Larocque que les actifs de la compagnie avaient été pris par l'autre actionnaire de la compagnie et que M. Landry avait dû remettre à la caisse un montant équivalant à la valeur du camion. M. Landry lui avait dit que son épouse avait prêté 30 000 $ pour le remboursement de certaines dettes de la compagnie et que celle-ci n'était plus en exploitation. M. Larocque avait vu seulement les livres de paye.

[60] Au cours du contre-interrogatoire, M. Larocque a dit qu'une cotisation de 3 097,81 $, plus 50 $ d'arriérés, avait été établie à l'égard de M. Landry une ou deux semaines plus tard. M. Larocque s'était concentré sur la compagnie.

[61] Franco Guescini était chef d'équipe à Revenu Canada. À l'époque pertinente, il était agent de recouvrement. Il avait pris part à l'établissement de la cotisation du fait de la responsabilité de M. Landry en tant qu'administrateur et c'est ainsi que Mme Landry s'est trouvée mêlée à cela.

[62] M. Landry était administrateur d'une compagnie et devait 3 600 $-4 000 $ à l'automne 1993. M. Landry avait dit à M. Guescini qu'il ne pouvait payer et que M. Guescini pouvait prendre les mesures qu'il voulait pour recouvrer l'argent. M. Landry avait dit que son épouse le faisait vivre. M. Guescini avait demandé un état des résultats.

[63] N'ayant trouvé aucune charge en faveur de l'appelante ou de ses beaux-parents qui grevait le titre, M. Guescini avait conclu que le bien avait une valeur nette réelle. Il n'était pas au courant du prêt hypothécaire de 32 000 $. Le document n'était pas là.

[64] Un remboursement destiné à Mme Landry avait été intercepté, et cette dernière avait accepté de payer la cotisation. M. Guescini avait libéré la compagnie de toute autre réclamation relative à cette cotisation particulière. Il a confirmé qu'il avait utilisé les chiffres fournis par la caisse populaire pour ce qui est des soldes de prêts hypothécaires impayés au 25 février 1992, soit 35 776,04 $ et 27 843,11 $. Il avait utilisé ces chiffres dans son calcul de la valeur réelle nette.

[65] Au cours du contre-interrogatoire, M. Guescini a dit qu'il n'avait pas pris part à l'établissement de la première cotisation. M. Landry avait déjà fait l'objet d'une cotisation en avril 1993 qui exigeait la paiement de 3 600 $ ou 3 700 $, plus des intérêts. C'était tout ce que M. Guescini savait. Il n'avait joué aucun rôle dans l'autre cotisation établie en vertu de l'article 160. Il savait qu'une somme beaucoup plus importante était également due. Il connaissait bien la marche à suivre pour les cotisations établies en vertu de l'article 160 et a dit que l'on reçoit généralement une évaluation et que l'on fait ensuite les ajustements nécessaires. Il avait reçu une évaluation de la caisse populaire, s'était entretenu avec un représentant de la banque et avait obtenu le solde à jour des montants des hypothèques enregistrées grevant le titre.

[66] Il n'avait pas évalué l'intérêt viager et n'avait jamais eu à toucher à cela. Il avait dit à Mme Landry qu'il n'y avait aucune déduction pour des intérêts en equity, avant de demander un avis sur la question. Il avait parlé à Mme Landry personnellement, bien que cette dernière ait eu un avocat. Elle avait appelé M. Guescini, et celui-ci croyait qu'il convenait qu'il lui parle. Il lui avait dit que toutes les procédures seraient arrêtées si elle payait la dette, mais il ne parlait que d'une cotisation en particulier. Mme Landry n'avait pas jugé nécessaire de communiquer avec son avocat.

[67] Au cours du réinterrogatoire, M. Guescini a dit qu'il n'avait jamais reçu d'appel de Me LeBlanc ou de Mme Landry après avoir envoyé la lettre disant qu'il n'exigerait de Mme Landry aucun autre montant relativement à cette cotisation-là.

[68] René Eugène Morel travaillait dans le domaine du recouvrement à Revenu Canada. Il a joué un rôle dans cette affaire. Le dossier lui avait été confié pour recouvrement de la somme due par M. Landry pour les années 1992 à 1995. Le dossier lui avait été assigné en juillet 1995. Il a dit que des cotisations arbitraires avaient été établies compte tenu du fait que M. Landry avait omis de produire des déclarations de revenu. On avait examiné la condamnation de M. Landry pour avoir omis de produire des déclarations de revenu pour les années 1989 à 1992. En août 1995, il s'était entretenu avec M. Landry. Ce dernier n'avait ni actif ni ressources et avait dit qu'il allait y avoir une faillite. Le témoin avait cherché des actifs et avait fait une recherche de biens-fonds et une recherche de véhicules. On avait découvert le transfert fait à Mme Landry en novembre 1995, auquel s'applique l'article 160, et on avait envoyé à celle-ci une lettre d'avertissement. M. Morel avait reçu une lettre de Me LeBlanc expliquant pourquoi Mme Landry n'était pas responsable de la dette. M. Morel a dit qu'il n'avait pas été au courant, jusque-là, des documents mentionnés et qu'il ne savait pas quand ils avaient été établis. Ces documents n'avaient pas de rapport avec la mesure qu'il avait prise. Il avait demandé des instructions à ses supérieurs et avait augmenté le montant de la cotisation, comme on peut le voir à l'onglet 1 de la pièce R-2. Il avait établi cette cotisation lui-même.

