Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2014-4008(EA)G

ENTRE :

THE MARK ANTHONY GROUP INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION OFFICIELLE FRANÇAISE]

 

Appel entendu les 14 et 15 décembre 2016,
à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge David E. Graham


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Edwin G. Kroft
Deborah Toaze

Avocat de l’intimée :

Charles M. Camirand

 

JUGEMENT

L’appel interjeté relativement à la cotisation établie sous le régime de la Loi de 2001 sur l’accise pour la période de déclaration de l’appelante allant du 1er septembre 2010 au 31 août 2012 est accueillie et l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation, en partant du principe que les droits à payer de l’appelante doivent être réduits de 1 969 652,27 $.

 

          Les dépens sont accordés à l’appelante. Les parties disposeront de 60 jours, à compter d’aujourd’hui, pour parvenir à une entente relativement aux dépens, à défaut de quoi elles disposeront de 30 jours supplémentaires pour présenter des observations écrites à ce sujet. Ces observations, le cas échéant, seront d’une longueur maximale de 10 pages. Si les parties n’avisent pas la Cour qu’elles sont parvenues à une entente et que la Cour ne reçoit pas d’observations, les dépens seront accordés à l’appelante, conformément aux dispositions du tarif.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 26 e jour de Juillet 2017.

« David E. Graham »

J. Graham

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2017.

 

 

François Brunet, jurilinguiste.


Référence : 2017 CCI 141

Date : 20170726

Dossier : 2014-4008(EA)G

ENTRE :

THE MARK ANTHONY GROUP INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION OFFICIELLE FRANÇAISE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1]             L’appelante est productrice et distributrice de boissons alcoolisées. Elle produisait et distribuait notamment l’Okanagan Premium Cider et l’Extra Hard Cider au cours de la période pertinente. Selon la Loi de 2001 sur l’accise[1], les droits sur le cidre sont exigibles lors de l’emballage du cidre. Toutefois, une exemption au versement de ce droit est prévue pour le cidre produit au Canada qui est composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada.

[2]             Lors des périodes en question, une petite partie de chaque contenant du cidre de l’appelante contenait du concentré de jus de pomme qui était fait de pommes cultivées ailleurs qu’au Canada. Ce concentré de jus de pomme était ajouté après la fermentation du cidre, mais avant l’emballage de celui‑ci. Selon l’appelante, le cidre répondait aux critères pour être visé par l’exemption. Par conséquent, elle n’a pas versé quelque droit que ce soit relativement au cidre. Le ministre du Revenu national a conclu que le cidre ne répondait pas aux critères de l’exemption, parce que le concentré de jus de pomme était un produit agricole ou un produit provenant d’une plante qui n’était pas cultivé au Canada. Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelante de près de 2 000 000 $ en droits pour la période de déclaration allant du 1er septembre 2010 au 31 août 2012. L’appelante a interjeté appel de cette cotisation.

[3]              L’appel porte uniquement sur une question d’interprétation des lois. Les faits sont constants. Il n’y a nulle controverse entre les parties au sujet du mode de fabrication du cidre et des ingrédients qui étaient utilisés. La seule question en litige est celle de savoir si, dans les circonstances, l’exemption peut être interprétée comme excluant le paiement des droits en question sur le cidre dans les circonstances.

A.      L’imposition du droit

[4]             Avant de me pencher sur la manière dont il convient d’interpréter l’exemption, il est tout d’abord nécessaire de comprendre comment opère le droit en question.

[5]             La Loi ne contient pas de dispositions visant expressément le cidre. Elle définit le mot « alcool » comme comprenant « les vins ou les spiritueux ». Les « spiritueux » sont définis comme « toute matière ou substance contenant plus de 0,5 % d’alcool éthylique absolu par volume », à l’exclusion de certains types d’alcools figurant dans une liste figurant juste en dessous de la définition. Le « vin » est l’un des types d’alcool figurant dans la liste en question. La définition de « vin » est plus complexe :[2]

a)      Boisson contenant plus de 0,5 % d’alcool éthylique absolu par volume qui est produit sans procédé de distillation, exception faite de celui ayant pour but de réduire le contenu d’alcool éthylique absolu, par la fermentation alcoolique d’un des produits suivants :

(i)      un produit agricole, à l’exclusion du grain,

(ii)        une plante ou un produit provenant d’une plante, à l’exclusion du grain, qui n’est pas un produit agricole,

(iii)      un produit provenant en totalité ou en partie d’un produit agricole, d’une plante ou d’un produit provenant d’une plante, à l’exclusion du grain;

b)      le saké;

c)      boisson visée aux alinéas a) ou b) qui est fortifiée jusqu’à concurrence de 22,9 % d’alcool éthylique absolu par volume.

[Non souligné dans l’original.]

[6]             Le cidre ordinaire est visé par l’alinéa a) de la définition du vin. Il s’agit d’une boisson produite sans procédé de distillation par la fermentation alcoolique de pommes. Les pommes sont un produit agricole ou un produit provenant d’une plante[3].

[7]             Plus particulièrement, le cidre de l’appelante était visé par l’alinéa c) de la définition de « vin ». L’alinéa c) renvoie à des vins qui répondent aux descriptions contenues aux alinéas a) et b), mais qui ont été « fortifiés ». La fortification consiste à ajouter des spiritueux aux vins. Les boissons de l’appelante étaient produites par la fermentation de pommes, de manière à obtenir du cidre de pomme, et par l’adjonction subséquente de divers autres ingrédients au cidre pour obtenir les boissons qui étaient par la suite emballées et vendues. Parmi les ingrédients, il y avait un spiritueux. Par conséquent, le cidre de l’appelante était fortifié.

[8]             Le paragraphe 135(1) impose un droit sur les vins emballés au Canada. Le terme « emballé » s’entend du produit présenté dans un contenant d’une capacité maximale de 100 litres qui est habituellement vendu aux consommateurs sans que l’alcool n’ait à être emballé de nouveau[4]. Le droit est imposé en fonction du moment où le vin est emballé et il est alors exigible de la personne qui est responsable du vin immédiatement avant son emballage[5].

[9]             Les boissons de l’appelante étaient emballées en vue de la vente aux consommateurs dans des contenants bien moins volumineux que 100 litres. L’appelante était la personne chargée des boissons immédiatement avant leur emballage. Par conséquent, les boissons de l’appelante étaient visées par le droit prévu au paragraphe 135(1), sauf si elles étaient visées par l’exception prévue au paragraphe 135(2).

B.      L’exemption de droit

[10]        L’alinéa 135(2)a) dispose que les vins sont exemptés des droits visés au paragraphe 135(1) si le vin est « produit au Canada et [qu’il] est composé entièrement de produits agricoles ou végétaux produits au Canada ».

[11]        Il est possible de disjoindre en deux critères distincts cette exemption :

a)     Le critère de la production : Le vin doit être produit au Canada.

b)    Le critère des ingrédients : Le vin doit être composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada.

[12]        Le critère de production est facile à interpréter. Le mot « production » est ainsi défini dans la Loi : « en ce qui concerne le vin, le fait de l’obtenir par la fermentation »[6]. Par conséquent, pour répondre aux critères relatifs à la production, le vin doit être fermenté au Canada. Les boissons de l’appelante répondent à ce critère. Il n’est pas controversé que les boissons de l’appelante étaient fermentées au Canada. Par conséquent, la question à trancher en l’espèce porte sur l’application du critère des ingrédients.

[13]        L’interprétation du critère des ingrédients est beaucoup plus ardue. Deux questions se posent. La première est celle de savoir en fonction de quel moment le critère des ingrédients doit être appliqué. La deuxième est celle de savoir quels ingrédients sont visés. Le critère vise‑t‑il tous les ingrédients introduits dans le vin au moment pertinent ou uniquement certains de ces ingrédients?

C.      Les interprétations possibles

[14]        Il n’est pas controversé entre les parties que le critère des ingrédients ne peut être appliqué qu’en fonction de deux moments : (1) lorsque le vin est fermenté, ou (2) lorsque le vin est emballé. L’appelante soutient que le critère des ingrédients doit être appliqué en fonction du moment où le vin est fermenté. L’intimée fait valoir que le critère des ingrédients doit être appliqué en fonction du moment où le vin est emballé.

[15]        En ce qui concerne les ingrédients visés par le critère des ingrédients, il n’y a, dans les faits, que quatre interprétations plausibles. Les quatre critères suivants constituent trois interprétations appuyées par les travaux préparatoires relatifs à l’exemption, et une quatrième interprétation, laquelle est avancée par l’intimée :

a)     Le critère de la totalité des ingrédients : Ce critère nécessite l’examen de tous les ingrédients utilisés pour faire le vin. Il peut être appliqué soit en fonction du moment de la fermentation, soit du moment de l’emballage.

b)    Le critère des ingrédients fermentés : Ce critère nécessite l’examen de tous les ingrédients qui ont été fermentés. Logiquement, il peut uniquement s’appliquer en fonction de l’étape de la fermentation.

c)     Le critère des ingrédients alcooliques : Ce critère nécessite l’examen de tous les ingrédients qui ont été transformés en alcool. Il engloberait donc tous les ingrédients utilisés pour faire les spiritueux qui ont été incorporés dans le vin en vue de le fortifier. En toute logique, ce critère ne pourrait être appliqué qu’en fonction de l’étape de l’emballage, puisque les spiritueux seraient incorporés après la fermentation.

d)    Le critère des ingrédients agricoles ou végétaux : Ce critère nécessite l’examen de tout produit agricole ou végétal contenu dans le vin. Le critère ne pourrait être appliqué qu’en fonction de la fermentation ou de l’emballage.

