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Date: 19971222

Dossier: 96-2290-UI

ENTRE :

GROUPE A.B.H. ASSURANCES INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit de l'appel d'une détermination en date du 17 octobre 1996. En vertu de cette décision, le Ministre du Revenu national (le « Ministre » ) concluait que le travail exécuté par messieurs Bernard Allaire, Robert Houle et Louis P. Bernard, auprès de la compagnie « Groupe A.B.H. Assurances inc. » , au cours de la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995, constituait des contrats de louage de services.

[2] En d'autres termes, l'intimé, à la suite d'une évaluation, concluait que les personnes précédemment désignées occupaient des emplois assurables.

[3] Pour appuyer et soutenir sa détermination, l'intimé a décrit au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel, les faits qu'il a jugé pertinents et déterminants. Ces faits sont décrits comme suit :

a) l'appelante est une entreprise dont les activités se situent dans le domaine de l'assurance;

b) la répartition du capital-actions de l'appelante est la suivante :

i) Gestion B. Allaire inc. 32,42 %

ii) Gestion Louis P. Bernard inc. 32,42 %

iii) Gestion R. Houle inc. 32,42 %

iv) M. Robin Bernard 2,74 %;

c) le capital-actions de la société « Gestion B. Allaire inc. » est détenu entièrement par monsieur Bernard Allaire;

d) le capital-actions de la société « Gestion Louis P. Bernard inc. » est détenu entièrement par monsieur Louis P. Bernard;

e) le capital-actions de la société « Gestion R. Houle inc. » est détenu entièrement par monsieur Robert Houle;

f) l'édifice dans lequel sont situés les locaux de l'entreprise est sis au 425, rue Meigs à Farnham, et appartient à l'appelante;

g) le chiffre d'affaires de l'appelante avoisine annuellement le million de dollars;

h) l'appelante possède environ 5 000 clients;

i) l'appelante embauche annuellement de 15 à 20 travailleurs;

j) les tâches de monsieur Allaire sont de faire la vente de contrats d'assurance, d'assurer le service à la clientèle et de faire le suivi des renouvellements des contrats d'assurance;

k) les fonctions de monsieur Robert Houle sont les mêmes que celles de monsieur Allaire en ce qui concerne la vente des contrats d'assurance, cependant il lui incombe, en plus, de superviser le travail de deux employés de bureau, de préparer les budgets de l'appelante et de s'occuper des comptes de dépenses;

l) les fonctions de monsieur Louis P. Bernard sont les mêmes que celles de MM. Allaire et Houle en ce qui concerne la vente les contrats d'assurance, cependant s'ajoute aux dites tâches celles d'être responsable du système informatique et de la négociation de la sous-traitance reliée à l'entretien à la location de la bâtisse.

m) les trois travailleurs, qui sont également administrateurs de l'appelante, se réunissent en moyenne une fois par semaine pour voir à la bonne marche de l'entreprise;

n) les trois travailleurs travaillaient entre quarante et cinquante heures par semaine;

o) les trois travailleurs devaient en tout temps aviser la secrétaire de leur absence ou de leurs déplacements;

p) les trois travailleurs et administrateurs ont décidé d'un commun accord de se voter une rémunération selon la base annuelle;

q) les trois travailleurs, lorsqu'ils utilisent leur véhicule dans l'exécution de leur travail, sont remboursés par l'appelante des frais encourus;

r) au cours des périodes en litige, il existait un contrat de louage de services entre l'appelante et les trois travailleurs.

[4] Le représentant de la compagnie a admis le contenu des sous-paragraphes a), b), c), d), e), f), g), h), i), j), k), l), n) et q). Il a nié le contenu des sous-paragraphes m), o), p) et r).

[5] M. Robert Houle a témoigné. Aux termes de son témoignage, il s'est avéré que le contenu des sous-paragraphes m), o) et p) était exact. Ce dernier a expliqué que la structure corporative avait été créée lors d'une fusion guidée par un souci de rentabilité et d'efficacité. L'organisation de la structure avait alors fait l'objet d'une planification fiscale.

[6] M. Robert Houle a expliqué que lui et ses deux collègues oeuvraient dans le domaine de l'assurance; il était, quant à lui, impliqué d'une façon toute particulière dans l'administration et gestion du personnel qui regroupait une vingtaine de personnes.

[7] Les deux autres s'occupaient essentiellement d'assurances; l'un dans le domaine agricole et l'autre dans le domaine commercial. Tous les trois s'intéressaient à la vente d'assurances auprès d'individus.

[8] Tous les dossiers, tous les clients et tous les revenus générés par le travail des trois associés étaient déposés au compte de la compagnie Groupe A.B.H. Assurances inc.

