Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19981022

Dossier: 97-678-UI

ENTRE :

THÉRÈSE HUARD,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit de l'appel d'une détermination en date du 10 avril 1997. La décision excluait l'emploi de l'appelante des emplois assurables pour les motifs que l'emploi en question ne respectait pas les minimums requis au niveau du nombre d'heures travaillées et de la rémunération versée durant la période en litige.

[2] Les faits ne sont pas contestés. Ils sont bien résumés par les paragraphes 5a) à 5e) inclusivement de la Réponse à l'avis d'appel lesquels ont été formulés comme suit :

a) l'appelante travaillait comme directrice de soins infirmiers depuis le 4 septembre 1990 chez le payeur;

b) le 16 octobre 1990, l'appelante et le payeur ont signé une entente pour un congé à traitement différé à l'intérieur d'une période d'étalement de cinq (5) ans;

c) jusqu'au 4 novembre 1994, l'appelante a reçu 80 % de sa rémunération et le payeur a conservé, au nom de l'appelante, 20 % de la rémunération;

d) durant la période en litige l'appelante a pris un congé sans solde et le payeur lui a versé les sommes conservées au nom de l'appelante;

e) durant la période en litige l'appelant n'a pas rendu de service au payeur;

[3] Le témoignage de l'appelante a été bref et clair; elle a décrit sommairement les faits à l'origine du litige et déposé la preuve documentaire à l'appui de ses prétentions soit : le contrat intervenu entre elle et son employeur, l'Hôpital d'Amqui, le 16 octobre 1990, prévoyant un congé à traitement différé lors de la cinquième année (Pièce A-1) ainsi qu'un relevé informatique décrivant la mécanique utilisé découlant du contrat (Pièce A-2).

[4] L'appelante a tout d'abord travaillé durant une période de quatre années. Au cours de cette période, elle touchait 80 % de sa rémunération, la balance de 20 % fut accumulée durant cette période de quatre années. Lors de la cinquième année du contrat, elle a reçu la même rémunération sans avoir à travailler profitant ainsi de la réserve accumulée. Ainsi l'appelante, bien qu'elle n'exécutait aucun travail recevait lors de cette cinquième année le même traitement que lors des quatre premières années où elle exécutait son travail.

[5] En pratique, les parties ont essentiellement argumenté quant à leur prétentions respectives.

[6] L'appelante a soutenu que le contrat très explicite intervenu entre elle et son employeur prévoyait et regroupait tous les éléments et conditions pour que la période où elle recevait les gains que son employeur avaient retenus lors des quatre premières années soit défini comme étant une période où elle occupait un emploi assurable et ce, bien qu'elle n'ait pas exécuté quelque travail que ce soit.

[7] Durant la période litigieuse, bien que l'appelante n'exécutait aucune prestation de travail elle recevait le même traitement; elle n'avait pas à exécuter quelque travail que ce soit pour le compte et bénéfice de son employeur, le contrat prévoyant qu'elle avait droit aux gains accumulés.

[8] Le long congé, d'une durée d'une année s'apparentait à la période de vacances découlant de tout emploi d'autant plus que la durée de la période des vacances est souvent conventionnelle. D'ailleurs la comparaison a été retenue et largement utilisée par le procureur de l'appelante.

[9] Le contrat sur lequel s'appuie l'appelante a toutefois fait l'objet d'une nette distinction entre les vacances annuelles auxquelles l'appelante avait droit et le congé à traitement différé.

[10] Cela ressort d'ailleurs très clairement aux articles 7 et 8 du contrat qui se lisent comme suit :

7. L'employeur accepte que THÉRÈSE HUARD puisse prendre ses vacances annuelles et les journées annuelles de ressourcement prévues au contrat de la directrice des services infirmier immédiatement avant la période de congé prévue au présent contrat.

VACANCES ET CONGÉ DE RESSOURCEMENT

8. À chaque période de six(6) mois consécutifs l'employeur fournit à l'employée un relevé des portions de salaire cumulé au présent régime de congé à traitement différé.

RELEVÉ DE CONTRIBUTION

[11] Il n'y a aucun doute que le contrat intervenu entre les parties est tout à fait régulier et valable. Il exprime clairement la volonté des parties et, génère, de ce fait, des droits et obligations pour les signataires. Un contrat de travail, bien que légitime et légal, n'est pas nécessairement opposable à l'intimé.

[12] Le seul intérêt d'un contrat écrit pour l'intimé est qu'il exprime, décrit et définit les composantes de la relation contractuelle constituant ainsi une source de renseignements possiblement utiles mais non indispensables pour qualifier le contrat en vertu de la Loi). Le contrat peut être utile comme guide en permettant de vérifier si l'exécution du travail a été effectué conformément au contrat allégué.

[13] Pour qu'un emploi soit assurable, au sens de la Loi, il doit respecter un certain nombre de conditions essentielles.

[14] Tout d'abord, il doit s'agir d'un véritable emploi; l'exécution du travail doit être rémunérée généralement par celui ou celle qui profite de la prestation de travail. En outre, l'exécution du travail doit être subordonnée à l'autorité patronale. En d'autres termes, le payeur doit bénéficier d'un pouvoir d'intervention lui permettant de contrôler et de surveiller la qualité et l'efficacité de l'exécution du travail qu'il rémunère. La rémunération doit correspondre à la valeur réelle du travail effectué. Il doit s'agir d'un travail nécessaire s'inscrivant dans le cours de l'activité économique sociale, sportive ou culturelle de la société.