[16]        Dans la mesure où le critère des ingrédients est appliqué en fonction du moment où le vin est fermenté, l’appelante n’a pas de préférence en ce qui concerne le critère employé. L’appelante satisferait à n’importe quel des quatre critères relatifs au moment de la fermentation, puisque le concentré de jus de pomme en question était incorporé après la fermentation. Si le critère doit être appliqué en fonction du moment de l’emballage, l’appelante accepterait l’application du critère des ingrédients alcooliques. Le concentré de jus de pomme ne serait pas visé par ce critère, puisqu’il n’était pas converti en alcool. Elle ne répondrait donc pas au critère de la totalité des ingrédients ou au critère des ingrédients agricoles ou végétaux qui serait appliqué en fonction du moment de l’emballage.

[17]        L’intimée appuie l’application d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux en fonction du moment de l’emballage. Elle est d’avis que tout produit agricole ou végétal entrant dans la fabrication du vin doit être cultivé au Canada, mais que le vin n’a pas à être constitué uniquement de produits agricoles ou végétaux. L’intimée rejette les trois autres critères, peu importe le moment en fonction duquel ils sont appliqués.

[18]        Dans les circonstances, une analyse textuelle, contextuelle et fondée sur l’objet est nécessaire pour établir le bon critère à appliquer et le moment en fonction duquel celui‑ci doit être appliqué.

D.      L’analyse textuelle

[19]        Je commencerai l’analyse textuelle en faisant l’examen des ingrédients visés par le critère des ingrédients, puis je passerai à la question du moment auquel le critère doit être appliqué.

Les ingrédients visés par le critère des ingrédients

[20]        Pour que l’exemption s’applique, le vin doit être « composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». L’analyse textuelle de ce libellé milite fortement en faveur de l’application du critère de la totalité des ingrédients.

[21]        Les mots clés dans l’exemption se trouvent dans les mots « composé entièrement de ». Je me pencherai d’abord sur le sens des mots « composé de », puis sur l’effet de l’ajout du mot « entièrement ».

[22]        « Composé » signifie[7] :

Être fait, formé, combiné de (une chose, ou des éléments constitutifs); être constitué de­; consiste en.

[23]        Les mots « composé de » sont utilisés afin d’introduire une liste d’une ou plusieurs choses qui forment l’objet précédant les mots. Prenons, à titre d’exemple, la phrase suivante : [traduction« l’eau est composée de deux molécules d’hydrogène et d’une molécule d’oxygène ». Il ne ressort pas des mots « composé de » que la liste qui suit est une recette précise. Par exemple, [traduction« l’eau est composée de molécules d’hydrogène et d’oxygène » serait un bon usage de ces mots, même si le nombre de molécules d’hydrogène n’est pas précisé.

[24]        On peut discuter de la question de savoir si une liste qui suit les mots « composé de » doit être complète ou si elle ne droit qu’inclure que les composantes principales. De toute évidence, affirmer que [traduction] « l’eau est composée de deux molécules d’hydrogène » est tout simplement erroné, puisqu’un élément essentiel de l’eau a été omis. Dans la même veine, dans la phrase [traduction« ces crêpes sont composées de farine, de sucre, de poudre à pâte, de sel, de lait, d’huile et d’œufs », si la « farine » était omise, cette phrase serait incorrecte, puisque la farine est l’un des ingrédients principaux des crêpes. Cependant, il est permis de douter que l’omission du mot « sel » pose problème.

[25]        Les mots « composé de » peuvent être comparés avec le mot « contient ». Alors que « composé de » doit, à tout le moins, être suivi d’une liste d’éléments principaux de l’élément qui précède ces mots, « contient » peut être suivi de n’importe quel élément. Par exemple, on pourrait dire : [traduction] « cette crêpe contient du sel » ou [traduction] « cette crêpe contient du sel et de la poudre à pâte », mais personne ne dirait : [traduction] « cette crêpe est composée de sel » ou : [traduction« cette crêpe est composée de sel et de poudre à pâte », puisqu’il ne s’agit que d’ingrédients mineurs dans la confection de crêpes.

[26]        Les mots « composés de » peuvent être modifiés pour leur donner un sens moins strict que celui d’une liste complète. Par exemple, quelqu’un pourrait dire que [traduction] « les boissons gazeuses sont composées principalement de sucre et d’eau ». L’adverbe « principalement » modifie le mot « composé » et indique que la liste qui suit n’est pas une liste complète des ingrédients d’une boisson gazeuse, mais uniquement une liste de ses principaux ingrédients.

[27]        Comme je l’ai mentionné au paragraphe 24, on peut débattre de la question de savoir si les mots « composé de » doivent être suivis d’une liste complète ou s’ils ne doivent être suivis que d’une liste des principales composantes. Le législateur a levé tout doute relativement à l’exemption en ajoutant l’adverbe « pleinement » aux mots « composés de ». Le législateur n’a pas choisi les mots « composés essentiellement de » ou « composés surtout de » ou « composés principalement de ». Le législateur a dit « composés entièrement de ». Avec ce choix de mots, la liste qui suit doit être une liste complète de tous les ingrédients contenus dans le vin. Par conséquent, l’utilisation des mots « composés entièrement de » milite fortement en faveur de l’application du critère de la totalité des ingrédients.

[28]        L’intimée, qui a une préférence pour l’application du critère des ingrédients agricoles ou végétaux, souhaiterait que j’interprète l’exemption comme exigeant simplement que tout produit agricole ou végétal dans le vin doit être cultivé au Canada. En d’autres mots, l’intimée souhaiterait que j’interprète l’exemption comme si elle visait le vin qui est « produit au Canada et qui n’est pas composé de produits agricoles ou végétaux, autre que des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». Il s’agit là d’un critère très différent que celui qui consiste à examiner tous les ingrédients qui composent le vin. J’ai du mal à voir comment une interprétation qui, dans les faits, nécessite que je remplace le mot « pleinement » par les mots « n’est pas » et « autres que » pourrait être de quelque manière que ce soit compatible d’un point de vue textuel avec le libellé de l’exemption.

[29]        Le fait que les mots « produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada », qui suivent l’expression « composés entièrement de », contiennent un certain nombre de descriptions différentes de produits ne modifie pas le sens de « composé entièrement de ». Si l’exemption renvoyait au vin « composé entièrement de produits », il n’y aurait pas de doute quant au fait que chaque ingrédient doit être un produit (même s’il pourrait y avoir incertitude à propos de l’identité du produit). L’ajout des mots « agricoles ou végétaux » donne des précisions supplémentaires à propos du type de produits. Avec cette précision, l’exemption renverrait au vin qui est « composé entièrement de produits agricoles ou végétaux » et il n’y aurait nul doute quant au fait que chaque ingrédient compris dans le vin doit être un produit agricole ou végétal. Je ne peux pas voir comment l’ajout des mots « cultivés au Canada » change quoi que ce soit à cela. Ces mots donnent simplement d’autres précisions à propos des produits agricoles ou végétaux. Ils ne modifient pas le sens de « composé entièrement de » davantage que ne le faisait l’ajout des mots « agricoles ou végétaux ».

[30]        L’hypothèse suivante illustre ce point. Imaginez une pile de nourriture sur une table. La pile est [traduction« composée entièrement de Smarties ». Maintenant, je décrirai les Smarties de manière plus précise. La pile est [traduction« composée entièrement de Smarties rouges ». Que voyez‑vous? Maintenant, je décrirai les Smarties de manière encore plus précise. La pile est [traduction] « composée entièrement de Smarties rouges fabriqués au Canada ». La pile de Smarties a‑t‑elle changé de couleur? Comprend-t-elle maintenant des Smarties verts, jaunes et pourpres? Évidemment pas. Il en est ainsi parce que l’ajout de la description [traduction] « fabriqués au Canada » n’a eu aucune incidence sur le fait que la pile était composée entièrement de Smarties rouges. L’ajout n’indiquait pas que la pile de Smarties pouvait dorénavant contenir des Smarties d’autres couleurs tant et aussi longtemps que les Smarties rouges étaient fabriqués au Canada. En d’autres mots, l’ajout n’a pas eu pour effet de modifier la phrase pour lui donner le sens que la pile n’est [traduction] « pas composée de Smarties rouges autres que des Smarties rouges fabriqués au Canada ».

