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Date: 20000301

Dossier: 98-3634-IT-I

ENTRE :

YVES PERRAS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Les appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, portent sur des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Dans le calcul de son revenu, l'appelant a déclaré une perte d'entreprise nette de 3 842 $ en 1993, un revenu nul en 1994 et un revenu d'entreprise net de 7 499 $ en 1995. Dans la cotisation qu’il a établie à l'égard de l'appelant, le ministre a effectué les rajustements suivants au revenu d'entreprise :

Dépenses d'entreprise refusées 1993 1994 1995

Assurance 762 $ 0 $ 1 569 $

Taxes et droits 1 184 0 2 391

Électricité, chauffage, eau et téléphone 1 426 0 1 913

Réparations et entretien 0 593 1 828

Bureau à domicile 0 2 607 411

Publicité et relations publiques 0 82 0

Automobile 203 753 394

Bureau 432 0 0

Location de bureau 0 0 4 992

Menus outils 0 0 881

-------- -------- --------

Total des dépenses d'entreprise refusées 4 007 $ 4 035 $ 14 379 $

Dépenses d'entreprise admises

Déduction pour amortissement 43 219 261

--------- -------- --------

Dépenses d'entreprise nettes refusées 3 964 $ 3 816 $ 14 118 $

[2] Pour établir la cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé sur les faits suivants :

[TRADUCTION]

Au cours des années visées par l'appel, l'appelant exploitait une entreprise d'électricité sous le nom de Power Tech Electrique (l'“ entreprise ”); (admis)

l'exercice de l'entreprise prenait fin le 31 décembre; (admis)

l'entreprise avait son lieu d'affaires principal à la résidence de l'appelant; (admis)

Dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales

la partie de la résidence de l'appelant utilisée à des fins commerciales équivalait à 18,9 p. 100 de la superficie;

dans le calcul de son revenu d'entreprise des années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déduit des dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales de 4 100 $ et de 2 001 $ respectivement, ainsi qu'en fait foi l'Annexe “ A ” jointe aux présentes; (admis)

sur le total des dépenses liées à l'utilisation du domicile déduites par l'appelant dans les années d'imposition 1994 et 1995, les montants de 6 740,85 $ et de 5 468,69 $ respectivement n'ont pas été étayés par une preuve documentaire (voir l'annexe “ A ” pour la ventilation de ces montants);

l'appelant ne peut déduire des dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales supérieures à 1 493,19 $ et à 1 589,98 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement;

Dépenses relatives au terrain

le 6 mars 1995, l'appelant a conclu un contrat de location avec son père, Rolland Perras, concernant une parcelle de terrain adjacente à sa résidence (le “ terrain ”); (admis)

le terrain est un bien-fonds riverain libre de deux acres environ, dont la description officielle est la suivante : partie 2 du lot 7, concession 5, promenade Perras, enregistrement de plan no 50R-6336, partie 2, dans le canton de Russell (Ontario);

lorsqu'il a conclu le contrat de location en question, l'appelant avait l'intention d'acheter le terrain après avoir vendu sa résidence actuelle et d'y construire une nouvelle résidence dans laquelle il aménagerait un bureau plus spacieux pour l'entreprise;

lorsque l’appelant a signé le contrat de location, le terrain avait une juste valeur marchande de 35 000 $; (admis)

le bail visait la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2007; (admis)

le loyer mensuel a été fixé à 347,26 $ compte tenu d'un taux d'intérêt de 6,5 p. 100;

la valeur actuelle des loyers minimaux était égale au total ou presque de la juste valeur marchande du terrain au début de la période de location;

le contrat de location contenait une option d'achat aux termes de laquelle l'appelant pouvait acheter le terrain en payant la valeur résiduelle, soit le solde du principal;

le contrat de location du terrain était un contrat de location-acquisition;

au cours de l'année d'imposition 1995, 1 p. 100 du terrain a été utilisé à des fins commerciales;

dans le calcul de son revenu d'entreprise de l'année d'imposition 1995, l'appelant a déduit au total 5 014,38 $ à titre de dépenses de location de bureau, ce qui représentait 13 paiements de loyer de 347,26 $ et un dépôt de 500 $ pour le terrain;

l'appelant ne peut déduire la partie des loyers qui se rapporte au capital;

en ce qui concerne le terrain, l'appelant a déduit également le total des taxes foncières de 1 163,38 $ payées pour l'année d'imposition 1995; (admis)

dans l'année d'imposition 1995, l'appelant ne pouvait déduire que 1 p. 100 des dépenses courantes relatives au terrain, soit 22,18 $ au titre des loyers et 11,63 $ au titre des taxes foncières.

