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Date: 19990713

Dossier: 97-844-UI

ENTRE :

RICHARD BOLDUC,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel d'une détermination en date du 11 avril 1997. En vertu de cette détermination, le travail exécuté par Richard Bolduc, appelant, au cours de la période allant du 24 décembre 1995 au 6 avril 1996, pour le compte et bénéfice de l'entreprise faisant affaires sous la raison sociale de Robert Manègre, a été déterminé assurable.

[2] L'intimé a appuyé sa détermination sur les faits suivants :

a) le payeur est entrepreneur en construction;

b) durant la période en litige, l'appelant a travaillé pour le payeur à la construction d'une porcherie;

c) l'appelant était contrôlé par le payeur;

d) le payeur fournissait tout l'outillage nécessaire, à l'exception des marteaux et rubans à mesurer;

e) l'appelant était rémunéré au taux de 10 $ de l'heure;

f) le payeur ne déclarait pas ce travail aux gouvernements et organismes concernés;

g) durant la période en litige, il y avait une relation employeur-employé entre le payeur et l'appelant;

h) durant la semaine du 31 mars au 6 avril 1996, l'appelant a travaillé 13 heures et a reçu une rémunération de 130 $;

[3] La preuve de l'appelant a été constituée par son seul témoignage appuyé par une preuve documentaire. Quant à l'avocate de l'intimé, elle a fait témoigner messieurs Robert Manègre, Serge Landreville et monsieur Alain Venne.

[4] Les faits sont relativement simples à résumer. L'appelant a soutenu qu'il avait travaillé bénévolement lors de la construction d'une grosse porcherie. Selon ses prétentions, il s'agissait d'un travail non rémunéré, dont le seul but était de parfaire ses connaissances dans le domaine de la construction en vue d'obtenir éventuellement ses cartes de compétence pour pouvoir oeuvrer dans ce domaine.

[5] Toujours selon sa version, il aurait obtenu la permission du responsable d'une partie du chantier de construction, monsieur Robert Manègre, pour pouvoir se rendre sur le chantier selon sa disponibilité. Le chantier regroupait deux catégories de travailleurs. Ceux sous la direction de monsieur Manègre et les autres, sous la responsabilité directe du propriétaire de la porcherie en construction.

[6] L'appelant a également soutenu qu'il était alors bénéficiaire de prestations d'assurance-chômage et qu'il était toujours et en tout temps disponible pour occuper un emploi rémunéré. Il oeuvrait sur le chantier de construction essentiellement pour bonifier ses connaissances en matière de construction. Détenant alors connaissances et cartes de compétence pour l'érection de coffrage seulement ou, en d'autres termes, pour la pose et l'installation de formes pour les fondations.

[7] La preuve a établi que le dossier de l'appelant avait aussi fait l'objet d'un litige devant le conseil arbitral. Devant ce Tribunal administratif, l'appelant y avait soutenu les mêmes explications qui lui ont permis d'avoir gain de cause.

[8] L'appelant a aussi indiqué, tant devant le Tribunal que devant le conseil arbitral, que Manègre, à la suite de ses nombreux problèmes avec les différents organismes gouvernementaux, l'avait convoqué et lui avait offert une récompense de 5 000 $ pour qu'il affirme avoir reçu une rémunération lors du travail exécuté dans le cadre de la construction de la porcherie. Il a finalement affirmé avoir refusé catégoriquement l'offre de monsieur Manègre.

[9] Lors du témoignage de monsieur Robert Manègre, ce dernier a fait état des très nombreux problèmes qu'il avait vécus à la suite des travaux de construction de la porcherie. Il a mentionné que l'ampleur du projet l'avait obligé à embaucher plusieurs travailleurs, dont le nombre avait dépassé 10 à un certain moment. Selon son témoignage, tous, sans exception, étaient rémunérés comptant à raison de 10 $ l'heure.

