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Date: 20000114

Dossier: 1999-691-IT-I

ENTRE :

SYLVAIN BUSSIÈRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel, par voie de la procédure informelle, concernant le calcul du maximum déductible au titre des régimes enregistrés d'épargne-retraite (“REER”) au sens du paragraphe 146(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”). Il s'agit de savoir si le facteur d'équivalence calculé pour l'année 1996 a été à juste titre soustrait du maximum déductible au titre des REER.

[2] “Maximum déductible au titre des REER” est défini ainsi au paragraphe 146(1) de la Loi :

Le maximum déductible au titre des régimes enregistrés d'épargne-retraite d'un contribuable, pour une année d'imposition, calculé selon la formule suivante :

A + B + R – C

où :

A représente les déductions inutilisées au titre des REÉR du contribuable à la fin de l'année d'imposition précédente;

B l'excédent éventuel du plafond REÉR pour l'année ou, s'il est inférieur, du montant correspondant à 18 % du revenu gagné du contribuable pour l'année d'imposition précédente sur le total des montants représentant chacun :

a) le facteur d'équivalence du contribuable pour l'année d'imposition précédente quant à un employeur,

b) le montant prescrit quant au contribuable pour l'année;

C le facteur d'équivalence pour services passés net du contribuable pour l'année;

R le facteur d'équivalence rectifié total du contribuable pour l'année.

(Le souligné est de moi.)

[3] Cette définition, modifiée par L.C. 1998, ch. 19, par. 37(1), est applicable à compter de 1989. Toutefois, en ce qui concerne les années d'imposition antérieures à 1998, la valeur de l'élément R de la formule figurant à cette définition est nulle.

[4] Les faits de la présente affaire sont décrits à la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

2. Par avis de cotisation daté du 15 juin 1998, pour l'année d'imposition 1997, le Ministre a révisé la déduction pour Régime Enregistré d'Épargne Retraite “REER” à un montant de 4 026 $.

3. Pour établir ces nouvelles cotisations, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) lors de la production de sa déclaration de revenu, pour l'année d'imposition 1996, l'appelant n'a inscrit aucun montant comme facteur d'équivalence;

b) le 26 février 1998, le Ministre a émis un avis de nouvelle cotisation à l'appelant, pour l'année d'imposition 1996, en effectuant comme seul changement, que son facteur d'équivalence pour cette année-là était de 3 852 $;

c) ce montant de 3 852 $ a été retracé par le Ministre lors du rapprochement des T4 de l'appelant pour l'année d'imposition 1996;

d) l'appelant a effectué les contributions suivantes à des REER, pour l'année d'imposition 1997 :

i) 17-02-97 L'Industrielle Alliance 5 000 $

ii) 29-12-97 CIBC 3 000 $

Total 8 000 $

e) l'appelant lors de la production de sa déclaration de revenus, pour l'année d'imposition 1997, a réclamé, selon son calcul de maximum déductible à ses REER pour cette année-là, un montant de 7 878 $;

f) l'appelant ayant un facteur d'équivalence de 3 852 $ pour l'année d'imposition 1996, le Ministre a révisé la déduction permise pour REER de l'appelant à 4 026 $ pour l'année d'imposition 1997.

4. Au stade de l'opposition, le Ministre a établi :

a) que l'appelant avait travaillé chez son ancien employeur, HMRC Services Inc. “HMRC” pour une période de 2 ans et 15 jours;

b) que HMRC avait un régime non contributif;

c) le facteur d'équivalence du régime de HMRC ne découle pas des contributions de l'appelant mais de la reconnaissance d'une année par l'administrateur du régime;

d) l'appelant ayant travaillé plus de deux ans chez HMRC, le calcul du facteur d'équivalence a été bien fait.

[5] Lors de son témoignage, l'appelant a admis les alinéas 3(a), 3(b), 3(d), 3(e) ainsi que 4(b).

[6] L'appelant est un représentant médical qui a travaillé pour HMRC Services Inc., (Hoechst Marion Roussel Canada), une entreprise pharmaceutique, pendant deux ans et 15 jours. Le 13 novembre 1996, l'appelant a été mis à pied.

[7] HMRC a un régime de pension non contributif. Il s'agit d'un fonds de pension à prestation déterminée. L'appelant devait avoir travaillé plus de deux ans chez HMRC pour acquérir des droits au régime, comme celui d'un remboursement des sommes que l'employeur a versées dans le régime pour cet employé ou si l'employé y laisse ces sommes, un droit à des prestations éventuelles. Lors de son départ, l'appelant a retiré, de ce régime non contributif, la somme de 1 400 $.

[8] L'administrateur du régime a établi le facteur d'équivalence pour l'année 1996 au montant de 3 852 $.

