Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990707

Dossier: 97-1663-UI

ENTRE :

ERNEST GRANGER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] En 1994 et 1995, l'appelant était un employé de Balzer Canada Inc. (“ Balzer ”) et a travaillé à différents endroits en Saskatchewan. À plusieurs occasions, il a déposé en vertu de The Occupational Health and Safety Act, 1993 de la Saskatchewan des plaintes au sujet de ses conditions de travail. Par suite de ces plaintes, il a été traité de façon discriminatoire par Balzer et a subi en conséquence une perte de rémunération. En raison de cette perte, il a déposé, auprès du bureau de la santé et de la sécurité au travail, une autre plainte dans laquelle il a réclamé à Balzer une indemnité pour le traitement discriminatoire qui lui avait causé la perte de rémunération.

[2] Le 9 juillet 1995, le bureau de la santé et de la sécurité au travail a délivré à Balzer un avis de contravention (NC 2218) disant :

[TRADUCTION]

L'enquête menée récemment par le bureau a révélé que, en 1994, vous avez pris des mesures discriminatoires contre M. Granger en ne le rappelant pas au travail comme membre de l'“ équipe permanente ” à la centrale électrique de la rivière Poplar. L'enquête a confirmé l'assertion de M. Granger selon laquelle les mesures discriminatoires ont été prises en raison des plaintes qu'il a déposées en matière de santé et de sécurité au travail.

Vous avez ainsi contrevenu à l'article 27 de The Occupational Health and Safety Act, 1993, qui interdit à tout employeur de prendre des mesures discriminatoires contre un travailleur pour le motif que ce dernier agit ou a agi conformément à la Loi ou au règlement, qu'il cherche ou a cherché à faire respecter la loi ou les règlement, ou qu'il a pris part aux activités d'un comité de santé au travail. Il vous est donc ordonné :

a) de mettre fin aux mesures discriminatoires prises contre M. Granger;

b) de réintégrer M. Granger dans ses anciennes fonctions ou dans des fonctions équivalentes;

c) d'indemniser M. Granger pour la perte de rémunération découlant des mesures discriminatoires;

d) de supprimer du dossier d'employé de M. Granger tenu par votre compagnie toute réprimande ou toute mention de l'affaire en question.

Le 24 août 1995, Balzer en a appelé de l'avis de contravention, faisant valoir essentiellement qu'elle n'avait pas agi de façon discriminatoire envers Ernest Granger. L'appel de Balzer a été entendu au mois de novembre 1995 par Steve Phillipow en sa qualité d'arbitre. Le 8 décembre 1995, l'arbitre a rendu sa décision (pièce A-1), dans laquelle il a déterminé que Balzer (par l'intermédiaire de Elmer Vipond et de Vic Mann) avait effectivement agi de façon discriminatoire envers Ernest Granger en raison de ses activités dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Balzer avait donc contrevenu à l'article 27 de The Occupational Health and Safety Act de la Saskatchewan, dont voici le libellé :

[TRADUCTION]

27. Il est interdit à tout employeur de prendre des mesures discriminatoires contre un travailleur pour le motif que le travailleur :

agit ou a agi conformément :

à la présente loi ou au règlement;

(i.1) à The Radiation Health and Safety Act, 1985 et au règlement pris sous son régime;

à un code de pratique;

à un avis de contravention ou à une condition ou interdiction contenue dans un avis de contravention;

cherche ou a cherché à faire respecter :

la présente loi ou le règlement;

