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Date: 20000623

Dossier: 1999-2078-IT-I

ENTRE :

NANCY JANE HEROD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels interjetés par Nancy Jane Herod à l'encontre de cotisations d'impôt établies pour les années d'imposition 1994 et 1995. En calculant son revenu pour ces années, elle a déclaré des avantages relatifs aux frais pour droit d'usage d'une automobile et aux frais d'utilisation d'une automobile d'un montant de 1 271 $ et de 1 632 $, respectivement, relativement à l'utilisation d'une automobile fournie par son employeur, Vincor International Inc. (l'“ employeur ”).

[2] Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation afin d'augmenter les avantages relatifs aux frais pour droit d'usage ou aux frais d'utilisation de la manière suivante :

Année

Frais pour droit d'usage

TPS

Frais d'utilisation

TPS

Avantages totaux relatifs à l'automobile

1994

3 384 $

219

1 368 $

72

5 043 $

1995

4 173 $

270

1 368 $

72

5 884 $

En établissant ainsi une nouvelle cotisation, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a) [...]

b) pendant les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelante avait à sa disposition une automobile louée ou payée par l'employeur (“ véhicules de l'entreprise ”) et était tenue de tenir un registre des kilomètres parcourus chaque année;

c) l'appelante a utilisé le véhicule de l'entreprise tout au long des années d'imposition 1994 et 1995;

d) l'appelante n'a pas tenu de registres adéquats pour l'usage du véhicule de l'entreprise;

e) au cours de chacune des années d'imposition 1994 et 1995, une distance d'au moins 12 000 kilomètres parcourus par le véhicule de l'entreprise n'avait pas été effectuée dans le cadre de l'emploi de l'appelante ni n'y étaient liés;

f) l'employeur a payé tous les frais associés à l'utilisation du véhicule de l'entreprise tout au long des années d'imposition 1994 et 1995;

g) pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'employeur a accordé un avantage à l'appelante relativement à l'usage personnel du véhicule de l'entreprise totalisant 5 043 $ et de 5 844 $ respectivement.

[3] Au début de l'audience, les parties ont informé la Cour que la cotisation établie à l'égard de l'année d'imposition 1995 n'était plus en litige. L'appelante a confirmé que l'appel portant sur cette année devait être rejeté.

[4] L'appelante est actuellement chargée de l'administration nationale des comptes pour l'employeur. Au cours de l'année d'imposition en litige, elle était l'administratrice de comptes clés principalement pour les régions d'Oakville, de Burlington et de Mississauga, mais on lui demandait également de couvrir à l'occasion d'autres secteurs de Toronto. L'employeur occupe une part du secteur du tourisme d'accueil, et les fonctions de l'appelante comprenaient le fait d'offrir [TRADUCTION] “ une formation aux serveurs d'aliments et de boissons et d'autres services aux clients ”. Elle affirme que cela nécessitait qu'elle assiste fréquemment à des réceptions, à des dégustations ouvertes au public, à l'inauguration de restaurants et ainsi de suite. Elle était tenue en tout temps d'exercer ses fonctions à partir d'un bureau situé à la maison et n'avait pas à se présenter régulièrement au siège social.

[5] L'appelante a indiqué dans son témoignage que l'employeur l'obligeait à tenir un état des frais de déplacement sur un formulaire qui lui avait été fourni à cet effet. Elle avait l'habitude d'utiliser un agenda afin de garder la trace de ses différents rendez-vous et voyages et d'inscrire les renseignements dans l'état des frais de déplacement chaque semaine. Elle effectuait la plupart de ses voyages d'affaires en direction ou à partir de son bureau à la maison. Elle affirme qu'il ne lui était pas inhabituel d'exercer à la fois ses fonctions professionnelles et personnelles au cours d'un même voyage, toutefois elle est incapable de fournir des détails précis. L'appelante a produit des copies de ses états des frais de déplacement hebdomadaires (pièce A-2), mais reconnaît qu'ils ne révèlent aucune information pouvant établir des pourcentages de répartition. L'appelante estime, après examen de l'état des frais de déplacement hebdomadaires préparé pour la présente audience, que la partie personnelle ne dépassait pas 10 p. 100.

[6] La preuve de l'intimée a été présentée au nom de cette dernière par M.L. Guyatt, agente des appels de Revenu Canada. Son témoignage, en bref, révèle que les frais pour droit d'usage ont été correctement calculés par le vérificateur (pièce R-2) et que c'est principalement l'absence de dossiers adéquats qui a empêché l'appelante de démontrer que l'automobile de l'employeur avait été utilisée à des fins professionnelles pendant la totalité, ou presque, du temps. Elle a de plus affirmé que la politique de Revenu Canada énonce qu'aux fins de l'établissement d'une cotisation, une proportion de 90 p. 100 de l'usage de l'automobile respecte la disposition prévoyant “ la totalité, ou presque, ” du paragraphe 6(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

[7] Dispositions législatives :

6(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

[...]

e) lorsque son employeur ou une personne liée à son employeur a mis au cours de l'année une automobile à sa disposition (ou à la disposition d'une personne qui lui est liée), l'excédent éventuel de la somme visée au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii) :

(i) la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage de l'automobile pendant le nombre de jours de l'année où elle était ainsi à sa disposition,

(ii) le total des sommes dont chacune représente une somme (autre qu'une dépense liée au fonctionnement de l'automobile) payée au cours de l'année à l'employeur ou à la personne liée à l'employeur par le contribuable ou par la personne qui lui est liée pour l'usage de l'automobile;

6(2) Pour l'application de l'alinéa (1)e), la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile pendant le nombre total de jours d'une année d'imposition durant lesquels l'employeur d'un contribuable ou une personne liée à l'employeur a mis l'automobile à la disposition du contribuable ou d'une personne qui lui est liée est réputée égale au montant calculé selon la formule suivante :