[9] Monsieur Marc Vachon, vérificateur à Revenu Canada, a témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée. Il a produit un document de travail comme pièce I-1. Ce document de travail concerne le calcul du facteur d'équivalence pour l'année 1996. Il a vérifié le calcul fait par l'employeur et en a confirmé l'exactitude.

[10] Le montant n'est pas contesté par l'appelant. Ce qu'il conteste c'est la déduction que le Ministre en fait dans le calcul du maximum déductible au titre des REER pour l'année 1997. Il soutient que s'il avait été congédié au cours de l'année 1997, l'addition du facteur d'équivalence rectifié total lui aurait permis de réclamer un maximum déductible au titre des REER bien supérieur à celui qui lui est présentement permis pour son année d'imposition 1997. Il ne connaît pas le montant du facteur d'équivalence rectifié total. La question a été posée au témoin de l'intimée tout comme à l'avocat et personne ne savait faire le calcul requis ni n'avait la réponse.

[11] De toute façon, dans cette affaire, notion du facteur d'équivalence rectifié total ne s'appliquait pour l'année 1996. Il s'agit donc de déterminer si l'appelant doit déduire dans le calcul du maximum déductible au titre des REER, le facteur d'équivalence mentionné à l'alinéa a) de B dans la formule reproduite au paragraphe 2 de ces Motifs.

[12] “Facteur d'équivalence” est défini au paragraphe 248(1) de la Loi comme suit :

facteur d'équivalence ” S'agissant du facteur d'équivalence d'un contribuable pour une année civile quant à un employeur, s'entend au sens du règlement.

[13] On voit que la définition réfère au Règlement de l'impôt sur le revenu (le “Règlement”). La Réponse fait référence à “parties des articles 8300 et 8400” du Règlement sans plus de spécificité. L'avocat de l'intimée ne m'a renvoyée non plus à aucune partie spécifique du Règlement ni à aucune jurisprudence. Le débat juridique n'a porté que sur le fait que le facteur d'équivalence rectifié total ne s'appliquait pas et la seule preuve présentée par l'intimée a porté sur le calcul du facteur d'équivalence, ce qui, dans les deux cas, n'était pas mis en doute par l'appelant. Toutefois, de la jurisprudence existe sur le sujet bien particulier de l'effet juridique du facteur d'équivalence, pour l'année où un employé quitte son emploi et cesse de participer au régime de pension de l'employeur. Il s'agit des décisions de cette Cour dans Emmerson c. Canada, [1997] A.C.I. No 967, Berkeley c. Canada, [1995] A.C.I. No 108, Kroff c. Canada, [1996] A.C.I. No 1747 et Osborn c. Canada, [1995] A.C.I. No 534.

[14] La décision du juge Sarchuck dans Emmerson (supra) est particulièrement intéressante et c'est celle que je suivrai. L'avocat de l'appelante, au paragraphe 5 de ces motifs, s'exprime ainsi :

5. ... En d'autres termes, le FE vise à ce que les personnes qui participent à un RPA et celles qui peuvent uniquement verser des cotisations à un REER soient traitées de la même façon au point de vue de la capacité de contribuer à leurs régimes de pension et de déduire ces cotisations du revenu par ailleurs imposable.

...

Dans ces conditions, l'appelante soutient essentiellement que le calcul du FE pour l'année civile 1993 était fondé sur un seul fait allégué qui ne correspond tout simplement pas à la réalité : à savoir que l'appelante avait versé une cotisation à un RPA qui a donné lieu au droit à pension raisonnablement considéré comme imputable à son emploi au MAS. En fait, à la fin de l'année civile 1993, l'appelante n'avait pas plus droit à des prestations imputables à son emploi au MAS qu'une personne qui n'avait jamais travaillé pour le MAS.

L'appelante avait versé une cotisation initiale au régime de l'employeur pendant l'année civile 1993, mais le montant de cette cotisation lui a été remis avant la fin de l'année civile 1993 de sorte que, à la fin de l'année civile 1993, l'appelante n'avait pas versé de cotisations à un RPA. ...

À cet égard, la situation de l'appelante ressemble à celle qui existait dans l'affaire Berkeley c. Canada. Dans cette affaire-là, M. Berkeley, qui travaillait pour le gouvernement fédéral, avait été en congé et avait démissionné le 31 mars 1992. M. Berkeley participait au même régime de pension, mais aucune cotisation n'avait été versée au régime en 1992. De l'avis de Madame la juge Lamarre Proulx, de la Cour canadienne de l'impôt, il était fort clair que l'appelant n'avait pas versé de cotisations et que, compte tenu du sens du mot “acquis”, aucune prestation n'avait été acquise à l'appelant.

Berkeley c. Canada, [1995] A.C.I. no 108 (dossier 94-812(IT)I, juge Lamarre Proulx, C.C.I.).