The Radiation Health and Safety Act, 1985 ou le règlement pris sous son régime;

prend part ou a pris part aux activités d'un comité de santé au travail ou à celles de représentants en matière de santé et de sécurité au travail;

cherche ou a cherché à faire créer un comité de santé au travail ou à faire désigner un représentant en matière de santé et de sécurité au travail;

s'acquitte ou s'est acquitté des fonctions de membre d'un comité de santé au travail ou de représentant en matière de santé et de sécurité au travail;

refuse ou a refusé de travailler en vertu de l'article 23;

est sur le point de témoigner ou a témoigné dans une instance ou une enquête menée en vertu :

de la présente loi ou du règlement;

de The Radiation Health and Safety Act, 1985 ou du règlement pris sous son régime;

donne ou a donné des renseignements à un comité de santé au travail, à un représentant en matière de santé et de sécurité au travail, à un agent de la santé au travail ou à toute autre personne chargée de l'application de la présente loi ou du règlement concernant la santé et la sécurité des travailleurs à un lieu de travail;

h.1) donne ou a donné des renseignements à un agent au sens de The Radiation Health and Safety Act, 1985, ou à toute autre personne chargée de l'application de ladite loi et du règlement pris sous son régime;

est ou a été dans l'impossibilité de travailler parce qu'un avis de contravention établi conformément à l'article 33 relativement au travail du travailleur a été signifié à l'employeur;

j) a été dans l'impossibilité de travailler parce que, en vertu de The Radiation Health and Safety Act, 1985 ou du règlement pris sous son régime, une ordonnance a été signifiée à un propriétaire, vendeur ou exploitant au sens de ladite loi.

L'article 29 de The Occupational Health and Safety Act prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

29. Le juge qui reconnaît l'employeur coupable d'avoir pris des mesures discriminatoires contre un travailleur contrairement à une disposition de la présente loi ordonne à l'employeur :

de mettre fin aux mesures discriminatoires et de réintégrer le travailleur dans ses anciennes fonctions aux conditions auxquelles il avait été anciennement employé;

de verser au travailleur le salaire que ce dernier aurait gagné s'il n'avait pas fait l'objet de mesures discriminatoires illégales;

de supprimer du dossier du travailleur tenu par l'employeur toute réprimande ou autre mention de l'affaire en question.

[3] L'arbitre a confirmé l'ordre de contravention NC 2218 et a terminé sa décision du 8 décembre 1995 (faisant partie de la pièce A-1) en disant :

[TRADUCTION]

Si les parties ne peuvent se mettre d'accord sur les droits et les avantages auxquels M. Granger aurait eu droit, ainsi que la présente sentence arbitrale leur ordonne de le faire, je demeure compétent pour régler ces questions et je reprendrai l'audition à cette fin à la demande écrite de l'avocat de l'une ou l'autre partie faite dans les 30 jours suivant la date de la présente sentence.

[4] Les parties n'ayant pu se mettre d'accord sur les droits et les avantages de Ernest Granger, elles ont de nouveau comparu devant l'arbitre le 12 mars 1996, l'audition étant alors limitée à la détermination de l'indemnité qu'il convenait d'accorder à Ernest Granger. Dans une deuxième sentence datée du 8 avril 1996 (faisant partie de la pièce A-1), l'arbitre a déterminé que l'indemnisation qu'a demandée l'appelant pour perte pécuniaire devait être calculée de la façon suivante :

[TRADUCTION]

13 au 25 mai 1994 - perte de rémunération 3 084,08 $

12 septembre au 17 décembre 1994 - rémunération due 8 377,66 $

10 avril au 21 décembre 1995 - rémunération due 11 653,54 $

Montant total de l'indemnisation 23 115,28 $

L'arbitre a conclu comme suit sa sentence supplémentaire du 8 avril 1996:

[TRADUCTION]

J'ordonne à Balzer Canada Inc. de verser à M. Granger 23 115,28 $ au titre du salaire, ainsi que les avantages sociaux.

[5] Du fait d'une certaine confusion qu'a semée la deuxième sentence susvisée du 8 avril 1996, l'arbitre a ajouté un dernier additif daté du 24 mai 1996 (faisant partie de la pièce A-1). Comme cet additif tient sur une seule page, je le reproduis au complet :

[TRADUCTION]

À la demande de Me Thor Kristiansen, l'avocat de M. Ernest Granger, je joins à ma sentence antérieure un additif final qui fixera le montant exact que Balzer Canada Inc. doit payer à M. E. Granger.