A/B x [2% x (C x D) + 2/3 x (E - F)]

où :

A représente le moins élevé des éléments suivants :

a) le nombre de kilomètres parcourus par l'automobile, autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable, pendant le nombre de jours ci-dessus;

b) le montant représenté par l'élément B;

toutefois, le nombre visé à l'alinéa a) est réputé égal au montant représenté par l'élément B, sauf si l'employeur ou la personne liée à celui-ci exige du contribuable qu'il utilise l'automobile dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi et si la totalité, ou presque, de la distance parcourue par l'automobile pendant le nombre de jours ci-dessus est parcourue dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi;

Analyse

[8] Les dispositions pertinentes de la Loi exigent de l'employé, qui profite d'un avantage du fait que son employeur paie les frais d'utilisation, qu'il inclue cet avantage dans son revenu. La valeur de cet avantage est un montant égal à la partie des frais d'utilisation payés par l'employeur qui est liée à un usage personnel, soit, en l'espèce, des frais raisonnable pour droit d'usage de l'automobile plus l'équivalent de la TPS sur ce montant. Les frais pour droit d'usage peuvent être réduits dans la mesure où les kilomètres parcourus à des fins personnelles sont de 1 000 fois inférieurs au nombre de mois pendant lesquels l'automobile était à la disposition de l'employé. Le droit de réduire les frais pour droit d'usage de cette manière n'est possible que lorsque l'automobile est utilisée pendant la totalité, ou presque, de la période liée à l'emploi. En conséquence, deux conditions doivent être respectées dans le but de prouver le bien-fondé de la réduction des frais pour droit d'usage. Premièrement, la contribuable doit établir selon la prépondérance des probabilités que les kilomètres parcourus à des fins personnelles étaient de 1 000 fois inférieurs au nombre de mois pendant lesquels l'automobile a été à sa disposition; deuxièmement, l'automobile elle-même doit avoir été utilisée pendant la totalité, ou presque, de la période liée à l'emploi. Ainsi, il est particulièrement évident qu'un contribuable doit tenir des dossiers adéquats relatifs à l'usage à des fins personnelles et professionnelles s'il veut obtenir une réduction des frais pour droit d'usage.

[9] L'appelante affirme que la source de ses problèmes réside dans le fait qu'aucune ligne directrice n'est prévue dans le cas de la répartition du kilométrage lorsque l'usage particulier d'une automobile est fait à des fins professionnelles et personnelles. Elle a soutenu avoir conservé un agenda et affirme qu'il lui aurait été utile afin de déposer une telle preuve devant la Cour, mais qu'il n'est plus disponible. Très franchement, en examinant son témoignage dans son ensemble, je doute qu'il lui eût réellement fourni l'information nécessaire pour établir sa position. En réalité, lorsque l'intimée lui a demandé de fournir un résumé de son kilométrage parcouru à des fins personnelles, l'appelante a écrit [TRADUCTION] “ Je ne suis pas en mesure d'offrir un résumé détaillé puisque je mêle très fréquemment mes voyages d'affaires à mes voyages personnels pendant les fins de semaine ”. Par exemple, elle a parlé d'aller manger à l'extérieur avec son conjoint et a choisi d'aller au restaurant d'un client. Elle reconnaît que la motivation pour aller dîner était personnelle, mais soutient que le fait de fréquenter un client représentait de bonnes relations publiques et en conséquence a considéré que cet usage de l'automobile était à des fins professionnelles. Elle a également indiqué que [TRADUCTION] “ je vais souvent magasiner à des fins professionnelles pendant mes temps libres, c'est-à-dire que je prends des échantillons de produits chez la LCBO locale ou chez Wine Rack ou encore je vais chercher des photocopies ou des articles d'étalage pendant que je fais mon magasinage ”.

[10] Je reconnais qu'étant donné la manière dont l'appelante utilisait l'automobile de l'employeur, une répartition précise présentait des problèmes. Toutefois, il est tout aussi évident que c'est le défaut de l'appelante de mettre sur pied un système simple et de l'utiliser de façon constante qui l'a empêchée de fournir une base raisonnable pour la répartition entre l'usage à des fins personnelles et celui à des fins professionnelles. Il s'agit vraiment là de l'origine de ses problèmes actuels.

[11] L'appelante a soutenu que personne n'a jamais souligné l'importance de conserver des dossiers détaillés afin de prouver le bien-fondé de sa position et a exprimé un certain agacement, pour dire les choses avec modération, à l'égard de ce qu'elle considère comme le défaut de Revenu Canada de lui fournir une définition claire de kilométrage parcouru à des fins professionnelles comparativement à celui fait à des fins personnelles. Elle a insisté sur le fait qu'en conséquence, ses dossiers relatifs au kilométrage parcouru ne devraient pas être contestés à moins qu'une définition concise soit offerte. Je remarque, toutefois, que dans un document intitulé [TRADUCTION] “ Politiques et procédures commerciales ” fourni par son employeur, l'usage personnel est défini en partie comme suit : [TRADUCTION] “ l'usage d'une voiture à des fins personnelles au cours des heures de travail normales ”. Il semble que cette définition seule devrait avoir attiré son attention sur la nécessité de conserver un dossier où serait inscrit le temps d'utilisation de l'automobile à des fins personnelles, séparément de celui à des fins professionnelles.

[12] Le fait est que la contribuable est responsable de conserver des dossiers dans une forme qui lui permet d'établir sa position. Je ne dis pas que cette tenue de dossiers doive être absolument et parfaitement précise, mais ce qui a été présenté devant la Cour ne suffit pas à établir la position de l'appelante. Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2000.

“ A.A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de décembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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