[9] Chacun recevait un salaire d'environ 50 000 $ par année à l'exception de M. Robert Houle qui touchait une rétribution bonifiée de quelques milliers de dollars pour des raisons ou pour des motifs non expliqués.

[10] Il fut longuement question d'une convention intervenue en date du 18 décembre 1986 (Pièce A-2). S'appuyant sur le contenu de cette convention, le représentant de l'appelante a soutenu que la compagnie n'avait aucun pouvoir de contrôle sur le travail exécuté par messieurs Bernard Allaire, Robert Houle et Louis P. Bernard. Il a aussi indiqué que ces derniers dirigeaient ensemble les affaires de la compagnie dans un esprit caractérisé par la collégialité et la convivialité.

[11] Il s'agit d'un dossier où il est fondamental de vérifier si la compagnie « Groupe A.B.H. Assurances inc. » , qui payait la rétribution, détenait le pouvoir de contrôler le travail exécuté par les personnes concernées. Existait-il au moment de la période visée, un lien de subordination entre la compagnie et ces personnes? Existait-il une relation employeur-employées entre la compagnie et les personnes en question?

[12] Les faits allégués pour répondre à ces questions sont peu nombreux et surtout pas très convaincants.

o) les trois travailleurs devaient en tout temps aviser la secrétaire de leur absence ou de leurs déplacements;

[13] Il s'agit là d'un allégué tout à fait insignifiant et qui ne prouve en rien qu'une personne est assujettie à un mécanisme de contrôle du fait d'aviser de ses allées et venues.

[14] Le propriétaire unique d'une petite, moyenne et même d'une très grande entreprise s'assujettit lui-même à une telle restriction de sa liberté et cela, pour la bonne et simple raison qu'il s'agit d'une mesure essentielle à la bonne marche de toute entreprise.

[15] L'intimé a-t-il voulu prétendre par cet allégué que la secrétaire de la compagnie constituait l'instrument de l'exercice du pouvoir de contrôle?

[16] La prépondérance de la preuve, constituée des témoignages de messieurs Allaire, Houle et Bernard et de la preuve documentaire, a démontré que les trois actionnaires disposaient, principalement à cause de la convention d'actionnaires, de pouvoirs plus considérables que ceux découlant du pourcentage d'actions dont ils étaient propriétaires.

[17] Certes, il est impératif de faire une nette distinction entre le statut d'actionnaire et celui de travailleur, lorsqu'une même personne cumule les deux titres. Habituellement, une convention d'actionnaires prévoit surtout des mécanismes ayant trait aux règlements des différends entre les actionnaires, à l'évaluation des actions et aux restrictions quant au transfert des actions, etc.

[18] En l'espèce, la convention prévoyait aussi le retrait de l'un des actionnaires ès-qualité d'assureur. Ainsi la convention prévoyait certaines hypothèses précises où les assureurs étaient visés comme entrepreneurs et non comme actionnaires. En cette qualité d'entrepreneurs individuels, la convention prévoyait qu'ils disposaient d'importants pouvoirs ayant pour effet direct de limiter ceux des autres.

[19] Ainsi, il a été établi que la compagnie ne pouvait pas, à toutes fins pratiques, procéder au congédiement de l'une ou l'autre des trois personnes, dont le travail est à l'origine du présent litige, sans mettre en péril la survie même de la compagnie. Le licenciement d'un employé est l'expression ultime du pouvoir de contrôle. Faute d'un tel pouvoir de congédiement, ou de réprimande, le pouvoir de contrôle devient alors fictif et inopérant.

[20] La preuve a également démontré que les relations entre messieurs Allaire, Houle et Bernard étaient très harmonieuses et que toutes les décisions administratives se prenaient à l'unanimité. De ce fait, chacun détenait une importance débordant largement l'importance relative dégagée par son pourcentage de vote.

[21] La preuve a démontré, à la satisfaction de ce tribunal, que la compagnie Groupe A.B.H. Assurances inc. ne disposait pas du droit de contrôler les faits et gestes exécutés par messieurs Allaire, Houle et Bernard.

[22] Étant donné qu'il s'agissait là d'un élément essentiel à la formation d'un contrat de louage de services entre la compagnie et ces messieurs, je ne vois pas l'utilité de poursuivre l'analyse sous l'angle des autres critères.

[23] J'accueille l'appel en ce que le travail exécuté par messieurs Allaire, Houle et Bernard ne constituait pas lors de la période en litige, des contrats de louage de services au sens de la Loi sur l'assurance-chômage.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 1997.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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