[31]        Compte tenu de tout ce qui précède, les mots « composé entièrement de » ne militent pas, d’un point de vue textuel, en faveur de l’application du critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

[32]        Dans le projet initial d’exemption, on employait les mots « entièrement produit à partir », plutôt que « composés entièrement de »[8]. Il convient de procéder à l’analyse textuelle de ces mots afin de pouvoir mettre en opposition leur sens et celui de l’expression qui a été en fin de compte retenue par le législateur. Les mots « entièrement produit à partir de » ont un sens littéral très différent des mots « composés entièrement de ». En ce qui concerne le vin, le mot « production » est défini comme « le fait de l’obtenir par la fermentation »[9]. Donc, littéralement, les mots « entièrement produit à partir de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada » signifient « le fait de l’obtenir entièrement par la fermentation de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». L’utilisation des mots « entièrement produits à partir de » plutôt que « composés entièrement de » aurait pour effet d’exiger que le critère des ingrédients serve à rechercher si les produits agricoles ou végétaux qui ont été fermentés pour obtenir le vin étaient des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada. Le même critère pourrait en fait être obtenu en simplifiant l’exemption, de manière à ce qu’elle contienne les mots « produit au Canada à partir de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». Si ces mots, ou les mots « entièrement produit à partir de » avaient été utilisés, l’analyse textuelle aurait fortement milité en faveur du critère des ingrédients fermentés. Toutefois, en raison de ce libellé, il n’est pas justifié que l’on retienne ce critère.

[33]        Le budget, les renseignements supplémentaires et le communiqué de presse se rapportant à l’introduction de l’exemption utilisaient les mots « fabriqués entièrement à partir de »[10]. Il convient de procéder à l’analyse textuelle de ces mots pour être capable de mettre en opposition leur sens et celui de ceux qui ont été ultimement retenus. Les mots « fabriqués entièrement à partir de » ont un sens littéral très différent des mots « composés entièrement de ». Les mots « fabriqué à partir de »[11] renvoient de manière générale à une chose qui est modifiée pour en devenir une autre par l’intermédiaire d’un processus. Par exemple, on pourrait affirmer que [traduction] « le papier est fabriqué à partir du bois ». Divers processus mécaniques sont utilisés dans l’usine à papier pour convertir la fibre de bois en papier. Au cours de ce processus, qui peut consister en l’ajout de produits chimiques, l’introduction de catalyseurs et le retrait d’autres produits chimiques, mais, au final, le bois est converti en papier. Dans la même veine, le verre est fait à partir de sable, la farine est faite à partir de grains, le vin est fait à partir de raisins et le cidre de pomme est fait à partir de pommes. Le bois, le sable, les raisins et les pommes peuvent, ou non, avoir été les seuls ingrédients qui ont été utilisés dans la fabrication de ces produits. Cependant, ils sont à tout le moins l’ingrédient principal et subissent tous une modification importante lors du processus de production.

[34]        Les mots « fabriqué à partir de » ne sont pas simplement une manière différente de dire « contient ». Un beigne peut « contenir » des arachides, mais il n’est pas « fait à partir » d’arachides, puisque ces dernières ne sont pas l’ingrédient principal et que les arachides ne sont pas modifiées dans le processus de conception des beignes. Le beurre d’arachide est « fait à partir » d’arachides.

[35]        Les mots « fabriqué à partir de » et « produit à partir de » ont en général le même sens. Cependant, vu que le terme « production » est défini par la Loi, le sens des mots ci‑dessus diffère. Le sens défini de « production » limite le processus par lequel les vins peuvent être obtenus par la fermentation. Sans cette définition, les mots « produit à partir de » engloberaient toutes les autres manières par lesquelles le vin pourrait être fabriqué. Plus important encore, ils engloberaient le vin fortifié (c’est‑à‑dire, le vin obtenu par la fermentation et ensuite fortifié avec des spiritueux obtenus par la distillation ou par un autre processus).

[36]        L’utilisation des mots « fabriqué à partir de produits agricoles ou végétaux cultivés entièrement au Canada » nécessiterait que le critère des ingrédients serve à déterminer si l’ingrédient ou les ingrédients principaux qui ont été transformés en vin par le processus d’obtention de boisson étaient des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada. Cela comprendrait à la fois les produits agricoles ou végétaux qui ont été fermentés et les produits agricoles ou végétaux qui ont été distillés ou par ailleurs transformés en spiritueux. Si ces mots avaient été utilisés, l’analyse textuelle aurait fortement milité en faveur du critère des ingrédients alcooliques. Cependant, selon son libellé actuel, l’exemption ne va pas dans le sens du critère des ingrédients alcooliques.

[37]        En résumé, l’analyse textuelle milite fortement en faveur du critère de la totalité des ingrédients. Puisque les mots décrivant les ingrédients qui suivent l’expression « composés entièrement de » dans l’exemption sont « des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada », le libellé de l’exemption exige clairement que, peu importe le moment en fonction duquel le critère est appliqué, le vin ne doit contenir aucun ingrédient autre que des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada.

Le critère du moment d’introduction des ingrédients

[38]        Il n’y a rien dans le libellé de l’exemption qui indique le moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué. L’exemption vise le vin. Comme il a été signalé ci‑dessus, la boisson répond à la définition de vin dès que le processus de fermentation est terminé et elle continue à répondre à cette définition lorsque le vin est emballé. Les deux parties ont formulé des observations quant à la question de savoir pourquoi le libellé de l’exemption milite en faveur de leur thèse : je suis toutefois d’avis que ni l’une ni l’autre n’a présenté des observations convaincantes.

[39]        L’intimée soutient que si le législateur avait eu l’intention que le critère des ingrédients soit appliqué en fonction du moment de la production, il aurait facilement pu libeller l’exemption de la manière suivante : [traduction] « produit au Canada entièrement à partir de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». L’intimée soutient que le fait que le législateur n’a pas fait cela indique qu’il voulait que le critère des ingrédients soit appliqué en fonction du moment de l’emballage. Bien que je comprenne l’argument de l’intimée, je pourrais tout aussi simplement interpréter le libellé comme indiquant que le législateur croyait que les mots « composés entièrement de » signifiaient autre chose que « produits à partir de » et, par conséquent, qu’il a rédigé l’exemption comme il l’a fait, non pas parce qu’il voulait que le critère des ingrédients soit appliqué au moment de l’emballage, mais plutôt parce qu’il voulait que le critère des ingrédients englobe un ensemble différent d’ingrédients que ce que le permettrait le mot « produit ».

[40]        L’appelante soutient que, parce que le critère de la production porte sur la fermentation, le législateur devait avoir pour intention que le critère des ingrédients soit appliqué en fonction de la fermentation. Je juge que cet argument n’est pas convaincant. Il s’agit là de deux critères distincts. Le critère de la production porte sur la question de savoir le vin a été fermenté. Le critère de la production n’est pas appliqué quant à un moment précis dans le temps. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas utile d’interpréter le moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué.

Résumé

[41]        En résumé, le libellé de l’exemption n’indique pas le moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué, mais il indique clairement, peu importe le moment en fonction duquel il est appliqué, qu’il s’agit d’un critère de totalité des ingrédients. En d’autres termes, le vin ne doit contenir rien d’autre que des produits agricoles ou végétaux canadiens. Je ne vois pas comment les mots « composé entièrement de » pourraient être interprétés, d’un point de vue littéral, d’une manière compatible avec un critère des ingrédients fermentés, un critère des ingrédients alcoolisés ou un critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

E.      Analyse contextuelle

[42]        Malheureusement, l’analyse contextuelle offre n’est que de peu d’utilité pour ce qui est de l’interprétation du critère des ingrédients. De solides arguments de nature contextuelle peuvent être invoqués à l’appui de nombreuses positions différentes. En outre, l’analyse contextuelle ne révèle pas l’existence d’ambiguïté dans le texte.

[43]        Le droit est imposé au moment où le vin est emballé et est exigible à ce moment-là auprès de la personne qui était responsable du vin immédiatement avant l’emballage[12]. Puisque l’exemption est conçue de manière à créer une exemption relativement à ce droit, on peut prétendre que tout critère d’admissibilité à cette exemption devrait être appliqué au vin quant au moment de l’emballage. Dans la même veine, le droit est appliqué à la totalité du volume de la boisson emballée, et non uniquement à l’alcool. Puisque l’exemption est conçue de manière à accorder une exemption à l’égard de ce droit, on peut prétendre que le critère d’admissibilité à cette exemption devrait être appliqué quant à la totalité du volume du vin, et non uniquement aux ingrédients qui sont entrés dans la fabrication de l’alcool (c’est‑à‑dire, un critère de tous les ingrédients ou un critère des ingrédients agricoles ou végétaux).

[44]        Par ailleurs, le droit s’applique, parce que la boisson contient de l’alcool. Le droit n’est pas appliqué au jus de raisin. Il est appliqué au vin. Cela donne à penser que le critère des ingrédients doit uniquement être appliqué aux ingrédients qui sont entrés dans la fabrication de l’alcool (c’est‑à‑dire, le critère des ingrédients fermentés ou le critère des ingrédients alcooliques). La teneur en alcool est créée quant à l’étape de la fermentation, et non à celle de l’emballage. Cela donne à penser que le critère des ingrédients doit être appliqué en fonction de l’étape de la fermentation. Cependant, le vin est parfois fortifié avec des spiritueux après l’étape de la fermentation. Cela donne à penser que le critère des ingrédients devait être appliqué en fonction de l’étape de l’emballage, en vue d’englober ces spiritueux.