[69] Au cours du contre-interrogatoire, M. Morel a dit que la cotisation en question était basée sur des faits concrets. C'était une cotisation arbitraire en ce sens seulement qu'elle avait été établie sans qu'une déclaration de revenus n'ait été produite par M. Landry. Elle visait les années 1989, 1990, 1991 et 1992. M. Morel ne savait pas si M. Landry avait produit des déclarations jusque-là, mais M. Landry a bel et bien produit ensuite des déclarations par suite des procédures engagées en vertu de l'article 238. Il ne savait pas si les cotisations étaient plus élevées ou plus basses. Les cotisations arbitraires n'ont été l'objet d'aucun redressement.

[70] Ayant obtenu les documents du bureau d'enregistrement des droits immobiliers, M. Morel avait reçu des évaluations de la caisse populaire. Il avait ensuite déduit le montant des charges enregistrées grevant le titre. Il n'a jamais pris en compte de charge non enregistrée. Il avait discuté de la question avec d'autres personnes du ministère, qui lui avaient dit qu'elles ne prenaient pas en compte des charges non enregistrées. Il n'avait pas parlé aux beaux-parents de l'appelante à ce sujet. Il n'a jamais pris en compte l'effet d'un intérêt viager sur la cotisation.

Argumentation de l'appelante

[71] L'avocat de l'appelante a fait valoir que les éléments de preuve présentés pour l'appelante étaient “ divergents ”, mais on n'avait manifestement pas dit aux témoins quel devrait être leur témoignage. Leonard Landry était un homme simple. Les Landry n'avaient pas caché le fait que, en 1992, ils avaient des difficultés financières et des problèmes conjugaux. Claire Landry a décrit les modalités de l'entente conclue avec ses beaux-parents. L'entente n'est pas un mythe, puisque les documents y relatifs ont été signés en 1995. Ces documents ne vont pas à l'encontre de la preuve selon laquelle l'entente verbale existait au moment où la propriété du chemin Radar a été achetée, soit en 1989.

[72] L'avocat a fait référence au témoignage de Me Lanteigne à l'appui de cet argument. Le témoignage de Me Lanteigne confirmait l'entente et confirmait aussi le témoignage de Me Lacroix. La seule raison pour laquelle le bien a été inscrit au nom des enfants était que les parents n'étaient pas admissibles à obtenir un prêt hypothécaire. Les conventions signées en 1995 étaient simplement une tentative de consigner par écrit ce qui existait déjà.

[73] En ce qui a trait au contrat de garantie générale, les dates étaient 1991 et 1992. Les états de vérification représentent une preuve indépendante de l'existence de ce contrat. Il appartient à la Cour de déterminer, sur la foi de la preuve, si les contrats ont été signés en 1991 ou en 1992. L'avocat a parlé de la contrepartie payée pour le transfert, soit, d'après ce que dit le document de transfert, une somme de 2 $, plus l'amour et l'affection naturels. Toutefois, Mme Landry avait effectué des paiements hypothécaires pendant plus d'un an avant le transfert. Ce financement avait été mis en place pour payer le camion-grue. [TRADUCTION] “ C'est elle qui supportait tous les frais. ”

[74] L'appelante a refusé d'admettre que, au moment du transfert du bien, le solde de l'ensemble des sommes que l'auteur du transfert devait en vertu de la Loi était de 59 737,70 $, et cela n'a pas été établi selon la prépondérance des probabilités. L'avocat soutenait que les faits à la base des cotisations n'ont pas été prouvés. On n'a présenté aucun élément de preuve expliquant comment la production subséquente de déclarations de revenus pour M. Landry influerait sur la cotisation.

[75] L'intérêt des beaux-parents est présumé exister du fait de leur apport financier à l'achat de ce bien. Il y a toujours eu des hypothèques en equity, mais elles font maintenant l'objet de dispositions législatives, étant visées à l'article 10 de la Loi relative aux preuves littérales, L.R.O. 1990, ch. S.19. La thèse de l'avocat était que cet article prévoit une exception aux dispositions de l'article 1, lesquelles exigent que les domaines ou les intérêts sur des biens-fonds soient constitués par un écrit.

[76] Le ministre faisait valoir dès le départ qu'il n'existait aucun intérêt, bien que les autorités fiscales aient été avisées de l'intérêt de l'appelante et de ses beaux-parents avant la cotisation. Leonard Landry a témoigné que la valeur réelle nette du bien était nulle à l'époque du transfert à son épouse, car, à ce moment-là, les dettes grevant le bien étaient plus élevées que ce que le bien valait, soit 128 000 $ d'après l'évaluation faite à l'époque du transfert.

[77] Les mesures prises par l'appelante, son époux et ses beaux-parents après l'achat du bien confirment l'entente conclue subséquemment. La Cour devrait honorer l'entente. Les questions auxquelles doit répondre la Cour sont les suivantes :

1) Y avait-il en faveur des Landry (les beaux-parents) une charge en equity d'un montant de 77 500 $?

2) Dans l'affirmative, quel en était l'effet sur la cotisation en cause ici?

3) Y a-t-il eu une contrepartie pour le transfert fait par Leonard Landry à Claire Landry? L'avocat soutenait que oui parce qu'une contrepartie avait effectivement été donnée.

4) Le ministre a-t-il établi à l'égard de Leonard Landry une cotisation valable qui a servi de fondement à la cotisation établie en vertu de l'article 160?

5) Si la Cour conclut à l'existence d'une fiducie, elle devrait rendre une décision favorable à l'appelante.

[78] L'avocat soutenait que l'on pourrait conclure à l'existence de trois sortes de fiducies dans la présente espèce : 1) une fiducie expresse, résultant de l'intention expresse des parties (mais l'avocat admet que cela n'est pas bien documenté dans ce cas-ci); 2) une fiducie par déduction; 3) une fiducie par interprétation.