De même, en l'espèce, on ne peut pas dire qu'au moment où le FE a été calculé, des prestations avaient été acquises à l'appelante parce que le plein montant des cotisations lui avait été remis. Comme dans l'affaire Berkeley, le fait essentiel justifiant le calcul d'un FE n'existait pas.

...

En conclusion, l'appelante met l'accent sur le fait que l'objectif législatif qui sous-tend le calcul du FE vise de toute évidence à assurer que les personnes qui font face à la même situation qu'elle ne soient pas plus en mesure d'effectuer des déductions du revenu imposable du fait qu'elles peuvent verser des cotisations tant à un RPA qu'à un REER. Il va sans dire qu'en l'espèce, l'appelante n'a reçu aucun droit supplémentaire de ce genre. De fait, c'est exactement le contraire qui s'est produit : par suite du calcul du FE sur la base du versement fictif d'une cotisation à un RPA, le maximum déductible au titre du REER de l'appelante a été artificiellement réduit de sorte que l'esprit de ces dispositions est compromis et en outre que l'obligation fiscale de l'appelante est plus lourde.

[15] Je me réfère maintenant aux conclusions du juge Sarchuck aux paragraphes 6 à 10 de ses motifs :

6. Il s'agit ici de savoir si le facteur d'équivalence que le ministre a calculé doit être soustrait du maximum déductible au titre du REER de l'appelante. L'intimée soutient que la question de savoir si un droit à des prestations a réellement été acquis par l'appelante n'est pas pertinente aux fins du calcul de son FE parce qu'en vertu du Règlement, ce droit est réputé avoir été acquis aux fins du calcul du montant de la pension normalisée (paragraphe 8302(3) du Règlement). Je ne puis retenir cette thèse dans ce cas-ci.

7. Les faits ne sont pas contestés. L'appelante a commencé à verser des cotisations vers le 24 janvier 1993, et elle a continué à le faire jusqu'à ce qu'il soit mis fin à son emploi le 31 mai 1993. Le montant entier des cotisations lui a été remis cette année-là, moins une déduction aux fins de l'impôt sur le revenu, comme le montrent les feuillets T4 et T4A que l'employeur a délivrés. À la fin de l'année 1993, l'appelante ne travaillait pas pour le MAS, elle n'était pas tenue de verser de cotisations et elle n'avait pas droit à des prestations, acquises ou non, dans le cadre du régime.

8. La position de l'intimée découle de l'application du paragraphe 8302(3) du Règlement selon lequel dans “le calcul de la pension normalisée, il faut tenir compte du montant des prestations qui seraient payables si elles étaient acquises”. Toutefois, il est clair (s'il est possible de dire que le Règlement est clair) que les prestations mentionnées sont celles “auxquelles le particulier a droit”. Logiquement, ce droit devrait dépendre du fait que des cotisations ont été créditées au particulier. Une acquisition réputée transforme un droit éventuel à des prestations en un droit à pareilles prestations pour l'application du Règlement en question. Je suis convaincu que la disposition déterminative figurant au paragraphe 8302(3) vise à s'appliquer au cas dans lequel une personne a versé des cotisations qui sont encore incluses dans le régime sans qu'elle ait pour autant de droits acquis à des prestations dans le cadre du régime. Telle était la situation dans les affaires P.W. Osborn c. Canada et Brian Kroff c. Sa Majesté la Reine.

9. À mon avis, le FE se rapporte à une année civile particulière et représente une estimation de la valeur des prestations acquises dans le cadre d'une disposition à prestations déterminées d'un régime de pension agréé “qu'il est raisonnable de considérer comme imputable à son emploi auprès de l'employeur” (paragraphe 8302(1)du Règlement).En calculant les prestations acquises, il faut d'abord déterminer “la pension normalisée prévue pour le particulier par la disposition à la fin de l'année qu'il est raisonnable de considérer comme s'étant accumulée pour l'année” (paragraphe 8302(2)a) du Règlement). Étant donné que l'appelante ne travaillait plus au MAS et qu'aucune cotisation n'était créditée à son compte dans le régime de pension, on ne peut pas dire qu'il y avait des prestations acquises qu'il était raisonnable de considérer comme imputables à l'emploi de l'appelante cette année-là.

10. J'ai conclu que l'appelante n'avait pas droit à des prestations qui pourraient être réputées acquises en vertu du Règlement et qui pourraient ensuite servir de fondement aux fins du calcul du FE. L'appel est admis avec dépens.

[16] Je conclus de la même façon que dans l'affaire Emmerson : l'appelant ayant retiré sa participation au régime de pension de son employeur au cours de l'année 1996, il n'y avait pas de facteur d'équivalence à un régime de pension qui subsistait pour cette année.

[17] En conséquence, l'appel est admis sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 2000.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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