[45]        La mention des mots « produits agricoles ou végétaux » dans l’exemption correspond à des mentions similaires contenues dans la définition de « vin ». Cela peut donner à penser que les produits qui sont mentionnés dans l’exemption sont les ingrédients qui ont été fermentés, plutôt que la totalité des ingrédients. Cela milite en faveur de l’application du critère des ingrédients fermentés, ainsi que de l’application du critère en fonction du moment de la fermentation. Cependant, la définition de « vin » exclut expressément les grains, alors que tel n’est pas le cas pour l’exemption. Cette différence donne à penser que l’exemption a uniquement pour objet de s’appliquer à un ensemble élargi d’ingrédients, plutôt que simplement à des ingrédients qui sont fermentés.

[46]        L’appelante fait remarquer que le paragraphe 135(2) prévoit trois exemptions à l’application du droit. Les alinéas 135(2)a.1) et b) renvoient tous les deux à la production et à l’emballage. Cependant, l’exemption en cause (alinéa 135(2)a)) renvoie uniquement à la production. Par conséquent, l’appelante soutient que l’absence de renvoi à l’emballage dans le libellé de l’exemption indique que le critère des ingrédients doit être appliqué en fonction du moment de la fermentation. Il me semble que le mot « emballé » figurant aux alinéas 135(2)a.1) et b) est employé pour un objectif différent. L’alinéa 135(2)a.1) renvoie au vin « produit et emballé par un particulier pour son usage personnel » alors que l’alinéa 135(2)b) renvoie au vin « produit par un titulaire de licence de vin et emballé par ou pour lui au cours d’un mois d’exercice ». Ces deux exemptions mettent l’accent sur la personne qui a produit et emballé le vin. Il n'est pas nécessaire d’établir le moment en fonction duquel un critère donné doit être appliqué, et ce, pour chacune d'entre elles. Essentiellement, l’appelante soutient que le législateur aurait simplement pu dire « produit au Canada et, au moment de l’emballage, composé entièrement de ». On pourrait tout aussi facilement soutenir que le législateur aurait pu dire « produit au Canada et, au moment de la production, composé entièrement de ». Je conclus que le fait que le libellé des alinéas 135(2)a.1) et b) utilisent le mot « emballé », alors que l’alinéa 135(2)a) ne l’emploie pas, n’est pas important.

[47]        Le paragraphe 134(1) impose des droits sur le vin en « vrac » qui est « utilisé pour soi ». Le vin « en vrac » s’entend du vin qui n’est pas emballé[13]. Les mots « utilisé pour soi » s’entendent de la consommation, de l’analyse, de la destruction, ou de l’utilisation pour une fin qui permet d’obtenir un produit autre que l’alcool[14]. L’alinéa 134(3)a) contient une exemption à l’égard de ce droit pour le vin produit au Canada qui est composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada. Donc, la même exemption s’applique au vin en vrac utilisé pour soi et au vin qui est emballé. L’appelante soutient essentiellement que, puisque le vin en vrac n’est jamais emballé, le législateur devait avoir l’intention que le critère des ingrédients s’applique en fonction de la fermentation plutôt que de l’emballage. Je conviens que le vin en vrac n’est jamais emballé. Si tel était le cas, il ne serait plus du vin en vrac. Cependant, l’équivalent de l’emballage pour le vin en vrac est l’utilisation pour soi. Si un consommateur visite un vignoble, ce dernier peut lui vendre une bouteille de vin, auquel cas le droit aura déjà été appliqué en fonction du moment où le vin a été emballé. Subsidiairement, le vignoble peut verser au consommateur un verre de vin directement à partir d’une grosse cuve[15], et, à ce moment‑là, le vin aura été utilisé pour soi et le droit s’appliquera. Je ne vois pas de différence entre ces deux cas de figure qui pourrait m’aider à comprendre pourquoi le critère des ingrédients devrait être appliqué en fonction de la fermentation ou de à l’emballage ou l’utilisation pour soi.

[48]        La Loi ne contient aucune autre disposition qui pourrait me faire remettre en question le sens textuel des mots « composé entièrement de ». L’alinéa 134(3)a) est le seul autre lieu où ces mots sont utilisés dans la Loi. Ils ne sont pas utilisés d’une manière qui donne à penser qu’ils ont un sens différent ou un sens ambigu.

[49]        En résumé, l’analyse contextuelle donne bien peu d’indices et ne révèle pas d’ambiguïté dans le texte de l’exemption.

F.       Analyse fondée sur l’objet de la loi

[50]        L’analyse fondée sur l’objet de la loi milite à la fois en faveur de l’application du critère des ingrédients alcooliques et du critère des ingrédients agricoles et végétaux. Elle ne révèle aucune ambigüité dans le texte.

Travaux préparatoires relatifs à l’exemption

[51]        Pour établir l’objet de la disposition, il est utile d’examiner les travaux préparatoires relatifs à l’exemption.

[52]        L’exemption a été introduite en novembre 2005 dans un projet de loi d’initiative parlementaire. On y proposait qu’elle soit intégrée à la Loi de 2001 sur l’accise en tant qu’article 135.1. Elle était libellée ainsi[16] :

Malgré les articles 134 et 135, aucun droit n’est imposé sur les 900 000 premiers litres de la quantité totale de vin emballé par un titulaire de licence de vin, d’une part, et de vin obtenu de celui-ci en vue de l’utilisation pour soi, d’autre part, au cours d’une année, si le vin a été entièrement produit à partir de plantes, de produits provenant de plantes ou de produits agricoles cultivés au Canada

[Non souligné dans l’original.]

[53]        La première version n’a jamais franchi l’étape de la première lecture. Elle est morte au feuilleton peu de jours après, lorsque des élections ont été convoquées à la suite du dépôt d’une motion de censure.

[54]        L’exemption fut réintroduite par le nouveau gouvernement minoritaire dans son budget 2006 définissait en mai. Le Plan budgétaire 2006 définissait l’exemption de la manière suivante[17] :

Le budget de 2006 propose d’aider l’industrie vinicole canadienne en accordant un allégement des droits d’accise sur les vins fabriqués entièrement à partir de produits cultivés au Canada. Il propose en outre des réductions des droits d’accise pour les microbrasseurs. Ces mesures stimuleront la compétitivité des petits et moyens producteurs de vin et des microbrasseurs.

[Non souligné dans l’original.]

[55]        Les changements les plus importants dans cette version de l’exemption sont la réduction du plafond de 900 000 litres à 500 000 litres et l’utilisation des mots « fabriqués entièrement à partir de » plutôt que « entièrement produit à partir ».

[56]        Les renseignements supplémentaires dans le budget définissaient l’exemption de la manière suivante. Une fois de plus, il faut tenir compte de l’utilisation des mots « fabriqués entièrement à partir de »[18] :

Le budget de 2006 propose d’exonérer des droits les 500 000 premiers litres de vin produits et emballés par année par un titulaire de licence de vin et qui sont fabriqués entièrement à partir de produits cultivés au Canada.

L’allégement proposé s’appliquera à tous les biens visés par la définition de vin dans la Loi (ce qui comprend les cidres, les coolers à base de vin, les vins de fruit et le saké) qui sont fabriqués entièrement à partir de produits cultivés au Canada. L’allégement est offert aux titulaires de licence de vin qui exercent leurs activités au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[57]        Dans un communiqué de presse publié quelques jours seulement avant la date d’entrée en vigueur proposée de la nouvelle loi, le ministère des Finances a annoncé qu’à la suite d’autres consultations menées auprès de représentants de l’industrie, le plafond de 500 000 litres serait éliminé. Le communiqué de presse précisait que des propositions législatives étaient publiées le même jour[19]. Le communiqué de presse utilisait les mots « fabriqués entièrement à partir de » et ne donnait aucune indication selon laquelle le ministère proposait de remplacer les mots relatifs à l’exemption « fabriqués entièrement à partir de » par les mots « composé entièrement de ». Toutefois, les propositions législatives connexes utilisaient les mots « composé entièrement de[20] ».

[58]        Un avis de motion de voies et moyens concernant l’exemption a été émis en octobre 2006. Il concrétisait la promesse faite de supprimer le plafond de 500 000 litres. L’avis proposait le même libellé pour l’exemption, y compris les mots « composé entièrement de », qui a finalement été adopté par le législateur[21]. Les notes explicatives accompagnant l’avis de motion de voies et moyens reprenaient entièrement les mots « composé entièrement de[22] » utilisés dans le libellé de l’exemption.

[59]        La mesure d’exemption a finalement été ajoutée à la Loi en 2007, et est entrée en vigueur après juin 2006[23].

[60]        On ne peut nullement inférer des travaux préparatoires que le législateur ait jamais envisagé d’utiliser un critère des ingrédients agricoles ou végétaux. Comme je l’ai signalé ci‑dessus, il y a eu une évolution qui a fait passer le vin « entièrement produit à partir de » (critère des ingrédients fermentés) au vin « fabriqué entièrement à partir de » (critère des ingrédients alcooliques) puis au vin « composé entièrement de » (critère de la totalité des ingrédients).