Dans les cotisations établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993 et 1994, l'impôt fédéral en litige est nul. (admis)

Annexe “ A ”

Yves Perras c. Sa Majesté la Reine

Dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales

1994      Déduites Calculées Refusées

Électricité 1 968,96 $ 1 968,96 $

Assurance 459 459

Entretien 2 159,36 592,54

Intérêt hypothécaire 8 263 3 088,97

Taxes foncières 1 791 1 791

    ------------- --------------

Total des dépenses liées au domicile 14 641,32 $ 7 900,47 $ 6 740,85 $

Partie attribuée à l'entreprise 28,01 % 18,90 %

------------- --------------

Dépenses liées à l'utilisation du domicile

à des fins commerciales 4 100,32 $ 1 493,19 $ 2 607,13 $

1995

Électricité 2 315,14 $ 1 912,60 $

Assurance 563 648,10

Entretien 2 315,46 1 828,04

Intérêt hypothécaire 6 456,54 2 785,06

Taxes foncières 2 231,15 1 238,80

------------- -------------

Total des dépenses liées au domicile 13 881,29 $ 8 412,60 $ 5 468,69 $

Partie attribuée à l'entreprise 14,42 % 18,90 %

------------- -------------

Dépenses liées à l'utilisation du domicile

à des fins commerciales 2 001,19 $ 1 589,98 $ 411,21 $

[3] À l'audition, l'appelant a abandonné ses appels pour les années 1993 et 1994 car aucun montant n'est réclamé dans les cotisations établies pour ces années. De plus, l'appelant ne conteste plus les dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales qui ont été calculées relativement à l'intérêt hypothécaire.

[4] Seul l'appelant a témoigné. Il a déclaré qu'il avait pris une décision commerciale lorsqu'il avait décidé de louer le terrain de ses parents. Il vit sur un terrain adjacent au terrain en cause. Au cours de l'année en litige, il n'avait pas suffisamment d'espace pour établir un atelier où il aurait pu conserver le volumineux matériel (poteaux hydroélectriques et gros câbles) dont il avait besoin pour son entreprise. Il a donc utilisé le terrain de ses parents. C'est ainsi que l'appelant et son père, M. Rolland Perras, ont signé un “ contrat de location de terrain ” le 6 mars 1995, lequel a été produit sous la cote A-5. Il est reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

CONTRAT DE LOCATION DE TERRAIN

ENREGISTREMENT : 50R-6336 PARTIE 2

Durée du bail : 1er janvier 1995 au 31 décembre 2007

[...]

CONTRAT DE LOCATION DE TERRAIN

CONTRAT conclu ce 6e jour de mars 1995

ENTRE M. ROLLAND PERRAS

ci-après appelé le propriétaire

PREMIÈRE PARTIE

ET

M. YVES PERRAS

ci-après appelé le locataire

DEUXIÈME PARTIE

EN CONSIDÉRATION des engagements mutuels convenus ci-après, les parties aux présentes s'engagent à ce qui suit :

1. LOCATION. Le propriétaire s'engage à louer au locataire, qui s'engage à louer du propriétaire, le terrain décrit à l'annexe “ A ” jointe au présent contrat, sous réserve des modalités de celui-ci; les annexes ainsi jointes font partie du présent contrat.

2. DURÉE. Le bail, d'une durée de 144 mois (12 ans), entre en vigueur à la date du transfert, soit le 1er janvier 1995. Le locataire s'engage à maintenir le terrain dans l'état dans lequel il le reçoit, à l'expiration ou à l'annulation du bail ou pour toute autre raison prévue au présent contrat. Si le locataire omet d'effectuer l'entretien du terrain, le propriétaire a le droit de recouvrer des frais auprès du locataire.