[79] L'avocat a posé la question de savoir s'il y avait une intention commune de constituer une fiducie verbalement. Il dit que oui. Il y a toujours eu le droit des beaux-parents de l'appelante de vivre à la maison, de se voir fournir des soins, etc. La preuve en est le témoignage de Me Lanteigne, qui avait discuté de la question avec les beaux-parents avant l'achat du bien. L'avocat a fait référence aux pages 8, 12 et 17 de la transcription du témoignage de Me Lanteigne. Cette dernière a témoigné que les beaux-parents ont achevé leurs jours dans la maison en question. Les parties devaient avoir l'intention de créer un droit juridiquement valable en faveur des beaux-parents. Elles entendaient que le bien soit détenu en fiducie pour les beaux-parents.

[80] Si la Cour devait conclure que cette intention commune n'existait pas, elle devrait alors déterminer s'il y avait une fiducie par déduction. Dans les circonstances de la présente espèce, où le bien a été inscrit gratuitement au nom de l'appelante et de son époux sur la base de l'argent fourni par les beaux-parents de l'appelante, il naît une présomption de fiducie par déduction. Cette présomption peut être réfutée par une preuve incompatible avec l'existence d'une fiducie par déduction, par exemple la preuve d'une intention de faire un don. La présomption de donation peut être réfutée et l'a été. En effet, il y a eu une contrepartie : l'appelante et son époux devaient s'occuper des parents de ce dernier et leur rendre l'argent dans certaines conditions. Il y avait ici une fiducie par déduction. Il n'y a pas de présomption d'avancement de part successorale.

[81] Le témoignage de Me Lanteigne, reproduit aux pages 7, 8 et 17 de la transcription, détruit la présomption de donation. L'avocat se fondait beaucoup sur l'affaire Savoie v. The Queen, 93 DTC 552 (C.C.I.). Il soutenait que les faits de l'affaire Savoie, précitée, étaient très semblables aux faits de la présente espèce, sauf que ceux-ci justifient encore plus une conclusion favorable à la partie appelante. En effet, les beaux-parents de l'appelante en l'espèce ont fourni les 77 000 $.

[82] Il est vrai que, dans la présente espèce, les beaux-parents de l'appelante avaient demandé et obtenu un avis juridique. Cependant, cela ne devrait pas empêcher de conclure à l'existence d'une fiducie par déduction. Ils faisaient confiance à leur fils, ce qui ne devrait pas être fatal à leur cause. Dans l'affaire précitée, le juge Bowman devait se fonder sur des faits beaucoup moins nombreux que ceux établis en l'espèce et avait pourtant conclu à l'existence d'une fiducie. L'avocat était en outre conforté jusqu'à un certain point dans son argument par le jugement Holizki v. The Queen, 95 DTC 5591 (C.F., 1re inst.), notamment à la page 35, où le juge Rothstein prenait en compte non seulement ce que le contribuable et son épouse avaient dit, mais également la façon dont ils s'étaient comportés dans les circonstances. Dans cette dernière affaire, le juge Rothstein avait également pris en compte le témoignage du comptable. Dans la présente espèce, l'avocat estimait que le témoignage de Me Lanteigne confirmait l'intention susmentionnée. Dans l'affaire Anderson Estate v. The Queen, 95 DTC 758 (C.C.I.), le juge Mogan avait appliqué la présomption de l'existence d'une fiducie par interprétation entre le contribuable et sa belle-soeur.

[83] L'avocat arguait qu'il existait également une fiducie par interprétation dans la présente espèce. Une telle fiducie ne dépend pas de l'intention des parties, que cette intention soit explicite ou présumée. Il soutenait que les tribunaux canadiens ont considéré la fiducie par interprétation comme étant basée sur l'enrichissement sans cause et comme représentant un redressement plutôt qu'une institution distincte. Il a de nouveau fait référence à la fiducie par interprétation à l'existence de laquelle le juge Bowman avait conclu dans l'affaire Savoie, précitée, où les Savoie, qui n'étaient pas des gens instruits, avaient agi en équipe et avaient acquis ce qu'ils avaient acquis en équipe, grâce à leurs efforts conjoints. Le juge Bowman avait conclu qu'il serait inconcevable de conclure que le droit de Mme Savoie dépendait d'une forme de cession dont elle ne comprenait pas les répercussions juridiques. L'avocat soutenait que les faits de l'affaire Savoie sont semblables à ceux de la présente espèce.

[84] L'avocat a également fait référence aux conclusions du juge Bowman dans l'affaire Collins v. The Queen, 96 DTC 1034 (C.C.I.), où il a dit ce qui suit : “ À la lumière de ce qui précède, je crois que cette Cour peut déterminer l'existence des éléments qui permettraient à un tribunal compétent d'accorder un redressement fondé sur l'existence d'une fiducie par interprétation. Si la Cour canadienne de l'impôt conclut à l'existence de ces éléments, elle peut ensuite régler un point en litige dans un appel fondé sur la Loi de l'impôt sur le revenu.

[85] L'avocat faisait valoir que, dans la présente espèce, il y avait enrichissement sans cause de M. Landry fils. L'avocat était d'avis que les trois éléments nécessaires pour fonder une action pour enrichissement sans cause sont, ainsi que le disait le juge Bowman : “ l'enrichissement d'une personne, un appauvrissement correspondant de la personne, qui a contribué à l'enrichissement et l'absence de tout motif juridique justifiant l'enrichissement ” (comme une décision de deux personnes, bien conseillées, d'arranger leurs affaires d'une façon particulière).

[86] Le présent appel devrait donc être accueilli avec dépens.