[61]        La question qui se pose est de savoir si, en utilisant l’expression « composé entièrement de », le législateur a intentionnellement modifié le critère des ingrédients, en écartant un critère des ingrédients fermentés au profit d’un critère de la totalité des ingrédients. Il ressort du fait que le libellé du premier projet de loi n’ait pas été réutilisé dans le nouveau projet de loi une intention de s’écarter du critère des ingrédients fermentés. Cela est d’autant plus vrai que le mot défini « produit » a été abandonné en faveur d’un mot différent, à savoir le terme « composé ». Toutefois, on ne saurait dire si l’utilisation par le législateur des mots « composé de » au lieu des mots « fabriqué à partir de » était intentionnelle, c’est‑à‑dire qu’elle favorisait un critère de la totalité des ingrédients plutôt qu’un critère des ingrédients alcoolisés ou simplement une formulation différente.

[62]        En résumé, les travaux préparatoires relatifs à l’exemption militent en faveur de l’application d’un critère des ingrédients alcoolisés ou d’un critère de la totalité des ingrédients. Ils ne militent pas en faveur des autres critères.

Problèmes posés par divers ingrédients

[63]        L’on peut dégager d’une interprétation téléologique des arguments solides réfutant la thèse portant que le législateur a intentionnellement opté pour un critère de la totalité des ingrédients. Le choix d’un tel critère comporterait un certain nombre de conséquences que le législateur, je suppose, ne peut pas avoir recherché. Une boisson qui contient tout ingrédient qui n’est pas un produit agricole ou végétal cultivé au Canada ne serait pas admissible à l’exemption. Examinons les ingrédients suivants :

a)     Agents de conservation, colorants ou arômes artificiels : Rien n’indique que l’intention du législateur était de créer une exemption qui ne s’appliquerait qu’à des boissons biologiques; pourtant, telle serait la conséquence d’un critère de la totalité des ingrédients. Les agents de conservation, les colorants ou les arômes artificiels auraient tous pour effet d’exclure une boisson.

b)    Additifs naturels, non agricoles ou qui ne proviennent pas de plantes : Tout additif naturel qui n’est pas un produit agricole ou végétal aurait pour conséquence de soustraire la boisson à l’exemption. Un exemple qui me vient à l’esprit est le sel. Celui‑ci est un ingrédient naturel qui est utilisé en tant qu’additif pour les boissons, mais il n’est pas un produit agricole ou végétal.

c)     Additifs naturels agricoles ou provenant de plantes qui ne sont pas cultivés au Canada : Tous les additifs naturels issus de produits agricoles ou végétaux devraient provenir de produits canadiens. L’appelante a utilisé de l’acide citrique pour ajuster l’acidité de ses boissons. Il m’est difficile de  concevoir que le législateur aurait eu l’intention de refuser l’exemption à tout contribuable qui ne pourrait pas acheter de l’acide citrique fabriqué à partir d’agrumes canadiens. L’appelante a utilisé un arôme naturel de la mangue dans ses cidres à la mangue[24]. De même, il m’est difficile de croire que le législateur aurait eu l’intention de refuser l’exemption à l’appelante à moins que cette dernière se soit procuré de quelque manière des mangues canadiennes. Dans une loi qui visait manifestement à aider les producteurs de vin et les fermiers canadiens, il aurait été illogique, sur le plan politique ou économique, de concevoir une exemption qui était susceptible d’exclure des produits fabriqués à partir de pommes et de raisins canadiens en raison d’un manque de vergers d’oranges et de mangues au Canada.

d)    L’eau : C’est le seul ingrédient important du point de vue du volume qui est présent dans les boissons de l’appelante. Rien n’indique que le législateur était préoccupé par l’utilisation de l’eau dans les boissons, mais, étant donné que l’eau n’est pas un produit agricole ou végétal, l’ajout de l’eau, même en petite quantité, aurait pour conséquence l’inadmissibilité à l’exemption. Quel était l’objectif possible que le législateur espérait réaliser en imposant un droit sur les boissons alcoolisées contenant de l’eau? Il ne serait utile ni aux producteurs de vin ni aux fermiers.

e)     Gazéification : Les boissons de l’appelante étaient gazéifiées, tout comme la plupart des coolers, des cidres et des boissons de fruit « forts ». La gazéification était obtenue par ajout du gaz carbonique. Le législateur ne peut pas avoir eu l’intention d’imposer aux producteurs de vin d’obtenir leur gaz carbonique de produits agricoles ou végétaux canadiens.

[64]        La préoccupation soulevée à l’alinéa 63c) concernant les additifs naturels agricoles ou provenant de plantes qui ne sont pas cultivés au Canada serait présente dans le cas d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux, mais les autres préoccupations soulevées ne le seraient pas.

[65]        Aucune des préoccupations soulevées ci‑dessus ne serait présente si un critère des ingrédients fermentés était utilisé. Selon ce critère, si la fermentation du vin a été effectuée à partir de raisins, les raisins doivent avoir été cultivés au Canada. Si la fermentation du cidre a été effectuée à partir de pommes, les pommes doivent avoir été cultivées au Canada. Étant donné qu’aucun des ingrédients contrevenants décrits ci‑dessus n’aurait été fermenté, une boisson à laquelle ils seraient ajoutés ne serait pas exclue de l’exemption. De même, aucune des préoccupations soulevées ci‑dessus ne serait présente si l’on devait utiliser le critère des ingrédients alcooliques. Selon le critère des ingrédients alcooliques, aucun des ingrédients contrevenants décrits ci‑dessus n’aurait été fermenté ou distillé, de telle sorte que leur ajout ne poserait aucun problème.

[66]        En résumé, les problèmes susmentionnés militent fortement contre un critère de la totalité des ingrédients. Ils militent par ailleurs en faveur d’un critère des ingrédients fermentés ou d’un critère des ingrédients alcooliques plutôt qu’en défaveur d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

Objet de l’exemption

[67]        Dans l’ensemble, l’objet de l’exemption milite fortement contre un critère de la totalité des ingrédients, mais milite en faveur des trois autres critères.

[68]        Il me semble que l’exemption avait pour objet d’aider les producteurs de vin et les fermiers canadiens. Cela dit, les besoins des deux groupes sont contradictoires. Les fermiers veulent vendre de nombreux produits agricoles ou végétaux à un prix élevé. Les producteurs de vin veulent acheter des produits agricoles ou végétaux à un prix peu élevé. Ils souhaitent également pouvoir respecter facilement les exigences relatives à l’exemption afin de ne pas devoir payer de droit. Ainsi, les producteurs de vin préféreraient un critère qui englobe le moins d’ingrédients possible et qui vise principalement les ingrédients qui sont facilement accessibles au Canada. Les fermiers préféreraient un critère qui englobe un grand nombre d’ingrédients, mais dans une mesure qui n’empêcherait pas les producteurs de vin de bénéficier de l’exemption.

[69]        Un critère de la totalité des ingrédients nuit aux producteurs de vin, car il restreint indûment la liste des ingrédients qu’ils peuvent utiliser pour créer des boissons commercialisables. Il nuit ainsi aux fermiers, car il rend les producteurs de vin peu enclins à satisfaire aux critères relatifs à l’exemption, et partant, peu enclins à acheter les produits agricoles ou végétaux offerts par les fermiers. Par exemple, si les producteurs de vin se rendaient compte qu’ils ne pourraient jamais être admissibles à l’exemption en raison du fait que l’un des ingrédients présents dans leurs boissons est de l’eau, ils seraient vraisemblablement plus portés à acheter des pommes importées qui sont moins chères au lieu d’acheter des pommes canadiennes, et ce, au détriment des fermiers canadiens.

[70]        Un critère des ingrédients agricoles ou végétaux élimine les restrictions inutiles imposées par un critère de la totalité des ingrédients, mais il demeure susceptible de poser des problèmes aux producteurs de vin qui utilisent des produits agricoles ou végétaux, tels que l’acide citrique ou la mangue, qui ne sont pas faciles à obtenir à partir de produits cultivés au Canada. Les fermiers ne peuvent pas tirer profit d’une exigence d’acheter des produits qu’ils ne cultivent pas, mais ils profitent de l’inclusion du plus grand nombre possible de leurs produits.

[71]        Le critère des ingrédients fermentés est le critère le moins restrictif et est par conséquent le plus utile pour les producteurs de vin. Toutefois, il offre beaucoup moins d’aide aux fermiers étant donné qu’il n’englobe aucun produit agricole ou végétal qui n’est pas fermenté. En particulier, comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après, le sucre, les jus de fruit et les concentrés de jus de fruit ajoutés après fermentation ne seraient pas visés. Parallèlement, il permet d’éviter les restrictions indues liées au critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

[72]        Le critère des ingrédients alcooliques est plus utile pour les fermiers que le critère des ingrédients fermentés, parce qu’il englobe les produits agricoles ou végétaux utilisés pour fabriquer des spiritueux qui servent à la fortification du vin, mais il demeure susceptible d’exclure de nombreux produits agricoles ou végétaux.

[73]        En résumé, l’objectif de l’exonération milite fortement contre un critère de la totalité des ingrédients, mais milite en faveur des trois autres critères. Généralement, un critère des ingrédients fermentés ou un critère des ingrédients alcooliques permet de mieux répondre à l’objectif d’aider les producteurs de vin et le critère des ingrédients agricoles ou végétaux permet de mieux répondre à l’objectif d’aider les fermiers.