3. FRAIS DE LOCATION. La location mensuelle du terrain est énoncée à l'annexe “ A ”. Le bail commence le 1er janvier 1995 et prend fin le 31 décembre 2007. Les paiements mensuels s'élèvent à 347,26 $ et sont payables à M. Rolland Perras. Un montant proportionnel du loyer calculé à compter de la date de remise et tous les autres montants sont dus et payables à la remise; tous les autres montants sont dus et payables à l'avance le 1er jour de chaque mois pendant la durée du bail. En outre, un dépôt de garantie de 500 $ est payé par le locataire à la remise. Le propriétaire peut, à son entière discrétion, imputer ce dépôt aux frais de location ou aux autres frais dont le locataire a légalement la responsabilité. Toute partie du dépôt de garantie non imputée de cette façon est remise au locataire à l'expiration du présent bail ou à toute date antérieure à laquelle le présent bail peut par ailleurs être résilié.

4. DROITS ET TAXES. Le locataire doit payer les droits et taxes, notamment les impôts mobiliers, les taxes de vente, les impôts sur le revenu et les taxes d'accise imposés par un gouvernement, au moment où il sont dus. Sont inclus les taxes municipales et les frais d'enregistrement.

5. INTERDICTION. La location n'est assujettie à aucune interdiction, à condition que l'objet de la location soit maintenu dans l'état dans lequel il est remis.

6. OMISSION. Si le locataire omet de payer les versements mensuels dus aux termes des présentes au moment où il sont dus et que cette omission se poursuit pendant dix (10) jours, s'il omet de respecter ou d'exécuter l'une ou l'autre des modalités du présent contrat de location et que cette omission se poursuive pendant dix (10) jours, s'il commet un acte de faillite, effectue une vente en bloc de ses biens, institue ou permet que soient instituées à son égard des procédures en insolvabilité, en faillite, en mise sous séquestre ou en liquidation, ou qu'il omette de fournir au propriétaire, sur demande, une preuve satisfaisante du paiement des droits et taxes, il est dès ce moment-là réputé avoir répudié le présent bail, et le propriétaire peut, à son choix, accepter cette répudiation, auquel cas il a le droit de reprendre le terrain et de résilier le bail.

7. FRAIS DE RETARD. Les délais fixés étant une condition essentielle du présent bail, des frais correspondant à 2 pour cent (24 pour cent par année) du paiement qui n'est pas effectué dans un délai de 10 jours de sa date d'échéance seront exigés.

8. ANNULATION. Le locataire a le droit de résilier le bail avant l'expiration prévue, sur paiement au propriétaire de tous les montants qu'il doit payer, aux termes des présentes, jusqu'à la date d'annulation;

a. paiement au propriétaire d'un montant égal aux frais d'annulation prévus au tableau d'annulation figurant à l'annexe “ A ” jointe aux présentes, en sus de tous frais engagés pour remettre le bien dans l'état dans lequel il se trouvait à la remise;

paiement au propriétaire de la juste valeur marchande au détail que le terrain aurait eue à la date de ce paiement (soit le solde du principal aux termes du bail).

9. Il est entendu et convenu que, sous réserve de toute clause expresse des présentes à l’effet contraire, le locataire assume les risques des pertes et des dommages causés au terrain pendant la durée du présent bail et, en cas de dommages, il réparera le terrain ou le remettra en état pour le ramener à sa juste valeur marchande.

10. RESPONSABILITÉ. Il est entendu et convenu que le propriétaire n'est pas responsable ni redevable envers le locataire des pertes ou dommages, de quelque nature qu'ils soient, subis par le locataire directement ou indirectement par suite de cas fortuits.

11. RÉDUCTION. Le loyer mensuel et les autres frais doivent être payés au moment où ils sont dus pour la durée complète du bail, sans avis ou demande, sans demande reconventionnelle, compensation, réduction, report ou autre forme de défense pour quelque cause que ce soit.