Argumentation de l'intimée

[87] En ce qui a trait à l'argument selon lequel le ministre n'a pas bien établi le fondement d'une cotisation selon l'article 160, l'avocate disait que le fondement de la cotisation n'avait pas été contesté dans l'avis d'appel et que cet argument était donc inapproprié. Au sujet de l'allégation selon laquelle les parents de l'époux de l'appelante avaient dans le bien un intérêt en equity, l'avocate a soutenu que la preuve indiquait clairement que les parents avaient vendu leur maison et donné le produit de la vente à leur fils et leur belle-fille pour les aider à acheter une autre maison. Ils leur avaient donné à cette fin de l'argent comptant. Ils avaient eu des avis juridiques clairs de deux avocats indiquant que, s'ils voulaient protéger leur intérêt, ils devaient y voir. Ces deux avocats étaient des francophones, et l'on ne peut prétendre que les parents n'ont pas compris ce qui avait été discuté, car la discussion doit avoir eu lieu en français.

[88] Les parents ont rejeté ces conseils, car ils étaient sûrs que leur fils et leur belle-fille s'occuperaient d'eux. Cela ressort clairement du témoignage de Me Lanteigne. Cette dernière a dit sans équivoque qu'il existait une entente selon laquelle Claire et Leonard avaient l'obligation de s'occuper des parents de celui-ci; par contre, Leonard n'a pas dit que ses parents avaient un intérêt dans le bien-fonds garanti par l'hypothèque, mais a dit seulement que Claire et lui leur devaient de l'argent. Les parents croyaient qu'ils n'auraient jamais de problèmes et que, partout où Leonard et Claire iraient, ils iraient avec eux. Leurs conseillers juridiques leur avaient dit clairement qu'ils ne seraient pas protégés, mais ils avaient choisi de faire fi de cet avis. Me Lacroix leur avait également suggéré de conclure une entente, et ils avaient également fait fi de cette suggestion. Me Lanteigne avait dit clairement aux parties intéressées, lorsque le bien a été grevé de l'hypothèque de 32 000 $, que le foyer conjugal pouvait être saisi, pourtant, aucun effort n'a été fait pour qu'une hypothèque sur le bien soit consentie aux beaux-parents de l'appelante de manière à protéger leur intérêt. Chaque fois qu'une hypothèque a été consentie, les Landry ont rempli les formules de demande de prêt, et il est clair qu'ils n'ont révélé aucun intérêt des parents dans le bien du chemin Radar. Ils ont signé un document contenant une série de conditions standard qui exigeaient qu'ils déclarent toute charge grevant le bien comme la prétendue créance des beaux-parents. Ils ont indiqué qu'ils détenaient le bien franc et quitte de toutes charges, sauf celles mentionnées dans les registres. Deux fois ils se sont prévalus de ce document et ont fait en sorte que la société hypothécaire se fonde là-dessus. Ils se présentent maintenant devant la Cour et font valoir qu'il y avait une fiducie en faveur des beaux-parents de l'appelante, parce qu'il est avantageux de le faire à ce stade-ci.

[89] On a demandé à M. Landry pourquoi il n'avait pas révélé l'existence d'un tel intérêt. Il a dit qu'il ne voulait pas brouiller les cartes.

[90] L'avocate demande qu'une conclusion défavorable à l'appelante soit tirée du fait que celle-ci n'a appelé comme témoin aucun employé de la banque pour dire qu'il était au courant du prétendu intérêt des beaux-parents dans le bien. Si cela n'a pas été fait, c'est simplement parce qu'ils craignaient qu'un tel employé dise ignorer l'existence d'un tel intérêt. Il était clair que la compagnie a commencé à avoir des problèmes. Le 7 février 1992, il y avait eu une vérification de la paye, mais M. Landry ne s'en souvenait même pas, bien qu'il ait confirmé à l'audience certains faits qui étaient ressortis au cours de la conversation. Il a transféré la maison à son épouse le 24 février 1992. Cela devrait éveiller les soupçons de la Cour. On n'a produit aucun document pour prouver l'existence d'un intérêt des beaux-parents dans le bien et aucune mention n'a été faite de l'existence du billet. Le compte a été réglé par Mme Landry après que toutes les conventions furent rédigées et conclues. En 1995, l'intérêt de M. et Mme Landry a été enregistré.

[91] Après que la lettre d'avertissement au sujet de la possibilité d'une cotisation établie en vertu de l'article 160 fut envoyée à Mme Landry, son avocat a envoyé une lettre qui était trompeuse en ce sens qu'elle incluait des documents mais ne disait pas qu'ils avaient été établis après coup.

[92] Le prétendu billet émis en 1995 n'était plus nécessaire, car le bien avait déjà été transféré. Il ne pouvait qu'être destiné à tromper Revenu Canada.

[93] Même si Mme Landry avait une créance à l'égard du bien, son montant devrait être non pas de 32 000 $, mais de la moitié seulement, car Mme Landry était propriétaire de 50 p. 100 du bien.

[94] La Cour devrait vraiment s'interroger sur la crédibilité de Mme Landry, puisque le témoignage qu'elle a donné à l'audience s'écartait considérablement de celui qu'elle avait présenté lors de l'interrogatoire préalable. Il serait déraisonnable d'accepter son témoignage selon lequel elle ne lisait jamais les documents parce qu'elle faisait confiance aux autres, bien qu'étant soucieuse de protéger ses beaux-parents. Elle a dit qu'elle avait signé parce que son époux lui avait dit de le faire. Cela n'a aucun sens, car elle a dit que son mariage s'en allait à vau-l'eau et que la compagnie était en difficulté, de sorte qu'elle aurait dû à plus forte raison lire les documents soigneusement. Elle avait rejeté l'avis de Me Lanteigne et de Me Lacroix de grever le bien d'une charge en faveur des beaux-parents pour protéger leur intérêt dans celui-ci.