1994 - Montant total dû : 13 440,03 $, dont 11 461,74 $ sont directement payables à M. Ernest Granger, et 1 978,29 $ doivent être versés au régime de pension de M. E. Granger, à l'adresse suivante :

J. J. McTeer, Boilermaker Administer

Thornhill Square, 300 John St., Suite 601

Thornhill (Ontario)

L3T 5W4.

1995 - Montant total dû : 13 664,94 $, dont 11 653,54 $ sont directement payables à M. Ernest Granger et 2 011,40 $ doivent être versés au régime de pension de M. E. Granger, à l'adresse suivante :

J. J. McTeer, Boilermaker Administer

Thornhill Square, 300 John St., Suite 601

Thornhill (Ontario)

L3T 5W4.

Puisque M. Granger n'a pas engagé de frais médicaux ou dentaires qu'il se serait fait rembourser par le régime de soins médicaux financé par les cotisations de l'employeur, aucun montant additionnel ne sera accordé relativement à ces cotisations.

Balzer Canada Inc. doit se conformer aux dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage relativement aux paiements susmentionnés.

[6] Il y a de l'incertitude quant à ce que l'arbitre a voulu dire par la dernière phrase de son additif final :

Balzer Canada Inc. doit se conformer aux dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage relativement aux paiements susmentionnés.

Voulait-il dire que Balzer était tenue de déclarer le montant total de l'indemnité de 13 440,03 $ pour 1994 et de 13 664,94 $ pour 1995 de façon que les responsables de l'assurance-chômage sachent que l'appelant avait obtenu une indemnité pour la rémunération perdue au cours des deux années en question? Ou bien, l'arbitre voulait-il dire que Balzer devait considérer le montant total de l'indemnité comme une rémunération assurable (au sens de la Loi sur l'assurance-chômage) de laquelle les cotisations de l'employé devaient être déduites puis versées et à l'égard de laquelle les cotisations de l'employeur devaient être versées? Je suis convaincu que Balzer a adopté la première interprétation et conclu qu'elle était tenue uniquement de déclarer aux responsables de l'assurance-chômage le montant total de l'indemnité pour 1994 et pour 1995.

[7] La pièce A-2 est une lettre datée du 27 novembre 1996 que Revenu Canada a fait parvenir à l'appelant et qui dit que le montant total de 27 104,97 $ constitue des gains tirés d'un emploi en 1996 aux fins de l'impôt sur le revenu (parce que le montant a été payé et reçu en 1996), et que le même montant représente une rémunération assurable attribuée aux années 1994 et 1995 aux fins de l'assurance-chômage. Il ressort de la pièce A-3 que Balzer a porté la décision de Revenu Canada (pièce A-2) en appel dans la mesure où celle-ci concluait que le montant total de 27 104,97 $ était une rémunération assurable. La pièce A-3 est une lettre datée du 17 juin 1997 que Revenu Canada a adressée à l'appelant et dans laquelle Revenu Canada annule sa décision antérieure et conclut que les montants reçus par l'appelant pour les périodes du 13 au 25 mai 1994, du 12 septembre au 17 décembre 1994 et du 10 avril au 21 décembre 1995, ne sont pas une rémunération assurable aux fins de l'assurance-chômage parce que, au cours de ces périodes, l'appelant n'était pas employé en vertu d'un contrat de louage de services et parce que ces montants représentaient des dommages-intérêts.

[8] L'appelant a dû rembourser les prestations d'assurance-chômage qui lui avaient été versées pour les trois périodes (du 13 au 25 mai 1994, du 12 septembre au 17 décembre 1994 et du 10 avril au 21 décembre 1995) à l'égard desquelles il avait reçu une indemnité de Balzer conformément à la sentence de l'arbitre. L'appelant ne conteste pas son obligation de rembourser ces prestations. La question en l'espèce est de savoir si les trois périodes à l'égard desquelles l'indemnité a été versée sont des périodes d'emploi assurable rendant l'appelant admissible à d'autres prestations d'assurance-chômage.