12. INTERPRÉTATION DU CONTRAT. Le présent contrat est interprété conformément aux lois de la province d'Ontario.

13. CESSION ET SOUS-LOCATION. Le présent contrat ou un droit sur celui-ci ne peut être cédé ni sous-loué par le locataire sans le consentement préalable écrit du propriétaire. Seul le propriétaire décide de la solvabilité et de l'acceptabilité d'un sous-locataire éventuel. Des frais d'administration de 200 $ sont exigés du locataire pour ces vérifications, pour la rédaction et la signature du sous-contrat de location approprié et pour l'obtention d'une preuve de capacité. Le propriétaire conservera le dépôt de garantie initial.

14. RENONCIATION. L'omission de l'une ou l'autre partie aux présentes ¾ dans un ou plusieurs cas ¾ d'insister pour que soit exécuté une modalité, un engagement ou une condition prévus au bail ou d'exercer un droit ou un privilège conférés par le présent contrat, ou la renonciation à tout manquement à une modalité, un engagement ou une condition du présent contrat n’est pas interprétée comme une renonciation subséquente à cette modalité, cet engagement ou cette condition ni à ce droit ou privilège, lesquels continuent de s'appliquer comme s'il n'y avait pas eu d'abstention ou de renonciation.

15. CLAUSE DE RACHAT. À la fin du bail initial, la valeur résiduelle du terrain sera égale au solde du principal encore dû. Le locataire reconnaît et convient que la présente clause est à l'avantage du propriétaire, qu'elle ne s'applique qu'à l'expiration du bail initial et qu'elle n'accorde pas au locataire ni ne doit être interprétée comme lui accordant un droit sur le terrain, à moins que le bail initial soit expiré et qu'il soit nul et non avenu en cas de résiliation. La clause de rachat du bail doit être appliquée le dernier jour du bail. Si le propriétaire accepte un retrait anticipé du bail et invoque la clause de rachat, le montant du rachat est égal au solde du principal aux termes du bail.

ROLLAND PERRAS ET YVES PERRAS

CONTRAT DE LOCATION/ACHAT ET OPTIONS DE PAIEMENT

ANNEXE “ A ”

DESCRIPTION DU LOT : PARTIE 2 DU LOT 7, CONCESSION 5, PROMENADE PERRAS

ENREGISTREMENT DE PLAN 50R-6336 PARTIE 2

M. Yves Perras souhaite conclure un contrat de location/achat avec M. Rolland Perras relativement au terrain décrit ci-dessus. Pour que les paiements mensuels soient raisonnables, la durée du bail est fixée à 12 ans. Le bail est conçu de façon que, si Yves Perras vend sa maison avant la résiliation du présent contrat, il pourra payer le solde complet de la location/achat.

M. Rolland Perras déclare le total des loyers (12 mois) aux fins de son impôt sur le revenu, et Yves Perras peut déduire le total des loyers (12 mois) à titre de dépenses aux fins de son impôt sur le revenu. Aux fins fiscales, le gain en capital réalisé sur la vente/location du terrain est étalé sur la durée du bail. Le recours à un bail vise à faire en sorte que, aux fins de la TPS, le revenu total tiré de la vente du terrain n'excède pas 30 000 $ dans une année afin d'éviter la perception de la TPS. Les calculs et les paiements sont indiqués ci-dessous :

TERMES DU PRÊT

SELECTIONNÉ

MONTANT DU PRÊT

35 000

TAUX D'INTÉRÊT ANNUEL (%)

6,5

DURÉE DE L'AMORTISSEMENT (ANNÉES)

12

NOMBRE DE PAIEMENTS PAR ANNÉE

12

PÉRIODES DE CAPITALISATION PAR ANNÉE

1

LOYER MENSUEL DÛ LE PREMIER JOUR

347,26

INTÉRÊT TOTAL SUR TOUTE LA DURÉE

15 005,81

[5] L'appelant a déclaré que les deux tiers du terrain étaient en pente et qu'ils avaient tendance à être inondés au printemps. D'après lui, un tiers seulement du terrain est utilisable, et c'est là qu'il entreposait le matériel nécessaire à son entreprise.