[95] L'appelante a reconnu qu'elle savait quand les documents avaient été établis, soit en 1995, mais elle a dit qu'elle les avait signés seulement parce que son époux voulait qu'elle le fasse. Elle a dit d'abord qu'elle les avait signés pour protéger ses beaux-parents, puis qu'elle l'avait fait parce que son époux voulait qu'elle le fasse.

[96] Tous les témoins ont déposé concernant l'obligation morale qu'avaient l'appelante et son époux de s'occuper des parents de ce dernier, mais personne n'a témoigné quant à l'existence d'une obligation juridique. Aucun élément de preuve n'indique que la caisse populaire a fait le chèque pour le montant du prêt hypothécaire de 32 000 $.

[97] M. Landry a dit que l'entente entre lui et Mme Landry avait été établie pour protéger l'intérêt viager des parents de M. Landry, mais cette entente n'avait rien à voir avec l'intérêt viager de ses parents, sauf qu'elle en faisait mention.

[98] L'appelante et son époux ont toujours traité le bien comme si c'était le leur. L'emprunt hypothécaire de 32 000 $ qui avait été contracté n'avait rien à voir avec les beaux-parents de l'appelante. L'appelante et son époux ont eu, depuis le début, l'intention de tromper la Cour.

[99] L'avocate a fait référence à l'affaire Algoa Trust et al. v. The Queen, 93 DTC 405 (C.C.I.), pour illustrer l'objet de l'article 160, qui est de faire obstacle à toute tentative d'un contribuable de transférer un bien à une autre personne sans contrepartie, alors que le contribuable doit de l'argent à Revenu Canada et que le bien en question aurait été disponible pour payer la dette fiscale.

[100] Dans la présente espèce, il n'y avait aucune fiducie, car les parties n'entendaient pas constituer une fiducie. Il n'y avait aucune fiducie expresse, aucune fiducie par interprétation et aucun enrichissement sans cause. Si une fiducie existait, elle n'était pas susceptible d'être transférée à quelqu'un d'autre, et seuls les Landry pouvaient le faire respecter.

[101] L'avocate a également fait référence à l'affaire Her Majesty the Queen v. A.D. Friedberg, 92 DTC 6031 (C.A.F.), dans laquelle le juge Linden, parlant pour la Cour d'appel fédérale, a dit à la page 6032 : “ En droit fiscal, la forme a de l'importance. Une simple intention subjective, en l'espèce comme dans d'autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d'une opération aux fins de l'impôt. Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d'éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil 91 D.T.C. 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés. ” Tel est le cas dans la présente espèce.

[102] La Cour ne devrait accorder absolument aucun poids aux documents qui ont été signés après coup, car ils ne sont pas pertinents.

[103] Pour ce qui est de l'argument concernant la Loi relative aux preuves littérales, l'avocate arguait que, en vertu de l'article 1 de celle-ci, une personne n'ayant aucun écrit n'a aucune chance, à moins que ne s'applique l'exception prévue à l'article 10. Cependant, pour que l'article 10 s'applique, il doit y avoir eu une cession. Or, les beaux-parents de l'appelante n'ont rien cédé : ils ont fourni l'argent à leur fils et leur belle-fille. Donc, l'article 10 ne s'applique pas.

[104] Il n'existait aucune intention de faire en sorte qu'un intérêt sur le bien-fonds soit réservé aux beaux-parents de l'appelante. La seule intention était de faire en sorte qu'ils soient remboursés ou que l'on s'occupe d'eux.

[105] Même s'il existe une fiducie, l'appelante a un autre problème en raison des dispositions de l'article 248.1, car il y a tout de même eu un transfert qui est censé tomber sous le coup de l'article 160. S'il existait une fiducie, Leonard Landry et son épouse pouvaient s'en libérer en fournissant des services. C'est ce qui a été fait, et les conditions de la fiducie ont donc été remplies.

[106] L'avocate arguait également que le billet de 32 000 $ en faveur de l'appelante n'était pas un vrai billet. Il ne mentionnait aucune date d'exigibilité et n'était pas payable à vue. Il est sans conséquence. Aucune contrepartie n'a été transmise par l'appelante à M. Landry lorsque ce dernier lui a transféré le bien.

[107] L'avocate invoquait le jugement The Canadian Imperial Bank of Commerce (CIBC) v. Morgan (1993), 143 A.R. 36 (B.R. Alb.), à l'appui de la proposition selon laquelle le document susmentionné n'était pas un billet au sens de la Loi sur les lettres de change. Donc, il ne s'agit pas d'une créance valable.

[108] De plus, une partie du prêt a été remboursée, de sorte que le solde impayé n'était que de 27 843,11 $ à la date du transfert du bien. L'appelante n'aurait donc pu faire valoir qu'une créance représentant la moitié de cette somme.

[109] L'avocate a fait valoir que l'appelante a droit de toute façon à un crédit de 500 $, car il y avait une erreur dans la cotisation, et que l'appel devrait être accueilli à l'égard de ces 500 $.

[110] L'appel devrait par ailleurs être rejeté.

[111] L'avocate a également dit qu'elle voulait, après le dépôt de la décision de la Cour dans cette affaire, formuler des observations relatives à l'adjudication des dépens sur une base procureur-client.

Contre-preuve

[112] En contre-preuve, l'avocat de l'appelante a dit que ce qui s'était produit en l'espèce était en fait un échange de maisons, les beaux-parents de l'appelante ayant cédé leur maison aux vendeurs de la maison achetée par l'appelante et son époux, et qu'il y a donc eu une cession visée par la Loi relative aux preuves littérales.

[113] De plus, l'avocat soutenait qu'il y aurait un enrichissement sans cause de l'appelante et son ex-époux si la Cour ne reconnaissait pas la créance des beaux-parents de l'appelante relative au bien.