Échappatoire du vin fortifié

[74]        Le critère des ingrédients fermentés crée une lacune qui nuit à l’objectif de l’exemption. Cette lacune est absente des autres critères.

[75]        Un critère des ingrédients fermentés sert à déterminer si le vin a été [traduction] « entièrement produit à partir de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ». Étant donné que le mot « produit » s’entend du « fait de [l’]obtenir par la fermentation », un critère des ingrédients fermentés vise à déterminer si le produit agricole ou végétal qui a été fermenté a été cultivé au Canada. Tout produit agricole ou végétal utilisé pour créer des spiritueux qui servent à la fortification du vin n’est pas visé par le critère des ingrédients fermentés étant donné que ces ingrédients n’ont pas été fermentés.

[76]        À titre d’exemple, supposons qu’un vin fabriqué à partir de raisins est fortifié à l’aide de vodka produite par distillation du grain. Le « vin » ainsi obtenu est « fabriqué à partir de » raisins et de grains, et est « composé de » raisins et de grains, mais est « produit à partir de » raisins. La raison en est que les raisins sont fermentés, mais la vodka est distillée.

[77]        La différence que présentent les vins fortifiés résulterait en une lacune importante dans la loi si le critère des ingrédients fermentés était utilisé. Les spiritueux importés sont assujettis aux droits de douane. Ils sont exemptés de ces droits s’ils servent à fortifier le vin[25]. Ainsi, si un spiritueux est importé et sert ensuite à fortifier le vin, peu importe la faible quantité de vin fermenté que comporterait la boisson qui en résulterait, dans la mesure où la partie fermentée du vin aura été fabriquée à partir de produits agricoles ou végétaux canadiens, la boisson serait exemptée de droits de douane. L’exemption des droits à l’importation serait accordée dès la fortification et l’exemption visant à encourager les producteurs de vin et les fermiers canadiens serait appliquée pour exempter de droits une boisson dont le contenu en alcool a été principalement fabriqué à partir de grains non canadiens.

[78]        La lacune relevée est absente des trois autres critères. Dans l’exemple ci‑dessus, un critère des ingrédients alcooliques engloberait la vodka importée. La boisson serait « fabriquée à partir de » raisins et de grains. Étant donné que les grains ne seraient pas des grains canadiens, l’exemption ne jouerait pas. Un critère de la totalité des ingrédients et un critère des ingrédients agricoles ou végétaux engloberaient aussi la vodka, parce que, même s’il s’agissait d’un ingrédient qui aurait été fabriqué à partir d’un produit agricole ou végétal, ce produit n’aurait pas été canadien.

[79]        Il ne s’agit pas d’un problème théorique. La grande partie de la teneur en alcool des boissons de l’appelante provient de spiritueux servant à la fortification qui ont été ajoutés au cidre, non pas du cidre lui‑même[26]. Un petit nombre des boissons de l’appelante a été fabriqué à l’aide de spiritueux importés. L’appelante a admis que des droits visent ces boissons. Toutefois, s’il fallait appliquer le critère des ingrédients fermentés, ces boissons n’auraient pas été assujetties à des droits malgré le fait que la grande partie de leur teneur en alcool aurait été obtenue à partir des spiritueux importés.

[80]        Avant de poursuivre, j’aimerais formuler une autre observation au sujet de l’échappatoire relevée. L’intimée a concentré une partie de son argumentation sur le rôle que joue l’alinéa 131.2(1)b), mais je n’en vois pas très bien la raison. L’alinéa 131.2(1)b) porte sur un procédé qui est à l’opposé de la fortification. Il vise les spiritueux auxquels on a ajouté du vin, mais qui demeurent des spiritueux. Selon cette disposition, la production de ces spiritueux est réputée avoir lieu au moment du mélange avec le vin. L’alinéa 131.2(1)b) est une partie essentielle des dispositions qui imposent des droits sur les spiritueux. Les droits sont imposés en fonction du moment de la production des spiritueux[27]. Ils sont payés sur le volume des spiritueux produits. Si du vin est par la suite ajouté aux spiritueux, le volume des spiritueux obtenus suite au mélange augmente. Ainsi, sauf si, selon l’alinéa 131.2(1)b) de la Loi, la production est réputée avoir lieu au moment du mélange, aucun droit ne s’applique à ce volume d’alcool supplémentaire. Ce problème ne se pose pas pour le vin. Les droits sont imposés sur le vin en fonction du moment de l’emballage. Par conséquent, tout spiritueux mélangé avec du vin fait déjà partie du volume sur lequel les droits seront appliqués en fonction du moment de l’emballage.

[81]        Je ne crois pas pouvoir tirer une interprétation contextuelle ou téléologique de l’alinéa 131.2(1)b), étant donné que cette disposition répond à un objectif (veiller à ce que la totalité du volume des spiritueux soit assujettie aux droits, au lieu d’une partie seulement) qui n’a pas trait au vin. Dans le cas de l’appelante, soit la totalité du volume du vin sera exemptée de droits, parce que l’exemption joue, soit la totalité du volume du vin sera assujettie aux droits, parce que l’exemption ne joue pas. Il n’existe pas de situation dans laquelle la partie du volume du vin qui provient de vin fermenté sera assujettie aux droits, et la partie qui provient des spiritueux ne le sera pas, ou vice versa. Je ne vois donc pas en quoi l’alinéa 131.2(1)b) peut être utile. Je comprends qu’une disposition comme l’alinéa 131.2(1)b), selon laquelle le vin mélangé avec des spiritueux est réputé avoir été produit au moment du mélange, pourrait éliminer la lacune créée par le vin fortifié. Toutefois, une telle disposition ne figure pas dans la Loi, et je n’en créerai certainement pas une au nom du législateur. Étant donné qu’il n’existe aucune exemption de droits pour les spiritueux qui sont composés entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada, l’objet de l’alinéa 131.2(1)b) n’est manifestement pas d’éliminer une lacune équivalente. Par conséquent, je ne peux même pas déduire de l’alinéa 131.2(1)b) une intention de la part du législateur d’éviter des lacunes semblables. En résumé, je conclus que l’alinéa 131.2(1)b) invoqué par l’intimée n’est pas utile.

Sucre, jus de fruit et concentré de jus de fruit

[82]        Le traitement du sucre[28], du juge de fruit et du concentré de jus de fruit est une question importante. Du jus de fruit ou du concentré de jus de fruit peuvent être fermentés pour créer de l’alcool, mais ils peuvent aussi être ajoutés après fermentation pour renforcer l’arôme ou le goût sucré. Du sucre peut être ajouté au cours du processus de fermentation pour augmenter la teneur en alcool et le goût sucré, mais il peut aussi être ajouté après le processus de fermentation pour rehausser le goût sucré.

[83]        Il est difficile de déterminer le traitement que le législateur a voulu réserver au sucre, au jus de fruit et au concentré de jus de fruit. Manifestement, le législateur voulait aider les fermiers canadiens. Compte tenu de la quantité de fruits utilisée dans la fabrication du vin, le législateur voulait vraisemblablement aider les fruiticulteurs canadiens. Par conséquent, il semble peu probable que le législateur ait voulu opérer une distinction entre le jus de fruit ou le concentré de jus de fruit qui a été fermenté et le jus de fruit ou le concentré de jus de fruit qui a été ajouté à des fins d’aromatisation. Qu’ils soient fermentés ou pas, le jus de fruit et le concentré de jus de fruit proviennent de fruits et les fruiticulteurs cultivent des fruits.

[84]        Il me semble peu probable que le législateur ait voulu aider les cultivateurs canadiens de betteraves, mais je n’ai aucun moyen de le savoir. Il se pourrait fort bien que le législateur ait aussi souhaité aider l’industrie canadienne du sucre.

[85]        Il est difficile de concevoir un critère fondé sur des produits agricoles ou végétaux ayant le moindre rapport avec le libellé de l’exemption qui viserait le jus de fruit et le concentré de jus de fruit, mais qui exclurait le sucre. Les deux types d’ingrédients vont réellement de pair. Tous deux sont des produits agricoles ou végétaux. Tous deux peuvent être ajoutés avant ou après fermentation. Tous deux sont des édulcorants. Tous deux peuvent augmenter la teneur en alcool. La seule véritable différence réside dans le fait que le jus de fruit et le concentré de jus de fruit peuvent aussi ajouter de l’arôme.

[86]        Un critère de la totalité des ingrédients ou un critère des ingrédients agricoles ou végétaux engloberaient tout sucre, jus de fruit ou concentré de jus de fruit ajouté au vin, peu importe la raison, étant donné que tous ces produits sont des produits agricoles ou végétaux.

[87]        Un critère des ingrédients fermentés engloberait tout jus de fruit ou concentré de jus de fruit qui a été fermenté, mais ne viserait aucun jus de fruit ou concentré de jus de fruit ajouté après le processus de fermentation. Je crois que le sucre ajouté au cours du processus de fermentation est lui‑même fermenté; cependant mais je ne dispose pas de renseignements suffisants pour affirmer ce fait avec certitude. Si tel est le cas, alors tout sucre ajouté au cours de la fermentation serait visé par un critère des ingrédients fermentés. Tout sucre ajouté après fermentation ne serait pas visé par ce critère.