[6] La valeur attribuée au terrain par la municipalité est de 35 000 $. Lorsque l'appelant a signé le contrat reproduit précédemment, il a commencé à payer les taxes foncières ainsi que les autres droits relatifs au terrain.

[7] L'appelant a résilié le bail au cours de l'année 1997, lorsqu'il a dû fermer les portes de son entreprise. Son père, qu'il a rencontré au bureau de son comptable, a accepté de ne réclamer aucune pénalité. Un contrat d'annulation de location de terrain non daté a été signé par l'appelant et ses parents. Ce document, produit en preuve sous la cote A-2, se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le contrat de location d'un terrain signé par M. Rolland Perras et M. Yves Perras au nom de POWERTECH ELECTRIC pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2007 relativement au terrain dont le numéro d'enregistrement est le 50R-6336 partie 2 est par les présentes annulé en application de l'article 6 du bail en question.

Étant donné que le terrain a été loué aux fins d'entreposage et de construction d'un atelier d'entretien électrique pour POWERTECH ELECTRIC, que l'entreprise a été vendue et a subséquemment fermé ses portes le 15 février 1997 et que le bail signé a été jugé illégal et nul, le bail est annulé. Compte tenu du fait que seul M. Rolland Perras a signé le bail alors que le terrain appartient à parts égales à M. Rolland Perras et à Mme Lilliane Perras, la clause suivante a pour effet de modifier et de corriger l'article 2 du bail initial :

“ Le présent bail porte sur la période du 1er janvier 1995 au 28 février 1997. Rolland et Lilliane Perras conservent la propriété du bien. Aucune option d'achat n'a été exercée. ”

Le propriétaire conserve tous les dépôts de garantie et droits payés jusqu'à la date de résiliation du bail.

L'appelant a reconnu que ce document avait été rédigé après que le ministre eut effectué une vérification, mais aussi après, a-t-il ajouté, que son entreprise eut fermé ses portes.

[8] L'appelant a également produit en preuve une note de rappel de taxes foncières non payées relativement au terrain en question. Cette note, datée du 6 janvier 2000, a été envoyée par le canton de Russell (pièce A-3). L'appelant l'a déposée pour montrer que ses parents sont toujours propriétaires du terrain.

[9] L'appelant a déclaré que le terrain avait une superficie totale de 2,26 acres, ou 102 802 pieds carrés. Le vérificateur a déterminé que l'appelant n'utilisait que 900 pieds carrés à des fins d'entreposage, soit un pour cent de la superficie totale.

[10] L'appelant soutient qu'il a le droit de déduire la totalité des loyers payés pour le terrain puisque les dépenses ont été engagées aux seules fins de l'exploitation de son entreprise. L'intimée soutient que le contrat signé par l'appelant et son père n'était pas un bail, mais une vente déguisée, et que l'appelant ne peut par conséquent déduire la partie des “ loyers payés ” qui se rapporte au capital. Quant au solde, l'intimée fait valoir que l'appelant peut déduire uniquement un pour cent des dépenses puisque c'est la proportion du terrain qu'il utilisait aux fins de son entreprise.

[11] L'appelant a répondu que, s'il avait voulu acheter le terrain en 1995, il en serait propriétaire aujourd'hui, ce qui n'est pas le cas. En outre, a-t-il dit, s'il n'avait pas annulé le bail, il aurait versé approximativement 15 000 $ au total jusqu'à la fin du bail. Il aurait alors dû verser 20 000 $ au moins pour acheter le terrain. Il soutient que ce montant ne peut être considéré comme la valeur résiduelle négligeable à payer au moment d'exercer l'option d'achat. Dans les circonstances, l'appelant est d'avis qu'on ne peut parler d'une vente déguisée. Il affirme également qu'il était plus commode pour lui de louer le terrain que de l'acheter.

[12] L'appelant conteste également l'allégation selon laquelle il utilisait un pour cent du terrain à des fins commerciales. Il soutient que l'ensemble de la propriété a été louée à des fins commerciales, mais que seulement un tiers de celle-ci était utilisable. Il affirme que les loyers représentaient la valeur de l'ensemble de la propriété.

