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Date: 19990521

Dossier: 97-3468-IT-G

ENTRE :

DAVID PAYNE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L'appel dont il s'agit, soit un appel interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à St. John's (Terre-Neuve) le 13 mai 1999. L'épouse de l'appelant, Genevieve, a été la seule personne à témoigner.

[2] L'appelant interjette appel à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les paragraphes 4 à 6, inclusivement, de la réponse à l'avis d'appel se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

4. Par l'avis de cotisation no 01747, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi à l'égard de l'appelant une cotisation de 24 926,09 $ relativement au transfert d'un bien, à l'appelant, au sens de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), dans sa forme modifiée (la « Loi » ).

5. Dans cette cotisation établie à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait entre autres sur les hypothèses suivantes :

a) durant toute la période pertinente, Genevieve (Jean) Payne était la conjointe de l'appelant, et ces deux personnes avaient un lien de dépendance;

b) le 28 août 1992 ou vers cette date, Genevieve (Jean) Payne a retiré 17 073,63 $ du régime enregistré d'épargne-retraite ( « REER » ) qu'elle avait auprès de la AGF Management Ltd.;

c) le 1er septembre 1992 ou vers cette date, Genevieve (Jean) Payne a retiré 7 852,46 $ du REER qu'elle avait auprès de la Banque Royale;

d) les deux sommes (les « sommes retirées » ), qui totalisent 24 926,09 $, ont été retirées en vertu du Régime d'accession à la propriété conformément au paragraphe 146.01(1) de la Loi, Genevieve (Jean) Payne ayant attesté qu'elle avait conclu une convention écrite visant l'acquisition d'une habitation admissible et qu'elle entendait occuper cette habitation comme lieu principal de résidence moins d'un an après l'acquisition;

e) le 14 octobre 1992 ou vers cette date, Genevieve (Jean) Payne (l' « auteur du transfert » ) a utilisé les sommes retirées pour acheter le 43, Rutledge Crescent, St. John's (Terre-Neuve) (le « bien » ) avec son époux, David Payne, soit l'appelant;

f) la contrepartie payée par l'auteur du transfert et l'appelant a été de 26 534,64 $, ce qui incluait les sommes retirées, plus la prise en charge du prêt hypothécaire existant;

g) au moment du transfert, la juste valeur marchande du bien était d'au moins 24 926,09 $;

h) le total des montants que l'auteur du transfert devait payer en vertu de la Loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle le bien a été transféré ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années était de 67 781,51 $;

i) le 12 mai 1993, Genevieve (Jean) Payne a transféré sa participation dans le bien à l'appelant pour 1 $.

B. QUESTIONS À TRANCHER

6. Il s'agit de savoir si l'appelant doit payer le montant de 24 926,09 $ en vertu de l'article 160 de la Loi relativement au transfert du bien à l'appelant.

[3] Les hypothèses 5a), b), c), d), e), f), g) et h) n'ont pas été réfutées par la preuve présentée pour l'appelant. La preuve tournait autour de l'hypothèse 5i).

[4] David et Genevieve Payne se sont mariés le 24 octobre 1964. Genevieve a déclaré que David avait été pêcheur toute sa vie et qu'il avait construit sa propre maison, qu'il détenait à son nom seulement, à Aquaforte (Terre-Neuve), soit à environ 80 kilomètres de St. John's. Cette maison était devenue le foyer conjugal. David est maintenant à la retraite, à St. John's. Son seul revenu est une prestation du Régime de pensions du Canada et une prestation de Sécurité de la vieillesse. David n'a pas témoigné parce qu'il souffre d'une affection cardiaque, pour laquelle il devra être opéré.