[15] Toutes ces caractéristiques sont temporairement suspendues durant la période de vacances; en effet durant la période de vacances, l'employé n'exécute aucun travail et reçoit quand même une rémunération; en outre, il dispose d'une liberté absolue quant à la façon d'utiliser son temps sans que le payeur n'y puisse rien.

[16] Le payeur n'a ni autorité ni droit de regard sur les faits et gestes et l'occupation du temps de celui ou celle qui reçoit généralement la même rémunération que durant les périodes de travail.

[17] En quoi et pourquoi l'entente convenue par l'appelante et son employeur ne pourrait pas être évaluée et appréciée comme étant simplement des vacances prolongées? Après réflexions, je ne vois pas en quoi et comment il pourrait en être autrement. Conséquemment, je réponds par l'affirmative; une telle conclusion est d'autant plus raisonnable que la durée de la période de vacances est très souvent une question conventionnelle établie par les parties. Lorsqu'il s'agit de vacances, peu importe la durée, l'intimé ne questionne pas l'assurabilité du bénéficiaire.

[18] Dans l'affaire Le Procureur général du Canada et Céline Thérrien-Beaupré A-414-92, les faits étaient différents en ce qu'il s'agissait d'un congé par anticipation et non, comme en l'espèce d'un congé ultérieur à une période travaillée. Il s'agissait en quelque sorte d'un congé emprunté obligeant la bénéficiaire à rembourser après avoir consommé le bénéfice.

[19] L'honorable juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale a exprimé cette réalité comme suit

...Comme il est admis que l'intimée n'a fourni aucune prestation de travail durant sa période de congé, la rémunération qu'elle a reçue de l'employeur l'a été pour du travail à venir. Ainsi, il serait plus juste d'affirmer alors que l'intimée bénéficiait d'un congé à traitement anticipé plutôt que d'un congé à traitement diffère.

Le même jugement traite cependant de l'hypothèse où le congé aurait été ultérieur à une période travaillée.

[20] À cet égard, l'honorable juge Desjardins a indiqué ce qui suit :

Pour se convaincre du bien ou du mal fondé des prétentions de chacun, il y a lieu d'analyser le cas d'une personne qui bénéficie de vacances payées pour ensuite le comparer à celui de l'intimée.

La Loi sur les normes du travail, par exemple, prévoit qu'un salarié acquiert progressivement le droit à un congé annuel. Un salarié qui, à la fin d'une année de référence justifie de moins d'un an de service continu chez le même employeur, a droit à un congé continu dont la durée est déterminée à raison d'un jour ouvrable pour chaque mois de service continu sans que la durée totale de ce congé excède deux semaines. Par ailleurs, un salarié qui, à la fin d'une année de référence, justifie d'un an de service continu chez le même employeur, a droit à un congé annuel d'une durée minimale de deux semaines continues. L'indemnité afférente à ces congés annuels est égale à 4 % du salaire brut du salarié durant l'année de référence et doit lui être versée en un seul versement avant le début de ce congé. Lorsque le contrat de travail est résilié avant qu'un salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, une indemnité compensatrice doit lui être versée laquelle est déterminée selon les mêmes normes que l'indemnité afférente au congé annuel. L'employé, en quittant, ne rembourse donc rien. Il reçoit, au contraire, un bénéfice qu'il a acquis progressivement. Tout ce schème législatif indique bien qu'un congé payé est un congé gagné alors que l'employé était au travail.

S'il arrive, par contre, après entente avec son employeur, qu'un employé obtienne un congé payé avant terme d'une semaine, après quelque deux ou trois mois de travail par exemple, le salaire reçu durant le congé, de toute évidence, ne constituerait pas un montant « gagné » mais bien une avance sur sa paie de vacances.

Il en va de même dans le cas d'un « congé avec traitement différé » . Ici, l'intimée est d'abord en congé pendant neuf mois. Puis elle gagne son plein traitement durant ses vingt-sept mois de travail sauf que le paiement s'échelonne sur une période de trente-six mois à raison de versements équivalant à 75 % du salaire. Et comme son plein traitement n'est que pour une période de vingt-sept mois, l'intimée ne paie ses cotisations pour fins d'assurance-chômage que pour une période de vingt-sept mois. Durant sa période de congé, elle ne fournit aucune prestation de travail pour le traitement qu'elle reçoit. Ce traitement n'est donc pas « gagné » durant la période.

[21] En l'espèce, lors de la période litigieuse, il existait toujours un lien de travail entre l'appelante et son employeur; le lien juridique n'avait pas pris fin et n'était pas rompu contrairement aux faits de l'affaire Raymond Cloutier c M.R.N. (90-064(UI)).

[22] L'appelante a constitué un fond à même ses gains qu'elle recevait de façon réduite au cours d'une période définie pour profiter d'un long congé; il s'agissait d'un bénéfice accumulé progressivement à même sa rémunération acquise pour un travail exécuté. Je crois, en conséquence, qu'il s'agissait là d'une rétribution ayant les mêmes attributs qu'une paye de vacances.

[23] J'accueille donc l'appel et détermine les gains versés à l'appelante au cours de la période en litige comme étant des gains assurables.

Signé à Ottawa, Canada ce 22e jour d'octobre 1998.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.