[13] En ce qui concerne les frais d'utilisation d'une automobile, l'appelant a reconnu qu'il ne tenait pas de journal et qu'il avait déjà été autorisé à déduire la totalité des dépenses liées à l'utilisation de sa mini-fourgonnette.

[14] En ce qui concerne les dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales, l'appelant a prétendu qu'à la maison il utilisait un bureau et un établi et que le sous-sol et le garage servaient à l'entreposage. Il a déclaré qu'il avait mesuré la superficie des pièces utilisées à des fins commerciales avec le vérificateur et qu'il ne comprenait pas comment ce dernier avait pu arriver à 18,9 pour cent pour ce qui est des dépenses liées à l'utilisation du domicile. D'après lui, les deux tiers du garage étaient utilisés à des fins d'entreposage alors que le vérificateur a déterminé que la moitié seulement avait servi à cette fin.

Analyse

Dépenses relatives au terrain

[15] L'avocate de l'intimée s'est fondée sur la décision rendue dans l'affaire Viceroy Rubber and Plastics Limited c. M.R.N., C.C.I., no 90-3295(IT), 17 février 1993 (93 DTC 347), pour faire valoir que les loyers payés par l'appelant à son père aux termes du contrat dans l'année en litige étaient essentiellement des paiements effectués en vue de l'achat d'un bien en immobilisation. Ainsi que le juge Brûlé l'a dit dans cette décision, la Loi ne permet pas de déterminer dans quel cas un paiement est effectué aux fins d'un achat ou d'une location. Par conséquent, a dit le juge Brûlé, cette détermination doit s'effectuer en tenant compte des éléments suivants (aux pages 6 et 7 (DTC : à la page 350)) :

(1) les dispositions de la convention conclue entre les parties;

(2) les circonstances de fait entourant la conclusion et l'exécution de la convention.

Une transaction est une vente plutôt qu'un bail dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

(a) le preneur acquiert automatiquement la propriété du bien après avoir payé un montant précis sous forme de loyer;

(b) le preneur est tenu d'acheter le bien du bailleur, pendant la durée du bail ou à l'expiration de celui-ci, ou d'offrir au bailleur la garantie que lui-même ou un tiers lui versera la totalité du prix d'option;

(c) le preneur a le droit, pendant la durée du bail ou à l'expiration de celui-ci, d'acquérir le bien à un prix qui, au début du bail, est très inférieur à la juste valeur marchande probable du bien au moment où le locataire sera autorisé à en faire l'acquisition;

(d) le preneur a le droit, pendant la durée du bail ou à l'expiration de celui-ci, d'acquérir le bien à un prix tel et en vertu de modalités et de conditions telles que, au début du bail, aucune personne raisonnable n'hésiterait à exercer ladite option. (Voir le Bulletin d'interprétation IT-233R daté du 11 février 1983, paragraphe 3.)

S'il est déterminé qu'un contrat de location est en fait un contrat de vente, le preneur doit considérer la transaction comme une acquisition de bien et reconnaître une obligation à la date d'entrée en vigueur du bail. Il importe de signaler que, si certaines obligations (par exemple, les taxes ou les assurances) inhérentes à la propriété d'un bien incombent au preneur, la prise en charge de celles-ci par le preneur ne constitue pas, en soi, un facteur permettant d'établir de façon décisive si la transaction est une vente. Elle vient seulement corroborer l'opinion selon laquelle la transaction constitue peut-être une vente.

Le juge Brûlé a mentionné également l'affaire Tri-Star Leasing Inc. c. M.R.N., C.C.I., no 90-2470(IT), 5 juin 1992 (92 DTC 1786), où le juge Sarchuk a conclu, à la page 9 (DTC : à la page 1790) :

Pour déterminer la nature du contrat soumis au tribunal, il faut examiner les termes du contrat lui-même, son objet et les circonstances dans lesquelles il a été conclu. Dans cette mesure, en plus d'examiner la structure du contrat, il convient de rechercher l'intention commune des parties.