[5] Genevieve était devenue le seul propriétaire et administrateur de trois sociétés faisant affaire à St. John's. C'est à cause d'elle que la cotisation a été établie. La chronologie des principaux faits ayant conduit à la cotisation est la suivante :

1. 7 avril 1985 (pièce A-2)

David et Genevieve Payne signent une garantie et une subordination de réclamation en faveur de la Banque Royale du Canada pour un montant de 60 000 $ au nom de l'une des compagnies de Genevieve, soit la PCM Group Inc.

2. 7 avril 1988 (pièce A-3)

David et Genevieve Payne accordent à la Banque Royale du Canada une hypothèque garantissant la garantie du 7 avril 1988 jusqu'à un maximum de 30 000 $ relativement au bien d'Aquaforte. Cela a été enregistré le 14 avril 1988. L'acte hypothécaire décrit David et Genevieve comme étant tous les deux propriétaires bénéficiaires du terrain (par. 1). Les deux garantissaient en outre qu'ils avaient le titre sur le bien (al. 5a)). Dans le corps de l'acte hypothécaire, il est dit que Genevieve n'est pas simplement garante de l'hypothèque et qu'elle est plutôt un des deux débiteurs hypothécaires à l'égard du bien.

3. 14 octobre 1992 (pièce A-1, onglet 7)

David et Genevieve achètent le 43, Rutledge Crescent à Raymond D. Sparkes, comme tenants conjoints. Cela a été enregistré le 15 octobre 1992.

4. 12 mai 1993 (pièce A-1, onglet 8)

David et Genevieve Payne transfèrent à David Payne le 43, Rutledge Crescent. Le document dit que la contrepartie payée pour le transfert est de 1 $.

5. 6 juin 1994 (pièce A-1, onglet 9)

Genevieve Payne signe une cession en vertu de la loi sur la faillite.

6. 11 mars 1996 (réponse à l'avis d'appel)

Est délivré l'avis relatif à la cotisation en cause dans la présente espèce, soit la cotisation établie à l'égard de David Payne.

[6] L'avocat de l'appelant a dit qu'il était d'accord sur le fait que le montant symbolique de 1 $ était exact, conformément à l'hypothèse 5i). Il a toutefois émis une réserve quant à son accord, et le témoignage de Genevieve est qu'il s'agissait simplement d'une somme symbolique.

[7] Genevieve a déclaré dans le cadre de son témoignage que la maison d'Aquaforte était la maison de David et qu'il l'avait hypothéquée pour 30 000 $ afin d'appuyer la société P.C.M. Group Inc. de Genevieve. Genevieve a dit qu'elle devait vivre à St. John's pour être près de son entreprise et que c'est ainsi qu'avait été acheté le 43, Rutledge Crescent. Puis elle a déclaré que, du fait que David avait accordé l'hypothèque sur la maison d'Aquaforte pour appuyer la société de Genevieve appelée P.C.M. Group Inc., elle avait retiré l'argent des REER pour acheter le 43, Rutledge Crescent au nom de David. Genevieve a dit qu'elle avait simplement signé l'acte de transfert (pièce A-1, onglet 7) parce que la Banque voulait que les revenus des deux conjoints garantissent l'hypothèque qu'ils avaient consentie. Genevieve a ensuite déclaré que, après qu'elle eut vu l'acte à son nom, elle avait contacté le bureau de l'avocat au sujet des deux noms figurant sur le titre. La secrétaire de l'avocat avait convenu de corriger cela, puis le transfert à David a été fait, soit le 12 mai 1993 (pièce A-1, onglet 8).

[8] La P.C.M. Group Inc. était encore en affaires à cette époque. Elle a cessé d'exploiter une entreprise vers octobre 1993.

[9] Le témoignage de Genevieve Payne pose un certain nombre de problèmes. Le premier tient au fait que la pièce A-3 indique clairement que Genevieve détenait la moitié du bien d'Aquaforte lorsque celui-ci a été grevé d'une hypothèque en faveur de la Banque Royale. Genevieve l'a indirectement confirmé en déclarant qu'elle et David partageaient tout et qu'une partie de l'argent de David pouvait avoir servi à faire des cotisations aux REER de Genevieve.