[114] Sur la question de la contrepartie donnée pour le prêt hypothécaire de 32 000 $, l'avocat arguait que Leonard Landry avait une dette envers Claire Landry. Leonard Landry a transféré à Claire Landry son intérêt de 50 p. 100 dans le bien et s'est ainsi acquitté de l'obligation qu'il avait envers elle. La question est donc de savoir ce que Leonard Landry a cédé à Claire Landry et ce qu'il a reçu en contrepartie. La réponse est que Claire Landry a renoncé à une valeur réelle en échange du transfert, et la valeur nette réelle du bien transféré qui avait été déterminée par le ministre devrait donc être réduite de 32 000 $ ou au moins de 16 000 $ si la Cour devait conclure que l'appelante détenait un intérêt de 50 p. 100 dans l'emprunt.

[115] Sur la question de la fiducie, l'avocat a fait valoir que, au moment du transfert, les beaux-parents de l'appelante vivaient encore dans la maison en question et que l'on ne pouvait déterminer si les conditions de la fiducie seraient remplies ou non. Quoi qu'il en soit, personne n'aurait voulu acheter un bien faisant l'objet d'une fiducie comportant de telles conditions. Donc, la valeur nette réelle du bien devrait être réduite de 77 500 $, soit le montant de l'avance.

[116] L'avocat faisait également remarquer qu'il avait commis une erreur de stratégie en ce qu'il n'avait pas appelé à témoigner le directeur de la caisse populaire, car il avait misé sur le fait qu'il serait appelé comme témoin par l'intimée, ce qui n'a pas été le cas.

Analyse et décision

[117] En dernière analyse, la question dans la présente espèce concerne la valeur nette réelle de l'intérêt de l'appelante dans le bien au moment du transfert, soit le 24 février 1992. Le ministre a établi à l'égard de l'appelante une cotisation basée sur le fait que la valeur nette réelle de l'intérêt de l'appelante dans le bien au moment du transfert était de 32 690,50 $, mais on a convenu que ce montant était inexact à cause d'une erreur arithmétique et que le montant de la cotisation aurait dû être de 32 190,50 $. Le ministre a établi à l'égard de l'appelante une cotisation pour ce montant en se fondant sur l'article 160 de la Loi, étant donné, selon le ministre, que ce montant représentait la valeur nette réelle de l'intérêt de l'appelante dans le bien au moment de la cession, c'est-à-dire le 24 février 1992 ou avant.

[118] Pour que l'appelante ait gain de cause en l'espèce, elle doit établir selon la prépondérance des probabilités que cette cotisation était inexacte. L'appelante soutient que, au moment du transfert, la valeur nette réelle du bien pour son époux était nulle et que, en fait, la valeur totale des charges grevant le bien dépassait la valeur du bien, laquelle était estimée à 128 000 $. L'avocat a présenté la cause en posant quatre questions :

1) Le bien était-il grevé d'une charge en equity de 77 500 $ en faveur des beaux-parents de l'appelante?

2) Dans l'affirmative, quel était l'effet de cette charge sur la cotisation établie par le ministre?

3) Le transfert à l'appelante, par son époux, a-t-il été fait pour une contrepartie de valeur?

4) Le ministre a-t-il établi des faits justifiant une cotisation selon l'article 160 basée sur la somme que l'auteur du transfert devait au moment du transfert?

[119] La Cour traitera d'abord de la question 4 posée par l'appelante. La Cour est convaincue que la preuve établit hors de tout doute la justification de la cotisation selon l'article 160. L'hypothèse formulée dans la réponse à l'avis d'appel n'a pas été réfutée et, en fait, des éléments de preuve précis présentés par des témoins de l'appelante indiquent que la cotisation était bien fondée. La Cour n'a aucun doute que la cotisation était basée sur des faits appropriés et que, au moment du transfert en question, le total des montants que l'auteur du transfert devait en vertu de la Loi, pour l'année d'imposition dans laquelle le bien a été transféré ou une année précédente, était de 59 737,70 $.

[120] L'avocat de l'appelante a fait valoir que, puisqu'il avait nié le fondement de la cotisation et refusé de reconnaître dans l'avis d'aveu quant aux faits que ce montant était dû par l'auteur du transfert, le ministre doit produire des éléments de preuve pour convaincre la Cour du bien-fondé de la cotisation. Dans la réponse à l'avis d'appel, le ministre a toutefois plaidé qu'au moment du transfert l'auteur du transfert devait le montant susmentionné en vertu de la Loi, de sorte qu'il incombe à l'appelante de convaincre la Cour selon la prépondérance des probabilités que ce n'était pas le cas. L'appelante ne s'est pas acquittée de cette charge, et le ministre a en fait démontré, selon la preuve présentée, que la cotisation reposait bel et bien sur les faits et que celle-ci était exacte.

[121] Le point 4 de l'argumentation présentée pour l'appelante est rejeté.

[122] La deuxième question importante est de savoir si le bien était grevé d'une charge en equity, d'un montant de 77 500 $ ou d'un autre montant, en faveur des beaux-parents de l'appelante. Dans l'affirmative, le même montant devra également être déduit de la valeur nette réelle de l'intérêt de l'appelante calculée par le ministre. L'avocat de l'appelante a traité en détail de la jurisprudence à cet égard, ainsi que d'un article très détaillé sur les fiducies expresses, les fiducies par déduction et les fiducies par interprétation, et il a conclu qu'il existait une fiducie en faveur des beaux-parents de l'appelante, que ce soit une fiducie expresse, une fiducie par déduction ou une fiducie par interprétation.