[10] Les heures de tous les travailleurs, dont celles de l'appelant, étaient comptabilisées sur une feuille. Cette feuille mentionnait le prénom de chaque travailleur dont, encore là, celui de l'appelant. Chaque semaine, le tout était comptabilisé et présenté au propriétaire de la porcherie en construction; ce dernier remettait un chèque à Manègre en paiement de la facture descriptive des heures travaillées par les différentes personnes.

[11] Le chèque reçu était alors négocié et les salariés recevaient leur paye en argent comptant. Monsieur Manègre a clairement et de façon non équivoque affirmé que l'appelant faisait partie de l'équipe de travailleurs. Il a clairement affirmé que l'appelant avait été rémunéré comme tous les autres travailleurs, à raison de 10 $ l'heure. Il a indiqué ne pas se souvenir d'avoir rencontré l'appelant pour l'avoir incité à mentir moyennant une récompense de 5 000 $.

[12] À la suite de tous ses déboires relatifs à l'assurabilité des travailleurs et des cotisations fiscales, monsieur Manègre a dû faire cession de ses biens.

Analyse

[13] J'ai remarqué que monsieur Manègre était très malheureux de la situation, ne voulant manifestement pas nuire au dossier de l'appelant qu'il connaissait depuis fort longtemps. Il a cependant été très clair, ferme et précis sur un aspect fondamental du dossier, à savoir que Richard Bolduc avait travaillé pour lui et avait été rémunéré 10 $ l'heure comme tous les autres travailleurs embauchés.

[14] Pourquoi aurait-il menti sur cet aspect du dossier? Ayant fait cession de ses biens, il ne pouvait y avoir aucune conséquence. D'autre part, cela aurait supposé qu'il avait fraudé le propriétaire de la porcherie en lui facturant du temps qu'il ne rémunérait pas. Or, la durée des travaux a été telle que le propriétaire de la porcherie n'aurait jamais accepté ou se serait certainement rendu compte de la fraude, d'autant plus que les paiements hebdomadaires étaient précédés d'une description très détaillée des travailleurs et des heures travaillées.

[15] Les heures étaient enregistrées, vérifiées avant le paiement; je ne crois pas que le producteur agricole aurait pu se faire jouer ainsi sans rouspéter, d'autant plus que les heures réclamées étaient nombreuses et régulières.

[16] Pour ce qui est de la récompense de 5 000 $ pour inciter l'appelant à mentir, je n'ai pas vu ni compris quel aurait pu être l'intérêt pour monsieur Manègre de procéder ainsi. Je crois qu'il s'agit là d'une pure invention de l'appelant dont le but était essentiellement de bonifier une explication douteuse, voire invraisemblable.

[17] L'appelant recevait de l'assurance-chômage; légalement il ne pouvait pas travailler et devait être en tout temps disponible. L'explication bénévolat, formation, développement de ses connaissances rendaient son dossier plutôt sympathique bien que douteux et peu vraisemblable.

[18] Son procureur a habilement relevé qu'il aurait eu intérêt à déclarer ses heures en vue de l'éventuel examen requis pour l'émission de la carte de compétence recherchée. Or, l'appelant avait déjà ses heures puisqu'il s'était présenté à quelques reprises aux examens en question.

[19] Le procureur a suggéré au Tribunal de trancher à partir de l'intérêt sous-jacent au témoignage des différents intervenants dont l'appelant. Sur cette base, il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'appelant avait un très grand intérêt à mentir, ne serait-ce que l'obligation de rembourser les prestations d'assurance-chômage, les pénalités inhérentes et finalement des revenus additionnés, devant être déclarés dans ses déclarations de revenus à la suite de l'émission des T4.

[20] Il s'agit d'un dossier où tous les acteurs du travail au noir ont été perdants.

[21] Bien que l'appelant ait témoigné, avec une excellente mémoire, le tout lui étant sans doute facilité par la répétition de l'expérience où il a eu à expliquer sa version des choses, le Tribunal ne le croit pas et conclut qu'il a, sans l'ombre d'un seul doute, été rémunéré lors de la prestation de travail fourni lors de la construction de la porcherie.

[22] Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada) ce 13e jour de juillet 1999.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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