[9] Les trois périodes en cause se situent dans les années 1994 et 1995, au cours desquelles la Loi sur l'assurance-chômage était en vigueur. Aux termes de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-chômage, l'emploi assurable est “ un emploi exercé au Canada [...] en vertu d'un contrat de louage de services [...] exprès ou tacite ”. À mon avis, le présent appel doit être rejeté pour le motif que, au cours des trois périodes en question, l'appelant n'était pas employé au Canada par Balzer en vertu d'un contrat de louage de services exprès ou tacite. Dans l'arrêt Élément c. M.N.R. (audience tenue et décision rendue le 21 mai 1996), la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question de la “ compensation monétaire ” et de l'emploi assurable. Se prononçant pour la Cour, le juge Hugessen a déclaré ceci :

Le requérant, employé saisonnier, n'a pas été rappelé au travail lorsqu'il aurait dû l'être. Deux ans plus tard, suite à un règlement de grief, l'employeur lui a versé une compensation monétaire équivalente au montant du salaire qu'il aurait gagné durant la période où il aurait normalement travaillé. Le requérant n'a pourtant fourni aucune prestation de travail durant cette période.

Nous sommes tous d'avis que le Ministre et le juge de la Cour canadienne de l'impôt sont venus à la bonne conclusion en décidant que le requérant n'exerçait pas un emploi assurable durant cette période. Malgré le plaidoyer très habile de Me Lepage à l'effet que le contrat de travail du requérant subsistait parce que celui-ci bénéficiait d'un droit de rappel, il n'en demeure pas moins qu'une personne qui ne fournit pas une prestation de travail et ne touche aucun salaire n'exerce pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi.

[10] Dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Forrestall (rendu le 12 décembre 1996), un employé avait déposé un grief après avoir été congédié pour des raisons disciplinaires. Un arbitre avait annulé le congédiement et y avait substitué une suspension de trois jours. L'employeur a choisi de ne pas reprendre M. Forrestall, mais plutôt de lui payer ce qu'il aurait gagné pendant la période de 11 jours à compter de la fin de la suspension de trois jours jusqu'à la date à laquelle le travail a pris fin et à laquelle M. Forrestall aurait été licencié de toute façon. Se prononçant pour la Cour d'appel fédérale, le juge Hugessen a déclaré ceci :

L'intimé a été congédié par son employeur pour des raisons disciplinaires. Il a déposé un grief, et un arbitre a ordonné sa réintégration. Le dispositif de la sentence arbitrale est ainsi rédigé :

[TRADUCTION] En fin de compte, le grief est accueilli en partie. Le prétendu congédiement du plaignant est annulé et une suspension de trois jours y est substituée. La suspension est censée commencer le 21 juillet et avoir été purgée en cours d'emploi pendant les trois prochains jours ouvrables. Il est ordonné à l'employeur de dédommager le plaignant de tout manque à gagner et de toute perte d'avantages. Il lui est également ordonné d'offrir un emploi au plaignant au poste de Nicholson Hall dès que les circonstances le permettent, avec des dommages-intérêts jusqu'à ce qu'une telle offre ait été faite.

[...]

L'employeur a choisi, non pas de rappeler l'intimé au travail, mais de lui payer ce qu'il aurait par ailleurs gagné pour une période de onze jours à compter de la fin de la suspension jusqu'au moment où l'emploi a pris fin, et il aurait été licencié de toute façon.

Nous sommes tous d'avis que le juge de la Cour de l'impôt a eu tort de conclure que ces onze jours représentaient un emploi assurable pour l'intimé. Il n'a pas travaillé pendant cette période. Ce qu'il a reçu de son employeur était, pour reprendre les mots utilisés par l'arbitre, des “dommages-intérêts”. Il ne s'agissait pas de salaires.

Comme nous l'avons dit dans l'arrêt Élément c. MRN (21 mai 1996), A-751-95 (C.A.F.) (non publié) :

[...] une personne qui ne fournit pas une prestation de travail et ne touche aucun salaire n'exerce pas un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi.