[123] La Cour ne doute nullement qu'aucune fiducie expresse n'a été constituée en l'espèce. Elle convient avec l'avocat de l'appelante que l'existence d'une telle fiducie n'était pas bien documentée; il n'y avait effectivement aucune preuve substantielle de l'existence d'une fiducie expresse. Pour ce qui est de l'argument relatif à l'existence d'une fiducie par déduction, l'avocat de l'appelante a fait valoir qu'une telle fiducie peut prendre naissance dans deux circonstances. Tout d'abord, cela peut arriver lorsqu'un constituant crée une fiducie expresse mais omet en fait de disposer de l'intérêt bénéficiaire au complet. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la Cour ayant déjà conclu qu'aucune fiducie expresse n'avait été constituée.

[124] Le deuxième ensemble de circonstances dans lequel une fiducie par déduction prend naissance, d'après l'avocat de l'appelante, c'est lorsqu'une personne — par exemple les beaux-parents en l'espèce — achète un bien et le transfère à son fils et sa belle-fille. Dans un tel cas, il y a ordinairement une présomption de fiducie par déduction en faveur de l'auteur du transfert. Cette présomption peut être réfutée par une preuve incompatible avec l'existence d'une fiducie par déduction, par exemple une preuve de l'intention de faire un don. La présomption de fiducie par déduction ne joue pas dans le cas de certaines relations, par exemple lorsque l'acheteur et auteur du transfert est le père de la personne à qui le bien est transféré. Dans un tel cas, il y a plutôt une présomption d'avancement de part successorale, c'est-à-dire une présomption d'intention de faire un don. L'avocat a soutenu toutefois que cette présomption peut être réfutée. Initialement, il avait fait valoir qu'en droit une fiducie par déduction peut résulter de l'intention commune des parties, mais il a semblé ensuite admettre qu'il s'agissait là en fait d'une fiducie expresse.

[125] S'appuyant sur les faits de l'espèce, l'avocat a soutenu qu'une contrepartie avait été donnée par l'appelante et son époux aux parents de ce dernier, en ce sens que l'appelante et son époux s'étaient engagés à s'occuper des parents, à prendre soin d'eux et à leur rendre l'argent dans certaines circonstances. Cela étant, la présomption d'avancement de part successorale était réfutée, et il y avait fiducie par déduction.

[126] L'avocat soutenait aussi que le témoignage des deux avocats indiquait qu'il n'y avait aucune intention de faire un don et que la présomption d'intention de faire un don a été réfutée. La constitution de la fiducie par déduction ne devrait pas être invalidée du fait qu'un avis juridique avait été demandé ou parce que les parents faisaient confiance à leur fils.

[127] La Cour est convaincue qu'il n'y avait aucune fiducie par déduction en l'espèce et que l'appelante ne peut obtenir une décision favorable fondée sur l'existence d'une telle fiducie.

[128] L'argument le plus fort de l'avocat a été celui relatif à la fiducie par interprétation, laquelle est imposée à l'égard de l'ensemble du bien par l'effet de la loi. Cela ne dépend pas de l'intention des parties, explicite ou présumée. L'avocat faisait valoir que [TRADUCTION] “ les tribunaux canadiens ont établi un principe général en matière d'enrichissement sans cause ”. La fiducie par interprétation a été considérée, du moins en général, comme étant basée sur l'enrichissement sans cause et, du moins en général, comme représentant un redressement plutôt qu'une institution distincte. Dans la présente espèce, il y a eu un enrichissement sans cause de l'appelante et son époux au détriment des parents de ce dernier, comme l'indique la preuve.

[129] L'avocat était grandement conforté dans son argument par la situation factuelle dans l'affaire Savoie, précitée. Il a fait valoir qu'un bon nombre des facteurs que le juge Bowman avait considérés en concluant, dans cette affaire-là, à l'existence d'une fiducie par interprétation s'appliquaient également aux faits de la présente espèce. Les Savoie avaient exhorté la Cour à conclure à une intention commune des parties, dans les circonstances, de constituer la fiducie. En outre, M. et Mme Savoie n'étaient pas des personnes instruites, un peu comme les beaux-parents de l'appelante dans la présente espèce. On voulait probablement dire par là qu'en l'espèce il serait inconcevable que cette cour nie le droit des beaux-parents de l'appelante à un intérêt dans le bien et conclue que ce droit dépendait d'une forme de cession qu'ils ne comprenaient pas. Par ailleurs, l'avocate de l'intimée a fait remarquer que des éléments de preuve clairs indiquaient que les conseils juridiques de deux avocats avaient été demandés par toutes les parties en l'espèce, c'est-à-dire les parents ainsi que l'appelante et son époux. Apparemment, il n'y avait aucune barrière linguistique ou autre raison pouvant expliquer l'omission de constituer une fiducie précise protégeant le prétendu intérêt qu'on voulait conférer aux beaux-parents de l'appelante, malgré l'indication claire de deux avocats selon laquelle une telle protection devait être assurée. Donc, comme le faisait valoir l'avocate de l'intimée, l'affaire Savoie, précitée, ne s'applique pas, car, même dans cette cause-là, le savant juge présidant le procès a dit que la situation est différente lorsque des personnes effectuent une cession en connaissant pleinement les conséquences juridiques, comme l'ont fait dans la présente espèce les beaux-parents de l'appelante, qui ont malgré tout transféré le bien à l'appelante et son époux sans s'assurer une protection quelconque.

[130] Cela indique clairement que les beaux-parents n'entendaient pas se protéger et qu'ils étaient confiants que leur fils et leur belle-fille feraient ce qu'ils avaient dit, et ils n'exigeaient rien d'autre. Les beaux-parents ont choisi de faire fi des conseils donnés, et on ne saurait maintenant invoquer une fiducie par interprétation.

[131] La Cour considère comme avéré qu'une interprétation raisonnable de la preuve mène à une telle conclusion.