[88]        Un critère des ingrédients alcooliques s’appliquerait de la même façon qu’un critère des ingrédients fermentés. La seule différence résiderait dans le fait que tout spiritueux servant à la fortification du vin ne pourrait pas être fabriqué à partir de sucre, de jus de fruit ou de concentré de jus de fruit non canadiens. Par exemple, si du vin était fortifié à l’aide de rhum obtenu par distillation du sucre, ce sucre devrait être du sucre canadien.

[89]        En résumé, si le but du législateur était d’aider les fruiticulteurs canadiens, la meilleure façon de l’atteindre est de veiller à ce que le jus de fruit et le concentré de jus de fruit soient visés, sans égard au moment où ils sont utilisés dans le processus. Ce but milite en faveur d’un critère de la totalité des ingrédients ou d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux. Bien que le législateur ait peut‑être voulu que le sucre soit traité différemment du jus de fruit et du concentré de jus de fruit, à moins que le sucre ne soit pas lui‑même fermenté, aucun des critères ne traite réellement le sucre, le jus de fruit et le concentré de jus de fruit de manière différente.

Application de l’exemption

[90]        Les parties m’ont présenté divers documents précisant la manière dont l’ARC considère le critère des ingrédients; cependant, je ne me suis pas fondé sur ceux‑ci pour déterminer l’objet de l’exemption. À mon avis, il est évident que ces documents ne reflètent pas l’interprétation que l’ARC fait de l’exemption adoptée par le législateur, ils reflètent plutôt une exemption que l’ARC a elle‑même conçue sans trop tenir compte du libellé de loi. La position de l’ARC semble être ce qui pourrait être mieux décrit comme étant un critère des ingrédients agricoles ou végétaux qui ne tient pas compte du fait que le sucre est un produit agricole ou provenant d’une plante, et qui ne tient compte d’aucun produit agricole ou provenant d’une plante qui est un « ingrédient secondaire » ou un « additif alimentaire », à moins que cet ingrédient ou additif se révèle être un jus de fruit[29]. Il en découle peut‑être un critère pratique, mais il ne s’agit pas d’un critère que l’on peut dégager de quelque façon que ce soit de la loi.

Conclusion relative aux ingrédients visés par le critère des ingrédients

[91]        Dans l’ensemble, l’analyse téléologique milite en faveur soit d’un critère des ingrédients alcooliques soit d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

[92]        Il ressort de l’utilisation du critère des ingrédients fermentés dans le premier avant‑projet de loi relatif à l’exemption et du critère de la totalité des ingrédients dans la version finale que le législateur a intentionnellement décidé de s’écarter du critère des ingrédients fermentés. Il se peut que le législateur se soit rendu compte de la lacune créée par un critère des ingrédients fermentés et qu’il ait voulu l’éviter. En tout état de cause, l’interprétation qui est contraire à l’objet de l’exemption en créant une lacune doit être évitée.

[93]        En utilisant un critère de la totalité des ingrédients, le législateur s’est heurté à un certain nombre de problèmes importants qui ont nui au but même qu’il tentait d’atteindre.

[94]        Le critère des ingrédients alcooliques et le critère des ingrédients agricoles ou végétaux vont tous les deux dans le sens de l’objet de l’exemption. Le premier aide davantage les producteurs de vin et le dernier aide davantage les fermiers (les fruiticulteurs en particulier).

[95]        Alors que le critère des ingrédients alcooliques bénéficie d’un appui dans le budget, les renseignements supplémentaires et le communiqué de presse se rapportant à la deuxième tentative de faire adopter l’exemption, le critère des ingrédients agricoles ou végétaux ne dispose pas d’un tel appui.

[96]        Compte tenu de ce qui précède, l’analyse téléologique milite en faveur soit d’un critère des ingrédients alcooliques soit d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux, le premier ayant bénéficié d’un plus grand appui dans les travaux préparatoires.

Moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué

[97]        Je me pencherai à présent sur une analyse téléologique du moment en fonction duquel chacun des quatre critères plausibles doit être appliqué.

[98]        Le critère de la totalité des ingrédients pourrait être appliqué soit en fonction du stade de la fermentation soit en fonction de celui de l’emballage. L’analyse téléologique suppose qu’un critère de la totalité des ingrédients doit être appliqué en fonction du stade de la fermentation. L’application d’un critère de la totalité des ingrédients nuit gravement à l’objet de l’exemption. Il serait moins préjudiciable à cet objet s’il était appliqué en fonction du stade de la fermentation plutôt que de celui de l’emballage, étant donné que peu d’ingrédients seraient visés.

[99]        Étant donné qu’un critère des ingrédients fermentés ne tient compte que du produit agricole ou végétal qui est fermenté, il serait inutile de l’appliquer en fonction d’un autre moment que celui de la fermentation.

[100]   Un critère des ingrédients alcooliques ou un critère des ingrédients agricoles ou végétaux pourrait être appliqué en fonction du moment de la fermentation ou de celui de l’emballage. Toutefois, dans la mesure où il est plus facile de réaliser l’objet de l’exemption en l’absence de la lacune relative au vin fortifié, c’est en fonction du moment de l’emballage qu’il convient le mieux d’appliquer l’un ou l’autre des deux critères.

G.      Conclusion de l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique

[101]   En résumé, s’il existe une ambiguïté sur le plan textuel quant au moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué, il n’en existe absolument pas quant à savoir quels ingrédients il doit viser. Les mots « composé entièrement de » n’autorisent aucune autre acception que celle selon laquelle tout ingrédient contenu dans le vin doit répondre au critère. Le sens de ces mots est très différent de celui des mots « entièrement produit à partir de » et « fabriqué entièrement à partir de » et n’est même pas proche du sens exigé pour l’application d’un critère des ingrédients agricoles ou végétaux. L’analyse contextuelle n’est d’aucun secours. L’analyse téléologique milite contre le critère des ingrédients fermentés et fortement contre le critère de la totalité des ingrédients, mais milite en faveur du critère des ingrédients alcooliques ou du critère des ingrédients agricoles ou végétaux.

[102]   À l’occasion de l’affaire Hypothèques Trustco Canada c. Canada[30], la Cour suprême du Canada a clairement précisé que, lorsqu’il est question d’interpréter une disposition fiscale, l’analyse téléologique peut dégager une ambiguïté latente dans un texte apparemment clair. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Il résulte de l’analyse téléologique que le texte clair nuit fortement à l’objet de l’exemption, mais il n’en ressort aucune ambiguïté latente; ce texte demeure parfaitement clair.

[103]   Si l’analyse téléologique avait démontré qu’il était impossible de fabriquer du vin en utilisant seulement des produits agricoles ou végétaux, il aurait été manifeste qu’il existe une ambiguïté sur le plan textuel. Il aurait fallu accorder aux mots « composé entièrement de » un autre sens que leur sens grammatical ordinaire. Par exemple, si je dis [traduction] « cette voiture est entièrement composée d’acier produit au Canada » et, comme on sait qu’il est impossible de fabriquer une voiture en utilisant uniquement de l’acier, on adapte forcément le sens grammatical ordinaire de l’expression et on l’interprète dans le sens où tout acier présent dans la voiture a été produit au Canada. En d’autres termes, l’analyse téléologique de la manière selon laquelle les voitures sont fabriquées révèle l’existence d’une ambiguïté dans le texte et l’on adapte par conséquent le sens grammatical ordinaire des mots pour la rendre logique. Le problème qui se pose au sujet de l’exemption en question, c’est qu’il n’existe aucun élément de preuve selon lequel il est impossible ou même difficile de fabriquer du vin en utilisant uniquement des produits agricoles ou végétaux. L’appelante a fermenté le cidre en n’utilisant rien d’autre que des pommes[31]. Certes, il existe des produits comme ceux de l’appelante dans lesquels d’autres ingrédients sont utilisés, mais il n’est aucunement obligatoire d’utiliser de tels ingrédients pour créer du « vin ». Ainsi, bien que l’analyse téléologique ait révélé l’existence de cas dans lesquelles des ingrédients qui sont ajoutés empêcheront une boisson d’être admissible à l’exemption, elle n’a pas révélé une ambiguïté manifeste dans le texte. Le texte, tel qu’il est libellé, est toujours applicable.

[104]   Le fait qu’il existe une ambiguïté relativement au moment en fonction duquel le critère doit être appliqué ne crée pas d’ambiguïté au sujet des ingrédients à l’égard desquels le critère doit être appliqué. Le critère vise tous les ingrédients. Il n’est peut‑être pas clair, sur le plan textuel, si le critère s’applique à tous les ingrédients en fonction du moment de la fermentation ou à tous les ingrédients en fonction du moment de l’emballage, mais il reste clair qu’il s’applique à tous les ingrédients.