[16] Le juge Brûlé a souligné également dans l'affaire Viceroy Rubber and Plastics Limited, précitée, à la page 11 (DTC : à la page 352), que “ [p]our déterminer si un contrat constitue vraiment un bail ou une convention de vente, les tribunaux ont examiné de près les dispositions particulières des contrats eux-mêmes. Ils ont attaché une importance toute particulière aux dispositions des contrats prévoyant une option d'achat. ”

[17] Dans Kamsel Leasing c. M.R.N, [1993] A.C.I. no 12 (Q.L.), le juge Sarchuk a dit ceci aux pages 5 et 6 :

En l'espèce, les éléments de preuve sont suffisants pour me permettre de conclure que le preneur avait le droit, à l'expiration du bail, de faire l'acquisition du bien moyennant un prix qui, à la date d'entrée en vigueur du bail, pouvait être considéré comme étant sensiblement inférieur à la juste valeur marchande probable du bien au moment où son acquisition serait permise. Il est également juste d'affirmer que l'option permettait au preneur de faire l'acquisition du bien à un prix tel que, à la date d'entrée en vigueur du bail, aucune personne raisonnable n'hésiterait à exercer ladite option; de fait, les éléments de preuve montrent qu'une proportion importante des preneurs exerçaient l'option. Je suis obligé de relever que ces deux constatations reflètent les circonstances dans lesquelles, selon le Bulletin d'interprétation IT-233R, Revenu Canada tiendrait une opération pour une vente plutôt que pour un bail.

[18] Dans la présente affaire, le contrat de location de terrain (pièce A-5) inclut une disposition de rachat (paragraphe 15) selon laquelle, à la fin du bail initial, la valeur résiduelle du terrain sera égale au solde du principal encore dû. L'annexe A jointe à la pièce A-5 fait partie du contrat de location de terrain. Je suis d'avis que cette annexe A, intitulée “ Contrat de location/achat et options de paiement ”, fait la preuve de l'intention des parties au moment où elles ont signé le contrat. Les paiements étaient calculés de façon à diminuer le fardeau fiscal des deux parties. Les calculs figurant à l'annexe A font état d'un prêt de 35 000 $, auquel s'applique un taux d'intérêt annuel de 6,5 pour cent sur une période d'amortissement de 12 ans. Les loyers mensuels ont été établis à 347,26 $ et, d'après le document, l'intérêt total sur la période du bail est de 15 005,81 $.

[19] Si le bail n'avait pas été annulé en 1997, l'appelant aurait payé jusqu'à la fin de celui-ci un montant de 50 005,44 $ (347,26 $ x 144 mois). Ce montant total aurait inclus des intérêts de 15 005,81 $, ce qui aurait donné un montant de 34 999,63 $ payé pour le terrain lui-même. Ces calculs montrent que le ministre a à juste titre fait valoir que la valeur résiduelle était négligeable à la fin du bail, et que l'appelant a tort de prétendre que cette valeur résiduelle aurait été d'environ 20 000 $.

[20] En outre, le critère principal, d'après le Manuel de l'Institut canadien des comptables agréés (l'“ ICCA ”), pour savoir si une transaction est un bail ou une vente, consiste à déterminer si cette transaction a pour effet de transférer tous les avantages et les risques de la propriété au locataire (voir l'ICCA, à la page 1155, au paragraphe 3065.05) :

Parmi les avantages, on peut mentionner l'espoir de réaliser des bénéfices pendant la durée économique du bien, de tirer profit d'une augmentation de la valeur du bien et d'obtenir une valeur résiduelle au bout du compte. Du côté des risques, on note les possibilités de pertes pouvant résulter de la sous-utilisation du bien et de sa désuétude technologique, ainsi que les fluctuations de la rentabilité causées par l'évolution de la situation économique.

[21] Dans la présente affaire, le contrat stipule clairement, à mon avis, que les avantages et les risques de la propriété ont été transférés par M. Rolland Perras à l'appelant au moment de la signature du contrat en 1995.

[22] L'appelant pouvait acquérir la propriété du terrain à la fin du bail aux termes de modalités très avantageuses. De plus, il devait prendre en charge la totalité des taxes et des droits relatifs au terrain (pièce A-5, paragraphe 4). L'appelant devait assumer tous les risques de pertes et de dommages à l'égard du terrain pendant la durée du bail et, en cas de dommages, il devait réparer le terrain et le remettre en état de façon à le ramener à sa juste valeur marchande (pièce A-5, paragraphe 9). L'appelant était responsable également des pertes et des dommages de toute nature découlant de cas fortuits (pièce A-5, paragraphe 10).

