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Date: 19990909

Dossier: 98-362-IT-G

ENTRE :

GREGORY H. BOWLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Les présents appels concernent les années d'imposition 1993 et 1994.

[2] Dans le calcul du revenu provenant de son bien locatif pour les années d'imposition 1993 et 1994, l'appelant a déduit les frais de réparations et d'entretien suivants :

1993 56 500 $

1994 9 972 $

POINT EN LITIGE

[3] La question est de savoir si les dépenses déduites comme frais de réparations et d'entretien étaient des dépenses en capital au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

FAITS

[4] Un exposé conjoint partiel des faits a été déposé. Il se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les faits suivants sont admis par l'appelant et l'intimée et n'exigent aucune preuve supplémentaire.

1. L'appelant a acquis le bien situé au 112, Granite Crescent, Thompson (Manitoba) (le « bien » ) en septembre 1990.

2. La valeur estimative du bien en 1990 était de 80 000 $, dont environ 5 000 $ pour le terrain.

3. L'appelant a commencé à louer le bien en octobre 1991.

4. Le bien a été considérablement endommagé par un incendie le 12 février 1992 ou vers cette date.

5. Des réparations au bien ont été entreprises à l'automne 1992 et achevées en 1993.

6. L'appelant a recommencé à louer le bien en mai 1993.

7. L'appelant a déduit, à l'égard du bien pour 1993 et 1994, des dépenses engagées pour les réparations et l'entretien, y compris celles se rapportant à la réparation des dommages causés par l'incendie, soit 56 500 $ pour l'année d'imposition 1993 et 9 972 $ pour l'année d'imposition 1994.

8. Les dépenses déduites comme frais de réparations et d'entretien, soit 56 500 $ pour 1993 et 9 972 $ pour 1994, ce qui totalise 66 472 $, ont été engagées dans l'année d'imposition 1993.

[5] L'appelant a passé en revue pour la Cour la pièce A-1 qu'il avait établie et qui faisait état de documents, de faits et d'arguments à l'appui de son assertion selon laquelle les dépenses avaient été engagées pour la réparation et l'entretien de son immeuble.

[6] Pour l'essentiel, l'appelant a déclaré qu'il avait engagé les dépenses pour remettre le bien dans son état original.

[7] L'appelant a affirmé qu'une proportion de 60 p. 100 du coût total était attribuable aux travaux de démolition qu'il avait fallu faire par suite des dommages causés par l'eau et la fumée lors de l'incendie. Dans une lettre à Revenu Canada en date du 11 février 1997, il a fait valoir ce qui suit :

[TRADUCTION]

Les dépenses déduites pour 1993 et 1994 incluaient 60 p. 100 de frais de main-d'oeuvre demandés par un entrepreneur pour l'enlèvement de ce qui suit (par pelletées) :

2 étages de murs intérieurs en placoplâtre (feuilles doubles), des deux côtés;

la moitié du rez-de-chaussée, y compris toutes les poutres et poutrelles de support en bois;

tout le système de plomberie et d'électricité, les conduits et les accessoires fixes;

l'ensemble des portes intérieures, des garde-robes et des armoires;

l'escalier intérieur;

6 fenêtres brisées (ou plus).

Le travail de démolition ne représente pas une amélioration au titre du capital.

Les 40 p. 100 restants de la valeur du contrat visaient la fourniture et l'installation de matériel de remplacement de moindre qualité que le matériel d'origine.

Le plancher de bois d'origine a été remplacé par un plancher de contreplaqué.

Les portes pleines intérieures (5) ont été remplacées par des portes commerciales creuses.

Les plinthes de bois ont été remplacées par des plinthes de plastique.

Les rideaux du salon, soit des rideaux de grande qualité doublés en tissu isolant, n'ont jamais été remplacés.

[8] L'appelant a témoigné qu'il avait en outre dépensé 20 000 $ pour des travaux au sous-sol et qu'il n'avait toutefois pas déduit ces dépenses parce qu'il considérait qu'il s'agissait de dépenses en capital.

ANALYSE

[9] Comme je l'ai dit, l'appelant affirme que les dépenses qu'il a engagées pour remettre en état son bien locatif après l'incendie sont des frais de réparations et d'entretien. Le ministre soutient pour sa part qu'il s'agit de dépenses en capital au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi.

[10] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les alinéas 18(1)a) et b), qui se lisent comme suit :

18(1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

b) une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie.

[11] Les critères servant à déterminer si certaines dépenses sont des dépenses courantes de réparations et d'entretien ou des dépenses en capital sont énoncés dans l'arrêt Johns-Manville Canada Inc. v. The Queen, 85 DTC 5373. Dans cette affaire, la société appelante avait acheté un terrain pour faire en sorte que les parois de sa mine continuent d'avoir la même inclinaison. La société avait déduit le prix du terrain comme dépense courante. Dans sa nouvelle cotisation, le ministre prétendait qu'il s'agissait d'une dépense en capital. La Cour suprême du Canada a conclu que le terrain représentait une charge d'exploitation, car il apportait seulement un avantage temporaire, qu'il s'agissait d'une dépense répétitive puisqu'elle était engagée chaque année depuis quarante ans et, enfin, que cette dépense n'ajoutait rien à l'infrastructure de la mine.

[12] Dans son analyse, la Cour avait examiné la jurisprudence ainsi qu'une liste de principes à utiliser. En bref, ces principes comprennent l'objet de la dépense, les questions de savoir si la dépense a été engagée dans le cadre de l'exploitation quotidienne de l'entreprise, si elle se rapporte à un élément consommé dans l'exploitation de l'entreprise, si elle donne lieu à un avantage durable et si elle a un caractère récurrent, de même que le coût que la dépense représente par rapport au coût de l'entreprise.