[11] Les décisions susmentionnées de la Cour d'appel fédérale sont conformes aux décisions antérieures de la Cour canadienne de l'impôt. Dans l'affaire Berns c. M.N.R. (décision rendue le 9 novembre 1987), cette Cour a examiné la compensation versée pour congédiement injustifié. M. Berns avait été engagé par le Ottawa Ski Club comme directeur du marketing; cette nomination est entrée en vigueur le 13 septembre 1982. Le 29 décembre 1982, il a été informé par écrit par le club de ski que ses services ne seraient plus requis après le 1er janvier 1983. Par conséquent, M. Berns a cessé de travailler, mais il a intenté devant la Cour supérieure du Québec une action en dommages-intérêts pour congédiement injustifié. Dans son action, il n'a pas demandé sa réintégration. La Cour supérieure du Québec lui a accordé des dommages-intérêts de 3 750 $ pour congédiement injustifié. Quand M. Berns a fait une demande de prestations d'assurance-chômage, elle a été rejetée pour le motif qu'il n'avait accumulé que 16 semaines d'emploi du 13 septembre au 31 décembre 1982. Le juge suppléant Millar de la Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel de M. Berns et déclaré ceci dans le dernier paragraphe de sa décision :

[...] Le fait qu'il ait obtenu des dommages-intérêts pour avoir été renvoyé de façon injustifiée sert simplement à confirmer qu'il a bel et bien été renvoyé. Il n'a fourni aucun service. Il n'a touché aucun paiement. S'il n'a exécuté aucun travail, il n'était pas employé. S'il n'a touché aucune rémunération alors il n'exerçait pas un emploi assurable et ne touchait pas un revenu assurable. [...]

[12] Enfin, dans l'affaire Falconbridge Ltd. v. M.N.R. (décision rendue le 31 mars 1989), la question était de savoir si un ancien employé (Roy Saukko) occupait un emploi assurable après le 17 mars 1986. Dans cette affaire, il y avait eu, semble-t-il, un congédiement amical puisque M. Saukko avait reçu de Falconbridge une lettre datée du 17 mars 1986 l'informant que, à regret, elle mettait fin à son emploi immédiatement. La lettre contenait le passage suivant :

[TRADUCTION]

Par les présentes, je confirme notre conversation d'aujourd'hui, au cours de laquelle je vous ai informé que, à regret, nous mettons fin immédiatement à votre emploi chez Falconbridge Limited. Cependant, compte tenu du poste que vous occupiez et de vos états de service, et pour vous aider à trouver un nouvel emploi, la compagnie vous versera les montants suivants :

Votre salaire actuel pendant 78 semaines à titre d'indemnité de départ. À l'expiration de cette période, un montant équivalant aux congés que vous avez accumulés vous sera versé au moyen d'un paiement forfaitaire. Au même moment, il y aura liquidation de la pension à laquelle vous avez droit aux termes du régime de revenu de retraite.

La question, dans l'affaire Falconbridge, était de savoir si M. Saukko occupait un emploi assurable pendant les 78 semaines au cours desquelles il avait continué de toucher son salaire après le 17 mars 1986. Le ministre du Revenu national avait conclu qu'il s'agissait d'un emploi assurable parce que, selon lui, M. Saukko était régi par un contrat de louage de services. Le juge suppléant Baryluk de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli l'appel de Falconbridge et a conclu sa décision dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

[...] Dans sa lettre de décision datée du 31 décembre 1986, l'intimé, en réponse à la demande de M. Saukko visant à obtenir une décision sur son assurabilité aux fins de l'assurance-chômage, a clairement déclaré : “ Il a été déterminé que l'emploi en question était assurable pour le motif suivant : vous étiez en tout temps régi par un contrat de louage de services. ”

Or, la preuve révèle clairement qu'après le 17 mars 1986 l'appelant n'occupait aucun emploi en vertu d'un contrat de louage de services conclu avec l'appelante, Falconbridge, et qu'il n'était pas tenu de fournir des services à cette dernière.