[132] Dès le début, les beaux-parents, l'appelante et son époux ont agi à l'égard du bien de telle manière qu'il est indubitable qu'ils n'ont soumis la propriété du bien-fonds en question à aucune restriction et que l'appelante et son conjoint étaient libres d'en faire ce qu'ils voulaient.

[133] Dans les documents financiers remplis pour la banque, dans les conventions hypothécaires qui ont été conclues et dans les discussions avec les prêteurs, il n'a aucunement été fait mention de droits des parents sur le bien-fonds et, en fait, l'appelante et son époux ont toujours attesté qu'aucune charge semblable n'existait.

[134] Il en a été ainsi jusqu'à ce que des documents soient signés et enregistrés après coup, documents auxquels la Cour n'accorde absolument aucun poids.

[135] De tels documents ne pouvaient avoir, et n'avaient pas, pour effet de confirmer une prétendue intention de créer de tels droits pour les parents. En fait, il ressort d'un examen impartial du témoignage de l'appelante et de son époux et de celui des deux avocats que le principal souci des parents était d'avoir un endroit où passer le reste de leurs jours gratuitement et que les parents étaient sûrs que leur fils et leur belle-fille y veilleraient. Il n'y a dans la preuve rien qui indique que les parents souhaitaient en recevoir davantage comme contrepartie, et encore moins que telle était leur intention.

[136] Pour leurs propres raisons, les parents ont choisi une voie juridiquement risquée, et ce, malgré les avertissements qu'ils avaient reçus selon lesquels ils devraient protéger leurs intérêts de façon plus formelle.

[137] Assurément, telle est la situation que le juge Bowman avait à l'esprit dans l'affaire Savoie, précitée, en disant clairement qu'il ne conclurait pas à l'existence d'une fiducie par interprétation ou par déduction dans des circonstances semblables à celles de la présente espèce.

[138] La Cour est convaincue qu'aucune fiducie par interprétation n'existait en l'espèce, et l'argument de l'appelante est rejeté à cet égard.

[139] La seule question qui reste est celle de savoir si le transfert en question a été effectué pour une contrepartie de valeur et, dans l'affirmative, quelle était la valeur de la contrepartie.

[140] Pour que l'appelante ait gain de cause à cet égard, elle doit convaincre la Cour que la contrepartie a été donnée par elle à son époux au moment du transfert de l'intérêt de celui-ci dans le bien en question et elle doit convaincre la Cour de la valeur de cette contrepartie.

[141] Sur ce point, la crédibilité des témoins est cruciale. La Cour conclut que le témoignage de l'appelante et de M. Landry est suspecte, non convaincante et incohérente. L'appelante prétendait qu'elle avait consenti un prêt à la compagnie et qu'en échange elle avait eu la cession de l'intérêt de son époux dans le bien. Toutefois, on n'a déposé en preuve aucun document — mis à part les documents établis après coup, auxquels la Cour n'accorde aucune valeur — corroborant le témoignage de l'appelante selon lequel la contrepartie du transfert était la remise de la dette de 32 000 $ que la compagnie avait prétendument envers l'appelante.

[142] Quoi qu'il en soit, cette dette était une dette de la compagnie et non de l'époux. La somme empruntée a été utilisée pour des fins de la compagnie. La compagnie était au bord de la faillite et avait peu ou point d'actifs, de sorte qu'on voit mal pourquoi l'époux céderait ses droits sur le bien contre quelque chose qui n'avait aucune valeur.

[143] De plus, l'appelante était coemprunteur de cet argent, était débitrice principale à l'égard de l'hypothèque garantissant ce prêt et était solidairement responsable avec son époux en cas de non-remboursement des dettes.

[144] En outre, l'appelante a témoigné que la compagnie avait remboursé une partie du prêt. Elle n'était pas certaine de la date à laquelle elle avait commencé à rembourser le prêt, de sorte qu'il est impossible à la Cour de déterminer le montant de la contrepartie du transfert, ce qu'il incombe d'ailleurs à l'appelante d'établir.

[145] La Cour est convaincue, en se fondant sur l'ensemble des événements révélés par la preuve, que les documents signés après coup, y compris ceux relatifs à l'emprunt pour l'achat du camion-grue pour la compagnie, ont été établis après que les problèmes personnels, commerciaux et fiscaux de l'appelante et son époux furent devenus manifestes. Les mesures qu'ils ont prises visaient à permettre à l'appelante de demeurer en possession de tout actif qui était disponible, à l'exclusion de qui que ce soit d'autre — notamment Revenu Canada —, sauf pour ce qui était des charges enregistrées en faveur de la caisse populaire que l'appelante ne pouvait éviter de toute façon. Et c'est aussi ce que l'époux de l'appelante a dit dans son témoignage.

[146] Le document de transfert lui-même disait que la contrepartie était de 2 $, plus l'amour et l'affection naturels. Il est vrai que, dans des circonstances normales, la véritable contrepartie d'un transfert n'est pas indiquée dans le document de cession, mais il ne s'agissait pas ici de circonstances normales, et l'on s'attendrait à ce que, si la véritable contrepartie était ce que prétend l'appelante, des documents appropriés aient été établis lorsque les sommes ont été avancées, ou à tout le moins lorsque le transfert a eu lieu, de manière à donner à l'appelante une garantie valable à l'égard de la part de son époux dans le bien.

[147] Vu les conclusions de la Cour, il ne sera pas nécessaire d'examiner les autres arguments invoqués par l'avocate de l'intimée.

[148] La Cour conclut que la cotisation établie par le ministre doit être réduite de 500 $, mais, à tous les autres égards, l'appel est rejeté. L'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en conséquence.

[149] La Cour entendra les parties sur la question des dépens à un moment qui conviendra, et cela se fera par voie de conférence téléphonique.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Erich Klein, réviseur

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