[10] Une des sociétés de Genevieve oeuvrait dans le domaine des comptes rendus sténographiques. Une autre exploitait une entreprise de « formation » . Genevieve était le propriétaire-exploitant et le seul administrateur de ces sociétés. Il est difficile d'accepter le fait qu'une telle personne mette l'argent de ses REER dans un bien transféré à son nom et à celui de David sans qu'elle le sache. Genevieve a déclaré qu'elle avait signé le document et que c'est seulement après avoir reçu l'acte qu'elle s'était rendu compte que le bien était à son nom.

[11] Il n'y a aucun document dans lequel Genevieve acceptait de rembourser 30 000 $ à David. Le témoignage de Genevieve indique que cette idée n'a jailli que lorsque s'est posée la possibilité d'acheter le 43, Rutledge Crescent.

[12] Un dernier document, qui fait problème, a été déposé. Il s'agit d'une lettre déposée sous la cote A-4 et signée par l'avocat qui a dirigé l'opération relative au 43, Rutledge Crescent. Le corps de cette lettre se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le 5 juillet 1994

À QUI DE DROIT

OBJET : JEAN PAYNE — 43, RUTLEDGE CRESCENT

Madame, Monsieur,

Soyez avisé que, en octobre 1992, j'ai représenté Jean Payne dans l'achat du bien susmentionné. L'opération s'est conclue le 14 octobre 1992. À ce moment, mon client m'a donné pour instructions de transférer au nom de David Payne le titre sur le bien en question.

J'espère que cela sera satisfaisant aux fins qui sont les vôtres. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec le soussigné.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.

Il est à noter que, bien qu'étant à St. John's, l'avocat n'est pas venu témoigner pour l'appelant, et aucune raison n'a été donnée à cet égard.

[13] La lettre peut toutefois être interprétée telle qu'elle est formulée :

L'opération s'est conclue le 14 octobre 1992. À ce moment, mon client m'a donné pour instructions de transférer au nom de David Payne le titre sur le bien en question.

Dans les circonstances, on ne peut voir dans cette lettre plus que ce qu'elle dit. La dernière phrase citée ci-dessus est juxtaposée à la date de clôture et non à la date d'achat. Autrement dit, l'ordre des phrases indique que les instructions de Genevieve ( « Jean » ) ont été données à la date de clôture et non au moment de l'achat. Cette interprétation est confirmée par les dispositions de l'article 146.01, soit l'article permettant de retirer de l'argent d'un REER pour acquérir une habitation admissible. Le paragraphe 146.01(2) clarifie le sens du mot « acquérir » :

(2) Règles spéciales

Les présomptions suivantes s'appliquent au présent article :

a) un particulier est réputé acquérir une habitation admissible s'il l'acquiert conjointement avec une ou plusieurs personnes;

Pour bénéficier du Régime d'accession à la propriété, Genevieve Payne devait acquérir une habitation admissible — seule ou conjointement avec une ou plusieurs personnes. Si, comme elle l'a déclaré dans le cadre de son témoignage, l'habitation avait par erreur été mise à son nom et que jamais elle n'avait voulu l'acquérir à son propre nom, elle n'aurait pas été en droit de retirer les sommes de ses REER en vertu de l'article 146.01 comme elle l'a fait.

[14] Ainsi, la preuve présentée par l'appelant pour réfuter les hypothèses n'est pas cohérente. Une partie de cette preuve fait problème de façon importante concernant l'objet de l'appel. Notamment, les documents n'appuient pas le témoignage de Genevieve à bien des égards importants. Pour cette raison, la Cour ne croit pas le témoin.

[15] Les hypothèses n'ont pas été réfutées par la preuve.

[16] L'appel est rejeté.

[17] L'intimée se voit adjuger des frais entre parties.

Signé à Vancouver, Canada, ce 21e jour de mai 1999.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de mars 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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