[105]   Il ne m’appartient pas d’avoir recours à l’analyse téléologique pour passer outre à une disposition ambiguë. À cet égard, la Cour suprême du Canada a formulé les observations suivantes à l’occasion de l’affaire Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances)[32] :

Le degré de précision et de clarté du libellé d’une disposition fiscale influe donc sur la méthode d’interprétation. Lorsque le sens d’une telle disposition ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l’appliquer. La mention de l’objet de la disposition [traduction] « ne peut pas servir à créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » : voir P. W. Hogg, J. E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law (5éd. 2005), p. 569; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622. Lorsque, comme en l’espèce, la disposition peut recevoir plus d’une interprétation raisonnable, il faut accorder plus d’importance au contexte, à l’économie et à l’objet de la loi en question. Par conséquent, l’objet d’une loi peut servir non pas à mettre de côté le texte clair d’une disposition, mais à donner l’interprétation la plus plausible à une disposition ambiguë.

[Non souligné dans l’original.]

[106]   Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le critère des ingrédients est un critère de la totalité des ingrédients.

[107]   La question qui subsiste est de savoir le moment en fonction duquel le critère des ingrédients doit être appliqué. Ni le texte ni le contexte ne donnent d’indication sur cette question. Par conséquent, il m’est loisible de me fonder sur l’objet de l’exemption pour examiner la question relative au moment. L’application du critère en fonction du moment de la fermentation sera moins préjudiciable à l’objet de l’exemption que son application en fonction du moment de l’emballage. Par conséquent, je conclus que le critère doit être appliqué en fonction du moment de la fermentation. Je suis conscient du fait que cette conclusion ne permet pas d’éliminer la lacune relative au vin fortifié, mais j’estime qu’il s’agit d’un moindre mal. Il vaut mieux qu’une boisson contentant des spiritueux importés soit exemptée de droits plutôt qu’une boisson soit assujettie aux droits simplement parce que de l’eau, de la gazéification, des arômes, des colorants, des conservateurs ou d’autres additifs ont été ajoutés après fermentation.

[108]   Par souci de clarté, selon cette conclusion, l’alinéa 135(2)a) serait interprété comme visant le vin [traduction] « produit au Canada qui, au moment où il est produit, est composé entièrement de produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada ».

[109]   Je reconnais que la présente décision donnera lieu à des problèmes de production et/ou à des difficultés financières considérables pour de nombreux producteurs de vin. En particulier, si, comme je l’ai compris, le sucre est fermenté, le sucre non canadien qui est ajouté au stade de la fermentation ne permettra pas d’obtenir l’exemption. De même, l’ajout de tout conservateur qui n’est pas un produit agricole ou végétal cultivé au Canada résultera en l’exclusion de la boisson. Les producteurs de vin demanderont vraisemblablement au législateur de modifier le texte de l’exemption pour qu’il traduise mieux les fins visées ou pour qu’il présente une meilleure utilité pratique. Il ne m’appartient pas d’effectuer la modification pour eux.

H.      Application aux boissons de l’appelante

[110]   Il n’est nullement controversé entre les parties que les seuls ingrédients qui ont été ajoutés au cidre de l’appelante au cours de la fermentation étaient des produits agricoles ou végétaux cultivés au Canada. Le jus de pomme concentré en question a été ajouté après la fermentation. Par conséquent, l’exemption vise le cidre de l’appelante.

[111]   Une petite partie des boissons de l’appelante a été fortifiée à l’aide de spiritueux importés. L’appelante s’est vu imposer des droits de douane de 39 970,28 $ sur ces boissons. Elle a admis qu’elle était tenue de payer des droits sur ces boissons. Je n’étais donc plus saisi de cette question. Par conséquent, bien que j’aie conclu que ces boissons seraient admissibles à l’exemption, je ne peux pas me prononcer à cet égard.

I.       Décision

[112]   L’appel est accueilli et l’affaire est déférée au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les droits de douane imposés à l’appelante doivent être réduits de 1 967 652,27 $ (soit les droits de douane établis à 2 007 662,55 $ moins le montant de 39 970,28 $ concédé relativement aux boissons fabriquées au moyen de spiritueux importés).

J.       Dépens

[113]   Les dépens sont adjugés à l’appelante. Les parties auront 60 jours à compter de la date du présent jugement pour s’entendre sur les dépens, à défaut de quoi elles disposeront de 30 jours supplémentaires pour déposer des observations écrites sur les dépens. Ces observations ne dépasseront pas dix pages. Si les parties n’avisent pas la Cour qu’elles sont parvenues à une entente et que des observations ne sont pas présentées, les dépens seront accordés à l’appelante conformément au tarif.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 26 e jour de juillet 2017.

 

« David E. Graham »

Juge Graham

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2017.

 

 

François Brunet, jurilinguiste.



RÉFÉRENCE :

2017 CCI 141

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-4008(EA)G

INTITULÉ :

THE MARK ANTHONY GROUP INC. c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 14 et 15 décembre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 juillet 2017

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Edwin G. Kroft

Me Deborah Toaze

Avocat de l’intimée :

Me Charles M. Camirand

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Edwin G. Kroft

 

Cabinet :

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           L.C. 2002, ch. 22 (la « Loi »).

[2]           Toutes les définitions contenues dans ce paragraphe figurent à l’article 2. Tous les renvois à des numéros d’articles dans les notes de bas de page se rapportent à l’article pertinent de la Loi.

[3]           Il n’est pas nécessaire, aux fins du présent appel, que je me prononce sur la différence entre les produits agricoles et les produits provenant d’une plante, ou que je tranche la question de savoir quel type de produits sont les pommes.

[4]           Article 2.

[5]           Paragraphe 135(3) et (4).

[6]           Article 2.

[7]               The Oxford English Dictionary, 2e éd. sub verbo « compose »

[8]           Projet de loi C-451, Loi modifiant la Loi de 2001 sur l’accise (dispense de droits sur le vin), 1re session., 38e législature, 2005.

[9]           Article 2.

[10]          Ministère des Finances, Le Plan budgétaire de 2006, Cibler les priorités, p. 80; Ministère des Finances, Le Plan budgétaire de 2006, Cibler les priorités, Annexe 3, Mesures fiscales : renseignements supplémentaires et Avis de motion de voies et de moyens, p. 235; Ministère des Finances, Le gouvernement du Canada réduit davantage le fardeau fiscale des vineries et des brasseries canadiennes, communiqué de presse 2006-027 du Ministère des Finances, 28 juin 2006.

[11]          The Oxford English Dictionary, 2e éd. sub verbo « made ».

[12]          Paragraphes 135(3) et (4).

[13]          Article 2.

[14]          Article 2.

[15]          La cuve doit avoir une capacité supérieure à 100 litres pour ne pas être visée par les règles relatives à l’emballage.

[16]          Projet de loi C-451, Loi modifiant la Loi de 2001 sur l’accise (dispense de droits sur le vin), 1re session., 38e législature, 2005.

[17]          Ministère des Finances, Le Plan budgétaire de 2006, Cibler les priorités, p. 80.

[18]          Ministère des Finances, Le Plan budgétaire de 2006, Cibler les priorités, Annexe 3, Mesures fiscales : renseignements supplémentaires et Avis de motion de voies et de moyens, p. 235.

[19]          Ministère des Finances, Le nouveau gouvernement du Canada réduit davantage le fardeau fiscal des vineries et des brasseries canadiennes, communiqué de presse 2006‑027 du ministère des Finances, 28 juin 2006.

[20]          Ministère des Finances, Propositions législatives modifiant la loi de 2001 sur l’accise et la loi sur l’accise ­­– bière et vin canadiens, paragraphe 2(1).

[21]          Ministère des Finances, Avis de motion de voies et moyens portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, article 57.

[22]          Ministère des Finances, Notes explicatives concernant les mesures d’impôt résiduelles du budget de 2006, l’imposition des dividendes et les producteurs canadiens de vin et de bière , octobre 2006, à la page 92.

[23]          Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, LC 2007, c 2, paragraphe 57(1).

[24]          Par souci de précision, il convient de souligner qu’aucune mangue n’était fermentée pour créer du cidre. L’arôme de mangue était ajouté après le processus de fermentation.

[25]          Paragraphe 130(2).

[26]          Dans le but d’assurer la confidentialité des recettes de l’appelante, je ne nommerai pas le spiritueux ni ne donnerai les mesures précises. Je me contenterai de dire que la teneur en en alcool du spiritueux servant à la fortification est de loin plus importante que la teneur en alcool du cidre et qu’en plus, le volume du spiritueux servant à la fortification ajouté aux boissons est de loin supérieur au volume du cidre ajouté.

[27]          Article 122.

[28]          Dans la présente analyse, le sucre comprend le sirop de maïs.

[29]          Avis sur les droits d’accise 15 – Renseignements supplémentaires sur l’exonération des droits d’accise sur le vin entièrement canadien, juin 2006; Mémorandum sur les droits d’accise 4‑1‑1, Producteurs et emballeurs de vin, juillet 2003 (révisé en janvier 2007 et en juin 2014).

[30]          2005 CSC 54.

[31]          L’appelante a ensuite pris ce cidre et l’a mélangé avec d’autres ingrédients pour fabriquer sa boisson finale. Toutefois, si elle s’était simplement arrêtée une fois que le cidre avait été fermenté, elle aurait fabriqué du « vin » en n’utilisant que des produits agricoles ou végétaux.

[32]          2006 CSC 20, au paragraphe 23.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.