[23] Par conséquent, l'entente intervenue entre l'appelant et son père paraissait pour l'essentiel équivaloir à un achat reporté et, conformément aux modalités de cette entente, l'appelant achetait un bien en immobilisation au moyen de versements effectués sur une période de douze ans, même si, du point de vue légal, l'entente revêtait la forme d'un bail. À cet égard, aux fins de l'interprétation d'un contrat, c'est l'intention des parties qui en détermine la nature sans égard au nom qu'elles ont pu lui donner (Voir Thibault v. Auger, (1950) S.C. 340 (Cour supérieure du Québec), et Grand Toys Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 88-1502(IT), 13 décembre 1989 (90 DTC 1059)).

[24] Enfin, bien que le titre de propriété soit resté au nom de M. Rolland Perras, ce facteur en soi ne permet pas de déterminer la nature exacte de la transaction en question au moment où elle a été conclue. (Voir Viceroy Rubber and Plastics Limited, précité, à la page 17 (DTC : à la page 354)). Je suis d'avis également que le fait que l'appelant et son père ont décidé d'annuler le bail lorsque l'entreprise de l'appelant a fermé ses portes (après la vérification de l'intimée) n'est pas un facteur qui devrait modifier la nature juridique que revêtait véritablement le contrat au moment de sa signature en 1995.

[25] Je conclus donc que le contrat présente les caractéristiques d'un contrat de vente et, conséquemment, que l'appelant n'avait pas le droit de déduire la partie des paiements mensuels effectués en 1995 se rapportant au capital.

[26] En ce qui concerne la portion du terrain consacrée à l'exploitation d'une entreprise, le vérificateur de l'intimée a déterminé que 900 pieds carrés étaient utilisés par l'appelant à des fins d'entreposage sur un lot d'une superficie totale de 102 802 pieds carrés; cela représente un pour cent du terrain. L'appelant a reconnu que, au moment de la signature du contrat en 1995, il avait envisagé la possibilité de vendre sa maison et, éventuellement, d'en construire une autre sur le terrain en question. Cette éventualité était même formulée à l'annexe A du contrat de location de terrain (pièce A-5). Je conclus par conséquent que l'appelant avait l'intention d'utiliser le terrain à des fins personnelles également. L'appelant ne m'a pas convaincu que le ministre a eu tort d'admettre seulement un pour cent de l'utilisation du terrain à des fins commerciales. Par conséquent, l'appelant n'a pas le droit de déduire plus de un pour cent de la portion autre que la portion en capital des paiements mensuels et des taxes foncières relatives au terrain, ainsi qu'il a été déterminé dans la cotisation.

Dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales

[27] En ce qui concerne les dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales, l'appelant a reconnu que le vérificateur de l'intimée avait mesuré avec lui la partie de la maison ainsi utilisée. Abstraction faite de son témoignage, qui n'était pas convaincant, l'appelant n'a présenté aucune autre preuve qui me porte à modifier le pourcentage des dépenses liées à l'utilisation du domicile que le vérificateur a attribué à l'exploitation de l'entreprise. De fait, ce pourcentage ne semble pas déraisonnable. Je conclus par conséquent que l'appelant n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que le ministre a commis une erreur en déterminant que les dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales représentaient 18,9 pour cent de toutes les dépenses. L'appelant n'a pas non plus fait la preuve que le ministre a commis une erreur en refusant certaines des dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales au motif qu'elles n'étaient appuyées par aucune preuve documentaire. L'appelant n'avait donc pas le droit de déduire des dépenses liées à l'utilisation du domicile à des fins commerciales supérieures à 1 589,98 $ pour l'année d'imposition 1995.

[28] Pour tous ces motifs, les appels visant les années d'imposition 1993 et 1994 sont annulés et l'appel visant l'année d'imposition 1995 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de mars 2000.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour d'octobre 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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