[13] Dans l'affaire Shabro Investments Limited v. The Queen, 79 DTC 5104, le juge Urie, de la Cour d'appel fédérale, a indiqué que la question de savoir si une dépense doit être considérée comme des frais de réparations et d'entretien ou une dépense en capital est une question de fait. À la page 5109, il a affirmé :

C'est donc, dans chaque espèce, une question de circonstances, et souvent une question de degré. C'est celle-ci qui pose des difficultés parce que, dans la plupart des cas, on fait une dépense simplement pour réparer un bien existant et non pour renouveler, remplacer ou améliorer ce bien.

[14] Dans l'affaire Shabro, précitée, l'appelante avait indiqué des dépenses comme frais de réparations ou d'entretien, après que la dalle de son immeuble à étage se fut affaissée, l'immeuble ayant été construit sur un site d'enfouissement. La Cour d'appel fédérale a conclu que ces dépenses étaient des dépenses en capital parce que la nouvelle dalle était différente de la précédente. Des mesures spéciales avaient été prises pour renforcer la dalle, de sorte qu'il s'agissait d'une amélioration permanente de l'immeuble plutôt que d'une simple réparation.

[15] D'autres jugements ont été rendus sur la question de savoir comment des dépenses doivent être considérées lorsqu'un bien locatif a été détruit par un incendie. De façon générale, les tribunaux ont conclu que les dépenses engagées pour de telles réparations étaient des dépenses en capital. Dans l'affaire Leclerc v. R., [1998] 2 C.T.C. 2578, le contribuable avait acheté un duplex. Il vivait dans un des deux logements et louait l'autre. En effectuant des rénovations mineures, il s'était rendu compte que des réparations importantes s'imposaient parce que, « contrairement aux règlements municipaux » , l'ancien propriétaire avait fait lui-même les réparations nécessaires par suite d'un incendie. Ces réparations représentaient en fait un danger, et le contribuable a dû obtenir de la municipalité un permis de démolition et de construction. Le contribuable a déduit les dépenses comme frais engagés au titre de réparations. Mme le juge Lamarre Proulx, de notre cour, a conclu qu'il s'agissait de dépenses en capital; à la page 2581, elle a déclaré :

Les dépenses en question dans le présent appel ne sont évidemment pas liées à la production. Elles sont en fait liées au processus générateur de revenus. Les dépenses réclamées concernaient la reconstruction de la maison et non son entretien. Elles n'étaient donc pas de la nature de dépenses d'exploitation mais de la nature de dépenses au compte du capital et ne peuvent être déduites dans le calcul du revenu parce que l'alinéa 18(1)b) de la Loi n'en permet pas la déduction. [...]

[L]es réparations n'étaient pas des réparations usuelles d'une propriété en état de location mais des réparations de remise en état locatif d'un immeuble, réparations qui avaient pour but de conférer un avantage durable à cette propriété.

[16] Dans l'affaire Speek (P.) v. Canada, [1994] 2 C.T.C. 2422, le juge en chef adjoint Christie, de notre cour, a déclaré à la page 2424 :

Mises à part les fondations, qui sont en ciment, l'habitation a été complètement détruite par l'incendie survenu le 31 décembre 1989. Une habitation à étage a été construite sur les mêmes fondations entre janvier et juin 1990 au coût d'environ 115 292 $. La nouvelle structure a été louée à partir du 1er juillet 1990. Je n'ai aucune hésitation à déclarer que les dépenses relatives à la nouvelle habitation étaient des dépenses en immobilisations. Elles ne peuvent être considérées comme des dépenses imputables à la réparation et à l'entretien d'un bien en immobilisation. Le bien en immobilisation qui existait avant le 31 décembre 1989 a été détruit et a été remplacé par un nouveau bien en immobilisation.

Des remplacements d'actif beaucoup moins importants ont été considérés comme correspondant aux termes suivants de l'alinéa 18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

(Le soulignement est de moi.)

CONCLUSION

[17] L'appelant affirme qu'il ne peut s'agir de dépenses en capital, car les dépenses n'ont pas été engagées en vue d'apporter des améliorations à la maison.

[18] Je conclus toutefois que les dépenses engagées par l'appelant — y compris entre autres le coût de démolition ainsi que les frais engagés pour remplacer la moitié du rez-de-chaussée, les poutres de support en bois et certaines des fenêtres — n'étaient pas des dépenses ayant un caractère répétitif. Les dépenses ont permis d'obtenir des avantages permanents, car le contribuable n'aura pas à engager de telles dépenses tous les ans. Il ne s'agit pas de réparations qui devront être faites plusieurs fois. Ces dépenses ont donné lieu à un avantage durable. Elles ont permis de remettre en état le bien locatif. La maison a été pratiquement reconstruite, et les dépenses ont donné lieu à une nouvelle immobilisation. Donc, je conclus que les dépenses engagées étaient des dépenses en capital.

[19] Dans son avis d'appel, l'appelant traitait en outre brièvement de préoccupations qu'il avait au sujet de questions de perception et de questions d'intérêts sur remboursements pour les années d'imposition 1996 et 1997. De plus, il alléguait que Revenu Canada tardait à s'occuper d'une affaire qui avait été réglée. Il réclamait en outre des dommages-intérêts pour stress personnel. Toutes ces questions débordent le cadre de la détermination de la validité des cotisations d'impôt pour 1993 et 1994 demandée dans l'avis d'appel.

DÉCISION

[20] Les appels sont rejetés.

[21] L'intimée a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de septembre 1999.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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