L'appel est accueilli et la décision de l'intimé est infirmée.

[13] Je reviens à la première décision de l'arbitre, rendue le 8 décembre 1995. Vers la fin de ses motifs (faisant partie de la pièce A-1), l'arbitre a dit ceci :

[TRADUCTION]

Vous avez ainsi contrevenu à l'article 27 de The Occupational Health and Safety Act, 1993, qui interdit à tout employeur de prendre des mesures discriminatoires contre un travailleur pour le motif que ce dernier a agi conformément à la Loi ou au règlement, qu'il cherche ou a cherché à faire respecter la Loi ou le règlement, ou qu'il a pris part aux activités d'un comité de santé au travail.

La définition de “ mesure discriminatoire ” dans le contexte de la santé et de la sécurité s'entend de toute mesure ou de toute menace d'une mesure, de la part d'un employeur, qui porte préjudice ou porterait préjudice à un travailleur relativement aux modalités de son emploi ou à ses chances de promotion, et inclut le congédiement, la mise à pied, la suspension, la rétrogradation ou la mutation d'un travailleur, l'élimination d'un poste, le changement de lieu de travail, la réduction du salaire, le changement de l'horaire de travail, la réprimande, la contrainte, l'intimidation ou l'imposition de toute mesure disciplinaire ou autre pénalité.

L'ordre de contravention NC 2218, que je maintiens, oblige Balzer Canada Inc. à :

a) mettre fin aux mesures discriminatoires prises contre M. Granger;

b) réintégrer M. Granger dans ses anciennes fonctions ou dans des fonctions équivalentes;

c) indemniser M. Granger pour la perte de rémunération découlant des mesures discriminatoires;

d) supprimer du dossier d'employé de M. Granger tenu par votre compagnie toute réprimande ou toute mention de l'affaire en question.

[14] D'après l'alinéa c) de l'ordre de contravention NC 2218, Balzer devait “ indemniser M. Granger pour la perte de rémunération ”. Il ressort clairement des termes de la deuxième sentence rendue le 8 avril 1996 (qui fait également partie de la pièce A-1) que le montant de 23 115,28 $ (11 461,74 $ attribués à l'année 1994 et 11 653,54 $ à l'année 1995) était une indemnité pour perte de rémunération. À ce titre, il est visé par les décisions de la Cour d'appel fédérale dans les affaires Élément et Forrestall, précitées.

[15] L'avocat de l'appelant, Me Merchant, a fait valoir que, en ordonnant le paiement du salaire perdu, l'arbitre a confirmé qu'il y avait contrat de louage de services au cours des périodes en cause et que ce contrat devait être respecté. Je suis d'avis contraire. Balzer était tenue d'“ indemniser ” l'appelant pour la perte de rémunération qu'il avait subie, conformément à l'ordre de contravention NC 2218. Une indemnité compensatoire a été versée parce que le contrat de louage de services avait été rompu. Balzer a refusé d'employer l'appelant au cours des périodes pertinentes, et l'appelant n'a pas pu recevoir de salaire de Balzer au cours de ces périodes. Il n'y avait pas de contrat de louage de services au cours des périodes en cause.

[16] Si j'ai tort et qu'un contrat de louage de services existait effectivement au cours des périodes pertinentes, aucun service n'a été fourni à Balzer par l'appelant au cours de ces périodes et aucun salaire n'a été gagné. Un montant touché à titre d'indemnité compensatoire pour la perte de rémunération n'est pas une rémunération tirée d'un emploi assurable. Voir les affaires Élément, Forrestall, Berns et Falconbridge, mentionnées précédemment.

[17] Il peut sembler injuste que le montant total de 27 104,97 $ soit un revenu gagné en 1996 aux fins de l'impôt sur le revenu, mais qu'il ne soit pas une rémunération tirée d'un emploi assurable en 1994 et 1995 aux fins de l'assurance-chômage, mais l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur l'assurance-chômage s'appuie sur des principes différents. L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de juillet 1999.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour d'avril 2000.

Erich Klein, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.